C’était le feuilleton de la semaine dernière ! Plusieurs insiders prévoyaient, le 30 juin dernier, une prise de parole sur la date de sortie de God of War Ragnarok. Et finalement, ce fut motus et bouche cousue chez PlayStation. De toute évidence, la firme japonaise aurait changé d’avis au dernier moment. De quoi s’interroger sur ces sources aujourd’hui incontournables dans l’actualité JV.
Ils s’appellent Tom Henderson, The Snitch, Jeff Grubb, Jason Schreier, et dans le milieu du jeu vidéo, ils savent tout avant tout le monde ! Des “insiders” - comme on les surnomme. Ce sont parfois d’anciens journalistes avec un gros carnet d’adresses en poche devenus indépendants. D’autres travaillent sous pseudonyme et ont - de toute évidence - des contacts à ne plus savoir qu’en faire. Depuis longtemps, l’actualité du jeu vidéo avance au rythme des scoops quotidiens, que ce soit sur un projet encore inconnu, les annonces à venir d’une importante prise de parole (Nintendo, Xbox et PlayStation) ou encore une date de sortie. De temps à autre, ces scoops sont exacts, octroyant au passage une légitimité considérable à leur auteur. Souvent, ils sont faux.
Des effets néfastes
Faux, comme l’annonce de la date de sortie de God of War Ragnarok, prédit pour le 30 juin par The Snitch et l’une de ses énigmes bizarroïdes. Un compte qui avait vu juste pour les jeux du State of Play de mai et l’arrivée de Hollow Knight Silksong dans le Xbox Game Pass. Pourtant, jeudi dernier, pas de Kratos à l’horizon. Une fausse information ? Plutôt un acte manqué d'après Jason Schreier, insider certes mais surtout journaliste très réputé dans le milieu. “Pour ce qui est des rumeurs sur God of War Ragnarok, il y avait en effet une annonce de la date de sortie prévue pour le 30 juin selon des personnes proches du dossier. Les récents tweets de Cory Barlog (producteur du jeu - directeur de l’opus de 2018, ndlr) sous-entendent qu'elle a été repoussée” écrit-il sur Twitter. Dans l’industrie du jeu vidéo, ces changements de dernières minutes sont monnaie courante. Toujours d’après Schreier, Ragnarok serait prévu pour novembre 2022.
Oui, l’erreur est humaine, tout comme - malheureusement - les comportements toxiques. Alors que la prédiction de The Snitch tombe à l’eau, des internautes s’en sont pris aux développeurs de Santa Monica, studio qui développe God of War Ragnarok pour PlayStation. Estelle Tigani, une productrice cinématique sur le projet, affirme notamment avoir reçu des “photos de pénis” en guise de demande pour une date de sortie. Un comportement très rapidement condamné par les membres de l’équipe et Cory Barlog, avec le soutien du boss Xbox Phil Spencer lui-même. Dans un communiqué publié le premier juillet sur Twitter, Santa Monica en appelle au calme et au respect. “Nous comprenons la passion, le désir d'avoir de nouvelles informations. Mais cette passion ne devrait pas être toxique, ni s'exprimer au détriment de la dignité de qui que ce soit”.
Croire aveuglément
Sur la toile, certains en veulent aux insiders eux-mêmes. “Si (The Snitch et Jason Schreier, ndlr) n’avaient pas indiqué la date du 30 juin, personne n’aurait construit d'attentes irréalistes” s'indigne par exemple un internaute sur Twitter. Le cas de God of War Ragnarok marque presque un point de rupture entre les comptes bien informés et leurs abonnés. Le jeu est si attendu, et sa date de sortie sans doute si imminente, qu’une mauvaise information sur le sujet a des allures de trahison, surtout lorsqu’elle est corroborée par des personnalités souvent bien informées.
“Je n’ai qu’une chose à dire : ne faites confiance à personne sur internet, même si (la personne en question, ndlr) a déjà vu juste par le passé”. Ce n’est pas nous qui le disons mais l’auteur du compte AccountNGT, dans un message posté récemment. Un internaute connu pour avoir parlé du projet Star Wars Eclipse de Quantic Dream bien avant son annonce ainsi que du retour des licences Sly Cooper et inFamous. Sauf que la seconde indiscrétion a été démentie, qui plus est par le studio Sucker Punch lui-même, à l’origine de ces deux franchises. Pour le cas de Sly Cooper, AccountNGT explique qu’une source fiable lui affirme que quelque chose se prépare malgré tout.
Farce et attrape
Alors quoi, Sucker Punch serait prêt à mentir ? Après tout, pourquoi pas. Les studios de jeu vidéo ont déjà fait appel à ce genre de stratégie pour garder un secret. On se souvient par exemple du trailer de The Last of Us Part II, allègrement trafiqué par Naughty Dog pour faire croire au retour d’un héros connu. Vous vous en doutez, dans un milieu où les fuites arrivent un jour sur deux, les développeurs redoublent de vigilance. Quitte à créer du faux contenu pour tromper les curieux. C’est notamment le petit jeu auquel se sont prêtés deux créateurs d’Apex Legends, lors de l’élaboration de la Saison 8. Ils évoquent leur histoire dans un article sur Inverse :
“Parfois, on s’amuse avec (la communauté, ndlr). On voit un data mining en cours, alors on construit de faux personnages comme Forge et on essaye de berner les miners (...) Souvent, ce qu’il se passe, c'est que nous avons de vieux trucs qui étaient dans le jeu à un moment donné et que nous avons mis de côté. On se dit juste : ‘Peu importe, on le laisse’ et certaines personnes tirent des conclusions à partir de vieilles choses” - C. Grenier et S. Ferriera (Apex Legends)
Et croyez-nous, il n’y a pas que les développeurs qui ont de l’imagination. Il y a quelques mois, Jon Cartwright, un créateur de contenu jeu vidéo sur le net, s’est lancé dans une expérience singulière : devenir un insider ultra doué mais sans la moindre information ! Sa technique ? Inventer un compte de toute pièce (@WaddleDeeKnows), rester dans un premier temps en privé pour que personne ne consulte ses messages, et poster un tas de prédictions avant le Nintendo Direct début d’année. Il ne lui restait plus qu’à supprimer les messages incorrects après la diffusion et le tour était joué. Sept heures plus tard, près de deux mille abonnés l’ont ajouté, Jon se voyant même cité par le site VGC qui lui prête une “connaissance privilégiée des plans de Nintendo”. "Je blâme personne d'avoir cru (mes messages, ndlr)” explique Cartwright, chez Arts Technica. Je pense que nous avons été conditionnés à les croire parce que, chaque mois / semaine, les gens font ce genre de choses”.