Si le corps humain est constitué à 60% d’eau, le poids de la musique dans le plaisir de jeu - selon des statistiques tout à fait subjectives - est au moins aussi important. Même des années plus tard, la BO de certains titres me reste inlassablement ancrée dans la tête. Si bien que je chantonne encore les thèmes d’Ocarina of Time de temps en temps. Que les premières notes d’un jeu suffisent à me convaincre. Ou pire, que j’abandonne un titre parce que sa musique est insupportable.
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
Ça vous dit quelque chose, Golf Story ? RPG sympathoche où il faut taper de la balle comme Tiger Woods et devenir le meilleur. Plutôt un chouette jeu avec le recul. Mais pour s’en rendre compte, il faut passer l’ennemi, particulièrement dangereux, du premier niveau : sa BO. Au début, on est pourtant bercé par les arpèges de guitare et les chants d’oiseaux. Mais vers 1min s’annoncent des notes de basse poussives et une batterie sortie de nulle part. Des chevaliers de l'apocalypse ensuite accompagnés par le pire saxophone de l’univers, à environ 1min30. Résultat : le jeu m’est tombé des mains pendant des mois avant que j’y revienne.
Ce genre de mésaventure m’aura au moins appris une chose : dans les jeux vidéo, la musique est capitale. Et c’est vrai quand y réfléchissant bien, certaines BO m’ont marqué au fer rouge, au point de les écouter encore aujourd’hui. Je citais en intro The Legend of Zelda : Ocarina of Time et c’est sans doute le meilleur exemple de ma petite vie de gamer. Que ce soit le thème de la Plaine d’Hyrule et son cocktail épico-flippant ; celui du Domaine Zora et ses notes de guitare dépaysantes ; ou la harpe délicieusement lunaire de la Fontaine des Fées. Ces pistes-là, elles ne me quitteront sans doute jamais.
Un endroit, une situation, un morceau
Au-delà d’être simplement agréables à écouter, ces musiques ont imprimé plusieurs endroits dans mon crâne. Et ça, c’est plutôt fort. Un peu comme le parfum d’un bon plat de mamie, le jeu vidéo utilise sa BO pour marquer l’identité de différents lieux. Dorénavant, il m’est impossible de séparer les notes groovy de la Face B du Mirror Temple de Celeste. Surtout que la musique sait aussi s’adapter en fonction des situations. Pour la BO que je viens d’évoquer, elle accompagne la version alternative d’un niveau de base en plus compliqué. Les notes dansent ainsi davantage parce que le challenge est plus élevé, mais aussi parce que le joueur est soulagé d’un poids : le level est débarrassé du côté pesant qu’il avait à l’origine.
Sur la même idée, la musique change aussi souvent pour marquer le passage entre deux états : celui entre l’air libre et le fond d’un point d’eau notamment, comme dans Super Mario Odyssey (mais il y a bien d’autres exemples). Le tout confère aux notes une nature de cocon, voire même d'écosystème 3D, dans lequel le joueur s’enrobe pour profiter pleinement d’un jeu. On peut donc y ressentir une explosion de joie particulièrement intense, comme lorsque Mario accompagne la mairesse de New Donk City sur Jump Up Super Star ; ou à l’inverse, de la terreur absolue, avec par exemple les sonates grinçantes des niveaux de Silent Hill. D’ailleurs, à part les morceaux canoniques de la licence, je ne sais même pas si on peut vraiment parler de “musique” (“ambiance sonore” semble plus approprié). En tout cas ça marche diablement bien. Et il en faut pour tous les goûts.
Coup de foudre
Il m’est aussi arrivé de devenir raide dingue d’un jeu rien qu’en écoutant ses premières notes, comme avec le mix guitare / piano sans fioriture d’A Short Hike ou la flûte traversière sautillante de New Super Lucky’s Tale (sa très bonne refonte sur Switch en 2019, pas l'original bancal de 2017). Accompagnée de ce qu'il se passe manette en main et de l’identité visuelle d’un titre, la musique donne ainsi le sentiment d’un tout complet et cohérent. Je pense que c’est ce qui m’a manqué dans Golf Story. La piste du premier niveau y est - pour moi - tellement maladroite qu'elle fait vaciller l’ensemble, pourtant assez réussi.
On peut pousser le propos plus loin sur le terrain de la cohérence, en évoquant ces oeuvres qui, comme Breath of the Wild, bâtissent leur identité musicale sur un instrument, souvent très marqué. Dans les dernières aventures de Link, tous les morceaux - y compris les plus célèbres - sont joués sur un piano classique. J'aime pas trop me perdre en interprétations mais je trouve que ça colle bien à la proposition du jeu, qui offre un monde aussi naturel que les notes qui l'enrobent. Pas besoin de chercher des significations en tout genre en tout cas. La musique va généralement droit aux tripes, sans détour et sans filtre.