S’il y a bien un élément qui est à retenir de l’histoire de la Xbox telle qu’elle apparaît dans le reportage d’Andrew Stephan intitulé “Power On”, c’est que la marque américaine a failli disparaître à plusieurs reprises. Nous revenons sur ces cas à l'occasion de cet article.
Cette news fait partie d’une série d’articles déjà publiés traitant du reportage “Power On : The Story of Xbox” réalisé par Andrew Stephan. Au cours de la lecture, vous trouverez des liens qui mèneront vers des timecodes de la vidéo.
Effacée par Windows CE
Avant même que le projet ne soit officiellement approuvé, deux équipes se font une guerre terrible pour imposer leur vision quant à une future console de jeux faite par Microsoft. Il y a l’équipe DirectX qui souhaite faire la Xbox contre l’équipe Windows CE qui souhaitait faire quelque chose de moins ambitieux, et donc de moins risqué financièrement. Ted Kummert dirige Windows CE à cette époque, un système d’exploitation conçu pour les ordinateurs portables ou les consoles. C’est ce fameux Windows CE qui se trouvait dans le cœur des Dreamcast grâce à un partenariat signé avec Sega. Lui et son équipe ont leur propre idée de ce que devrait faire Microsoft, et cela n’a rien à voir avec la Xbox. “Ces gars pensent qu’ils savent comment faire une console de jeux et qu’ils devraient le faire à notre place. Nous avons ouvert la porte et Bill est intéressé par une console, maintenant ils vont nous mettre à l’écart et ils vont franchir la porte” s’agace Seamus Blackley. “Ils étaient financés, ils avaient un nom, ils avaient du leadership, un soutien de l’exécutif” ajoute Otto Berkes. Les équipes de DirectX et de Windows CE s’affrontent dans le but de prouver à Bill Gates la légitimité de leurs projets. “C’était ce que Microsoft semblait souvent faire, monter deux groupes de gens intelligents les uns contre les autres” révèle Alan Hartman de Dreamworks. Le combat est violent, les joutes se font en présence d’un Gates qui n'hésite pas à forcer les confrontations. “Ils parlaient grosse modo de recréer la 3DO ou de faire une console de jeux similaire à tout ce qui existe déjà. Vous n’entrez pas sur le marché en copiant la concurrence” s’énerve Seamus Blackey. À ce moment du projet, les équipes de DirectX sentent le vent tourner et voient les plans se dérober.
Le coup de génie vient d’un prototype fabriqué à la va-vite par l’équipe DirectX, qui a réussi à pirater une version de Windows intégrée dans une petite boîte avec divers composants. Alors qu’il fallait plusieurs minutes pour démarrer Windows sur PC, le système d’exploitation se lance ici en seulement quatre secondes. Lorsqu’ils montrent leur création à Bill Gates, ce dernier exulte : “pourquoi Windows ne démarre pas comme ça tout le temps ?”. “C’était peut-être la première fois qu’il voyait un PC démarrer immédiatement" explique Kevin Bachus. Ce prototype fabriqué rapidement comporte un émulateur PlayStation capable de faire tourner Tomb Raider. “Cela a rendu l’idée que la Xbox était tangible, réelle et réalisable” déclare Otto Berkes. “Je pense que nous les avons sous-estimés” avoue Ted Kummert de Windows CE. Bill Gates se laisse convaincre et demande à l’équipe de DirectX de présenter le projet à Steve Ballmer, le PDG de la firme. Ce dernier se montrera lui aussi intéressé. C’est bien la proposition de l’équipe DirectX qui est retenue.
Un projet initial critiqué par Bill Gates et Steve Ballmer
Plus tard, la Xbox a failli ne jamais être approuvée par Bill Gates et Steve Ballmer. À un mois de la GDC 2020, les grands patrons invitent les têtes pensantes du projet Xbox et démontent toute la vision du projet. “Le ton montait alors j’ai dit ok, on ne le fait pas” se souvient Robbie Bach, le responsable du projet. Le "X" de Xbox aurait pu être effacé définitivement si Bill Gates n’avait pas décidé de poursuivre l’aventure afin d’éviter que Sony ne contrôle les salons avec sa PlayStation 2.
