Netflix domine de la tête et des épaules le marché de la SVOD en 2021, même si l’arrivée coup sur coup de Prime Video, Disney+ et HBO Max ont quelque peu redistribué les cartes. Pourtant, un autre acteur pourrait bien être en passe de détrôner la célèbre plateforme de streaming dans un domaine en particulier, mais surtout en pleine croissance… celui de l’animation japonaise. Ce trouble fête, c’est Sony !
Sommaire
- SVOD & Simulcast
- Le marché de l’animation japonaise
- Netflix versus Sony
- Vers un Netflix de l’animation japonaise ?
SVOD & Simulcast
Avant de nous lancer dans une analyse du marché de l’animation japonaise, il convient de délimiter les contours du sujet, et d’en définir les termes. Nous allons délibérément mettre de côté l’archipel nippon et ses spécificités pour nous focaliser sur l’occident, et plus précisément les deux territoires les plus consommateurs d’animes en dehors du Japon, à savoir la France et les Etats-Unis.
Revenons maintenant sur les concepts de SVOD et de simulcast afin de mieux cerner ce secteur, et ainsi comprendre de quoi il retourne. SVOD (pour Subscription video on demand) désigne les services de vidéo à la demande par abonnement. En résumé, vous payez une certaine somme en échange d’un accès illimité à un catalogue précis régulièrement mis à jour. Parmi les acteurs les plus populaires, nous trouvons Netflix, Prime Video, Disney+ et pour finir HBO Max (indisponible en France).
Simulcast est la contraction des termes “simultaneous” et “broadcast”. Ce néologisme fait référence à la diffusion simultanée ou légèrement différée (+24 heures) d’un contenu, ici un anime, sur deux médias distincts… en l'occurrence la télévision japonaise et une plateforme de SVOD. Les acteurs principaux sur ce marché récent en France et aux Etats-Unis ne sont nul autre que ADN (pour Anime Digital Network), Crunchyroll, Funimation, Hidive, Hulu, Viz Media et Wakanim. Cette liste non exhaustive varie d’un pays à l’autre.
Le marché de l’animation japonaise
Selon les analystes de GrandViewResearch, la taille du marché mondial de l’anime était évaluée à 23.56 milliards de dollars US en 2020, et devrait enregistrer une augmentation annuelle de 9.5% sur la période 2021-2028. En Amérique du Nord, l’animation japonaise a rapporté 1.9 milliards de dollars US en 2019, et les années à venir s’annoncent lucratives avec une croissance de +15.5% par an. Les acteurs majeurs du secteur ont donc tout à intérêt à investir massivement avec en ligne de mire la distribution sur internet. En effet, ce segment porteur qui inclut la SVOD et le simulcast affiche une croissance annuelle à l'international de +14% jusqu’en 2028.
Pour ce qui est du simulcast, la situation est passablement différente sur les deux territoires qui nous intéressent. Aux Etats-Unis, le nombre d’acteurs fluctue au gré des partenariats et des rachats. Face à l’historique plateforme Crunchyroll (Funimation Global Group) lancée en 2006 et comptant plus de 100 millions d’utilisateurs à travers le monde (chiffres de février 2021) se tiennent Hidive (Sentai Filmworks), Hulu (The Walt Disney Company) et Viz Media.
Sur le territoire français, le simulcast semble avoir trouvé depuis quelques années une certaine stabilité avec un trio d’acteurs fermement installés. Anime Digital Network (Kazé, Kana Home Video), Crunchyroll SAS (Sony Pictures ) et Wakanim (Sony Pictures) se partagent ainsi un marché lucratif en pleine expansion. Il y a clairement de l’argent à se faire avec les séries animées en provenance du Japon, et les principaux intéressés l’ont bien compris. Parmi les sociétés précédemment citées, une d’entre elles tire son épingle du jeu… Sony.
Netflix versus Sony
Face à l’intérêt grandissant de la population pour l’animation japonaise, les principales plateformes de SVOD investissent dans l'acquisition et/ou la production de séries animées. Dans ce domaine, Netflix est le parfait exemple. En effet, la plateforme de streaming joue sur les deux tableaux en enrichissant régulièrement son catalogue avec des sagas incontournables tout en proposant son lot de projets animés “Originals”.
En France, Netflix affiche une liste vertigineuse de séries cultes, de Naruto à Cowboy bebop en passant par Hunter x Hunter, Neon Genesis Evangelion et Bleach. Ce service par abonnement acquiert également les droits de diffusion des stars du moment, une fois les saisons terminées, avec un certain délai. Cette stratégie pourrait avoir des conséquences à long terme. Nous pensons forcément aux phénomènes L’Attaque des Titans et dernièrement à Demon Slayer, deux sagas arrivées sur le tard, et donc après la bataille.
