Au mois d'octobre dernier, Netflix enregistrait 2,4 millions d'abonnés pour son troisième trimestre 2022, un chiffre qui dépassait alors de loin les attentes fixées à un million d'abonnés. Après avoir vu son action baisser au cours de l'année en raison d'une chute de ses abonnées, la plateforme SVOD semble enfin reprendre un chemin paisible vers la croissance, fort de ses 223 millions d'abonnés dans le monde entier. Le bénéfice de la boîte s'est élevé à 1,3 milliard de dollars quand les recettes ont augmenté d'environ 6 % par rapport à l'année précédente, pour atteindre 7,9 milliards de dollars. Deux chiffres encore une fois bien supérieurs aux prévisions de la société pour le trimestre.

Quelques mois plus tôt, les investisseurs étaient agités en constatant le cours de l'action dégringoler après l'annonce d'une perte nette de 200 000 abonnés ; c'était bien la première réduction du nombre d'abonnés en dix ans d'existence. Netflix, toujours optimiste, affirmait alors toujours conserver "l'un des meilleurs taux de rétention du secteur" et jetait en partie la faute sur la suspension de ses services en Russie, laquelle aurait fait perdre 700 000 comptes dans le processus. Aujourd'hui, s'il reprend du poil de la bête, le mastodonte du streaming se doit de maintenir le cap ; c'est pour cette raison que depuis le jeudi 3 novembre 2022, les abonnés ont accès à une nouvelle formule inédite vouée à attendrir les plus petits budgets : Netflix Essentiel avec Pub, facturée 5,99 euros par mois. Les intéressés ont droit à la totalité du catalogue de Netflix à quelques exceptions près et à un accès à Netflix sur deux écrans en SD (480p) qui inclut 4 à 5 minutes de publicité par heure de contenu. Franchement bien accueillie en France, elle « comptait près de 1,4 million d’abonnés fin décembre (4,6 % des Français), dont trois sur cinq sont de nouveaux clients », relève le communiqué de NPA Conseil. Mais en face, la concurrence commence à vraiment faire rage.

Mercredi (2022)

Netflix déchu du trône

Malgré des efforts bien visibles pour conserver son leadership, le co-fondateur Reed Hastings a dû faire face à une mauvaise nouvelle cette semaine : Netflix a perdu sa place de service numéro 1 aux États-Unis en 2022 selon l'étude du cabinet spécialisé Parks Associates. C'est désormais Amazon Prime Video, jusque-là éternel second, qui a chipé la première place du podium, reléguant Netflix à la deuxième place. Les troisième et quatrième places sont occupées par HULU et Disney+, qui, précisons-le, appartiennent au même groupe. Dans le détail, Amazon Prime Video détenait 21% de parts de marché aux USA à la fin de l'année 2022, contre 20% pour Netflix. Une avance minime, mais tout de même historique.

En 2022, Amazon Prime Video affirmait compter plus de 200 millions d’abonnés à travers le monde contre 223 pour Netflix. Mais aux Etats-Unis, la concurrence entre les plateformes est plus accrue ; problématique, quand on sait à quel point le territoire est primordial pour la plateforme au N rouge ; rien qu'en 2022 aux États-Unis et au Canada, 75 millions de foyers sur un total de 142 millions étaient abonnés à Netflix. Mais malgré une offre attractive, face à lui, Amazon Prime Video prend une ampleur considérable. Cette semaine, l'entreprise officialisait avoir récupéré les droits des séries HBO qui seront dorénavant accessibles via une option payante baptisée "Pass Warner".Une nouveauté notable qui inclut même les séries phares toujours disponibles sur OCS comme House of the Dragon.

