L'Agent 47, avec le temps, a réussi à s'infiltrer dans notre quotidien, grâce à de nombreux jeux vidéo allant de l'ère PlayStation 2, Xbox, à aujourd'hui, en passant par deux productions cinématographiques. On se demandait d'ailleurs pourquoi l'univers de Hitman n'avait toujours pas eu droit à son adaptation dans le monde de la bande-dessinée, tout du moins en France. Une erreur aujourd'hui réparée, grâce au scénariste Christopher Sebela, ainsi qu'au duo de dessinateurs Jonathan Lau et Ariel Medel.
Alors que les dernières productions de IO Interactive délaissent de plus en plus la scénarisation au profit d'un gameplay plus ouvert, plus libre, avec toujours plus de possibilités, on découvre avec étonnement que ce reboot vidéoludique se permet d'avoir un comics à son nom : Agent 47 : Birth of the Hitman, ou pour les anglophobes, Hitman, la naissance de l'Agent 47. Comme son nom l'indique, cet album, sorti en février dernier, retrace les premières aventures de l'homme qui ne rate jamais sa cible. On le rencontre alors, dès son plus jeune âge, dans un institut particulier, où, les hommes sont tous chauves et entraînés pour tuer, seulement pour tuer. Dans le monde de 47, les sentiments n'ont pas leur place... contrairement à celui de Diana Burnwood. La bande-dessinée oscille constamment entre les premières aventures de 47 ainsi que de celles de son futur agent de liaison, Diana. Ce personnage, loin d'être secondaire, nous fait voyager aux quatre coins du monde pour assouvir son désir de vengeance. Une entreprise lui a retiré sa famille, ce sera donc à elle de leur retirer la vie.
Une aventure à deux visages
Malgré le fait qu'on switche constamment d'un personnage à un autre, la mise en scène de Agent 47 : Birth of the Hitman reste impeccable. Justement, ce récit en deux temps, permet de poser l'action, de ralentir le rythme et surtout, d'offrir au lecteur la possibilité de se confondre avec les pensées des personnages. Un crime ne se fait pas en un claquement de doigts, il se prépare et c'est un peu ce que nous fait ressentir cette bande-dessinée. Ce récit fractionné permet également de proposer une mise en scène réussie, s'inspirant des plus grands films d'espionnage. L'action, ne faisant jamais dans la surenchère, s'arrête toujours au bon moment, pour laisser le lecteur dans un élan de curiosité. Une astuce d'écriture rappelant évidemment la construction narrative des séries, poussant encore et encore le lecteur à aller plus loin pour découvrir le destin des deux personnages qui se révèlent attachants ; surtout Diana. Bien mieux construit que 47, ce personnage évolue constamment au fil de l'aventure. Elle dévoile sans cesse ses forces comme ses faiblesses, mais surtout sa capacité à se remettre en selle après des chutes, pourtant destructrices. Elle est tout simplement prête à tout pour mettre en œuvre ce qui lui tient vraiment à cœur : la vengeance.
Sans trop en dévoiler, on se contentera de dire que l'on regrette le tout dernier quart de ce récit, qui se veut un peu plus mystérieux sur les événements. Le lecteur évolue alors dans un univers plus flou qu'au début. La première partie, plus efficace donc, est écrite avec plus de simplicité et n'essaye pas de se perdre dans des constructions scénaristiques alambiquées. Même si elle laisse une ombre mystérieuse constante derrière ses personnages, elle ne place jamais le lecteur dans une situation inconfortable. La dernière partie est donc, décevante et laisse comme un arrière-goût amer dans la bouche une fois la lecture finie.
Une image à deux teintes
Sous ses 160 planches, le livre édité par Mana Books, propose autant de qualités que de défauts. Les plans en pied, sont par exemple, la plupart du temps, plutôt laids. Quelques erreurs de proportion se cachent également dans certains dessins, et pire, l'Agent 47 qui se confond sans cesse avec l'Agent 6, manque visiblement de charisme. Visuellement lisse au possible, ce personnage semble sortir tout droit d'un emballage signé Action Man. Heureusement, les deux personnages sont motivés par des ambitions différentes, et, pour aiguiller le lecteur, des bulles nominatives viennent indiquer qui parle. Mais sous cet air de réalisation classique voir banale, Agent 47, Birth of the Hitman cache de temps en temps, de belles images qui sauront flatter la rétine du lecteur. On pense notamment aux passages saupoudrés d'action et de meurtres durant la seconde partie du récit, où l'image décide de passer de la couleur au rouge pour souligner la violence des coups infligés aux victimes. Durant ces moments précis, l'impression de mouvement des personnages, rigides la plupart du temps, sonne juste. La violence est alors multipliée par la beauté des gestes et du dessin. D'autres passages réussis sont également à souligner comme quand Diana prend les choses véritablement en main. L'excès de violence est appréciable et s'approche même des mises en scène que l'on retrouve dans les productions cinématographiques. D'un coup, tout décide de s’accélérer pendant que les cadavres s'étalent sur le sol, laissant par la même occasion voir la détresse et la fragilité de notre héroïne encore et toujours pleine de colère.
Pour tous ceux qui voudraient apporter quelques réponses sur le personnage mystérieux et ô combien classieux qu'est Diana, ou pour tous ceux qui n'ont pas osé prendre le train de la saga en marche, cette adaptation est faite pour vous. En plus de sa scénarisation qui ose prendre le temps de s'installer pour étoffer l'univers de Hitman, le résultat est réussi grâce à un rythme parfaitement équilibré et une mise en scène inspirée des films d'espionnage ayant bercé nos salles de cinéma ces dernières années. Agent 47 : Birth of the Hitman est tout simplement une porte ouverte réussie pour les nouveaux venus, mais aussi pour tous les fans de notre héros chauve qui voudraient poursuivre l’expérience entre deux assassinats vidéoludiques.