Le cauchemar continue

Il était temps de repartir. Pour quelle destination ? Je l’ignorais encore. Je devais atteindre la seconde cloche de l’Eveil. Je me rappelai avoir aperçu une forêt qui jouxtait les ruines où je me trouvais. L’escalier qui menait au forgeron conduisait sûrement à la forêt. Je passai devant André qui ne leva même pas un sourcil à mon approche. Plus loin se trouvait une porte dotée d’une voûte en plein cintre, qui cachait quelques marches. Je les descendis. La salle suivante était haute d’à peu près une dizaine de mètres. Quelques vestiges de colonnes se trouvaient éparpillés sur le sol, en morceaux. Sans doute l’œuvre du temps. A l’autre bout se devinait une porte dont le seuil était illuminé par les rayons du soleil. Certainement le passage vers la forêt !

Mais au centre de cette même salle se tenait une grande créature. Son corps était de pierre. Sa tête aplatie ne disposait d’aucun orifice. Des excroissances qui s’apparentaient à des cornes se dressaient et se rejoignaient au-dessus de sa tête. Le monstre avait perdu une patte, probablement lors d’un combat précédent ou suite à une malédiction. Dès que je posai un pied dans la salle, il leva un bâton et de son extrémité surgit une boule de lumière. Il l’expédia vers moi mais une roulade sur le côté me permit d’éviter une décharge douloureuse. Je n’avais pas d’arme de jet, du moins aucune qui soit efficace. Il me fallait m’approcher et le découper à la hache. Je zigzaguai entre les projectiles qu’il me lançait et j’arrivai finalement sur lui. Je sautai et la lame s’enfonça dans sa chair. Je n’avais pas prévu que son arme puisse aussi servir à me bastonner. Il me frappa par deux fois et la mort s’empara encore de moi. Mon humanité quitta mon corps et se perdit dans les limbes.

J’y retournai. Le démon possédait une faiblesse : sa jambe mutilée. Ses bras étaient vifs et musclés. Le moindre coup qu’il me portait pouvait signifier ma mort. Par contre, il mettait du temps pour se mouvoir. Dès que je revins dans la salle, il me lança ses boules d’énergie. Pendant un court instant je me demandai s’il n’était pas préférable d’éviter le combat et de me rendre directement dans la forêt. Le monstre était bien trop grand pour passer la porte et son arme n’aurait jamais pu abattre le mur. Mais je n’étais pas un lâche. Fuir le combat ne me ressemblait pas. Je m’avançai tout de même aussi loin que je le pus. Un escalier couvrait toute la largeur de la salle avant de mener à la porte de la forêt. Je me tins en bas des marches, le démon sur les talons. Il claudiquait tant bien que mal en s’appuyant sur son bâton dans le but de me rattraper. Cette seule vision de ce monstre estropié suffit pour me donner des cauchemars pendant longtemps.

Comme je l’avais prévu, il ne put descendre les escaliers. Sa jambe manquante lui imposait de rester en haut sans quoi il aurait dévalé les escaliers. Il se contenta de me tirer ses projectiles quand j’étais trop loin pour m’asséner un coup. J’avais remarqué que sa boule d’énergie mettait quelques secondes à se former avant qu’il ne puisse la lancer. Je profitai de ce moment pour me jeter sur lui. La lame froide de ma hache se planta dans son ventre. Mais malgré ça, il ne tressaillit pas. Son corps était très résistant. Je me demandai même s’il s’agissait vraiment d’un être vivant ou alors s’il n’était qu’amas de matière animée par la magie. Je posai mon pied sur sa seule jambe encore intacte et j’extirpai mon arme de sa panse. D’un bond en arrière, je m’écartai de l’ennemi. Il avait déjà levé son bâton au-dessus de sa tête et, une seconde plus tard, il s’abattit avec fracas sur le sol. Je retournai au bas de l’escalier, là où il ne pouvait m’atteindre. Et le même manège recommença. Le combat fut long et éprouvant. Il s’écoula bien dix minutes avant que le démon ne disparaisse dans un écran de fumée. Je soupirai et je repris mon souffle. La route de la forêt était enfin libérée. André le forgeron répara mon matériel et renforça mon arme et mon armure. J’étais fin prêt pour affronter les dangers de la forêt.