Des stratégies différentes

À compter de mars 2023, à un prix qui reste encore à définir, les heureux abonnés de Prime Video pourront également profiter en exclusivité des nouvelles saisons de séries populaires (Perry Mason, Succession, Somebody Somewhere), de grands inédits (White House Plumbers et True Detective: Night Country) et de classiques plebiscités (Sex And The City, The Wire ou encore Chernobyl). Plus encore, ils auront accès aux 12 chaînes de Warner Bros Discovery : Cartoon Network, Boomerang, Boing, Eurosport 1, Eurosport 2, Discovery Channel, ID, Discovery Science, CNN ainsi que Warner TV, TCM Cinéma, Adult Swim ou encore Toonami. La proposition est dantesque et semble aujourd'hui surpasser toutes celles des concurrentes.

S'il peut bien entendu compter sur une flopée de blockbusters, Netflix, lui, mise plutôt sur ses productions originales qui représentent plus de 50 % de l'ensemble du contenu disponible (Devant lui, seul Apple TV+ accorde plus d'importance à ses contenus originaux). Les données d'Ampere indiquaient d'ailleurs qu'au premier trimestre 2022, les programmes originaux et exclusifs de la plateforme représentaient en moyenne 12 % des 100 titres les plus populaires disponibles en SVOD aux États-Unis ; c'est la part la plus élevée de toutes les plateformes SVOD. Selon Joe Hall, analyste chez Ampere Analysis, la stratégie permet à Netflix "d'acquérir davantage d'abonnés internationaux pour compenser sa maturité sur les marchés développés". La boîte aurait donc tout intérêt à poursuivre sur ce filon.

L'autosuffisance croissante de Netflix en matière de contenu est nécessaire sur le marché actuel du streaming. L'essor des plates-formes de vente directe au consommateur dirigées par des studios a entraîné une diminution du nombre de contenus sous licence, les studios préférant conserver leurs productions en interne. Le contenu original permet également aux plateformes de proposer des titres exclusifs au niveau international sans coûts de licence supplémentaires. Cet aspect est particulièrement important, car Netflix cherche à acquérir davantage d'abonnés internationaux pour compenser sa maturité sur les marchés développés

Le public adhère en revanche moins au contenu vidéoludique de la plateforme : on estime qu'une moyenne de 1,7 million de personnes s'y adonne quotidiennement, soit moins de 1 % des millions d'abonnés.

Et Disney+ dans tout ça ?

3ème du classement, Disney+ continue de se développer tranquillement de son côté mais enregistrait tout de même une perte d'exploitation de près de 1,5 milliard de dollars l'année dernière dans ses efforts pour concurrencer ses confrères. Il peut néanmoins compter sur la force de ses licences Star Wars et Marvel qui ont, entre autres, permis de ramener 12,1 millions d'abonnés au cours du dernier trimestre, de quoi faire grimper le nombre total à 164,2 millions d'abonnés. Maintenant, si l'on inclut les offres Hulu et ESPN+, l'activité de streaming de Disney dépasse alors les 235 millions d'abonnés ; reste maintenant à ce que Disney+ devienne rentable suite à ses pertes ; Bob Chapek estime que cela sera possible au cours de l'exercice 2024, si l'inflation ne lui barre pas la route. Suite à quoi, "nous pensons que nous serons sur la voie d'atteindre une activité de streaming rentable qui stimulera une croissance continue et générera de la valeur pour les actionnaires à long terme", estime-t-il.

Pour élargir sa base dans la région Asie-Pacifique, la firme aux grandes oreilles a récemment frappé fort en annonçant sa collaboration avec Kodansha, certainement la plus grosse maison d'édition au Japon. La plateforme peut alors profiter de droits exclusifs sur quelques mastodontes, à commencer par Tokyo Revengers : Christmas Showdown Arc. Une bonne stratégie à surveiller, la demande mondiale de contenu d'anime ayant augmenté de 118% au cours des deux dernières années selon le cabinet Parrot Analytics.

Les anime japonais remplissent l'espace blanc dans nos plans de développement de contenu et nous pensons que cette collaboration élargie changera la donne dans la future stratégie d'animation de Disney au Japon. Nous sommes impatients d'amener les titres d'anime et la propriété intellectuelle prisée de Kodansha sur la scène mondiale - Carol Choi, vice-présidente exécutive de la stratégie de contenu original de Disney pour l'Asie-Pacifique.