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News jeu Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
Profil de Ayden_,  Jeuxvideo.com
Ayden_ - Journaliste jeuxvideo.com

Si la tendance s’est estompée avec les générations, les adaptations de films font toujours partie des plans des éditeurs. Long-métrages d’animation, dernier blockbuster en date, série à la mode… tous ont été croqués, un jour ou l’autre, au format vidéoludique. De nos jours, la qualité est (plus) souvent au rendez-vous et la grogne est moins palpable qu’il y a une trentaine d’années. Celles et ceux qui ont vécu l’ère des consoles 8 et 16 bits se souviennent probablement des adaptations réalisées à l’emporte-pièce et/ou des ignominies ludiques comptant sur l’impact de leur simple jaquette. D’ailleurs, il suffisait d’ouvrir un magazine spécialisé pour avoir son quota de médiocrité mensuelle. Des éditeurs comme THQ – qui a bien changé par la suite – avaient ainsi une réputation exécrable. On pense aussi à LJN, une subdivision d’Acclaim, qui multipliait les jeux à licences tous plus ratés les uns que les autres. Heureusement, ce n’était pas le cas de toutes les œuvres et certaines, dont celles issues de l’univers Disney (Castle of Illusion starring Mickey Mouse, QuackShot starring Donald Duck, World of Illusion starring Mickey Mouse and Donald Duck…), étaient particulièrement fédératrices. Et puis est arrivé Aladdin. Voici l’histoire d’un jeu qui est resté dans la mémoire collective tout en redistribuant les cartes au sein de l’industrie vidéoludique.

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
Note d'intention

Au même titre qu'un film, qu'une pièce de théâtre ou qu'une comédie musicale, la création d'un jeu vidéo est un long processus et un morceau de vie pour des dizaines voire centaines d'individus. Durant ces mois et années, il arrive que la production soit émaillée d'évènements pouvant bouleverser l'édifice créatif. Ces obstacles forment l'expérience et permettent d'aboutir, généralement, à une œuvre bien différente des concepts d'origine. Le jeu vidéo n'échappe pas à cette règle et il est souvent l'épicentre d'une foule de circonstances amenant les développeurs à se surpasser. Jeuxvideo.com a décidé de vous raconter l'histoire de ces jeux, mais surtout de ces hommes et femmes qui ont, par le prisme d'une œuvre artistique, écrit une partie de leur biographie. Régulièrement, vous retrouverez les témoignages de ces artistes apportant un nouveau regard sur les productions d'hier. Pour cette nouvelle escapade au cœur des années 1990, nous avons choisi de nous attaquer à un mythe du jeu de plate-forme : Aladdin. Bonne lecture et n'hésitez pas à nous dire, dans les commentaires, si vous souhaitez revoir de façon régulière ce type d'articles.

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
David Perry est une figure incontournable du jeu vidéo des années 1990.

Pour comprendre les origines de cette œuvre, il faut remonter dans les années 1980 et s’intéresser au parcours d’un créateur dont la renommée n’est plus à faire : David Perry. Né le 4 avril 1967 à Lisburn, en Irlande du Nord, le garçon développe un don pour la programmation durant son adolescence. À 15 ans, il profite de l’arrivée du micro-ordinateur bon marché, le Sinclair ZX81, pour réaliser son premier jeu. Il s’agit d’un soft de conduite dans lequel une « goutte noire » doit éviter d’autres « gouttes noires ». Bien que le programme soit rudimentaire, il est remarqué par une revue spécialisée. David Perry, qui a pris l’habitude d’envoyer ses programmes à ce magazine, est contacté et reçoit son premier chèque – qui est de 450 livres. À l’époque, cela le marque profondément car il est ado et ne possède pas encore de compte en banque. Peu de temps après, il est embauché par l’entreprise Mikro-Gen Ltd. Nous sommes en 1984, Perry a alors 17 ans et s’installe à Londres. Pyjamarama, sa première réalisation professionnelle, fait parler de lui. Devenant l’une des cibles des chasseurs de têtes, il est embauché par Mirrorsoft, Elite Systems et enfin Probe Software. C’est dans ce studio, qu’il fait la connaissance, en 1987, d’un jeune artiste écossais du nom de Nick Bruty. Ensemble, les deux garçons travaillent sur des adaptations micro de différents titres : Trantor the Last Stormtrooper, Savage, Supremacy : Your Will Be Done, Tintin sur la Lune et même… Teenage Mutant Ninja Turtles. Le duo ne le sait pas encore mais il va devenir l’un des plus respectés des années à venir…

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveillesLes coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveillesLes coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles

Mais pour comprendre, il faut prendre la direction des États-Unis.

LA CROISÉE DES DESTINS

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les destins de Gregg Tavares et David Perry vont s'entrecroiser.

Aux débuts des années 1990, les temps sont durs pour Gregg Tavares. Sans emploi et incapable de payer son loyer et ses factures, il est à deux doigts de se retrouver sur la paille. Ses cartes de retrait n’ont plus aucune utilité depuis qu’on lui a signifié son statut d’interdit bancaire. Dos au mur, il doit absolument retrouver un job. L’intéressé contacte un ami, Dan Chang, qui travaille pour un petit studio de développement de jeux vidéo appelé Trilobyte. Gregg Tavares obtient alors un entretien auprès du grand patron, Graeme Devine, et parvient à séduire son interlocuteur. Embauché, il participe à la création de Caesars Palace sur Game Boy puis œuvre sur Terminator, un titre à destination de la NES. Tout va pour le mieux jusqu’au moment où son supérieur vient le voir… Le projet M.C Kids – qui deviendra McDonald Land en Europe – est en perdition. Gregg Tavares et Dan Chang doivent cesser le travail sur Terminator pour se concentrer sur le jeu de plate-formes mettant en scène l’univers de la célèbre franchise de hamburgers.