La forêt hantée

La forêt était bien évidemment sombre à souhait. Toutefois certaines fleurs offraient par endroits une clarté éblouissante. Un mur de pierres naturelles bloquait le passage tout droit. Je ne pouvais qu’emprunter un chemin sur ma gauche. Je dépassai une petite mare, quand j’aperçus du mouvement plus en avant. Un buisson se mit à bouger. Il courait vers moi. A peine fus-je remis de ma surprise qu’il m’agressa. Deux lianes se déployèrent vers moi. Mais elles étaient trop courtes. Je m’approchai de ce végétal hors du commun et je le taillai à l’aide de ma hache. Il s’écroula et ne bougea plus. Je cueillis le lichen qui l’avait envahi et qui possédait des propriétés de guérison bien connues. Je me remis en route dans cette forêt très étrange. Si même les plantes se mettaient à m’attaquer, je n’étais pas prêt d’atteindre la cloche.

D’autres arbustes m’attaquèrent. Je notai au passage qu’ils témoignaient d’une certaine intelligence puisque plusieurs d’entre eux m’avaient tendu un piège. Des vestiges de ruines se trouvaient sur mon chemin. J’ignorais où je me trouvais mais au moins des hommes avaient construit des bâtiments dans les environs. Cela me requinqua quelque peu. J’étais sur la bonne route. Une porte bloquait un passage mais je ne pus l’ouvrir. Il me fallait des outils spéciaux que je ne possédais pas.

Plus loin les murs de roche qui m’encadraient s’élargissaient et laissaient la place à une foule d’arbres. L’endroit était presque enchanteur si j’omettais le fait qu’il était rempli de créatures bizarres qui voulaient me tuer. Des lucioles voletaient dans les arbres et de l’eau stagnait par endroits. La nuit était apparemment tombée. Je ne pouvais voir très loin tant la forêt était sombre et touffue. Mais parmi les arbres je distinguai une forme. L’éclat brillant qui en émanait ne pouvait qu’attirer l’œil. Il s’agissait d’un chevalier, vraisemblablement mort. Et heureusement d’ailleurs, sa taille impressionnante n’avait rien de réjouissant. Il possédait peut-être un braquemart ou quelque espadon.

Mais alors que je m’apprêtais à fouiller le cadavre, celui-ci se redressa. Je m’en voulus d’avoir fait preuve de tant de cupidité et de naïveté. Le chevalier se tenait maintenant debout et il me prit en chasse immédiatement. Je reculai, me sentant plus à l’abri dans le couloir que je venais d’emprunter. Là j’attendis. Les bruits de pas se firent de plus en plus forts. Je serrai les mains autour de la hampe de ma hache. Quelques cailloux tombèrent de part et d’autre du couloir. Une perle de sueur glissa de mon front. Et puis il apparut. Je vis d’abord sa lame scintiller. Et ensuite son armure. C’était un colosse. Je savais que je n’avais aucune chance en combat loyal. Mais là où je me trouvais, j’avais au moins la possibilité de fuir, même si ça ne me ressemblait pas. Pour chaque pas qu’il faisait dans ma direction, j’en faisais un en arrière. Sa lourde épée fendait parfois l’air, résolue à me déchiqueter. Au bout de quelques mètres il n’avançait plus. Sa large carrure était trop importante pour progresser davantage. Je poussai un hoquet d’étonnement, mi-surpris, mi-ravi. Il tailla l’air de rage avec son arme mais il ne me toucha pas une fois. J’en profitai pour l’assaillir de toutes parts. Je commençais à fatiguer. Depuis mon arrivée à Lordran, j’enchaînais les combats et j’aspirais au repos. Je gagnai celui-ci plus facilement que je ne l’aurais cru, même si à l’aide de quelque malédiction le chevalier parvint à m’ôter presque toute ma force. Le moindre effort me demandait des ressources inimaginables.

Les insectes, ce n'est plus ce que c'était...

Je retournai dans la forêt touffue. D’autres corps jonchaient le sol mais je pris soin de les éviter. Ils ne se réveillaient qu’à mon approche. Je tombai finalement sur les ruines d’une tourelle qui menait à un rempart. En haut de l’escalier j’aboutis sur un chemin de ronde. Je m’y engageai. L’endroit était calme et apaisant. Je déambulai sur le rempart de pierre, cherchant déjà le moyen de m’en aller. Mais c’était sans compter sur un nouveau danger.

