“Pour ceux qui ne vous connaissent pas, qui êtes-vous et qu’est-ce que vous faites dans la vie ?” ; “Ce n’est pas important maintenant. Vous savez mon nom. C’est suffisant”. En trois phrases, Dan Houser impose son franc-parler. Le passage est tiré d’une vieille interview datant de la fin des années 90. Rockstar fait alors la promotion de GTA II, sorti en 1999. Et si à l’époque l’homme ne voulait pas en dire plus, les années et le succès l’obligeront à s’exprimer davantage. Rien que le dernier GTA a rapporté plus d’argent que n’importe quel film jamais sorti, avec près de 6 milliards de dollars de recettes. Dan Houser aura ainsi maintes fois l’occasion de s'exprimer sur les jeux Rockstar. Mais prendra aussi le temps de parler de lui, à quelques rares moments. Évoquant parfois son enfance, dans l'Angleterre des années 70-80.

Un britannique pur jus

Peu de temps avant GTA II, Rockstar publiait Grand Theft Auto : London 1969, add-on du premier épisode prenant place dans la célèbre capitale. Dan Houser était alors de passage chez GameSpot UK pour en faire la promotion. “Qu’est-ce que vous connaissez de Londres ?” demande le média spécialisé. “J’y ai vécu toute ma vie” répond Houser. “Comme toutes les personnes impliquées dans la création de GTA London”.

Avant de poser ses valises aux États-Unis, que ce soit pour son siège ou l’univers de ses jeux, Rockstar est avant tout un produit britannique. La célèbre entreprise est au départ la branche américaine de DMA Design, basée à Dundee en Écosse, qui a développé le premier GTA. L’épisode fondateur ne faisant pas des merveilles sur le plan commercial, la maison mère de DMA, le label de musique BMG, décide de vendre la firme ainsi que toute sa division créative à l’américain Take-Two. Ce dernier propose alors à Sam Houser, frère de Dan, de piloter ce nouveau projet aux États-Unis. Il accepte à une condition : pouvoir le faire sous sa propre marque, Rockstar. Dan de son côté avait déjà mis le doigt dans l’engrenage en s’essayant au premier GTA. Mais il commencera seulement à travailler sur la licence en 1999, à partir de London 1969, en tant que producteur et scénariste. DMA deviendra par la suite Rockstar North après le succès de GTA III.

J’ai toujours été fan de cette période de l’histoire de Londres, grâce à mes lectures des légendes des années 60 et du début des années 70, comme à propos des Krays (jumeaux et grands noms du crime organisé) ou de Lord Lucan (homme politique jugé coupable de meurtre), mais aussi en regardant des films et émissions de télévision britanniques de cette même période (...) Tout fan de The Saint (série mêlant thriller et espionnage) et des premiers Bond adorera jouer à GTA : London - Dan Houser, à la sortie de l'add-on de GTA, par GameSpot UK

Homme passionné au franc-parler

Malgré ses racines britanniques, Dan Houser part donc pour les États-Unis. Fin 1999, il y fait la promotion de GTA II, toujours développé par DMA Design. “Dans le premier jeu, on suggérait qu’il y avait des gangs. Quelqu’un était de l’autre côté du téléphone et vous disait quoi faire” explique-t-il lors du Wizard World de 1999, un événement dédié aux comics mais où le jeu vidéo a trouvé sa place. “Cette fois, les gangs contrôlent la ville, l’industrie, et même certains endroits”. Il déroule ainsi les points forts du titre : “La physique des véhicules est dix fois supérieure à celle de GTA” ; “Tout le monde à une intelligence artificielle cette fois, même les piétons et pas seulement la police. Ils essaieront tous de faire quelque chose (en cas d'incident - NDLR)”.

Sur d’autres plateaux, Dan Houser vante “l’amour et l’attention” avec laquelle Rockstar confectionne ses jeux. Mais il n’hésite pas à jouer carte sur table quand l’occasion se présente. Dans une vieille interview, il donne son avis sur les personnes qui aimeraient voir GTA interdit. Le premier épisode avait été décrit de “malade, trompeur et méprisant” par la Fédération Policière d'Angleterre et du Pays de Galles.

Qu’est-ce que je leur dirais ? Aussi peu que possible. Ceux qui veulent que GTA soit interdit sont les mêmes personnes qui pensent que c’est le droit de tout homme de porter un flingue dans les villes, et que les médecins qui pratiquent l’avortement doivent être brûlés vifs. Ces personnes méritent d’être évitées - Dan Houser, lors de la promo de GTA II, dans une vieille interview

Volonté de bien faire

Qu'on n'aime ou pas GTA, Rockstar n'a pas fait que ça. Avant même le second épisode de la licence, Dan et son équipe développent Thrasher : Skate And Destroy, un jeu de glisse en partenariat avec la célèbre marque. La firme compte bien sûr d’autres jeux d’action, à l’instar d’Oni ou de Red Dead Revolver. Et en 2012, elle offrira une conclusion à la saga Max Payne, entamée par Remedy onze ans plus tôt. Dans les colonnes de Gamasutra, Dan Houser évoque la pression de reprendre une licence autre que la sienne, où la nostalgie et la passion des fans est omniprésente.

Je pense que le défi de la nostalgie est plus profond que les autres, parce qu'avec les jeux vidéo, notre mémoire a tendance à effacer les éléments disgracieux (...) Du coup, on comble les blancs, et des vieux jeux deviennent ces expériences géniales, voire parfaites. Que ce soit le défi de la nostalgie ou celui de faire quelque chose avec des mécaniques qui existent depuis pas mal temps, les deux challenges me terrifient. Parce qu'on met vraiment une quantité énorme d'efforts dans tous nos jeux - Dan Houser, à la sortie de Max Payne 3, chez Gamasutra

Ambition, encore et toujours

Dans la même interview, Dan Houser parle du mode multijoueur de Max Payne 3 et de la "qualité immersive" de ce dernier. "Nous pensons que quelque chose est sous-exploité avec le multijoueur" affirme-t-il. Une phrase qui vaut son pesant d'or avec le recul, dans la mesure où les modes en ligne de GTA V et Red Dead Redemption II ont une existence propre, en marge de la campagne solo. "Nous avons démontré la puissance de la perspective à la troisième personne dans un jeu single player et notre défi est de porter ça dans le multiplayer" conclut Houser.

Quoi qu'il en soit, que ce soit en solo ou à plusieurs, le cheval de bataille de Dan Houser est le scénario : il a chapeauté le script de tous les GTA depuis London 1969 et des deux Red Dead. Et de ce côté là, l'homme a aussi de grosses ambitions. "GTA V, si on fait ça bien, sera un pas en avant vers un soap opera organique et vivant" explique-t-il au journaliste Keith Stuart, dans un entretien accordé au Guardian, en 2012. "Vous avez ces trois personnages qui vivent leur vie quand vous n'êtes pas avec eux. On sait pas vraiment ce que ça signifie (...) Mais on sent que c'est quelque chose de puissant." Et sachant que GTA V est le titre le plus vendu et lucratif de Rockstar à ce jour, on peut dire que oui, c'était puissant.