Gregg Tavares se souvient :

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Le développement a débuté en août et il a duré 13 mois. Dan travaillait alors sur différents éléments, dont un logiciel d’animations de sprites. Malheureusement, en février, il était toujours dessus et le jeu n’était pas terminé. Ils n’ont rien voulu savoir et il a été viré. Je me suis retrouvé comme seul programmeur sur M.C Kids. J’ai continué à bosser sur le logiciel d’animations jusqu’au mois de mars mais ils m’ont demandé, après quelques semaines, de me concentrer sur la programmation du jeu. Celle-ci a pris six mois. Heureusement, un collègue (Darren Bartlett) avait dessiné des croquis pour le design, mais avec du temps supplémentaire, on aurait pu ajouter quelques petits éléments en plus.

Durant le développement du jeu, l’enseigne McDonald’s donne des consignes très précises. Il est ainsi interdit de faire apparaître la moindre nourriture au cours de l’aventure. Les dirigeants ne souhaitent pas que le jeu soit perçu comme un objet de promotion publicitaire. Par ailleurs, pour éviter tout problème avec des associations luttant contre le racisme, les deux gamins M.C Kid et Micky D. sont renommés Mick et Mack. Ces précautions peuvent surprendre (surtout l’absence de nourriture) pour la multinationale de restauration rapide mais il suffit de se remettre dans le contexte de l’époque pour comprendre les tenants et aboutissements de cette affaire (qui aura des répercussions sur le parcours de David Perry comme on le verra plus loin). En 1990, l’affaire Mc Libel éclate en Angleterre et matérialise la lutte de l’enseigne McDonald’s contre deux écologistes britanniques. L’affaire se conclura en… 2005 par la victoire des deux personnes, David Morris et Helen Steel. Quoiqu’il en soit, à l’époque, les dirigeants de McDonald’s ne veulent surtout pas faire de vagues et on comprend, dès lors, pourquoi ils demandent expressément à Trilobyte de ne pas faire apparaître de nourriture dans le jeu.

Le procès Libel a défrayé la chronique en Angleterre.

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Le lien avec Aladdin et David Perry ? On y vient.

M.C Kids, connu chez nous sous le nom McDonald Land, paraît en 1992 aux États-Unis et un an plus tard en Europe. Le problème, c’est que le jeu est très ressemblant à un certain moustachu (la carte du monde, faisant trop penser à Super Mario Bros. 3, a été entièrement remodelée, tout comme les power-ups). Nintendo ne se fait alors pas prier pour en réclamer l’exclusivité comme l’explique Gregg Tavares :

Le plus gros problème qu’on a eu avec Nintendo, c’est qu’ils n’ont pas interféré une seule fois, sauf à la fin où ils nous ont envoyé une lettre qui disait en gros que M.C. Kids était une copie de Mario, et qu’il fallait qu’on accepte de ne le sortir que sur Nintendo. Apparemment, Virgin avait un accord avec SEGA qui stipulait que s’ils sortaient un jeu chez Nintendo, ils devaient aussi le vendre chez eux. Ça a été la panique chez Virgin !

L’éditeur, dans une impasse, doit rapidement trouver une solution. Lui qui pensait faire de M.C. Kids un jeu multi-plateformes se retrouve dans la panade la plus totale. L’une des pontes de Virgin Games aux États-Unis décide alors de prendre son téléphone…

LE DÉPART POUR LOS ANGELES

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Un soir, alors que David Perry vaque à ses occupations, il reçoit un coup de téléphone. Au moment de prendre le combiné, le jeune adulte ne s’attend pas à une telle proposition :

David, nous savons que tu es doué. Virgin Games a une offre pour toi, afin de réaliser des jeux pour la chaîne de fast-food McDonald’s. Quel que soit ton salaire actuel, nous te payerons davantage !

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Global Gladiators a été un succès et David Perry a été récompensé par SEGA pour ce premier jeu au sein de Virgin.

Estomaqué par ce qu’il entend, l’Irlandais se donne un court temps de réflexion et accepte le deal. Quelques semaines plus tard, alors qu’il approche les vingt-cinq ans, il découvre Los Angeles et la Californie. Et il n’est pas tout seul ! Comprenant que Virgin avait un besoin urgent, il n’a pas hésité à demander aux dirigeants américains d’embaucher Nick Bruty, son acolyte écossais. Les deux garçons, se connaissant par cœur, ont alors la lourde tâche de réaliser un jeu sous licence McDonald’s pour la Mega Drive. Ce jeu, c’est bien évidemment Global Gladiators… et il va autant charmer SEGA que faire hurler les hautes instances de McDo. En effet, dans cette aventure, Mick et Mack doivent nettoyer… la pollution, ce qui fait immédiatement écho à l’affaire dans laquelle l’enseigne McDonald's est engluée. Dans une autre situation, avoir un jeu qui soutient une cause écologique aurait été probablement apprécié. Mais dans ce cas précis, c'est une catastrophe aux yeux des pontes de l'enseigne aux burgers. Le jeu, un temps menacé, parvient tout de même jusqu’aux magasins grâce à la ténacité de Virgin et SEGA.

C’est donc grâce à cet incroyable concours de circonstances que David Perry, jeune programmeur officiant à Londres, est catapulté aux États-Unis chez Virgin. En parallèle de Global Gladiators, il développe la version Mega CD de The Terminator puis s’attèle à l’excellent Cool Spot, le jeu de plate-formes mettant en scène l’une des mascottes de la marque 7 Up. Les journalistes, les joueurs et l’industrie tout entière commencent à comprendre que ce créateur a décidément quelque chose d’unique.

