Les dérives salariales dans le jeu vidéo, il y en a toujours eu. Pour alimenter les consoles et micros d’antan, il n’était pas rare que les développeurs explosent leur compteur d’heures, mais certains, comme ceux de Rare par exemple, voyaient la chose comme une grande famille. À l’époque, ils étaient jeunes et travaillaient dans une ambiance qui ressemblait souvent à une colonie de vacances. Aujourd’hui, le jeu vidéo est devenu une industrie et ce qui pouvait être toléré hier ne peut plus l’être en 2023. Aussi, quand dérives il y a, non seulement ça se sait, mais ça peut faire beaucoup de bruit. Le patron de Blizzard Boston doit avoir les oreilles qui sifflent…
Connu sous le nom de Blizzard Boston, le studio Proletariat a décidé de retirer sa pétition syndicale. Déposée à la fin du mois de décembre auprès du National Labor Relations Board, celle-ci avait pour but d’élire un syndicat afin de sécuriser certains avantages salariaux (plan de congés payés, prestations des soins de santé, options pour le télétravail… ). Elle n’aura finalement tenu qu’un petit mois, la faute à une direction qui aurait été menaçante auprès des signataires. C’est ce qui semble émaner des propos d’un représentant de Communications Workers of America. Ce dernier fait en effet part d’une « tactique de confrontation » de l’entreprise prenant la forme « d’une série de réunions qui ont démoralisé et affaibli le groupe, rendant impossible une élection libre et équitable. » Sous la pression, les instigateurs de la pétition ont choisi de faire marche arrière.
Une trahison personnelle selon le PDG de Blizzard Boston
Après une telle décision, il est évident que l’affaire n’allait pas en rester là. Dustin Yost, ingénieur logiciel au sein du studio Proletariat a déclaré, dans un communiqué, que la majorité des employés – à l’origine – soutenaient ce besoin de syndicat. À en croire les intéressés, les réunions ont été sujettes à forte tension (le PDG jugeant qu’il s’agissait d’une trahison personnelle) et les salariés espèrent, après avoir retiré la pétition, que la direction prendra conscience des enjeux. Même si tous regrettent l’absence future d’un syndicat. Pour Dustin Yost, un syndicat est le meilleur moyen pour se faire entendre.
The previous tweets were the statements of our Organizing Committee, and not representative of all Proletariat workers. There continues to be ongoing and healthy conversations amongst the proposed bargaining unit and the workers look forward to collaborating together! https://t.co/qN2JQKIs2t
— Proletariat Workers Alliance (@WeArePWA) January 17, 2023
En parallèle, la direction de Blizzard Boston, par la voix de Joe Christinat, vice-président des relations médiatiques, a salué la décision sans donner plus de précisions sur les possibilités envisagées par le groupe. Dans cette cacophonie, certains employés ont estimé que la mise en place de la pétition avait été précipitée et qu’elle aurait eu un autre écho si elle avait été déclenchée en dehors de la période des fêtes de fin d’année, où l’entreprise est fermée. Selon eux, dans d’autres conditions, ils auraient pu y réfléchir différemment. Ce qui laisse sous-entendre que tous les salariés n’avaient pas la même vision. Ambiance.
Si cette décision était allée à son terme, ce syndicat aurait été le troisième au sein d’Activision Blizzard. On peut dès lors comprendre que les dirigeants commençaient à avoir la gouttelette qui perle sur le front. Reste maintenant à savoir à quelle sauce vont être mangés les salariés de Blizzard Boston, studio qui travaille sur World of Warcraft. Allison Brown, ingénieur du studio, a souligné dans une interview que cette recherche de sécurité salariale, encore plus dans un grand groupe, est indispensable :
Peu importe la confiance que nous accordons à la direction […], les choses peuvent changer. J’ai commencé dans l’industrie il y a 14 ans, j’ai été licencié plus d’une fois. J’ai vu les prestations changer et s’aggraver. Il n’y a aucun contrôle dessus. Mais si nous négocions collectivement, si nous obtenons ces avantages par écrit, il y a des mécanismes en place pour nous assurer que nous ayons une voix qui porte.
Quelque chose nous dit que cette histoire n’est pas terminée…