L’histoire du projet Alan Wake est aussi mouvementée que celle d’un héros survivant aux immondices lovecraftiennes. Dévoilé à l’E3 2005 dans le but de mettre en avant les apports technologiques des cartes graphiques ATI, le jeu est avant tout pensé comme un open world horrifique à l’intérieur duquel le joueur est libre de déambuler. Les différents soucis liés au rythme et à la narration poussent cependant Remedy à revoir leur copie pour un modèle plus traditionnel et linéaire. Des fondations pensées pour une épopée plus ouverte, Alan Wake en garde des espaces forestiers assez grands et des déplacements en véhicules lors de phases spécifiques. C’est en 2006 qu’un accord est signé entre le studio finlandais et Microsoft afin de garantir l’exclusivité du soft à la Xbox 360 et au PC. Une bonne entente qui durera jusqu’en 2016, date à laquelle Remedy décide de retrouver son indépendance après la livraison de Quantum Break .

Alan Wake narre la mésaventure d’un écrivain à succès qui subit le syndrome de la page blanche. Impossible pour lui de trouver l’inspiration et de coucher sur le papier les premières lignes d’un thriller, comme il a normalement l’habitude de le faire. C’est dans l’optique de se changer les idées, mais aussi de renouer avec sa femme, Alice, que le romancier part dans les contrées boisées de Bright Falls, bourgade (fictive) perdue dans l’État de Washington. Le cadre apaisant n’empêche pas une dispute d’éclater au sein du couple, quelques heures seulement après son arrivée dans le chalet de Diver’s Isle. Le cœur lourd, Alan s’éloigne, laissant sa femme en proie à une menace tapie sous les combles. Il s’agit du point de départ d’une histoire qui va plonger l'écrivain, mais surtout le joueur, au milieu d’une enquête surnaturelle où la réalité est aussi intangible que l’épaisse brume étouffant les environs.

Si Alan Wake a fait forte impression avec son scénario très recherché rappelant la profondeur de celui d’un Silent Hill 2 , il n’a pas forcément marqué par son gameplay jugé répétitif. Véritable jeu d’action à la troisième personne, il a souvent été comparé à Resident Evil 4 . Le titre de Remedy fait surtout honneur à la lumière. Le héros doit en effet retirer une sorte de bouclier infernal à ses adversaires damnés en pointant sa lampe torche sur leurs sombres silhouettes. Démunis de leur protection ténébreuse, les ennemis deviennent alors vulnérables aux armes à feu. Alan Wake dispose de fusées de détresse et peut réactiver des groupes électrogènes afin d’apporter la lumière salvatrice. Une autre particularité du soft est de disperser sur le chemin du joueur les pages d’un roman décrivant des événements qui vont se produire. Certains ont perçu un soupçon de spoil, d’autres une façon habile de préparer le joueur au pire.

À bien des niveaux, Alan Wake parle d’amour, mais aussi du personnage de l’artiste. Les influences de l’œuvre de Remedy viennent aussi bien des productions de Stephen King que de David Lynch, entre autres. Découpée en épisodes formant le jeu complet, l’histoire était à la base pensée pour être diffusée en dématérialisé à un rythme régulier, à la manière d’une vraie série télévisée. Microsoft avait néanmoins peur que ce format ne gangrène les ventes au fil de la diffusion des épisodes. Le géant américain sort Alan Wake le 14 mai 2010 en Europe, c’est-à-dire à quelques jours de la sortie de Red Dead Redemption . Les ventes, qui peinent à décoller dans cet affrontement direct comme le concède Sam Lake, se montreront au final satisfaisantes : Remedy annonce avoir vendu 3 millions d’Alan Wake et de son extension Americain Nightmare en mai 2013. Phil Spencer reconnaîtra bien plus tard que la diffusion épisodique aurait sûrement mieux convenu au jeu. La firme de Redmond ne voudra pas produire Alan Wake 2, préférant que Remedy tente sa chance avec Quantum Break.

Connue pour son lac Cauldron Lake et pour le parc Elderwood, la ville de Bright Falls est “un cadre fabuleux pour l’action d’un roman” selon Alan Wake. Elle est finalement devenue l’épicentre de phénomènes étranges d’un jeu vidéo dont la suite est réclamée par les fans. Tous les voyants sont au vert pour voir revenir l’écrivain. Remedy a répété à de nombreuses reprises vouloir concevoir une suite, une série télévisée est toujours à l’étude, une extension de Control devrait avoir des liens avec Bright Falls, le studio finlandais possède les droits et nous savons qu’Epic Games finance deux projets encore non annoncés avec le groupe. Tous les espoirs sont donc permis : la flamme vacille mais ne s’éteint pas.