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DE LA JUNGLE AU MILLE ET UNE NUITS

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
Alors qu'ils travaillent sur le Livre de la Jungle, SEGA leur demande de tout stopper pour se concentrer sur Aladdin.
Perry n’est pas le seul à se faire une place au soleil. Virgin Games, porté par le succès de ses jeux, devient un interlocuteur prestigieux. Alors qu’ils travaillent main dans la main avec SEGA depuis un moment, les pontes de Disney acceptent de signer un contrat en faveur de l’éditeur américain. Et quel contrat ! L’entreprise obtient le droit d’adapter le Livre de la Jungle en jeu vidéo. David Perry, Nick Bruty et leurs partenaires se mettent au travail pour tenter d’adapter l’œuvre de 1967 avec un grand respect, que ce soit dans la direction artistique, les animations, les musiques… Et puis, soudain…

À l’époque, nous étions en train de travailler sur Le Livre de la Jungle et j’étais très fier des progrès réalisés. Puis SEGA est intervenu et Aladdin est devenu un projet à gérer en urgence, donc j’ai transposé une partie du code et des idées du Livre de la Jungle dans Aladdin. C’est ce qui nous a permis de boucler ce jeu en un temps record.

L'obtention de la licence Aladdin

Disney n'a pas donné la licence Aladdin à Virgin comme ça. Il a fallu que l'éditeur américain se batte pour obtenir cette franchise qu'il désirait tant. William Anderson, responsable du design des niveaux, glisse cette histoire dans le magazine Retro Gamer : "Disney et SEGA nous ont dit qu'ils n'avaient pas aimé ce qu'ils avaient vu chez Blue Sky, et que ça les emmerdait. S'ils ont toqué à notre porte, c'est parce qu'on avait fait Cool Spot en six mois et demi, qu'ils avaient perdu du temps avec Blue Sky et qu'ils voulaient le jeu pour la sortie VHS du film." Pour établir un design, David Bishop, designer en chef chez Virgin, part pour la Floride. "On m'a enfermé dans une pièce avec un garde, devant un LaserDisc du film. Disney refusait de nous confier une copie, donc on devait aller chez eux pour voir et revoir le film, encore et encore." Après avoir établi un design en 24 heures, il convoque William Anderson dans son bureau, ce qui ne va pas manquer d'interpeller son interlocuteur : Il m'a terrorisé. Il m'a demandé sur quoi je travaillais, je lui ai répondu que je bossais sur le Livre de la Jungle et il m'a dit : Non. Après une longue pause pendant laquelle je me pissais dessus, il m'a dit : Tu travailles sur Aladdin. Maintenant, tu rentres chez toi, et demain matin, tu m'apportes un level design. On a moins de 24 heures devant nous pour persuader les dirigeants de Disney de nous confier le projet. Anderson a pu compter sur la bonne intention de Disney, qui lui a fourni des rouleaux des décors du film, et il est revenu le lendemain avec une proposition – le premier niveau à Agrabah – qui a permis à Virgin de décrocher le contrat.

Alors que l’équipe de Perry est en plein travail sur le Livre de la Jungle, Virgin signe un nouvel accord avec Disney et SEGA. Dans le sillon du nouveau film d’animation du studio, Aladdin, le géant américain et la firme japonaise ont pour objectif de réaliser une adaptation vidéoludique du long-métrage en exclusivité sur les consoles de SEGA. Le temps est compté puisque le long-métrage, qui n’en finit plus d’émerveiller petits et grands, doit sortir en cassette vidéo (format VHS) dans l’année à venir. Heureusement, l’équipe n’est plus celle qu’elle était à ses débuts. Au sein de Virgin, les membres de l’équipe se connaissent désormais très bien et ont désormais une expérience solide.

David Perry résume :

De tous les jeux créés chez Virgin, Aladdin reste mon favori. Avec Global Gladiators et Cool Spot, l’équipe était toute nouvelle et nous n’avions pas les mêmes affinités. Avec Aladdin, nous formions une véritable team et nous avons trouvé notre rythme de croisière.

Il poursuit :

Quand Jeffrey Katzenberg a demandé comment Disney pouvait nous aider, on a demandé si ses propres animateurs, en Floride, pouvaient travailler sur le jeu, sous la supervision de Mike Dietz. Seul Katzenberg pouvait prendre ce genre de décision et c'est grâce à lui que ça a pu se faire. La qualité des animations était incroyable et on traitait chaque image qu'on recevait avec un immense respect.

Aladdin bis ?

L’histoire du jeu Aladdin aurait pu être bien différente. Avant de confier le développement du titre à Virgin, Disney et SEGA ont signé un contrat avec un autre studio - BlueSky Software - et une équipe a commencé à travailler sur l’adaptation du film de Disney. Mais pour de multiples raisons – dont un développement chaotique et une qualité loin des standards souhaités – le deal a été rompu entre les différentes parties et c’est Virgin qui a récupéré la « patate chaude ». La raison est simple : Martin Alper, le boss de Virgin Games, est l'ancien dirigeant de Mastertronic, le distributeur des consoles et jeux SEGA en Europe jusqu'à l'année 1991. Aussi, lorsque Disney se retrouve dans une situation inconfortable, elle n'hésite pas à l'appeler pour lui proposer le contrat. Ce dernier, qui connaît parfaitement les coulisses de SEGA, accepte et c'est ainsi que débute la folle aventure. Un jeu de chaises musicales, quoi. Quant à Blue Sky, rassurez-vous, ils s'en sont très bien sortis. En réalité, ils avaient un projet encore plus important qu'Aladdin puisqu'il s'agissait de Jurassic Park. Disney, par le biais de Patrick Gilmore, a compris que le conte des mille et une nuits n'était pas la priorité du studio et leurs craintes se sont confirmées en découvrant les premiers travaux. À l'inverse du jeu Aladdin que l'on connaît, le titre était moins peaufiné, plus droit dans son level design, plus anguleux dans ses décors et ne reflétait pas la direction artistique du caricaturiste Al Hirschfeld (dont s'inspire le film). SEGA avait mis une certaine pression sur les épaules de Blue Sky à propos de Jurassic Park et il a été décidé de ne pas leur ajouter de difficultés supplémentaires. Sage décision.

