Il va de soi que le but de cet article n'est pas de décortiquer les raisons profondes d'un design. Outre son aspect esthétique, il y a fort à parier pour que son élaboration soit un véritable casse-tête pour ses concepteurs en ce qu'il requiert de prendre en compte et de faire cohabiter harmonieusement de très nombreux paramètres. Intégration de nombreux composants électroniques, ventilation, câblage, répartition du poids pour une position verticale ou horizontale... autant de considérations à garder à l'esprit pour préparer une console qui se tient autant physiquement que visuellement. L'esthétique a cependant plusieurs vertus, et pas seulement pour le consommateur. La marque elle-même doit soigneusement choisir les traits de sa machine en fonction de l'époque dans laquelle elle s'inscrit et également prendre en considération ce que fait la concurrence et opter pour un visuel tranché comme celui de la PS5, qu'il séduise ou déplaise, n'est pas vide de sens.

Le "futur" comme argument de vente et comme design

En l'occurrence, s'il est une chose que l'on ne pourra pas reprocher à Sony, que l'on aime ou non les nouvelles courbes de la nouvelle PlayStation, c'est d'avoir manqué d'originalité, voire d'audace. Depuis les débuts de la machine, ce qui est valable aussi chez les autres constructeurs, les lignes des nouvelles machines n'étaient souvent que des déclinaisons plus fines de la génération précédente. Souvent présentées en noir, dans un bloc rectangulaire avec quelques biseaux ou quelques arrondis, les consoles de l'ensemble des constructeurs ressemblaient à ce que l'on pouvait retrouver auparavant, de telle sorte que les marques jouissaient du double avantage de préserver leur identité patiemment installée dans l'inconscient collectif au fil des ans et des itérations, tout en restant ouvertes à une légère modernisation du design. Aujourd'hui Sony, dont le leitmotiv est que sa PS5 sera le « Futur du jeu vidéo » a dévoilé une console toujours rectangulaire, certes, mais tout en courbe, à dominante de blanc, présentée en position verticale, même si elle peut-être couchée, rappelons-le, et l'aspect de la machine tranche littéralement avec ce que l'on a toujours connu chez le constructeur nippon. Là où la puissance a été mise en avant comme argument de vente pour la Xbox Series, et dont le design en bloc se rapproche du PC comme pour mieux souligner la volonté de performances, Sony lui, a opté pour un aspect plus « futuriste » conformément à sa philosophie d'annonce.

Outre le fait que l'étiquette soit en accord avec le produit, c'est aussi une manière pour Sony de se démarquer, de trancher dans son design, pour montrer que la PS5 ne sera pas une évolution naturelle de la PS4 mais bel et bien un tournant radical justifiant le changement de génération, comme il l'avait déjà fait savoir au gré des quelques déclarations qui ont précédé l'officialisation de la console. Si, naturellement, le public n'est pas dupe et qu'il faudra surtout prouver cette volonté dans les faits une fois la machine sortie, l'état d'esprit, lui, est bien là, à l'image d'une Xbox qui, comme nous l'avons vu plus haut, a choisi de prendre le parti d'illustrer l'idée de performance par son monolithe noir, qui rappelle autant par ses traits que par sa verticalité, le PC. Si les consoles ont toujours eu une vraie identité visuelle, ici, la différence est plus marquée et si l'on pourrait penser – à juste titre d'ailleurs – que tout cela ne suffira certainement pas à déclencher l'acte d'achat chez le consommateur, c'est davantage l'idée que l'on se fait de l'orientation d'une machine par son design qui compte ici. Et inutile de parler du fait que débattre d'un design, c'est avant tout faire circuler le nom et l'aspect d'une console, ce qui n'est jamais une mauvaise chose pour un constructeur, qui ne crachera jamais sur un peu de publicité gratuite sur les réseaux sociaux.

