Il y a quelques semaines, le co-game director de The Last of Us Part II Anthony Newman avait accepté de répondre à nos questions concernant la présentation du jeu au dernier State of Play. Alors que le nouveau titre de Naughty Dog sort ce 19 juin, celui-ci revient cette fois pour nous sur des anecdotes de développement, tout en glissant un message aux joueurs ayant suivi l’ensemble de la campagne de présentation du jeu : vous n’êtes visiblement pas au bout de vos surprises.
Entre infiltration et action, il faut choisir
Développer un nouveau jeu prend du temps. Pour The Last of Us Part II , le travail de pré-production a commencé dès la fin du premier épisode et les équipes alors à l’oeuvre sur Uncharted 4 : A Thief's End , puis Uncharted : The Lost Legacy ont attendu de terminer leurs travaux respectifs avant de venir soutenir celles qui étaient occupées sur la suite des aventures d’Ellie et Joel. Dans un tel laps de temps, un titre en développement a donc de fortes chances de changer radicalement d’allure. Et d’après Anthony Newman, le point qui aurait le plus évolué en cours de route concerne le système d’infiltration, qui souffrait à l’origine de la première orientation choisie pour le jeu :
L’un des points les plus intéressants du jeu, c’est que nous avons commencé en prenant beaucoup de risques très tôt dans le développement du jeu. Nous voulions même que celui-ci soit presque entièrement concentré sur les affrontements au corps à corps, plus que sur un système de couverture. Si des choses très intéressantes se sont finalement développées sur la base de ce choix, il avait au final un impact sur le gameplay d’infiltration, qui signifiait que celui-ci ne fonctionnerait pas. Nous avons donc décidé de nous reconcentrer et d’avoir une approche avec un équilibre similaire à celui que vous voyez maintenant dans The Last of Us Part II.
Un rééquilibrage qui a tout de même permis de livrer un système de combat particulièrement différent de celui du premier, car comme le signale le game director, “même si ces expérimentations initiales n’ont pas abouti, elles ont tout de même fait germer des mécaniques qui ont vu le jour”. Ce qui offre d’après ses dires un résultat “bien plus unique comparé au premier épisode”.
La genèse de l’intégration des chiens d’attaque
Si vous avez jeté un oeil attentif au dernier State of Play, vous avez aperçu l’une des nouveautés de cet opus : l’introduction de chiens de combat susceptibles de vous détecter avec leur odorat. Une idée particulièrement bien intégrée en jeu tant elle parvient à casser le confort relatif d’une séquence d’infiltration, et que nous devons visiblement à Anthony Newman lui-même :
Dans un jeu réaliste, c’est un vrai challenge d’arriver avec de toutes nouvelles mécaniques et je pense que les chiens sont vraiment enthousiasmants car ils sont réalistes, mais petits, rapides, vous vous attendez à ce qu’ils encaissent moins de dégâts et à ce qu’ils en infligent plus que les autres ennemis, donc ils créent un nouveau type de défi dans les affrontements.
Si la mécanique fonctionne dans la version finale de The Last of Us Part II, cela n’a pourtant pas toujours été le cas. À l’heure d’évoquer l’un de ses souvenirs les plus difficiles du développement, Anthony Newman se rappelle ainsi d’une réunion témoignant du fait que la mécanique des chiens d’attaque était encore loin d’être au point :
J’étais si enthousiaste à leur sujet et ils étaient en quelque sorte “ma chose”, j’essayais vraiment de bien les intégrer au jeu. Il y a 4 ans, j’ai fait le premier prototype de chien en forme de bloc gris, il ressemblait à un élément de Minecraft ou quelque chose du même genre. Je me souviens qu’après un des premiers playtests ou nous avions ajouté le chien au jeu, d’autres personnes du studio y jouaient aussi pour la première fois, il y a eu cette réunion ou un responsable du studio pour qui j’ai énormément de respect, alors qu’il y avait tous les autres responsables dans la pièce, s’est tourné vers moi et m’a dit : “Quand est-ce que nos chiens seront bons ? Car c’est si ennuyeux de les affronter, ils sont affreux, la caméra est terrible, le corps-à-corps mauvais, quel est le plan ?”. J’étais secoué, c’était la première fois que je sentais que quelque chose qui m’était personnel ne fonctionnait pas et que les gens pensaient que c’était mauvais.
Une remarque que le développeur a, comme vous pourrez le constater, su surmonter pour retravailler le mécanisme des chiens d’attaque, aidé par les system designers et les “excellents retours des testeurs et des autres personnes de l’entreprise qui, à chaque fois que l’équipe peinait à mettre le doigt sur un problème, permettait de les affiner jusqu’au moment où ceux-ci deviendraient vraiment amusants et feraient office de bon ajout au jeu”. À titre plus personnel, il évoque d’ailleurs le fait qu’il s’agissait de la première fois qu’il héritait d’un poste dans lequel il ne devait pas seulement matérialiser les demandes de ses supérieurs, mais aussi être capable d’apporter ses propres idées. Un “gros défi” pour lui, mais qu’il est “heureux d’avoir su gérer avec toute l’équipe”.