Le Red Ring of Death
Après de nombreuses péripéties, la Xbox sort le 15 novembre 2001 aux Etats-Unis et connaît un solide succès grâce à Halo. Le Xbox Live sort l’année d’après et parvient à dépasser les estimations de ventes. Même si Microsoft perd de l’argent avec la Xbox, le géant américain commence la conception d’une nouvelle console, la Xbox 360. “Notre obsession était de faire mieux que la PS3” rapporte Peter Moore, le patron de la marque à ce moment-là. Le lancement mondial a obligé Microsoft à produire beaucoup, et à avoir des délais très serrés. Trop serrés. Le design de la machine se finalise alors que la production se lance. Mais la firme de Redmond commence à recevoir des signalements. Sur 100 consoles fabriquées, seules 50 ou 60 fonctionnent correctement. “C’était très mauvais” avoue Leo Del Castillo (hardware engineering group depuis 1999). “On devait déterminer si le problème était dû au produit ou à nos méthodes de test” ajoute-t-il. Les consoles défectueuses étaient emballées puis empilées dans le but de recevoir des corrections plus tard. Durant cette période, 600 000 consoles défectueuses hantent les entrepôts. Au fil des mois, les équipes techniques parviennent à résoudre les problèmes et la pile de consoles défectueuse diminue.
À la fin de l’année 2005, la Xbox 360 arrive dans les boutiques du monde entier. Les ventes démarrent bien. Mais en juin 2006, un nouveau problème fait son apparition. Petit à petit, les lignes du SAV sont saturées. Les joueurs parlent, puis la presse : les Xbox 360 connaissent le Red Ring of Death, une panne matérielle qui rend les consoles inutilisables. “S’ils ne réparent pas ça, je passe chez l’ennemi” déclare Snoop Dogg, fan emblématique de la marque au gros “X”. La grogne monte, les joueurs en ont marre de voir leurs consoles tomber en panne. La presse multiplie les articles et les demandes auprès de la firme de Redmond pour comprendre ce qui se passe. En coulisse Microsoft ne trouve pas la cause du problème. Certains pensent que la soudure de la carte mère se casse et sèche, entraînant une perte de connexion. Mais rien n’est prouvé.
Microsoft prend alors une lourde décision : arrêter la production de Xbox 360. L’idée est de ne plus vendre de machines tant que le problème n’est pas résolu, quitte à ce que les joueurs se tournent vers Sony ou Nintendo. Finalement, les ingénieurs identifient la source de la panne : les connexions se cassent pour des raisons thermiques. Le fait que la console chauffe et refroidisse tout le temps exerce une tension. Microsoft doit maintenant réparer les consoles de tous les joueurs touchés par ce problème. Peter Moore rencontre Steve Ballmer et lui demande plus d’un milliard de dollars pour corriger ce problème de la meilleure des façons, c'est-à-dire en amenant un livreur chez chaque joueur touché par le souci. L’addition est salée, mais Steve Ballmer accepte. Tous les professionnels s’accordent à dire que sans cette décision, Xbox ne serait plus là aujourd’hui.
Une tombe creusée par Don Mattrick
Enfin, la marque aurait pu disparaître suite au lancement raté de la Xbox One. Le 1er juillet 2013, 18 jours après l’E3 où la Xbox One fut moquée, Don Mattrick quitte Microsoft. Ses déclarations hasardeuses et sa vision pour la marque ont créé beaucoup de méfiance chez les joueurs. Les équipes Xbox sont déboussolées. En novembre, la console sort et fait un bon démarrage grâce au soutien des fans. Mais dès le mois d’avril, les ventes chutent et la PlayStation 4 prend son envol. Le futur de la marque est une fois de plus en jeu. Pour sauver ce qui peut l’être et repartir sur des bases saines, Phil Spencer, fraîchement débarqué à la tête de Xbox, met en place avec ses équipes un plan pour éviter l’effondrement. Il retire Kinect des cartons pour baisser le prix de la console, il ferme Xbox Entertainment Studios afin de se focaliser sur les jeux, et il mise sur les développeurs indépendants en mettant en place ID@Xbox. La suite, on la connaît. Grâce au soutien de Satya Nadella, il acquiert de nouveaux studios et fait des offres agressives avec le Game Pass.
Le reportage Power On : The Story of the Xbox est disponible dans son intégralité par ici.