En parallèle, le service de SVOD multiplie les Netflix Originals afin de se rendre indispensable auprès des fans d’animes. Baki, Beastars, Blame!, Devilman Cry Baby, Dorohedoro, Great Pretender, Kengan Ashura et Violet Evergarden ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres, et la liste ne fait que s'étendre à chaque nouvelle annonce. Une plateforme unique pour regrouper anciennes et nouvelles séries animées… telle est la stratégie de Netflix.
De l’autre côté de l’échiquier se positionne Sony qui, contrairement à Netflix et son offre unique, joue les hydres via le rachat, l’absorption des principaux acteurs du marché ainsi que la création de nouveaux. Sony regroupe en 2021 une multitude de sociétés gravitant autour de l’animation japonaise. Niveau production, le géant japonais possède Aniplex, une compagnie fondée en 1995 et impliquée dans les séries Fullmetal Alchemist, Sword Art Online ou encore Demon Slayer : Kimetsu no Yaiba.
Depuis 2020, Crunchyroll ajoute sa pierre à l’édifice, et produit ses propres “Originals”. Voici certains des plus notables : Blade Runner Black Lotus, Shenmue The Animation, The God of High School et Tower of God. Le plus gros des assets de Sony se situe toutefois dans la distribution. En décembre 2020, Funimation et Aniplex, deux filiales de l’entreprise japonaise, annoncent le rachat de Crunchyroll. 7 mois et 1.75 milliards de dollars plus tard, l’acquisition est confirmée.
Sony devient alors l’un des principaux acteurs sur le marché de l’animes en matière de distribution en ligne aussi bien en Amérique du Nord (Funimation, Crunchyroll) qu’en France. En effet, le géant japonais possède désormais 100% des plateformes de simulcast sur le territoire français (exception faite des Netflix Originals), à savoir ADN, Crunchyroll et Wakanim. Pour voir une série animée “Day One” dans l’Hexagone, un abonnement “Sony” est de mise. La stratégie de conquête de l’animation japonaise repose ainsi en 2021 sur deux piliers… la richesse du catalogue et l’instantanéité des programmes. Netflix versus Sony… une affaire à suivre.
Vers un Netflix de l’animation japonaise ?
Une plateforme pour regrouper sous une même bannière l’intégralité des séries animées japonaises prend des airs de fiction. Que ce soit en théorie ou en pratique, cette seule idée flirte dangereusement avec l’utopie. Pourtant, Sony possède théoriquement toutes les cartes en main (ou presque) pour faire de ce rêve une “certaine réalité”. Ce n’est pas demain la veille que ADN, Crunchyroll et Wakanim fusionneront pour devenir une seule et unique entité, mais l’espoir est de mise.
Dragon Ball, Demon Slayer, Jujutsu Kaisen, L’Attaque des Titans, Naruto, One Piece, Tokyo Revengers etc. ces séries emblématiques de la japanimation pourraient un jour être accessibles via une plateforme de SVOD et de simulcast unique et donc un abonnement unique… du moins sur certains territoires. En France, ce plan hypothétique se ferait sous l’égide de Sony. Cela exclut toutefois les productions originales de la concurrence, Netflix en tête.
L’étape suivante serait d’inclure ces offres de streaming à d’autres abonnements, et le jeu vidéo partage de nombreux points communs avec la sphère mangas & animes, les publics visés étant sensiblement les mêmes. En 2021, Sony a tenté à plusieurs reprises de lier jeu vidéo et animation japonaise. Ce dernier a d’abord offert 90 jours gratuits sur Wakanim aux joueurs PlayStation lors du Play at Home avant d’intégrer Crunchyroll au Xbox Game Pass Ultimate le temps d’un essai de 75 jours. De nombreux experts y voient les prémices d’un PlayStation Plus “Anime Pass”.
Sony aurait tout à gagner à fusionner certains de ses services par abonnement afin de créer une offre “culture” ultime ce qui lui permettrait de concurrencer Microsoft et son Game Pass. D'autant que la société japonaise a lancé au printemps dernier le Playstation Plus Video Pass (uniquement en Pologne pour le moment), soit un PS+ comprenant jeux vidéo et films. En parlant de culture, le Xbox Game Pass fait désormais partie des offres éligibles dans le Pass Culture depuis novembre 2021. La boucle est bouclée… enfin presque. Reste à Sony de concrétiser cette vision idéaliste pour le plus grand plaisir des fans d’animes et de jeux vidéo