Le beau jeu : le consensus

Il faut bien le reconnaître, la vidéo de présentation de l'Unreal Engine 5 pour la PS5 a fait un petit effet "wouah" assez unanime. Sans pour autant rentrer dans le débat éclairci dans nos colonnes rappelant qu'une démo technique n'est pas représentative de ce que vous aurez en main lorsque les jeux de la nouvelle génération arriveront dans nos salons, la perceptive de détails toujours plus nombreux, d'immersion sans cesse plus profonde et d'effet de lumières quasi- photo réaliste semble être à notre portée. Et à bien des égards, difficile de ne pas s'en réjouir. Après tout, qui n'aime pas un beau jeu ? Qui n'apprécie pas d'autant plus fort l'escapade dans un jeu qui a su déployer un univers immersif, beau à en pleurer et qui laisse aux plus artistiques le soin de prendre des captures d'écran rendant justice au travail des concepteurs de tel ou tel produit ? Certainement pas votre serviteur qui, plus souvent qu'à son tour se laisse prendre au jeu du mode photo, notamment sur une récente session de The Witcher 3, dont les performances techniques de l'époque (5 ans déjà tout de même) lui ont permis de ne quasiment pas vieillir d'un pouce et d'être toujours aussi splendide. Est-ce que le jeu aurait eu la même longévité s'il n'avait pas bénéficié d'un développement sur un moteur solide et de la volonté des développeurs de faire un bon jeu, certes, mais aussi un « beau » jeu ? Pas si sûr.

Des charmes à date de péremption

Oui, la technique est importante. Un beau jeu est aussi le témoin d'un travail cohérent et de concert d'équipes de directeurs artistiques et de techniciens pouvant répondre d'une manière pragmatique aux artistes en triant ce qu'il est possible ou non de faire tout en répondant à la vision initiale d'un projet. La technique et les graphismes sont aussi importants dans le succès d'un jeu, car ils sont incontestablement la vitrine qui emmènera des joueurs dans leur univers. Bien évidemment, les joueurs les plus assidus sauront autant apprécier un jeu qui en met plein les yeux qu'un titre nettement plus rudimentaire, du moment que la qualité est là. Mais au demeurant, s'il est bien débat qui enflamme trop souvent la toile, c'est le sujet de la technique, de la claque graphique, de quelle machine est capable d'afficher le plus de polygones ou de gérer au mieux la diffusion de la lumière. Il semblerait que parfois, la forme prenne le pas sur le fond, et que l'on oublie par la même occasion qu'un jeu, aussi techniquement irréprochable soit-il, finira immanquablement par vieillir et que finalement, ce que l'on retiendra de lui voire même ce qui lui permettra de franchir les âges, ça sera sa direction artistique, son histoire, son gameplay, sa profondeur. Le visul est un plaisir réel, oui, mais il reste un plaisir éphémère et la performance technique ne peut être révérée que pour un temps et a surtout date de péremption.

Il suffit par exemple de se souvenir de Crysis 3 , dernier volet d'une saga réputée pour être davantage une vitrine technologique qu'un jeu brillant. Le titre, très court et classique, a finalement été nettement plus vite oublié que n'importe quel autre jeu n'ayant pas les mêmes charmes plastiques. On ne l'évoque finalement plus, ou presque plus, même pour ses vertus technologiques. Si certains titres passent l'épreuve du temps, c'est autant par le plaisir que l'on a pris manettes en main que pour la direction artistique. Finalement, dire d'un jeu qu'il a bien vieilli ne veut pas forcément dire que sa technique pure était en avance sur son temps, mais plutôt qu'elle a été suffisamment bien maîtrisée par les développeurs qui l'ont manipulée à l'époque de sa conception pour la rendre presque intemporelle. Et outre la dimension artistique, d'autres titres se moquent bien encore à l'heure actuelle de leurs atouts graphiques. Branchez un Super Mario Kart et la magie opérera toujours, en dépit tout poids des années.

Si l'importance des graphismes d'un jeu vidéo n'est clairement pas à remettre en question, il serait parfois préférable qu'un beau jeu ne soit pas systématiquement loué pour ses vertus plastiques quand son fond est aux abonnés absents ou en retrait. Il semblerait que l'indulgence soit la norme lorsqu'un jeu s'avère être une claque graphique et, à l'inverse, un jeu qui ne serait pas capable d'afficher un rendu 4K / 60 FPS subirait les quolibets des plus fervents défenseurs de la technique sans que l'on se préoccupe de ses autres vertus. Mais ces charmes-là ne sont pas pérennes et faneront à mesure que la technologie progressera, ce qui ne manquera pas d'arriver là où une bonne idée, une bonne histoire et un bon gameplay eux, supporteront nettement plus le poids des années.