Si la saison de football reprend en août, c’est bien en septembre, à l’heure des premières joutes européennes que ses pendants vidéoludiques commencent à s’inviter dans les étals. Alors que le verdict est tombé pour eFootball PES 2020 et que celui sur FIFA 20 devra encore attendre la fin du mois, un premier constat s’impose. S’ils s’en sortent commercialement parlant sur cette génération en continuant de proposer soit un gameplay équilibré et suffisant, soit un contenu assez dense pour occuper les joueurs sur la durée, les deux mastodontes du football virtuel n’ont pas su nous offrir un épisode mémorable capable d’établir un nouveau standard pour le secteur… Alors qu’ils y étaient parvenus sur les deux précédentes générations. À maintenant un an du lancement de la Scarlett (et de la PS5 ?), ils seront donc particulièrement attendus sur leur capacité à repenser le jeu de football pour la next-gen.
Ceux qui ont déjà eu l’occasion de tâter le cuir, le vrai, le savent déjà : aussi bons que nous puissions les trouver, les deux titres majeurs de la scène footballistique virtuelle ne représentent pas fidèlement la réalité d’un terrain. Si PES a peut-être plus d’arguments à faire valoir sur ce point grâce à des sensations plus authentiques, il souffre tout de même de son austérité visible qui l’empêche de se montrer accueillant auprès des débutants, et d’un contenu là aussi trop peu attirant pour retenir les joueurs pour qui l’argument du gameplay ne suffit pas sur le long terme. Deux publics que FIFA a, lui, su s’approprier en s'avérant bien plus avenant que son concurrent et plus dense dans son contenu.
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Mais ce qui surprend le plus, c’est l’attente des joueurs autour de la communication en amont des titres concernés, qui montre bien ce qui représente un jeu de football moderne : les statistiques. Certes, quelques débats autour de potentiels nouveaux modes de jeux ou des licences perdues ou gagnées viennent toujours ponctuellement tirer la couverture à eux, mais à l’image d’autres simulations telles que les NBA 2K, c’est bien le moment de la révélation des notes attribuées aux joueurs qui occupe le devant de la scène. Car depuis maintenant bien longtemps, chaque joueur se voit attribuer une note générale dont la valeur dépend des notes attribuées à ses caractéristiques et récompense ou sanctionne la qualité globale supposée du joueur concerné. Un choix qui peut s’avérer réducteur pour réellement évaluer la qualité d’un joueur, mais qui reste au coeur des débats avec la réussite du mode Ultimate Team ces dernières années : difficile de passer à côté des fameuses “cartes” montrant le joueur concerné avec sa note globale et… seulement 6 des dizaines de caractéristiques qui définissent sa note globale. Comme un symbole, c’est d’ailleurs bien souvent sur quelques unes des capacités techniques et physiques (dribble, vitesse) que vont se cristalliser les remarques des joueurs. Le football est donc ici mis en avant sous le prisme de quelques statistiques physiques et techniques individuelles, au détriment d’une logique collective qui reste pourtant l’essence de ce sport.
Alors, comment évoluer ? Il n’existe pas, vous vous en doutez, une seule réponse simple et claire. Repenser un jeu de football n’est pas chose aisée, notamment car il s’agit avant tout de l’adaptation d’un sport existant disposant de ses propres règles qui agissent comme des contraintes de game design. Certains s’en accommodent, comme Nintendo et son Mario Smash Football, ou même FIFA qui ces dernières années a proposé des modes de jeux aux règles plus loufoques, voir un 3e épisode de sa série FIFA Street qui offrait une approche plus spectaculaire et arcade de la discipline. Mais en dehors de ces quelques exceptions, les épisodes traditionnels se doivent de respecter les règles basiques de leur sport, sous peine de ne plus offrir aux joueurs une transposition ludique de ce à quoi ils peuvent assister au stade, sur les terrains ou à la télévision. À ces contraintes, il faut également ajouter l’impossibilité de proposer des matches de 90 minutes pour des raisons évidentes de temps de jeu, ainsi que la nécessité de gommer au maximum certains éléments d’incertitude (arbitrage, contres défavorables...) qui génèrent plus d’injustice et ne favorisent pas le jeu compétitif qui requiert de placer les joueurs sur un pied d’égalité.
