Il fut un temps où lancer une console de jeux sans son platformer 3D attitré était inconcevable. La première PlayStation avait Jumping Flash, la Nintendo 64 disposait de Super Mario 64, et la Dreamcast possédait Sonic Adventure. Même la Xbox a tenté de faire bondir les joueurs quelques mois après son lancement, par l’intermédiaire de Blinx : The Time Sweeper. Qu’elles soient un marsupial rigolard, un plombier moustachu, un hérisson en baskets ou un chat muni d’un aspirateur, les mascottes (choisies comme autoproclamées) avaient toutes un point commun : elles provenaient des jeux de plates-formes 2D ou 3D. Aujourd’hui, le platformer 3D semble être tombé dans un trou dont il a malheureusement du mal à sortir.
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Un petit saut et puis s’en va
La nouvelle est tombée le 22 janvier dernier : Playful Studios, à qui nous devons Super Lucky's Tale , a décidé de réduire considérablement ses effectifs afin de “s’adapter au marché mondial” selon le communiqué officiel publié. Contrairement au petit renard qu’elle met en scène, la jeune entreprise, qui a presque tout misé sur le jeu de plates-formes depuis sa fondation, n’a pas trouvé son trèfle à quatre feuilles et doit licencier pour rester à flot. Oui, le platformer 3D rencontre des difficultés depuis plus d’une dizaine d’années. Un des tauliers du genre, Banjo, a préféré se transformer en mécano plutôt que d’arpenter les mondes de Nuts & Bolts à pied (ou sur le dos de Kazooie) en 2008. “C’est normal, chez Rare, ils n’ont plus leur savoir-faire depuis que les anciens sont partis après l'arrivée de Microsoft” peut-on lire dans les endroits mal fréquentés de la toile. Seulement voilà, lorsque ces “anciens” forment Playtonic Games et accouchent d’un Yooka-Laylee bourré d’imprécisions, et dont la note Metacritic de la version PS4 s’approche des 60 %, l’excuse ne tient plus.
Banjo-Kazooie : Nuts and Bolts
Pour la suite de Yooka-Laylee, sous-titrée “The Impossible Lair”, Playtonic préfère abandonner la 3D libre des anciennes gloires pour un gameplay en 2,5D, à la manière des Donkey Kong Country de Retro Studios et d'autres titres Yoshi (Crafted World) ou Kirby (Star Allies). Alors que les jeux de plates-formes 3D disparaissent au profit d'aventures aux scrollings plus simples à gérer, du côté de la plupart des éditeurs, un trait se tire. Ces derniers préfèrent proposer des remakes/remasters (Crash Bandicoot N. Sane Trilogy , Spyro Reignited Trilogy , Voodoo Vince : Remastered , etc.) plutôt que de réfléchir à la façon de bâtir des aventures inédites pour leurs anciennes licences fétiches.
Spyro et Crash Bandicoot sont revenus grâce à des remakes.
Cela fait depuis 2003 que Rayman n’a pas proposé une aventure 3D “libre”, et depuis 2013 que Sly Cooper n’a pas connu de nouvel épisode. Il y a évidemment des exceptions. Sony a réussi à faire revenir Ratchet & Clank en 2016 sur PS4 afin de coïncider avec la sortie du film, et Nintendo continue de connaître le succès critique et commercial avec ses Mario. Ce que nous pouvons remarquer, c'est que le jeu de plates-formes 3D est souvent utilisé pour mettre en avant de nouvelles technologies. Ce fut le cas lors du passage de la 2D à la 3D, lors de l'arrivée de la réalité virtuelle (Lucky's Tale, Astro Bot, etc.), et même lors du lancement d'Hololens (Young Conker).
Le platformer 3D est mort, vive le platformer 3D ?
Dans le monde du jeu de plates-formes 3D, Mario fait figure d’exception, voire de dernier des Mohicans. Ses aventures continuent de s'écouler par millions d'exemplaires. Lorsque nous parlons de cette franchise aux concurrents de Nintendo, ces derniers avouent avoir arrêté de chercher à comprendre les raisons d’un tel succès qui dure depuis tant d’années. Ils évoquent simplement “l’effet Nintendo”, que nous pourrions définir par une succession d’éléments ayant réussi à fédérer des passionnés transmettant volontiers leurs références à leurs enfants. Dans les studios des grands du jeu, le "Mario-killer" ne semble pas prêt d'arriver.
Super Mario Odyssey
Le jeu de plates-formes 3D a perdu de son influence depuis que les FPS et les jeux d’action trônent dans le top 3 des styles préférés des gamers. Les studios savent que faire un bon platformer 3D nécessite de solides compétences en game/level design, pour un résultat qui ne sera peut-être consommé que par un pourcentage faible de joueurs. Certains éditeurs ont tout simplement arrêté de produire des “AA” au profit de “AAA” aux genres plus populaires, ou s'acoquinent temporairement avec des studios annexes afin de garnir leurs labels “indés”. À l’instar des jeux de courses futuristes, le platformer 3D essaye de trouver une nouvelle vie chez les indépendants (Hob , Poi , A Hat in Time , Candleman ). Mais même sur Steam où les publications sont d'habitude très nombreuses, le genre du platformer 3D est finalement assez peu représenté.
A Hat in Time
Si le jeu de plates-formes 3D est beaucoup moins présent qu’à l’époque des 32, 64 et 128 bits, c’est peut-être tout simplement parce qu’il a évolué pour fusionner avec d’autres genres. Un jeu comme Assassin’s Creed utilise beaucoup de mécaniques liées au platformer 3D. Ce type de métissage n’est pas nouveau et avait même interloqué les survivants de Black Mesa, lorsqu’ils ont dû sauter de plates-formes en plates-formes pour terminer le FPS Half-Life , en 1998.
Psychonauts 2
Autrefois mets incontournable consommé par des millions de joueurs avides d'univers à l’intérieur desquels bondir en 3D, le jeu de plates-formes 3D est désormais utilisé en tant qu'ingrédient pour des aventures aux saveurs multiples. Dans un monde où Sonic s’est pris plusieurs fois les pieds dans le tapis, les géants du jeu n’espèrent plus grand chose du platformer 3D, si bien qu’ils n’en produisent quasiment plus. Tous les regards se tournent désormais vers Psychonauts 2 pour jauger une ultime fois l’intérêt du marché quant à ce genre globalement boudé quand le héros ne s'appelle pas Mario.