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles

En 1993, Disney prépare activement la sortie d’Aladdin en VHS pour la fin d’année. En coulisses, tout le monde s’active car le film d’animation est un véritable mastodonte qui s’apprête à rafler deux oscars et d’autres prix prestigieux. Dans l’équipe de David Perry, la pression est palpable, comme le rapporte l’intéressé dans le making of de la compilation Disney Classic Games : Aladdin and The Lion King :

Il ne suffit pas de dire de créer le jeu Aladdin pour que ça tombe du ciel. Il a fallu nous frayer un chemin jusqu’à lui, prouver qu’on pouvait transposer de l’animation traditionnelle dans un jeu vidéo. Nous avions des artistes capables de réaliser des animations du standard qualitatif de Disney et notre musique allait de nouveau gagner des prix. Avec Aladdin, l’équipe a mis une énergie et une attention comme jamais auparavant. Nous n’avions pas beaucoup de temps pour créer le jeu et nous l’avons réalisé en 99 jours environ. À l’époque, il s’agissait de l’un des développements de jeux vidéo les plus rapides de tous les temps.

David Perry ne ment pas. En reprenant ses interviews, parues dans les anciens magazines, on comprend que ce fut un véritable exploit. Lors du CES 1993 à Chicago, le garçon s’exprime auprès des journalistes de Consoles +. Ces derniers, bluffés par le jeune Irlandais, recueillent alors ces paroles :

J’ai commencé à programmer le jeu Aladdin le 22 avril 1993. Tout ce qui a été montré durant le salon a été conçu en exactement 40 jours. Mais attention, lorsque je dis 40 jours, c’est matin, midi, soir, samedi et dimanche compris. Je mangeais devant mon ordinateur des sandwiches à longueur de journée, les yeux rivés sur le moniteur.

Il complète :

Disney a été génial. Bien sûr, ils suivaient chacune des étapes de mon travail et corrigeaient certains points lorsqu’ils n’étaient pas d’accord, ce qui est normal. Mais d’une façon générale, tout s’est admirablement bien passé avec Disney. Tous les graphismes des animations ont été réalisés par des dessinateurs de chez Disney et c’est certainement pour cela que le jeu est, à ce niveau, si parfait. Pour vous donner une idée sur le travail effectué par Disney sur Aladdin, voici quelques chiffres : Cool Spot, qui est pourtant superbement animé, comporte 400 images d’animation, Le Livre de la Jungle en contient 900 et Aladdin, lui, 1500. À ce tarif-là, c’est logique que le résultat soit à la hauteur.

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Pour la sortie en VHS, Disney a bien l’intention de mettre le paquet. Dans le contrat signé avec Virgin, il est indiqué que chaque boite de la cassette vidéo contiendra un dépliant publicitaire pour présenter le jeu. Avec un tel tremplin, Virgin ne peut laisser sa chance et doit tout faire pour respecter les délais. Heureusement, elle peut compter sur son homme providentiel…

UN HOMME PASSIONNÉ PAR L’ANIMATION

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Si les œuvres de David Perry sont animées à la perfection, ce n’est pas un hasard. En plus d’avoir un sens prononcé des affaires, l’Irlandais est un passionné d’animation. Lorsqu’il arrive aux États-Unis, le jeune homme s’entoure volontairement d’animateurs performants et spécialisés dans l’animation traditionnelle. Et si son discours fait mouche, notamment auprès d’animateurs comme Mike Dietz, ce n’est pas une surprise. À l’inverse de nombreux créateurs qui ont tendance à faire une coupe sévère dans les étapes d’animation, David Perry accorde, au contraire, une mémoire encore plus importante à ses animateurs. Dans Aladdin, alors qu’il peut se contenter des animations made in Disney, il obtient auprès de Jeffrey Katzenberg, le big boss de Walt Disney Pictures à l’époque, l’autorisation de réaliser des animations totalement inédites pour le jeu. Ainsi, là où d’autres concepteurs privilégient le code ou la bande-son, Perry mise sur l’animation et laisse une totale carte blanche à ses animateurs, quitte à se farcir des heures supplémentaires de compression de données et autres bidouilles de programmation. Et c’est exactement ce qui va se passer avec Aladdin.

Pour obtenir le résultat escompté, l’équipe, après moult réflexions, reprend – dans les grandes lignes – la technique entrevue dans des jeux comme Prince of Persia ou encore Flashback. Celle-ci consiste à prendre un dessin traditionnel sur une feuille de papier, à numériser l’illustration pour ensuite l’adapter en respectant les contraintes techniques – et notamment les couleurs – de la Mega Drive. En somme, réaliser un dessin animé interactif en passant d’une animation traditionnelle à un personnage de jeu vidéo en pixels. Cela peut paraître simple dit comme ça mais, en réalité, c’est un travail éreintant et extrêmement pointilleux. Et les prémices s’avèrent complexes…

Le Digicel

Le Digicel est le nom donné au processus permettant de passer d’une animation traditionnelle à une animation sous forme de sprite. Ce n’est pas un logiciel à proprement parler mais plus un ensemble de tâches qui, mises bout à bout, permettent d’atteindre le résultat aperçu dans le jeu Aladdin. Lors de la numérisation des dessins des animateurs de Disney, les œuvres perdaient de leurs détails. Les animateurs de Virgin prenaient alors le relais pour ramener les croquis au niveau du standard qualitatif de Disney. Ils retouchaient chaque dessin un à un afin que les graphistes, par la suite, puissent donner vie à des sprites détaillés et respectueux du film. Ce processus, expliqué dans la compilation Disney Classic Games : Aladdin and The Lion King est juste dingue.