Du ciel surgit un énorme papillon comme je n’en avais jamais vu. Il se plaça non loin du rempart et se contenta de rester sur place. Je me tenais heureusement sur mes gardes car il forma une boule d’énergie, comme l’avait fait le démon plus tôt, et il me l’expédia. J’esquivai l’attaque et je me redressai, prêt à en essuyer d’autres. Il me narguait à voler à peine à cinq mètres de moi, hors de portée. Il m’envoya une série de rayons lumineux que j’évitai de nouveau à l’aide d’une roulade. Je préférai éviter de gaspiller mes forces en m’équipant de mon bouclier, les roulades suffisant à esquiver les attaques du papillon. Après quelques instants, il s’approcha de la muraille et il s’agrippa à une touffe de plantes grimpantes qui avait envahi la pierre. L’occasion était inespérée. Je me ruai sur l’insecte géant et je lui fis tâter de mon arme. Du sang gicla mais il ne broncha pas. Au bout d’un instant, une nouvelle boule de lumière se forma. Je m’en écartai vivement, juste à temps pour éviter l’explosion. Le papillon était toujours là. Il redécolla et me gratifia d’une nouvelle vague de projectiles. Un rayon continu partait de temps en temps de sa gueule. Je l’évitai avec une facilité déconcertante. Et encore une fois la bestiole se rapprocha de la muraille. J’en conclus qu’il devait se reposer quelques instants après avoir canalisé autant d’énergie. Un dernier coup de hache sépara la tête de son corps. L’insecte tomba dans le précipice en dessous de lui. Malgré la facilité du combat, j’étais presque moribond. Ma fiole d’Estus était vide et je n’étais pas très loin d’une nouvelle mort.

Je pus enfin poursuivre mon chemin. Une autre tourelle se dressait jadis. Mais aujourd’hui il n’en restait pratiquement rien d’autre que des gravas. Je gravis les marches sans me presser. Si un ennemi me tombait dessus, j’avais de grandes chances d’y laisser ce qui restait de ma peau. Les ruines me minaient le moral. Aucune cloche ne pouvait se trouver ici. Au sommet je tombai sur le cadavre d’André ainsi que sur un atelier de forgeron. Je m’étonnai de le voir alors qu’il se trouvait en ce moment même dans sa forge… Le corps contenait entre autres choses un os du retour.

La porte d'Artorias

J'utilisai l'objet que je venais d'acquérir et je me téléportai auprès du feu qui se trouvait près de la forge d’André. Je descendis l’escalier et je trouvai le forgeron en plein travail. Je n’y comprenais plus rien. Je me rappelai de la porte que j’avais vue dans la forêt. Peut-être que le bonhomme pouvait me fournir les outils nécessaires pour l’ouvrir. Je lui remis la braise divine que j’avais récupérée au sommet de la tourelle. De son propre aveu, elle permettait de forger des armes divines. Je ne creusai pas le sujet car je n’étais pas venu pour ça. Je scrutai ses étalages et effectivement, parmi les articles qu’il vendait se trouvait l’emblème d’Artorias, capable d’ouvrir les portes de la forêt. Malheureusement, il réclamait le prix fort. Je me mis en quête de récupérer les âmes des morts ressuscités. Je nettoyai l’église afin de récupérer suffisamment d’âmes pour acquérir l’objet convoité. L’emblème en poche, je retournai à la porte.

De l’autre côté se trouvait un autre pan de la forêt, ressemblant en tous points à ce que j’avais déjà vu. Je descendis quelques marches pour aboutir sur un tapis de mousse dont sortaient quelques fougères. Les arbres me paraissaient hostiles. Il faut dire que les quelques arbustes que j’avais croisés avaient essayé de m’attaquer. Alors si les arbres s’y mettaient, j’étais sûr de mourir. Soudain, un clapotis attira mon attention. Il se mua rapidement en un cliquettement menaçant. Je scrutai les environs mais je ne voyais rien. Pas de chevalier en armure, pas de carcasse armée d’une masse, rien. Puis je l’aperçus enfin. Une forme translucide courait sur moi. Il s’agissait d’un esprit, presque identique à celui que j’avais aperçu lors de mon arrivée au village des morts-vivants. Mais celui-ci était résolu à me tuer. L’épée et le bouclier brandis, il était sur moi. Bien qu’il ne s’agissait que de l’esprit d’un défunt, il était très rapide. Je savais que le combat était inégal et qu’il m’éliminerait sans problème. Je n’étais pas assez puissant. Je lui assénai un coup tout en reculant mais c’était comme si je tranchais l’air. Je remontai l’escalier en maintenant mon ennemi le plus loin possible. Sa lame éthérée pénétra mon torse et la douleur qui s’ensuivit fut atroce. Quand je parvins à la porte, je fis volte-face et je refermai violemment les deux battants. Sans l’emblème d’Artorias, le fantôme ne pouvait me poursuivre. Il était hors de question de repasser par là.

