Alors que le projet de loi sur l’influence arrive dans l’hémycicle, une tribune, signée par plus de 150 créateurs et influenceurs, fait débat dans le milieu… Plusieurs signataires s’en sont désolidarisés !
Mais qu’est-ce qu’il se passe dans le monde de l’influence et des créateurs de contenu ? Depuis la publication d’une tribune dans les colonnes du “Journal Du Dimanche”, ce 25 mars, de nombreuses personnalités ont pris la parole. “J’ai jamais signé un truc du genre” confie le streameur star Gotaga, sur Twitter. “J'ai fait l'erreur de donner mon accord” affirme Squeezie (18 millions de fans YouTube).
La tribune en question - qui réunit 150 signataires du milieu - avait pour but d'interpeller les députés en amont du vote de la loi sur l’influence, fixé cette semaine à l’Assemblée. Le texte prévoit de lutter “contre les dérives des influenceurs”, notamment dans le cadre de partenariats commerciaux. “On va simplement appliquer à l’influence un certain nombre de règles, qui s’appliquent à l’ensemble du secteur et notamment à celui de la publicité” note Arthur Delaporte, député PS du Calvados, sur le plateau de Backseat. Exemple : pas de promotion d’alcool aux mineurs (comme le veut la loi Évin).
Le projet fait suite à la polémique des “influvoleurs”. L’année dernière, plusieurs stars des réseaux, notamment issues de la télé-réalité, ont été accusées "d’escroquerie en bande organisée" et "d'abus de confiance". Il est notamment question de la promotion de NFTs qui n’ont jamais rien rapportés.
“Nous ne laisserons plus rien passer : aucune dérive, aucun abus, aucune malversation” - Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, à propos de la loi sur l’influence (24/03/23)
Alors, pour ou contre ?
Alors, quel est le problème ? Ce n’est pas tant le projet de loi, salué par l’ensemble des créateurs sur la toile (même si certains craignent des “dégâts collatéraux”), mais plutôt la tribune elle-même ! Une phrase en particulier, “ne cassez pas notre modèle”, a fait le tour des médias. “Quand on regarde la loi et ce qu’elle protège, tout est ok” explique Seb, anciennement Seb la Frite, ce 27 mars sur France Inter. “Ça (la tribune sur le JDD, ndlr) nous fait un peu passer pour des gens contre, alors qu’on est pour”. En 2 jours, de nombreuses personnalités, dont Squeezie et Dr Nozman, se sont désolidarisées du texte publié. À présent, l’article évoque seulement “plus de 100 créateurs de contenu” signataires.
“Nous regrettons que la tribune ait été mal percue” s’excuse l’Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu (UMICC), à l’initiative de l’article - dans un récent communiqué. “Ce texte avait pour objectif (...) de raconter ce qu'est le métier de créateur et de soutenir l’initiative de régulation du secteur de l’influence par les pouvoirs publics”… L’organisme, créé par les “sept principales agences de l’influence marketing”, note que la tribune a été soumise aux créateurs depuis “leur représentant”.
Démarche qui interroge
Sur Twitter, des témoignages interrogent. Plusieurs personnalités, dont Gotaga et Cyprien, affirment ne pas avoir “signé la tribune”, d’autres (Henry Tran, Linca) ont juste “donné leur accord”. Il y a aussi des cas où le texte a été “mal lu” voire pas lu du tout. “On a globalement tous signé un truc avec 2-3 échanges sur WhatsApp” soutient Seb sur France Inter. De toute évidence, tout s’est passé trop vite. Le créateur Linca détaille sa version des faits :
“J'ai été contacté par mon agent, m'informant que l'Assemblée nationale était en train de légiférer sur les métiers de l'influence et que des lois - dont certaines restrictives - allaient passer. Mon agent (...) m'a proposé si je le souhaitais de la signer pour rejoindre les plus de 100 créateurs l'ayant déjà fait avant moi… À la lecture de la Tribune, je comprends : qu'on indique par cette dernière qu'on est favorable à l'encadrement du secteur et qu'on est pas tous des voleurs. J'indique donc à mon agent qu'à priori «j'ai rien contre signer» mais que j'aimerais avant savoir à quoi ça va servir est quel est le projet de loi concerné, etc, à quoi on me répond «je n'ai pas le détail de tous les textes mais dès que je l'ai je te l'envoie» puis : plus rien ! Suite à ça je découvre ce matin un article signé à ma place que je n'ai aucunement validé” - Linca, à propos de sa participation à la tribune sur le JDD (26/03/23)
De son côté, le vulgarisateur Nota Bene, qui n’a pas souhaité signer la tribune, raconte avoir reçu un coup de téléphone “il y a un peu plus d’une semaine” à ce sujet (soit donc bien avant la présentation du plan de la loi influence par Bruno Le Maire, le 24 mars 2023). Comme Linca, on lui aurait dépeint une image assez négative du texte, avec des “changements contre-productifs” pour les créateurs de contenu. Même son de cloche chez Dr Nozman : “on m’a dit que (la loi, ndlr) serait hyper restrictive”.
C’est important ce que dit @DrNozman j’ai reçu un coup de fil il y a un peu plus d’une semaine me laissant entendre que ces changements seraient contre productif pour nous. Pour l’instant je dois dire que je trouve assez sain qu’on se penche sur un cadre légal de notre profession https://t.co/Alw9ijRw5Y
— Benjamin Brillaud (@NotaBeneMovies) March 26, 2023
Une peur des dérives
Une crainte “initiale”, qui semble rejoindre le discours de Carine Fernandez - présidente de l’UMICC. Au micro de Backseat (23 mars 2023), elle explique que la création de l’organisme a été motivée par la polémique des influvoleurs. “On ne se reconnaissait pas du tout dans ce qui était énoncé (...) donc on s’est dit, il est temps de se regrouper et de prendre la parole avec les pouvoirs publics”. L’idée est alors de sensibiliser le gouvernement sur la bonne façon d’aborder la loi influence… “Notre peur, à la base, c’était quils veuillent lutter spécifiquement contre ces quelques «brebis galeuses» (comme ils le disent) mais qu’en voulant faire, ça impacte tous les autres sans pour autant régler le problème”.
Dans la fameuse tribune publiée dans le JDD, on peut lire “nous entendons parler des «influvoleurs», «du combat à mener» contre nous. Nous pensons que c'est une erreur. Qu'une minorité est devenue une généralité. Nous considérer tel un objet de combat, c'est mettre à mal une économie florissante constituée de passionnés”. Le texte a été publié le 25 mars 2023. La veille, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie | des Finances, notait que l’influence est “un secteur économique dynamique, créatif et inventif” qui nécessite une régulation pour être “soutenu et défendu”, pas pour être “stigmatisé”.