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Les premières esquisses des mouvements étaient envoyées à Disney Feature Animation en Floride.

En premier lieu, Mike Dietz, le responsable des animations du jeu, esquissait les mouvements du personnage sur une feuille en ajoutant des indications comme le nombre d'images et d'autres informations. Ces feuilles étaient envoyées en Floride et réceptionnées par les animateurs de Disney Feature Animation. Là-bas, les animateurs de Disney réalisaient des essais animés au crayon très sommaires - ce qu'on appelle des versions "rough". Mike Dietz donnait son avis et une fois que les essais étaient approuvés, ils étaient envoyés à Metrolight, une société qui se chargeait de les scanner image par image. Ensuite, ils étaient renvoyé à Virgin à Irvine, en Californie. Là, ils étaient convertis à la résolution voulue pour le jeu et étaient colorés en respectant la palette de la Mega Drive. Le tout était ensuite renvoyé en Floride. Les animateurs de Disney entraient alors en phase de "nettoyage" et d'optimisation afin de vérifier que les personnages répondaient aux exigences d'épaisseur du trait. Avant la mise en couleurs, ils s'assuraient que chaque segment du personnage était fermé. Dans le cas de réajustements, il fallait réaliser d'autres esquisses mais par manque de temps, les tests au crayon supplémentaires étaient réduits à leur strict minimum. Sur la fin, l'équipe de Virgin s'est même chargée toute seule des ajouts de dernière minute. Une fois que les animations nettoyées étaient validées, elles étaient renvoyées à Metrolight qui se chargeait de l'encrage et la coloration numérique. L'entreprise entrait ensuite dans une phase de scan où chaque fichier scanné et peint était à nouveau convertis dans la bonne résolution, avant d'être recolorés selon les limitations de la palette de la Mega Drive. Pour terminer, le tout était renvoyé à Virgin qui finalisait le processus en incorporant les animations dans le jeu en lieu et place des animations de test au crayon. Les ultimes retouches, si nécessaire (genre un pixel disgracieux ou un artefact inutile), étaient alors réalisées exclusivement par Mike Dietz et les animateurs du studio.

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveillesLes coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveillesLes coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles

Complètement fou mais on comprend mieux pourquoi le jeu atteint un tel niveau.

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
Sur ce document, Mike Dietz décompose les scripts des animations et indique leur correspondance pour David Perry.
Au début du développement, l’équipe découvre qu’il y a un décalage entre les travaux de Disney en Floride et le studio californien. Afin de régler ce problème, l’animateur Mike Dietz est invité à effectuer plusieurs voyages entre les deux destinations pour aller enseigner aux animateurs de Disney la méthode permettant de transposer un dessin traditionnel dans un jeu vidéo. À l’époque, si le garçon apprécie l’expérience, il est aussi en émerveillement devant les petits génies du crayon chez Disney.

Il image la situation de la sorte :

C'était comme si un joueur de baseball de seconde zone entrait dans le Yankee Stadium pour leur apprendre à jouer.

Malheureusement, le temps s’effrite et des personnes au sein de Virgin commencent à perdre confiance. Elles craignent que l’équipe ne soit pas assez expérimentée pour mener à bien un tel projet.

C’est finalement au moment où la situation est la plus tendue que les membres de l’équipe parviennent à un prototype convaincant. Design, gameplay, idées… petit à petit, le jeu se trouve une identité et redonne le sourire à toute l’équipe. David Perry, poussé par cet élan positif et l’ouverture d’esprit de Jeffrey Katzenberg, en profite pour ajouter de nouvelles fonctionnalités au personnage afin que le jeu dispose de mécaniques plus agréables. Il y a d’abord le combat à l’épée. Puis c’est au tour du lancer de pommes d’être incorporé. Les suggestions se multiplient, certaines fonctionnent, d’autres pas. Mais qu’importe, tout le monde tire dans le même sens. Pour Aladdin, un effort considérable est porté sur la caméra (le rendu est saccadé pendant de nombreuses semaines) et des tests, en compagnie d’enfants, sont organisés afin de jauger la difficulté et de la doser convenablement. Pendant que les petites têtes blondes s’amusent, David Perry et ses collègues sont derrière une vitre à les scruter pour découvrir leurs réactions.

Le gameplay avant tout

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
David Perry voulait absolument que l’histoire soit racontée dans Aladdin. Même si les gens connaissaient le scénario avec le film, le créateur avait besoin de cette trame pour donner du corps au jeu. Avec son équipe, il a alors imaginé ces petites scénettes et ces textes s’affichant à l’écran… jusqu’au moment où l’intéressé a compris que ça ne servait à rien. Un jour, alors qu’il était en plein test, il s’est aperçu que tous les mômes placés devant les moniteurs étaient en train d’appuyer sur tous les boutons pour zapper ces textes pour passer au jeu. En compagnie de Tommy Tallarico, il rapporte « C’était super drôle. Nous étions en train de regarder une pièce remplie d’enfants et tout ce que l’on voyait, c’étaient les pouces qui s’excitaient sur les boutons. Clic, clic ! (Rires) Il y avait une petite fille dans cette pièce qui s’est assise devant l’écran, elle a lu tout le truc et on lui a demandé pourquoi elle avait lu l’histoire. Et là, elle nous a répondu : « Je pensais que ça disait quelque chose d’important mais en fait… non. Je suis vraiment agacée. » (Rires) C’est un point très intéressant parce qu’il y a un débat aujourd’hui pour savoir si les jeux vidéo doivent raconter des histoires ou se focaliser sur le gameplay. Clairement, à l’époque, c’était le gameplay. »

