Si la Formule Un est aujourd’hui un sport aux mains des grandes marques (Mercedes, Red Bull, Ferrari, Renault…), cela n’a pas toujours été le cas. A la fin des années 90, certaines écuries sont encore la propriété de leurs fondateurs, des passionnés amoureux de compétition et de belles mécaniques. Disposant de ressources limitées, ces “garagistes” doivent faire preuve de créativité pour rivaliser avec les mastodontes de l’époque (McLaren, Williams…).

C’est notamment le cas de Ken Tyrrell. Mort en 2001, le propriétaire de l’écurie mythique éponyme s’est maintenu en F1 de 1970 à 1998 avec de petits moyens. En guise d’usine ultra moderne, Tyrell devait se contenter d’un hangar en bois installé à Ockham, dans le comté de Surrey, perdu dans la campagne anglaise.

En 1997, Tyrrell doit se résoudre à revendre son écurie au groupe British American Tobacco. En 1999, à l’occasion du premier Grand Prix de la saison en Australie, Tyrrell devient officiellement British American Racing (BAR). Le nouveau boss s’appelle Craig Pollock, un homme d’affaires ambitieux qui recrute un casting de pilotes prestigieux : Jacques Villeneuve (alors champion du monde en titre) et Ricardo Zonta.

Afin de coller avec les standards de ses richissimes concurrents, Pollock lance à son tour la construction d’une usine high tech. Hélas, malgré la débauche de moyen, les performances de BAR ne décollent pas et Pollock s’en va dès 2002.

Entre en jeu David Richards, ancien copilote de rallye connu notamment pour avoir dirigé l’écurie Benetton (c’est aussi depuis 2007 l’un des propriétaires d’Aston Martin). Richards débarque au sein d’une équipe “bordélique” qui lui réclame 27 millions d’euros pour investir dans une soufflerie, cet outil destiné à étudier les effets de l’air circulant autour d’une voiture afin d’obtenir la meilleure aérodynamique possible.

Richards refuse d’investir une telle somme et opte pour une autre solution bien moins coûteuse : la mécanique des fluides numériques (MFN), une technique permettant d’obtenir les mêmes résultats qu’une soufflerie, mais de façon 100% virtuelle.

200 PS2, un investissement raisonnable ?

Richards raconte :

On avait un joli petit service MFN, qui n’avait absolument aucun équipement. Donc je leur ai demandé de quoi ils avaient besoin. Ils m’ont répondu qu’ils voulaient deux cent PlayStation. Je leur ai demandé ce qu’ils comptaient en faire, ils m’ont dit qu’ils allaient les mettre dans un local climatisé et les connecter en réseau, et que ça nous servirait de supercalculateur. Donc c’est ce qu’on a fait. On a commencé avec deux cent PlayStation, qui nous ont coûté beaucoup moins cher qu’une soufflerie à 27 millions.

Deux cents consoles qui représentent en effet un investissement “raisonnable” d’environ 90 000 euros (à son lancement en 2000, la PS2 coûtait l’équivalent de 455 euros).

Hasard ou coïncidence, en 2004, les BAR pilotées par Jenson Button et Takuma Sato terminent deuxième au classement du championnat du monde des constructeurs derrière les Ferrari de Michael Schumacher et Rubens Barrichello. Avec des voitures en partie conçues grâce à la puissance de calcul des PlayStation 2 donc.

En 2006 (année de sortie de la PS3), la marque BAR disparaît au profit de Honda, motoriste officiel de l’écurie depuis 2000. Honda revend à son tour en 2009 à Brawn GP qui deviendra un an plus tard Mercedes GP.

Mercedes a récemment dominé la F1 avec 7 titres consécutifs de champion du monde des pilotes (Lewis Hamilton de 2014 à 2020) et 8 titres consécutifs de champion du monde des constructeurs (de 2014 à 2021).

Le livre ne précise pas ce que sont devenues les 200 PlayStation après le changement de propriétaire de l’écurie…