En l’état, il convient d’abord de modérer l’enthousiasme qu’a pu provoquer cette nouvelle en rappelant que Sony n’a évidemment rien officialisé de son côté. Mais l’origine de l’annonce (Jason Schreier, Kotaku ) pousse à l’optimisme quant à sa potentielle concrétisation, au regard des précédentes annonces déjà réalisées par le journaliste du média américain. Surtout, d’autres indices témoignent du rapprochement progressif de Sony avec le monde du PC sur cette génération et tendraient à confirmer que le passage de Horizon Zero Dawn sur cette plateforme serait loin d’être si étonnant.

PS Now, Cross Play : l’ouverture est déjà en marche

Le premier concerne davantage ses structures que ses jeux : Sony dispose depuis quelques années du PlayStation Now, un service de Cloud Gaming vous offrant moyennant un abonnement payant l’accès à un catalogue de jeux évolutif issu des bibliothèques PS2, PS3 et PS4 . Or, après son déploiement initial sur PS3, PS Vita, PS TV, Bravia TV et PS4, le service est aujourd’hui seulement accessible sur PS4… et PC. Cette dernière plateforme dispose d’une version limitée du service (streaming bloqué à 720p, téléchargement de jeux impossible) qui ne permet pas d’en profiter de façon optimale, mais il s’agit tout de même à l’heure actuelle du seul moyen de jouer à des exclusivités PS4 sur un PC. Signe que Sony compte encore développer son service, il a récemment baissé son prix et musclé son offre avec l’ajout de plusieurs AAA d’envergure début octobre.

Ces dernières années, un autre nom s’est régulièrement invité dans les débats à l’heure d’évoquer l’ouverture de Sony aux autres plateformes. Le Cross Play, fonctionnalité permettant à des joueurs d’un même jeu de se réunir dans une même partie quelle que soit leur plateforme s’est ainsi invité sur les machines de Sony. Ce dernier a pourtant longtemps refusé d’offrir cette possibilité aux jeux sortis sur PS4, arguant que “PlayStation est le meilleur endroit pour jouer”. Pour John Smedley, président de Sony Online Entertainment de 2006 à 2015, la raison se trouvait ailleurs :

Au fait, quand j’étais chez Sony, la raison évoquée en interne pour ce choix était l’argent. Ils n’aimaient pas l’idée qu’une personne achète quelque chose sur une Xbox et l’utilise sur une PlayStation. C’est aussi simple que ça. C’est une raison stupide, mais c’est comme ça.

Mais Sony a finalement changé d’avis en lancant tout d’abord le Cross play sous forme de bêta sur certains titres (comme Fortnite en septembre 2018) avant d’annoncer une véritable ouverture des vannes en janvier 2019, par le biais d’un échange entre Jim Ryan et le média Wired. Plus proche de nous, la déclaration de Shawn Layden (à la tête de Sony Worldwide Studios jusqu’en septembre 2019) à Business Insider en marge de l’annonce du rachat d’Insomniac Games témoignait également de l’envie progressive d’ouverture du constructeur, en particulier pour des jeux multijoueurs :

Nous devons soutenir la plateforme PlayStation -- ce n’est pas négociable. Ceci étant dit, vous verrez à l’avenir quelques titres tirés de ma collection de studios qui pourraient avoir besoin de s’appuyer sur une base plus étendue.

Des fins d’exclusivité confirmées, d’autres pourraient suivre

Si le studio Guerilla Games appartient à Sony depuis 2005, d’autres historiquement rattachés à la marque, mais sans lui appartenir, ont déjà eu ou auront bientôt l’occasion de s’inviter sur PC. L’exemple récent le plus célèbre est celui des jeux Quantic Dream : après 12 ans d’exclusivité pour Sony, le studio a pu porter sur PC ses trois titres majeurs parus sur les consoles du constructeur durant ce laps de temps, à savoir Heavy Rain , Beyond : Two Souls et Detroit : Become Human . Il serait trop cavalier d’affirmer que Kojima Productions soit vraiment un studio historiquement lié à Sony, mais entre les rapports étroits entretenus par la firme japonaise avec Hideo Kojima, l’annonce de leur collaboration sous forme de vidéo en 2016 et les présentations successives de Death Stranding sur scène aux E3 de PlayStation, imaginer que le premier titre du studio reste exclusif à la PS4 n’aurait rien eu d’étonnant. Kojima Productions a pourtant annoncé une dizaine de jours avant la sortie de son bébé sur consoles qu’il ferait également le voyage sur PC dans le courant de l’été 2020. Enfin, la dernière officialisation en date est encore plus forte en terme de symbole, bien qu’elle concerne la série des MLB The Show, forcément moins populaire chez nous qu’outre-atlantique. Celle qui restait l’une des exclusivités des consoles PlayStation depuis 1997 sera désormais ouverte aux consoles Xbox et Nintendo Switch à compter de 2021, ce qui reste à marquer d’une pierre blanche pour un titre développé par SIE San Diego Studios, toujours dans dans le giron de Sony Worldwide Studios.