Le design tranché : un problème double

Malgré tout, beaucoup de positions concernant le design s'opposent du point de vue du consommateur et chacune a son importance. Certains n'ont cure de l'aspect d'une console, d'autres y sont nettement plus attachés. Et ce débat n'est pas tout à fait anodin. Si, comme tout appareil électronique, une console est avant tout un consommable voué à être remplacé et à prendre la poussière après un certain temps, il a effectivement pour l'heure une vraie date de péremption et n'est pas à considérer comme un objet de décoration, le fait qu'il ne doive pas trop heurter le public cible avec un design trop tranché a également son importance. Effectivement, difficile de reprocher à un consommateur, qui passera des années avec une machine dans son champ de vision, souvent dans sa pièce à vivre, d'être attaché à ce que l'objet en question soit plutôt agréable à regarder et, à l'heure où la décoration intérieure occupe une place importante dans les foyers, qu'il s'intègre bien dans le salon ou dans l'endroit dans lequel il est placé. Opter pour un design tranché, c'est aussi prendre le risque de jurer avec la cohésion d'un environnement de vie élaboré avec une certaine idée de l'harmonie et nombreux sont aussi les consommateurs ne désirant pas chercher à cacher sous le tapis un objet dont ils auront un usage régulier. A contrario, d'autres préféreront justement, en tant que consommable et non d'objet destiné à être vu, que la machine soit discrète, sobre et qu'elle passe inaperçue. Là encore, un design un peu tape à l'oeil validé et c'est toute cette volonté qui s'effondre. Se montrer, c'est s'empêcher d'être passe-partout et c'est aussi s'opposer à des sensibilités différentes face à une idée très personnelle de ce qui est esthétique ou non. Si un aspect très tranché, qui refuse des formes purement cubiques comme l'a démontré Sony avec la PS5, est un parti pris qui peut s'expliquer de multiples manières, il ne satisfera pas un public qui par goût personnel rejettera la plastique choisie tout comme celui qui préférera toujours des traits sobres et passe-partout. Reste aussi tout le pan des consommateurs qui n'accordent aucune importance à tout cela, mais ces derniers ne sont pas concernés par ce débat.

Bien entendu, au-delà de ces considérations, la seule question de la place allouée aux machines et à leur intégration pratique à l'environnement du joueur a aussi une importance capitale. La position verticale est souvent problématique dans les niches des meubles destinées à accueillir de coutume des appareils horizontaux, et s'il sera possible de coucher la console, le simple changement de position change aussi la perception d'un design et un angle peut visuellement satisfaire le consommateur tandis que l'autre non. Et si l'acquéreur doit, par souci de place, opter pour une position dont l'angle de vue ne le satisfait pas, il est aisé d'en comprendre la frustration, à plus forte raison qu'il aura dépensé une somme d'argent conséquente dans un appareil dont la vocation a aussi d'être intégré harmonieusement dans un environnement de vie et à être utilisé régulièrement.

Évidemment, il se posera toujours l'inévitable et insoluble question des goûts et des couleurs. L'aspect d'une chose sera toujours soumis au jugement d'un public aux sensibilités différentes, et recueillera toujours autant approbation que désamour. Malgré tout, globalement, si le design a une importance pour la marque, pour ce qu'elle cherche à véhiculer, pour sa position face à la concurrence et également une importance pratique et purement esthétique pour le joueur, qu'il souhaite que sa console soit visible ou non, elle ne conditionnera sans doute que très peu son succès commercial. Il est évident qu'évaluer ne serait-ce que partiellement le fait qu'un design seul déclenche ou retienne l'acte d'achat d'un consommateur pour ce genre d'appareil est impossible, il paraît tout de même évident que le consensus s'articule autour des jeux et des services qu'il proposera pour faire pencher la balance d'achat pour le consommateur, chez un constructeur plutôt qu'un autre.

Et pour l'heure, Sony a dégainé quelques cartes, assez audacieuses, qui divisent certes, tout en restant tout à fait raccord avec l'orientation définie depuis quelque temps par le constructeur. Ce design concorde avec la philosophie du constructeur qui a choisi de parler de futur et qui a sans doute cherché à trancher, en matière de design, avec la concurrence. Mais les questions importantes, comme le prix ou l'orientation de la concurrence restent en suspens et revêtiront sans aucun doute une importance bien plus capitale pour l'avenir de la nouvelle génération.

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