Une nouvelle fois, après Stray, Tchia ou encore Meet Your Maker, Sony offre un nouveau coup de projecteur à l’un des titres inédits de son catalogue, à savoir Humanity, en l’incluant directement dans les avantages liés au PlayStation Plus. Soulignons-le d’emblée : faire ce choix pour Humanity est peut-être là la meilleure idée qu’ait eu Sony pour enrichir l’offre de son abonnement payant. Aperçu récemment lors d’un State of Play, où il était l’une des vitrines technologiques du PSVR 2, Humanity est le fruit de cinq années de travail et de la fusion entre une société spécialisée dans le design et les technologies et le brillant créateur Tetsuya Mizuguchi, à qui l’on doit Rez ou encore Child of Eden.

Forcément, avec une telle base créative, il fallait s’attendre à une expérience peu banale et conceptuelle. Toutefois, nous n’aurions jamais pensé en ressortir avec autant de superlatifs en tête. Lors de son apparition au State of Play, son idée générale nous avait certes amusé mais pas forcément laissé une marque indélébile. Puis, il y a eu l’argument de l’inclusion au catalogue PlayStation Plus, un spot publicitaire japonais particulièrement savoureux (à visionner en tête d'article) et, surtout, la perspective de contrôler un Shiba Inu fait de lumière. Sony a-t-il réussi à nous redonner foi en l’humanité ? Mieux que ça, il nous a poussé à la sauver à tout prix et à la chérir de tout notre cœur de joueur. On y a joué quelques heures et on vous en parle !

Un concept tout sauf aux abois

Pour sauver l’humanité, les rôles s’inversent. De but en blanc, on se réveille dans la peau d’un Shiba Inu qui doit non pas suivre les instructions de son maître mais en donner à une véritable marée humaine afin de guider chaque individu qui la composent vers la lumière. Bref, tout un symbole ! Pour autant, Humanity n’est pas aussi complexe qu’il est métaphysique et ça, pour celles et ceux qui n’ont pas l’habitude des puzzle games, c’est un régal. Accessible et intuitif à la fois, Humanity est de la trempe de ces titres qui nous mettent les méninges sens dessus dessous sans pour autant nous faire des nœuds au cerveau, et ce, d’un bout à l’autre de son mode Scénario. Un prologue nous apprend les bases et l’on finit par vite se prendre au jeu, aboyant avec parcimonie — la méthode qu’utilise notre héros canin pour que le troupeau d’humains suive les instructions à la lettre — pour atteindre la ligne d’arrivée de chaque tableau. Eh oui, pas de monde ouvert ici mais une succession de tableaux au sein de différentes séquences (Éveil, Choix, Destin, …).

Pour pimenter la résolution de chaque énigme, Humanity met à l’épreuve nos capacités cérébrales en nous incitant à remplir des tâches secondaires. Aussi simples que le concept de base, elles consistent à récupérer des Goldy (des humains dorés symbolisant « ce que les gens désirent, tiennent à cœur, vénérent… ») en ajustant le parcours de notre marée d’individus de façon à ce qu’ils se fondent dans la masse et se dirigent, eux aussi, vers la lumière. Plus vous remplirez ces objectifs, plus le jeu vous donnera accès à des récompenses et à des fonctionnalités qui peuvent parfois s’avérer utiles dans le jeu (niveaux à débloquer, possibilité de manipuler plus librement la caméra, skins…). Comme un bon casse-tête, il faut souvent retourner le problème (ou plutôt le puzzle) dans tous les sens, notamment parce que Humanity joue habilement sur les perspectives et nous demande d’être particulièrement attentif à nos placements de caméra.

De fil en aiguille, on affine notre instinct animal de sauveur et l’on se retrouve à accompagner aisément notre file indienne d’humains : une fois que l’on est suffisamment rôdé, Humanity nous donne la possibilité de mettre un petit coup d’accélérateur (en enfonçant l’une des gâchettes) ce qui nous évite de piquer du nez durant cette succession de balades. En l’espace de quelques minutes, on se dit que le concept de Humanity a du chien et qu’il aurait été plus que dommage de passer à côté. À noter que, si l’humanité a besoin d’un guide, elle a également besoin des joueurs. À l’image de Meet Your Maker, l’un des précédents titres qui a eu l’honneur de rejoindre le catalogue « gratuit » du PlayStation Plus à sa sortie, Humanity propose un éditeur de niveaux (en phase de bêta) et permet de se frotter aux créations des autres joueurs, aussi à l’aise dans la résolution que dans la construction de puzzles.

