Ma Bimbo, Studio Quiz, Equidea… Si vous étiez adolescent dans les années 2000, ces noms ne vous sont certainement pas inconnus. Ces jeux sur navigateur ont animé les soirées et les week-ends de nombreux jeunes joueurs. Et si c’était votre cas, vous vous souviendrez sans doute avec nostalgie des moments passés à répondre aux questions du présentateur arrogant de Studio Quiz, à prendre soin de votre cheval préféré sur Equidea ou à draguer en boîte de nuit sur Ma Bimbo. Et puisque l’on parle de séances de drague, l’un de ces jeux en avait fait le cœur de son intrigue et de son gameplay : Amour Sucré. Plus de dix ans après sa sortie, ce dernier est toujours disponible et s’est même frayé un chemin jusqu’à Twitch. Des streameuses telles que Maghla ou Ultia ont en effet passé de longues heures sur ce jeu de drague gratuit en live. L’occasion pour nous de revenir sur cet otome français qui a profondément marqué bon nombre d’adolescentes.

Amour Sucré, c’est quoi ?

Commençons par le commencement, c’est à dire en mars 2011. C’est à cette date que la jeune autrice ChinoMiko dévoile, avec Beemov, son jeu de drague sur navigateur. On y incarne une jeune adolescente (appelée Sucrette) qui vient de déménager dans la ville de son enfance. Depuis le temps, elle ne connaît quasiment plus personne et va donc devoir se faire de nouveaux amis dans le lycée Sweet Amoris… et des amis parfois très proches. En tant que jeu de drague, le principe est en effet de tout faire pour séduire son crush, tout en se faisant des amis et en survivant aux attaques mesquines de certains camarades. Une vie de lycéenne assez classique en somme.

Le tout prend la forme d’un point’n’click où les dialogues ont une grande importance. Selon les choix que vous faites, vous allez en effet faire monter ou descendre votre lovomètre avec les différents personnages. Si ce dernier est au plus bas, impossible de pécho. S’il est au plus haut, à vous l’invitation au bal de promo et le premier amour. Encore faut-il pour cela faire les bons choix de dialogues pour avancer tout au long d’un scénario écrit d’avance. Il va donc falloir prendre votre mal en patience. Ne vous attendez pas à embrasser votre cher et tendre avant les derniers mois du lycée.

Surtout que le système de Points d’Action joue particulièrement avec les nerfs. À chaque nouvelle connexion quotidienne, vous en obtenez gratuitement. Si vous êtes chanceux, il est possible d’en récupérer une (toute) petite poignée grâce à des petits jeux ou des récompenses spécifiques. Une fois ces précieux points récoltés, vous pouvez vous balader dans les salles de Sweet Amoris. Chaque déplacement coûtait alors quelques points. Mais ça, c’était avant ! Suite à une mise à jour, ce sont les lignes de dialogue qui ont fini par engloutir les Points d'Action des joueurs. Et vu que le jeu est très verbeux, il y avait de quoi être très frustré. C'est là que le modèle économique rentre en jeu puisqu'il est possible d'acheter des Points d'Action à travers la Banque.

Vous comprenez maintenant pourquoi un jeu gratuit comme celui-ci a pu continuer à exister pendant toutes ces années. Encore aujourd'hui, le jeu est mis à jour avec des nouveaux épisodes à découvrir. Et il faut dire qu'il a su se forger une solide communauté. 10 millions d'inscrits en France puis un lancement à l'étranger qui lui a permis d'ajouter 55 millions de joueurs à son palmarès. Vous n'avez peut-être jamais entendu parler de ce jeu mais avec de tels chiffres il y a fort à parier qu'au moins une personne de votre entourage y ait joué. Mais alors, pourquoi un tel succès ?

Un otome comme les autres ?

Tout d'abord, qu'est-ce qu'un otome ? Et bien il s'agit d'un genre de jeux vidéo narratifs dédiés aux jeunes filles principalement. Vous y incarnez très souvent une jeune fille, justement, qui cherche à trouver l'amour et doit donc draguer le prétendant de son choix. Comme vous vous en doutez certainement, il s'agit d'un genre particulièrement développé au Japon. Princess Debut, Brother Conflicts, Diabolik Lovers ou encore Amnesia sont autant d'exemples de titres qui ont fait le bonheur des jeunes japonaises et du monde. Car si ces jeux ont été développés par des studios japonais, ils se sont ensuite exportés à l'étranger. Seul problème : ils répondaient aux normes asiatiques et ne pouvaient ainsi toucher qu'un public de niche en Occident.