Faire fructifier l'utilisation des statistiques
C’est peut-être là que les sacro-saintes statistiques évoquées plus haut peuvent avoir un rôle à jouer. Parce qu’un jeu de football ne pourra jamais parfaitement imiter les comportements humains, il peut toutefois s’améliorer en allant piocher dans ses forces actuelles et en les affinant. Dans les faits, représenter un joueur par un agrégat de notes semble certes réducteur comme nous l’évoquions plus haut, mais plus le nombre de données augmente, plus le jeu se rapproche d’une représentation complexe et donc fidèle des joueurs concernés et des interactions entre ces derniers. Actuellement, le nerf de la guerre des jeux de football, ce sont bien les caractéristiques physiques et techniques des joueurs, bien qu’il existe quelques notes “mentales” reflétant entre autres leur positionnement, leur agressivité ou encore leur capacité à intercepter un ballon.
Mais ces notes mentales restent sous-exploitées, pour plusieurs raisons : visuelles tout d’abord, car il est plus facile de justifier de l’intérêt d’une statistique de vitesse, de puissance, ou de capacité à frapper étant donné que les joueurs pourront facilement percevoir les différences sur le terrain. D’ordre techniques ensuite, car gérer en temps réel une partie remplie de statistiques demande une puissance de calcul importante, comme peuvent en témoigner les joueurs de Football Manager : peu gourmand visuellement, le titre ne ménage pas vos processeurs car il simule en permanence des matches en s’appuyant sur des centaines de données propres à chaque joueurs et équipes et qui viennent s’entrechoquer pour former un système de jeu aussi complexe que riche. Mais justement, l’arrivée en 2020 de la Xbox Scarlett et, potentiellement, de la PS5, pourrait être l’occasion de profiter de la puissance des nouvelles machines pour travailler sur la question.
Définir une mentalité propre à chaque joueur, mieux exploiter les statistiques de placement, chercher à refléter sur le terrain l’intelligence de jeu sont autant de pistes à creuser qui pourraient offrir à ces titres un aspect simulation encore plus prononcé. Pour les modes carrière en solo, cela reviendrait à mieux définir le potentiel de progression d’un joueur selon son caractère, sa force de travail, sa régularité, sa propension à se blesser, afin d’éviter l’écueil actuel des potentiels fixes, sans véritable notion de risque ou d’incertitude, qu’il suffit de faire progresser à grands renforts d’entraînements. Dans des modes en ligne comme MyClub ou Ultimate Team, creuser le concept du système de jeu et du collectif en allant au delà des idées de championnat ou nationalité communes pourrait aussi apporter davantage de profondeur et de relief à une notion ici grossièrement exploitée malgré son potentiel.
En match, les statistiques pourraient également avoir un apport plus significatif en influant davantage sur l’IA des joueurs non contrôlés ou en apportant même des couches de gameplay supplémentaires : par exemple, la fameuse tendance qu’ont les équipes menées à se procurer plus d’occasions en fin de match pourrait enfin être justifiée par les attributs mentaux de l’équipe concernée, plus que par un script systématique. Une équipe talentueuse balle au pied, mais friable mentalement pourrait ainsi vivre des fins de matches difficiles face à un adversaire plus limité par le talent, mais dont les vertus guerrières sont reconnues. La difficulté, c’est que là ou Football Manager ne vous offre pas réellement d’emprise direct sur les actions des footballeurs et peut donc pleinement laisser ces statistiques s’exprimer, FIFA et PES devront aussi trouver l’équilibre idéal entre le contrôle laissé aux joueurs et celui directement exercé par le jeu. Un exercice difficile dont dépendra en partie la capacité de ces deux séries à marquer les esprits sur la nouvelle génération. À moins qu’ils ne nous surprennent en réinventant le jeu de foot avec d’autres idées et innovations plus pertinentes ou adaptées. Nous ne demandons que ça !
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