“Make America Great Again” A l’heure du libre échange et de la mondialisation, ce slogan nationaliste et la politique protectionniste qui en découle impactent durablement les industries ainsi que les consommateurs, et le jeu vidéo n’échappe pas à la déferlante Donald Trump qui s’abat sur ce marché depuis son élection le 9 novembre 2016.
C’est devenu une habitude pour le 45e président des Etats-Unis de s’attaquer au jeu vidéo. Ses sorties de route médiatisées se sont multipliées. La gestion de la fusillade de Parkland mi-février 2019 et sa propension à diaboliser ce média ne plaident pas en sa faveur. L’homme politique s’attaque au 10e Art directement ou indirectement depuis son intronisation il y a de cela 3 ans.
Le 17 mai 2019, le Bureau du Représentant Américain du Commerce en charge de la politique commerciale des Etats-Unis propose une hausse de +15% des taxes à appliquer sur 200 milliards de produits “chinois” importés dans le pays. Cette résultante de la guerre commerciale opposant le Pays de l’Oncle Sam et la Chine liste l’électronique grand public ce qui inclut les consoles de jeu, mais aussi les ordinateurs, les smartphones, les accessoires, les cartes micro-SD… Il ne faut pas oublier que l’Empire du Milieu tient le rôle d’usine du monde. Pour preuve, 96% des consoles vendues aux Etats-Unis sont produites par la République Populaire de Chine et le marché mobile/PC suit cette tendance. Ce pourcentage démontre l’importance d’une telle décision qui aura forcément des répercussions Outre-Atlantique, mais également dans le reste du monde. The Entertainment Software Association ne tarde pas à réagir via un communiqué destiné à l’administration “Trump”.
L’industrie du jeu vidéo affiche un excédent commercial pour l’économie américaine. Les tarifs vont nuire à l'économie américaine, à ses industries et à ses consommateurs. - The Entertainment Software Association
En date du 17 juin 2019, les constructeurs de consoles se mobilisent et adressent une lettre commune au Bureau du Représentant Américain du Commerce afin de lui faire part de leurs inquiétudes légitimes concernant cette taxe de 25%. Cette réponse commune de Microsoft, Nintendo et Sony annonce une perte sèche de 350 millions de dollars par an pour le gouvernement américain en cas d’application de la hausse de la taxe, non sans rappeler l’importance du jeu vidéo sur le sol américain avec ses 15 millions de consoles vendues en 2018 sur le territoire. La communauté des joueurs en profite pour saluer l’initiative et ce front uni des trois géants du jeu vidéo face à une problématique commune.
Lors du G20 organisé à Osaka les 28 et 29 juin 2019, le président américain tente de rassurer son homologue chinois et les autres membres en déclarant “ne pas pas ajouter de tarifs douaniers ni en supprimer, au moins pour le moment”. Certes, cette mise en stand by pour tout ce qui touche entre autre à l’électronique grand public permet aux principaux intéressés d’échapper à 800 millions de dollars de taxes si le statu quo est maintenu en 2019. Néanmoins, le marché du jeu vidéo est toujours sous la menace d’un revirement de situation qui pourrait être préjudiciable d’ici la fin d’année… l’essentiel des ventes s’effectuant à Thanksgiving, au Black Friday et à Noël. Comme nous pouvions nous y attendre, les mots de Donald Trump n’apaisent en rien les professionnels du jeu vidéo.
Quel serait véritablement l’impact d’une telle taxe sur les prix, sur l’industrie et sur les ventes ? Voici plusieurs éléments de réponse. Les consommateurs seraient les premiers à pâtir de cette situation. Une hausse des taxes sur l’électronique grand public importé de Chine mettrait hors de portée financière les consoles actuelles et futures pour des milliers voire des millions de familles américaines. La taxe de 25% aurait pour conséquences une augmentation des prix des machines et donc une baisse des ventes aux Etats-Unis. PlayStation 4 et Nintendo Switch atteindraient alors les 375 dollars en comparaison des 300 dollars pour une console "américaine". Cela se répercuterait de facto sur les jeux, les accessoires et les services qui représentent un chiffre d’affaires substantiel. Le constructeur pourrait réduire sa marge pour conserver un prix attractif, mais celle-ci étant d’ores et déjà minime… ce dernier se tirerait une balle dans le pied.
Les jeux subiraient également de plein fouet la mise en vigueur de cette hausse de taxe. Si celle-ci ne s’applique pas directement aux softwares, le nombre de consoles écoulées impacte indubitablement les ventes de jeux et donc possiblement leur prix. Les coûts de développement explosent et les éditeurs ne peuvent se permettre de toucher une audience forcément restreinte dans un tel contexte économique et commercial. Cela se concrétiserait finalement par moins de jeux développés avec pour premières victimes collatérales… les studios indépendants. Sur le territoire européen, la correspondance entre les tarifs laissent à penser que les joueurs du Vieux Continent feraient eux aussi la soupe à la grimace.
Nintendo, à titre d’exemple, devrait tenir son objectif pour l’année fiscale 2020 (distribuer 18 millions de Switch dans le monde), mais prend tout de même les devants en relocalisant une partie de sa production au Vietnam. Avec un marché américain représentant 40% des ventes de Switch en 2018, s’asseoir sur 15% du chiffre d’affaires généré est inconcevable. Microsoft et Sony envisagent aussi de déplacer partiellement leur production hors de Chine non pas en Amérique du Nord… mais en Asie du Sud-Est à l’image de la firme de Kyoto. La marque Xbox pourrait également s'implanter en Amérique du Sud.
Il ne tient qu’à l’administration “Trump” de confirmer par les actes ses déclarations du G20. Les constructeurs, éditeurs et studios ne pourront dans le cas contraire que constater les dégâts ou anticiper un contexte défavorable en déplaçant leurs pions. Malheureusement, le consommateur paiera en définitive le prix de ce protectionnisme.