Collectif mais tissé : l'art d'avancer ensemble

Véritable ovni vidéoludique et reflet de la culture nippone (le Shiba Inu, chien le plus populaire au Japon, et ces attroupements de quidams inspirés des foules, cadrées et sans fin, que l’on peut croiser dans les conventions tokyoïtes), Humanity détonne. Effectivement, manipuler une telle foule d’humains n’aura jamais été aussi grisant que dans ce jeu né d’une démo technologie projetée dans les allées d’une conférence Unity. Certes, sans la quantité infiinie de coquilles vides dénuées d’âme, d’intellect ou encore de libre arbitre que l'on doit sauver, Humanity perdrait une grand part de son propos. Malgré tout, l’essentiel vient de notre capacité à faire le lien entre ce groupuscule et « la lumière », tel le fil d’Ariane que l’on incarne en allant d’un point A à un point B, et à contrecarrer chaque problème qui nous fait face en optimisant la moindre de nos instructions. D'ailleurs, tout ceci devient d’autant plus jouissif au fur et à mesure que l’on débloque des fonctionnalités qui nous soulagent dans ce voyage de longue haleine, comme le simple fait d’arrêter le temps pour mieux planifier les trajectoires. Ceci dit, la courbe de progression et de difficulté est maîtrisée de bout en bout, avec des énigmes loin d’être inhumaines, ce qui fait que Humanity conserve une sensation grisante sans jamais baigner dans la frustration.

Au final, on se retrouve à devoir jongler avec pas mal de mécaniques et de combinaisons mais l’on ne cesse d’apprécier le fait d’être aux premières loges de ce ballet de serpentins humains qui, selon certaines dispositions, nous rappelle nos vieux souvenirs sur Snake. Bien organiser ses virages, enjamber un carrefour humain en plaçant un saut pile poil là où il faut, gagner de la hauteur ou de la distance, gérer correctement les atterrissages en fonction des différences de niveau… Humanity propose une gymnastique cognitive des plus complètes, et ce n’est pas tout. Avant de se lancer corps et âme vers le cap lumineux de chaque tableau, il faut bien étudier l’environnement et, parfois, imbriquer les bons éléments pour construire les axes les plus sûrs et les plus susceptibles de cocher toutes les cases, en référence aux tâches secondaires des Goldy. À vous de vous triturer les méninges face aux nouveautés introduites dans chaque séquence (blocs à déplacer, limites d’utilisation des pouvoirs, systèmes de tapis roulants, ventilateurs, planification du trajet en différé…) car, n’oubliez pas, vous n’êtes pas seul mais l’humanité compte sur vous.

L’humanité sous son meilleur jour

Humanity est-il exempt de tout reproche ? À peu de choses près, cela pourrait faire office de sujet de dissertation et, à n’en pas douter, comme nous le confirme notre essai, les instigateurs de ce projet vidéoludique rendraient une copie quasi-parfaite. Le petit bémol, si l’on voulait être un brin tatillon, ce serait le fait que la bande-son du jeu propose parfois des musiques légèrement crispantes — même si l’on peut modifier tout cela en les changeant à la volée après avoir récupéré suffisamment de Goldy — et que Humanity se repose un chouïa sur ses lauriers au moment de nous servir des tableaux annexes qui, quelquefois, ne sont que des versions remaniées d’anciens parcours orignaux.

En revanche, ce qui fait briller ce titre, c’est qu’il a l’intelligence de ne pas être punitif envers le joueur, quand bien même le challenge se corse au fur et à mesure — en donnant, par exemple, plusieurs files d’humains à superviser — et perd l’aspect agréable et détendu de ses premières phases. Si tel ou tel puzzle peut paraître facile voire évident aux yeux de certains, il ne l’est peut-être pas pour d’autres. Aussi, plutôt que de bloquer votre avancée, le jeu vous donne la possibilité de visualiser une solution vidéo. En faisant cela, Humanity nous fait comprendre, tout en épousant à la perfection son propos, qu’il n’y a pas de mal à demander de l’aide et qu’il est encore possible de compter sur autrui lorsqu’on en a besoin.

Ceci étant dit, bien que Humanity puisse voler à votre secours, la clé de la réussite et de la progression consiste à essayer et à tâtonner sans cesse jusqu’à avoir cet éclair de lucidité qui vous fait mettre le doigt sur le trajet parfait. Récompensant habilement le joueur pour sa persévérance, Humanity a le don de varier les mises en scène de ses puzzles, sans jamais trop nous bousculer, et de le faire avec suffisamment de justesse pour casser la moindre pointe de monotonie qui pourrait s’immiscer entre lui et nous. Alors, Humanity : dispensable ou essentiel ? Ne le jugez pas trop vite, sous ses airs de puzzle game qui part dans tous les sens, le titre développé par Tha Ltd et édité par Enhance est clairement la petite bombe PlayStation de ce mois de mai et un must-have PS4 et PS5 à découvrir grâce à votre abonnement (il est également disponible sur PC), et ce, sans le moindre surcoût. Faites preuve d’humanité, donnez lui sa chance !