Aladdin sur Mega Drive est le résultat d’une somme de talents mais aussi de la force de trois entreprises surpuissantes. Virgin s’est chargé de la conception du jeu, Disney a apporté la licence et l’expertise de ses animateurs tandis que SEGA, totalement séduit par la qualité du jeu, a demandé à participer à la distribution pour en faire LE titre de la fin d’année 1993. C’est tous ces éléments qui ont donné naissance à une œuvre inoubliable et intemporelle. Et si elle est intemporelle, c’est parce que sa réalisation, dans les moindres détails, est stupéfiante. De nos jours, on peut parcourir l’aventure avec le même plaisir qu’il y a vingt-cinq ans.

Quel est votre souhait ?
Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles

Pendant le développement du jeu, David Perry a réalisé un test avec son visage. C’était un moyen pour lui de tester les fonctionnalités de la Mega Drive en affichant une image assez standard. L'équipe a décidé de l'incorporer dans le jeu. Elle apparaît quand le joueur accède au menu de triche. Là où c’est drôle, c’est que ce fameux écran l’a considérablement aidé dans sa carrière puisqu’il a permis à de nombreuses personnes – y compris de l’industrie – de le reconnaître immédiatement. Ce qui ne manque pas de faire sourire l’intéressé aujourd’hui.

UN DESSIN ANIMÉ INTERACTIF

Si Aladdin fonctionne si bien, c’est qu’il ne répond pas aux règles « classiques » du développement. À l’époque, l’équipe pense qu’elle doit travailler avec des documents et établit de nombreuses pages de game design. Mais à mesure que le développement avance, elle se rend à l’évidence. Il s’agit d’un jeu de plate-formes qui, par définition, répète l’utilisation de plate-formes et de séquences de saut. Le staff de David Perry, sans véritablement s’en rendre compte, finit par délaisser la paperasse au profit de son instinct.

C’est ce que rapporte Mike Dietz :

On créait le jeu à la volée et Disney approuvait nos idées, ne les approuvait pas et/ou apportait sa contribution. C'était un processus organique.

Les coulisses d'Aladdin : La caverne aux merveilles
Chaque niveau a été dessiné de cette manière et en regardant de plus près, on s'aperçoit que le jeu était aussi prévu sur Mega CD.

Pour les décors, comme pour les animations, les tests sont réalisés en temps réel. Lorsque cela fonctionne, Perry demande la validation auprès de Disney. Les choses inutiles sont rapidement supprimées. Quant aux environnements, ils sont conçus en respectant les limitations techniques de la console – et notamment sa palette de couleurs limitée. De temps à autre, les animateurs de Disney en Floride interviennent et prodiguent de précieux conseils afin de guider l’équipe californienne, à la fois dans l’utilisation des teintes mais aussi dans la représentation de certains éléments. Ainsi, les responsables des décors, qui travaillent également en collaboration avec les chefs décorateurs de Disney, passent un temps fou à arrondir les angles pour donner un rendu organique aux arrière-plans. À mesure que les jours passent, Aladdin prend forme. Mais c’est au prix d’un sommeil en dent de scie.

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Seul face à son écran, David Perry peste. Il tente par tous les moyens d’intégrer les différentes étapes d’animation dans la mémoire minuscule de la console. Et ce n’est pas une mince affaire…

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Le plus grand défi dans la programmation d’un jeu comme Aladdin, c’est d’intégrer le personnage dans la console alors que vous avez potentiellement des milliers d’images à incorporer. Vous êtes là en train de vous dire : ‘mais comment je peux faire ça ?’ Pour comprendre le fonctionnement d’une console à l’époque, il faut s’imaginer une boite que vous dessinez autour du personnage et tout cet ensemble doit être stocké dans la mémoire. Donc, concrètement, Aladdin était un peu ce qui se faisait de pire en matière de personnage à l’époque. Parce qu’il s’agit d’un personnage avec une grande épée et selon de la façon dont il utilise l’épée, cela implique une boite encore plus grande. Tout simplement parce que vous avez Aladdin mais aussi l’épée et qu’il peut l’utiliser dans différentes postures (agrippé, accroupi…). Donc il a vraiment donné du fil à retordre.

Pour parvenir à incorporer toutes les étapes d’animation, l’équipe peut compter sur un logiciel de sprites qui permet de découper les éléments et d’effectuer des copier/coller avec une grande précision. C’est un véritable travail de tâtonnement et de jonglage pour économiser la mémoire mais c’est alors le seul moyen d’obtenir le résultat escompté.

UNE MUSIQUE MAGIQUE

En parallèle de tout ça, Tommy Tallarico, employé chez Virgin depuis plusieurs années, est amené à créer la bande-son et les bruitages d’Aladdin. Et là encore, comme les animateurs, le musicien va pouvoir compter sur la philosophie de David Perry qui accorde une grande place à l’ambiance. Il relate :

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L’audio tient une place importante dans l’espace des cartouches. Donc, si vous vouliez une plus grande quantité de mémoire sur votre cartouche, ça revenait à trois dollars en plus par cartouche et les studios n’ont jamais donné aux musiciens cet espace. Ce que faisait Dave (Perry), c’est qu’il me disait : ‘Tommy, fais comme si tu n’avais aucune restriction. Quel résultat penses-tu obtenir avec la Mega Drive ?’ Du coup, avec cette philosophie, Dave et moi avons fait des choses qui n’avaient jamais été faites auparavant. Et là, Dave se pointait devant le président de Virgin en disant « hey les mecs, si vous mettez les trois ou quatre dollars nécessaires par cartouche, voilà ce qu’on peut avoir ! »