Retour au village

Je me rappelai de la porte que j’avais voulu ouvrir plus tôt, à l’une des extrémités du pont gardé par le dragon. Le monstre avait dû s’envoler depuis un moment. Cette entrée était verrouillée mais j’avais récolté un certain nombre de clés depuis lors. L’une d’elles devait l’ouvrir. Avant de me mettre en route, je passai en revue l’inventaire des objets que j’avais ramassés. Je possédais plusieurs armes, certaines légères et rapides, d’autres plus lourdes mais aussi plus destructrices. J’avais diverses pièces d’armure, de quoi me soigner et évacuer les poisons et autres toxines. Je disposais aussi de clés dont l’une de la cave de la tour de guet du village des morts-vivants. Il devait s’agir de la bonne clé. Je pensai aussi aux deux chevaliers noirs que j’avais laissés en vie dans le village et la paroisse. Il était peut-être temps de leur rendre une petite visite…

Le premier que j’occis était celui qui occupait la tourelle près du sanglier. Cette fois je l’affrontai à la loyale au sommet. Je fis voler les pièces de son armure en un rien de temps. Mais un coup de bouclier me projeta au sol. Dans la chute, je lâchai mon arme qui s’en alla dans l’escalier. Mon ennemi levait déjà son épée et quand il la laissa choir, elle ne rencontra que le sol. Je me jetai dans les marches et je mis la main sur ma hache. Je me relevai d’un bond et je repartis à l’assaut de la tourelle. Je finis le chevalier d’un coup en plein crâne. Il s’effondra sans un cri. Sa cervelle se répandit petit à petit sur le sol. Confiant, je me dirigeai vers le village pour chercher le premier chevalier que j’avais combattu. Sur le chemin, les rugissements du dragon me paralysèrent d’effroi. Il n’avait pas bougé d’un iota durant tout ce temps. Il était de plus en plus clair que la confrontation finale approchait. Si je voulais déverrouiller tranquillement l’accès au sous-sol du village, il me fallait supprimer le dragon.

Le chevalier du village était bien plus résistant. Malgré l’allonge de ma hache, ses assauts répétés devinrent rapidement insoutenables. Je résistai du mieux que je le pus mais chacun de ses coups lui faisait gagner du terrain. Il m’accula dans l’escalier qui menait au démon taureau. Il ne me laissait aucun répit et je n’avais presque pas l’occasion de répliquer sans me prendre moi-même un coup d’épée. Je continuai de gravir les marches. Mais j’étais tellement focalisé sur le combat que je ne sentis pas mes pieds défaillir. Je n’avais pas non plus remarqué le trou dans la rampe… Je chutai dans le précipice. Je sentais la mort arriver mais je finis ma course à peine quelques mètres plus bas, sur un plateau qui dépassait de la roche. Je revins à peine de ma surprise que je vis le chevalier noir tomber dans le vide. Il m’avait suivi mais il n’avait eu pas la même chance que moi. Il s’écrasa loin en contrebas. Je poussai un cri de rage, furieux d’avoir laissé un coup du sort régler l’issue du combat en ma faveur. Mais j’étais aussi soulagé. Encore plus bas se trouvait un passage que j’atteignis en m’y laissant choir. Je parvins ainsi à l’endroit où se trouvait précédemment le chevalier. Il y gardait un anneau puissant, qui conférait une protection appréciable aux mourants.