L’accessibilité comme ligne directrice
Il y a quelques jours, The Verge proposait un article consacré à l’une des nouvelles directions empruntées par Naughty Dog pour The Last of Us Part II : proposer un nombre importants d’options permettant de rendre le jeu accessible à toutes et à tous. Interrogé sur son meilleur souvenir lié au développement, son game director a réfléchi pendant quelques secondes avant de justement en citer un lié à cette notion d’accessibilité :
Il y a eu beaucoup de bons moments, je pense que le plus spécial d’entre tous à mes yeux, c’est que tôt dans le développement nous avons décidé de surmonter le défi de rendre le jeu jouable par une personne entièrement aveugle. C’est un grand challenge technique autant qu’un défi de design intéressant de se représenter comment permettre à quelqu’un d’expérimenter du gameplay d’infiltration ou le combat de mêlée. L’un de mes moments favoris au cours du développement c’était de regarder un joueur entièrement aveugle… et constater qu’il arrivait à tout faire, l’expérience complète du jeu, il tuait des ennemis discrètement, il explorait des endroits facultatifs, trouvait des objets dans le monde.
L’un des éléments les plus retors concernait ici le système de combat, dont Anthony Newman rappelait les caractéristiques basées sur l’observation des animations de l’adversaire et l’utilisation de l’esquive en conséquence. Des obstacles qui semblent évidemment insurmontables pour un joueur aveugle, mais que le studio a su compenser autrement :
Quand vous activez ce mode d’accessibilité, un léger tintement se joue à chaque fois que l’ennemi va déclencher son attaque. Il (le joueur aveugle, ndlr) était attaqué par deux séraphites avec des machettes et ça ressemblait exactement à la démo E3 dans le parking près du feu lorsque les ennemis se jettent sur Ellie : il esquivait et contre-attaquait ces deux adversaires et la chorégraphie, tout se jouait parfaitement, il s’en sortait face à deux ennemis tout seul en étant complètement aveugle. Le fait de réaliser qu’il n’avait pas juste une simple expérience du gameplay au corps-à-corps, mais une expérience de jeu aussi géniale que celle que nous partagions dans notre démo E3, qu’il puisse l’expérimenter lui-même sans être capable de voir, c’était extraordinaire à vivre.
Mentir, oui, mais pour de bonnes raisons
Il y a maintenant plus de 8 ans, Neil Druckmann (vice-président de Naughty Dog, co-créateur et scénariste de The Last of Us, mais aussi directeur du second épisode) avait profité de la campagne promotionnelle du premier jeu pour induire tout le monde en erreur. Celui-ci avait notamment déclaré que Joel serait le seul personnage jouable avant que les joueurs ne découvrent finalement qu’un chapitre entier serait joué dans la peau d’Ellie. Un petit mensonge réalisé afin de ne pas gâcher la surprise donc, et qui nous a poussé à poser la question à Anthony Newman : Naughty Dog a-t-il opté pour la même approche sur le deuxième épisode ?
Je peux l’avouer, oui, nous l’avons fait. Je pense qu’une fois que les gens joueront au jeu ils pourront regarder de nouveau certaines previews et des trailers, et réaliser que certaines choses ne se sont pas déroulées exactement comme elles semblaient le faire dans ces trailers. Pour nous, l’expérience du joueur est la chose la plus importante et je pense que la réalité, c'est que l'expérience du joueur existe en dehors de la simple expérience du jeu lui-même. Il y a les trailers, la démo de l’E3, la hype qui se construit, et nous voulons être prudents et bâtir ce qui fait cette expérience avant la sortie du jeu, nous voulions être aussi précautionneux avec celle-ci que nous le sommes avec l’expérience reflétée par le jeu lui-même.
Vous le saurez pour le prochain jeu de Naughty Dog : suivre la campagne promotionnelle d’un titre du studio californien, quelle que soit sa forme, ne garantit pas d’être spoilé car celui-ci opte pour une approche particulière et n’hésite même pas à proposer des versions alternatives de certaines séquences dans les trailers… afin de mieux vous surprendre une fois dans le jeu. Mais vous n’aurez de toutes façons pas l’occasion de l’expérimenter avant longtemps puisque son dernier-né, The Last of Us Part II vient tout juste de sortir sur PS4.
The Last of Us Part II : le dernier State of Play avec plus de 20 minutes de cutscenes et gameplay