Cette astuce a fonctionné puisque le boss de Virgin Interactive, Martin Alper, en découvrant le résultat, ne s’est pas fait prier pour allonger la monnaie. Tommy Tallarico a ainsi pu compter sur un espace supplémentaire mais également sur les partitions originales fournies par Disney. Pour autant, à l'époque, ce n'est pas une mince affaire. Le compositeur doit, en effet, retranscrire un orchestre de 72 musiciens… avec six voix monophoniques. Pour atteindre son objectif, Tommy Tallarico se focalise alors sur les sections musicales les plus importantes de chaque thème en misant sur la mélodie, une ligne de base, des percussions, etc. Lorsqu’on entend le résultat, on peut clairement dire que le pari est réussi. Mais ce fut extrêmement compliqué.

Il expose sa méthode :

J’ai embauché un gars du nom de Donald Griffin et je lui ai donné toutes ces partitions en lui demandant de travailler sur chacune pour les retranscrire sous un format MIDI. À partir de là, j’ai repris ces fichiers et j’ai commencé à bidouiller pour atteindre le résultat optimal avec la Mega Drive et ce à quoi j’aspirais depuis des années.

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Tommy Tallarico en plein travail durant le développement d'Aladdin.

Si ce travail a été complexe a réalisé, c’est aussi pour une autre raison. La Mega Drive, qui dispose d’une puce sonore appelée FM Synthetizer, a un son très particulier, presque métallique. Lorsqu’il se retrouve face à ce dilemme, Tommy Tallarico doit composer avec un rendu très différent d’un orchestre. En somme, faire sonner un synthé pour que les joueurs aient l’impression d’entendre un hautbois ! Et ça ne se fait pas en trois heures. En ce temps-là, la musique n’est pas numérique mais repose sur un système dit « hexadécimal » où il faut tâtonner pour obtenir un son qui soit le plus organique possible. En clair, il faut rester devant son écran, modifier le numéro du fichier hexadécimal, écouter puis recommencer. Assurément un job de très longue haleine…

L’AVANT ET APRÈS ALADDIN

Sorti en novembre 1993, Aladdin sur Mega Drive a eu un véritable impact sur l’industrie et sur la concurrence, comme l’explique David Perry :

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Du dessin au jeu vidéo.

La plupart des jeux à licence n’étaient pas bons. Un jour, j’ai eu une réunion sur la notion des licences à Hollywood. J’étais en train d’attendre la personne qui devait me recevoir et j’étais assis dans une salle avec, vous savez, ces tasses de café et les trucs de ce genre. Et je me souviens que j’étais en train de me dire : ‘je suis là pour des jeux vidéo ou une tasse de café ?’ En gros, l’accord que j’essayais d’avoir était une nouvelle tasse de café à ajouter.

Ce que David Perry image avec cette démonstration, c’est que la notion de licence rejoint indubitablement une question de marchandising. Chaque tasse de café correspond à un deal où la licence prend le pas sur la création et le produit fini. Avec Aladdin, l’équipe a tout de suite senti que les choses étaient différentes. Disney a donné un accès aux documents de conception, aux partitions, a impliqué ses propres animateurs. Et ce n’est pas du pipeau puisqu’il faut s’imaginer vingt animateurs se pointer en Californie à Irvine pour filer un coup de main à l’équipe. Tommy Tallarico résume la chose de manière simple :

Aladdin a été une étape importante. Je pense que ça a prouvé à toute l’industrie que si vous réunissez des spécialistes du jeu vidéo dans une pièce avec la crème d’Hollywood, ils peuvent travailler ensemble et faire quelque chose d’incroyable.

Mike Dietz a eu un rôle fondamental dans la conception d'Aladdin.

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Son compère David Perry ajoute :

Honnêtement, je pense qu’Aladdin est arrivé à un moment où Hollywood commençait à considérer le jeu vidéo avec plus de sérieux. À l’époque, la rencontre avec un jeu vidéo se résumait à des annonces dans les magazines, à des publicités et c’est à peu près tout ce que vous pouviez obtenir. Pour Aladdin, nous avons été invités à un évènement avec la presse, au CES de Chicago. Et là, je suis arrivé, les portes se sont ouvertes et sur tout l’étage, il y avait le casting du film Aladdin en costumes, les gens dansaient et ce genre de choses. Et j’étais là : ‘Oh mon Dieu, mais il se passe quoi ici ?’ (Rires)

À cette soirée, le film et le jeu Aladdin sont mis sur le même piédestal. Jeffrey Katzenberg, le big boss de Walt Disney Pictures, se présente sur scène en compagnie des pontes de Virgin et de SEGA (Richard Branson, Tom Kalinske…). David Perry comprend dès lors qu’il y aura un avant et un après-Aladdin. Écoulé à quatre millions d’exemplaires dans le monde, Aladdin est à ce jour le troisième jeu le plus vendu de la Mega Drive après les deux épisodes de Sonic. Il a littéralement bouleversé les joueurs et n’a pas laissé la concurrence impassible, bien au contraire. Face à cette exclusivité sur les consoles SEGA (le jeu est sorti sur PC et Amiga et a connu une adaptation sur Game Boy et Game Boy Color), Nintendo s’est empressée de réagir. Dans un premier temps, la firme de Kyoto a signé un deal avec Capcom – un éditeur proche de Disney – pour avoir sa propre aventure du petit Prince d’Agrabah. Puis, dans un second temps, elle a cherché un studio de développement à même de supplanter le jeu de Virgin. Et ce studio, bien enfouie dans sa campagne anglaise, n’est autre que Rare.