D’autres titres pourraient suivre, comme Dreams. Si rien n’est officiel à son sujet, les déclarations du co-fondateur de Media Molecule Kareem Ettouney auprès de GamesIndustry fin octobre montrent que le studio réfléchit déjà à la façon dont les joueurs pourraient importer leurs futures créations in-game vers d’autres plateformes. Un premier signe d’ouverture qui, au regard du genre de Dreams, pourrait tout à fait être précurseur d’une arrivée sur PC. Enfin, The Last of Us Part II a aussi eu droit à sa rumeur d’une arrivée sur PC il y a quelques jours suite à la publication d’une offre d’emploi (Graphics Programmer) de Naughty Dog sur LinkedIn. Celle-ci concerne bien The Last of Us Part II comme indiqué dans l’en-tête, mais précise qu’une connaissance des architectures AMD et Nvidia est nécessaire... alors que la PS4 et la PS5 tournent sous AMD. De même, des expériences avec Direct X12 ou la programmation PC sont également bienvenues d’après l’annonce, même si les expériences concernées restent facultatives et peuvent être liées à d’autres architectures ou plateformes. C’est encore trop léger pour envisager l’arrivée de The Last of Us 2 sur PC ou affirmer quoi que ce soit, mais il pourrait s’agir d’un premier indice sur le sujet.

MLB The Show, Dreams et The Last of Us Part II

Un boost sur les ventes à long terme ?

Pourtant, il est également tout à fait possible que le portage des jeux Sony sur PC ne se fasse pas en même temps que leur sortie sur consoles. C’est même une stratégie qui pourrait être intéressante pour la marque : avec Horizon : Zero Dawn, God of War , Spider-Man , The Last of Us Remastered et Uncharted 4 : A Thief's End , elle dispose de 5 titres qui ont franchi les 10 millions de ventes sur PS4, et même 15 pour le dernier cité. Plus que par son hardware, Sony s’est distingué par les excellents retours critiques et les ventes solides de son catalogue “first-party” sur cette génération, et pourrait donc vouloir profiter de l’image dont bénéficient certains de ces titres pour leur offrir une arrivée sur PC. Difficile en effet d’imaginer qu’un nouveau public ne serait pas un minimum intéressé par le portage de jeux bénéficiant d’une aura et de retours généralement très positifs de la part des joueurs.

Le principal inconvénient de ce choix, ce serait évidemment le potentiel coup porté à l’image des consoles PlayStation, qui perdraient des exclusivités faisant office d’atout supplémentaire à l’heure de choisir dans quelle console investir. Sauf qu’en portant les jeux concernés sur PC bien après leur sortie console, Sony pourrait à la fois attirer les joueurs sur ses machines pour la raison citée précédemment, tout en s’offrant un deuxième cycle de ventes pour les plus réfractaires au passage sur consoles PlayStation. De plus, en dehors de quelques exceptions, la majorité des titres les plus vendus sur PlayStation 4 reste développée par des éditeurs tiers - FIFA , Call of Duty et les jeux Rockstar occupent une bonne partie du classement -, ce qui vient tempérer l’argument de l’exclusivité comme juge de paix au moment d’acquérir une console. Mais à l’image de la rétrocompatibilité, la présence d’exclusivité reste un atout important quelles que que soient les ventes réelles. Il reste en effet toujours intéressant pour le joueur de se dire qu’en cas de besoin, la console qu’il a achetée proposera toujours une fonctionnalité ou un jeu qui aurait quoi qu’il arrive été absente des machines concurrentes. Reste à voir si Sony choisira la voie de la sortie simultanée, qui lui offrirait des ventes de jeux bien plus importantes, mais pourrait s’avérer risqué à l’heure d’écouler sa nouvelle machine.

Le Decima Engine à l’épreuve du PC ?

Mais cette sortie pourrait tout aussi bien ne concerner que Horizon : Zero Dawn, pour une toute autre raison : Guerrilla Games a confié son moteur, Decima, à l’équipe de Kojima Productions a qui il a ensuite apporté son expertise technique pour l’aider à développer Death Stranding dessus. Ce dernier arrivant sur PC cette année, le moteur a sûrement bénéficié d’un travail d’optimisation et d’amélioration en vue de ce portage, travail dont pourrait donc bénéficier Guerrilla en portant à son tour Horizon sur PC (ainsi que pour le développement de sa suite, mais c'est un autre sujet). Un choix d’ordre financier, qui pourrait aussi témoigner de la maîtrise technique d’un studio toujours réputé sur ce point, mais qui n’a encore jamais eu l’occasion de le montrer en dehors des consoles PlayStation. Si l’examen de passage du Decima Engine s’avère réussi au lancement de Death Stranding sur PC, Sony pourrait également envisager à terme de le vendre à d’autres éditeurs soucieux de disposer d’une solution fiable clé en main. Comme le signale Jason Schreier dans son article annonçant le futur portage de Horizon : Zero Dawn sur PC, l’analyste Mat Piscatella a récemment pointé sur Twitter que le futur du jeu vidéo reposerait sur les écosystèmes, pas sur les plateformes. Les récentes orientations de Microsoft et même de Nintendo témoignent effectivement de cette tendance, il serait donc étonnant que Sony n’emprunte pas cette voie à son tour. D’autant plus que rien ne l’empêche de le faire à sa manière, en tâtant dans un premier temps le terrain avec des sorties décalées d’une part, et quelques essais de portage de ses moteurs d’autre part.