C'est ce constat qui poussa ChinoMiko à se lancer dans la conception de son propre otome, plus pensé pour une cible occidentale, une grande nouveauté à l'époque. Les joueuses françaises ont ainsi pu découvrir des personnages dont le style et l'attitude rappelaient de véritables personnes croisées au lycée ou au collège, et sur lesquelles elles avaient peut-être même déjà plus ou moins fantasmé. Le rockeur de l'école et sa désinvolture naturelle, l'artiste incompris et sa façon si singulière de voir le monde, l'intello sympa avec tout le monde, le sportif au cœur tendre ou la fille, aussi envoûtante que charmante, que tout le monde aime (fait d'ailleurs rare de proposer une relation homosexuelle dans un otome)... Cerise sur le gâteau : la pimbêche que l'on aime détester et qui rappelle celles dans des films d'adolescentes tels que Lolita Malgré Moi.

Ajoutez à cela les différentes tranches de vie explorée (lycée, fac, âge adulte) et vous obtenez un sentiment d'attachement aux personnages qui défie toute logique. Sur le papier, il faut avouer qu'ils répondent tous à des archétypes bien précis et parfois très clichés (le bad boy, l'intello, le nice guy…). Et puis il y a le système de Points d'Action dont nous parlions plus haut et qui a réellement fait enrager les joueuses de la première heure. Et pourtant, malgré tout ça, une grande partie des joueuses n'ont pas pu s'empêcher de relancer Amour Sucré afin de découvrir la suite de l'histoire de Castiel, Priya, Nathaniel et les autres. Des personnages avec lesquels certaines ont finalement grandi tout au long de ces onze années. Et en onze ans, il faut dire qu'il s'en est passé des choses…

Une histoire d’amour qui dure

Si l'aventure Amour Sucré a commencé au lycée, la vie de la Sucrette a continué bien après le bac. Campus Life et Love Life sont venus étoffer grandement le contenu de cet otome. Et vous pouvez ajouter à cela les épisodes Alternate Life, permettant de retrouver des personnages mis de côté au fil des épisodes (Lysandre, Armin et Kentin). En tout, ce ne sont pas moins de 79 épisodes qui composent aujourd'hui l'aventure Amour Sucré, et ça c'est uniquement si on parle du jeu. Les aventures amoureuses de la Sucrette se sont en effet déclinées en manga. Cinq tomes reprenant le système de choix et les personnages du jeu (plus un inédit) ont ainsi vu le jour. Le pilote d'un dessin animé à la Lou a également été réalisé, mais cette nouvelle aventure s'est arrêtée net. Malgré tout, cela montre une volonté de faire d'Amour Sucré plus qu'un simple jeu, et c'est d'ailleurs ce qui a permis à de nombreuses joueuses de continuer à s'intéresser au jeu.

Plus qu'un otome, Amour Sucré est une communauté. Les forums du jeu ont permis à de nombreuses joueuses de partager leurs expériences et leur vie. C'est aussi par ce biais que la créatrice du jeu a pu se faire connaître et échanger avec son public. Dans le petit monde d'Amour Sucré, ChinoMiko c'est quelqu'un. Tant est si bien que certaines joueuses l'ont suivi pour de nouvelles aventures sur Eldarya, un autre otome. ChinoMiko n'est d'ailleurs pas la seule à graviter autour de la sphère Amour Sucré. De nombreuses créatrices de contenu ont continué à faire vivre ce jeu de drague sur Youtube (Tiboudouboudou, Dooms…). Aujourd'hui, le titre a même infiltré les vallées de Twitch par la grande porte en se glissant sur le stream de certaines des plus grosses streameuses françaises, à savoir Maghla et Ultia. L'occasion pour de nouvelles joueuses et même joueurs de découvrir le monde et la communauté Amour Sucré, qui ne semblent étonnamment pas près de mourir, et ce malgré les années.