Kev Bayliss se souvient. Le studio venait de s’équiper de stations Silicon Graphics et était dans une phase d’apprentissage.

Après avoir incorporé des éléments en 3D dans la version arcade de Battletoads, le staff était en pleine réalisation de prototypes, dont un jeu de baston. L’intéressé détaille :

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Donkey Kong Country, par Rare, fut la réponse de Nintendo à Aladdin.
Nous avons commencé à modéliser des sprites pour, je crois, un jeu de combat sur lequel on travaillait à l’époque. On savait que nous ne pourrions utiliser que 16 couleurs, mais on se disait qu’on pouvait étendre la palette à 64 couleurs pour que le rendu soit plus net. Après avoir travaillé un temps là-dessus, Tim (Stamper, le co-fondateur de Rare) a réalisé des maquettes de décors pour ce titre, et je me suis occupé de quelques personnages qui étaient, grosso modo, des robots avec une tête d’humain. Et puis, un jour, il est venu me voir, et il a dit que Nintendo voulait un jeu au look inédit en répondre à Aladdin sur Mega Drive. Il nous fallait travailler avec cette nouvelle technologie.

Face au raz-de-marée causé par Aladdin, le Président de Nintendo of America, Minoru Arakawa, a dépêché deux émissaires, Tony Harman et Genyo Takeda, pour que ces derniers se rendent à Twycross en Angleterre. Une fois sur place, les deux hommes ont découvert la puissance des stations Silicon Graphics et ont assisté à la démo d’un boxeur entièrement modélisé en 3D. Le duo, très dubitatif au départ, a été impressionné lorsque Rare est parvenu, en une journée (grâce au travail acharné de deux programmeurs), à transposer ladite démo sur la Super Nintendo. Ils se sont empressés d’appeler Minoru Arakawa et la suite de l’histoire, on la connaît…

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Voilà l'exemple d'un personnage (un prisonnier qui devait apparaître dans la prison) qui a été abandonné.

Portés par cet incroyable succès, David Perry et les siens ont bel et bien été approchés pour réaliser Le Roi Lion. Ils ont même assisté à une avant-première du film mais SEGA et Disney ont finalement opté pour Westwood (voir les coulisses du Roi Lion) qui a fait un excellent travail. Après Aladdin, l’équipe a finalisé Le Livre de la Jungle (le jeu débuté avant Aladdin) sur Mega Drive et une partie du staff est partie durant le développement de la version Super Nintendo. David Perry a été approché pour rejoindre l’équipe de SEGA Technical Institute à Palo Alto, mais en fin stratège, il leur a fait une autre proposition. Il leur a demandé de financer la création de son propre studio, Shiny Entertainment, et d'en devenir un partenaire privilégié. Et c’est exactement ce qui s’est produit. En dépit du succès d'Earthworm Jim et d'autres jeux comme les deux MDK, avec du recul, il a quelques regrets et indique qu’il aurait aimé voir l’évolution de la collaboration entre Virgin et Disney. Avec son compère Tommy Tallarico, ils se laissent même rêver en imaginant ce qu’aurait pu donner un Fantasia ou un Reine des Neiges avec une telle équipe.

Oui, Aladdin sur Mega Drive, c'est vraiment la caverne aux merveiles...

Aladdin en chiffres et anecdotes

  • Le jeu est composé de 1 500 étapes d'animations.
  • David Perry travaillait jusqu'à 16 heures par jour.
  • À la fin du développement, il était si épuisé qu'il n'a quasiment pas quitté son lit pendant 2 semaines.
  • La cartouche Mega Drive, la troisième la plus vendue à ce jour, s'est écoulée à 4 millions d'exemplaires.
  • Aladdin est basé sur le même moteur de jeu que Cool Spot.
  • Les pommes (que le personnage lance) symbolisent la vie dans la rue.
  • SEGA a obtenu la licence Aladdin grâce à son excellente entente avec Disney (Castle of Illusion, Quackshot...).
  • Lorsque Blue Sky Studio, plus focalisé sur Jurassic Park, s'est vu retirer Aladdin, le jeu n'avait que la moitié d'un niveau de finalisée. Pendant ce temps, Capcom prenait de l'avance avec sa version d'Aladdin destinée à la Super NIntendo. Le producteur de Disney, Patrick Gilmore, sentant que le vent était en train de tourner dans le mauvais sens, a décidé de tout stopper.
  • Jurassic Park sur Mega Drive, le jeu de Blue Sky Studio, contient un easter egg assez génial qui est la preuve que le studio a travaillé sur Aladdin. Sur la carte du jeu, en regardant au nord, on aperçoit une montagne. Et lorsqu'on penche la tête, on découvre qu'il s'agit de la lampe du génie mise à l'envers !
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  • Sur Master System et Game Gear, l'adaptation est réalisée par SIMS, un studio à l'origine d'un titre comme le très sympathique Tom and Jerry : The Movie sur les mêmes supports.
  • Pour gagner du temps, les branches japonaises, américaines et europénnes ont effectué le test du jeu en même temps et pas l'une après l'autre comme habituellement.

Sources

  • Archives de David Perry et Mike Dietz
  • Behind the scenes : Aladdin - Reportage 1993
  • Interview de Gregg Tavares
  • Retro Gamer Collection n°9
  • Retro Gamer Collection n°17
  • Behind the design - Aladdin - Dossier de Sega-16.com
MD Virgin Interactive Plate-Forme Rétrogaming
Commentaires
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sanyoc5 sanyoc5
MP
Niveau 2
le 23 déc. 2019 à 16:50

Un tutoriel pour réparer sa megadrive :
https://youtu.be/TmgX67A9ILs

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