Je retournai à l’escalier et je le gravis. Là aussi une porte était verrouillée. Je tentai ma chance avec les clés que j’avais en ma possession. En réalité la clé de la cave de la tour de guet ouvrait cette porte-là. Je descendis le grand escalier en colimaçon. Tout en bas de la tour se trouvait encore un chevalier noir. Hormis le dernier d’entre eux que je venais de tuer, les autres n’avaient pas une protection suffisante par rapport à ma hache. Celui-ci était armé d’un gourdin. Il était légèrement plus rapide que celui que j’avais tué dans l’église, ce qui rendait le combat plus difficile. Je rangeai ma hache et j’optai pour une lance. Je profitai de ses attaques manquées pour le contourner et pour l’embrocher dans le dos. Après plusieurs coups au but, il mourut. Lui aussi possédait un anneau, celui de Havel. A l’instant où je l’enfilai, je me sentis plus léger. J’en profitai pour renforcer mon armure en mettant un casque et des brassards de chevalier.

Ponts et dragons

L’ennemi que je venais d’abattre gardait une porte que je déverrouillai. Je me retrouvai dehors. Un bruit de cascade attira mon attention tandis que j’apercevais des sortes de golems au loin. Je les abattis mais je ne pus aller plus loin. Des jets d’eau sortirent de nulle part et me clouèrent au sol. Je me relevai mais déjà d’autres jets arrivaient sur moi. Je revins sur mes pas. J’ignorais quelle était la cause de ce phénomène. Mais je me rendis compte que je ne faisais que postposer l’affrontement contre le dragon.

Je remontai dans la tour et je refis le chemin en sens inverse jusqu’à l’échelle que j’avais déployée bien plus tôt. Je retournai jusqu’au pont. Le dragon m’attendait encore. Je le dévisageai pendant un moment. Il ne m’avait pas encore vu. Je regardai les alentours et je notai un mur de l’autre côté du viaduc. A en juger par les traces de brûlure sur le sol, ce renfoncement me permettrait de me protéger du souffle du dragon. J’ignorais ce que j’allais faire ensuite mais au moins la bête ne pouvait me causer de dommages tant que je restais là. Je m’y engouffrai donc, juste à temps pour éviter le déferlement de feu qui envahit le pont. Ensuite chaque seconde qui s’écoulait était pour moi aussi longue qu’une année. Le dragon ne bougeait pas et je n’osais esquisser le moindre mouvement. Je risquai de temps en temps un coup d’œil par-dessus le mur. Il savait que j’étais là et chaque déplacement que j’effectuais pouvait signifier ma perte.

J’essayai d’élaborer un plan. Je ne disposais que d’un arc et de quelques flèches ainsi que des couteaux. J’aurais pu l’attaquer à distance mais je n’étais pas doué pour la chose. Et vu ses écailles, il n’aurait sans doute rien senti. De plus j’avais maintenant une confiance inébranlable dans la hache que je magnais car elle m’avait assuré beaucoup de victoires faciles. Il fallait juste que le dragon se pose. Mais je redoutais aussi qu’il le fasse. Soudain, comme s’il m’avait entendu, il s’éleva dans les airs. Mon estomac se noua. Le dragon mesurait bien dix mètres, voire plus. Je me sentais tout petit à côté de lui. Il atterrit sur le pont. Il s’avança vers moi, probablement à ma recherche. Son énorme gueule dépassa bientôt le mur derrière lequel je m’abritais. Je levai mon arme afin de lui arracher un œil mais le reptile avait déjà décollé. Une boule de feu me grilla et me tua presque. Je me relevai tant bien que mal et je courus me réfugier sous le pont.

Je ne pouvais espérer défaire ce dragon de cette manière. Je devais le prendre par surprise. J’avais remarqué qu’il me cherchait après que je me fus caché derrière le mur. Si je répétais cette même technique, je pouvais espérer l’attaquer avant qu’il ne me voie. Je remontai à la surface. Le dragon s’était de nouveau installé sur son perchoir. Je regagnai le mur et j’attendis une nouvelle fois l’arrivée de l’ennemi. Quand il se posa et qu’il atteignit presque mon mur, je sortis de ma cachette et je fonçai sur lui, l’arme pointée vers le ciel. Je l’abattis de toutes mes forces sur la patte du dragon. Une gerbe de sang en sortit. Je continuai de m’acharner jusqu’à ce que la bestiole s’élève de nouveau. Je ne sus que faire. Le torrent de feu tomba juste à côté de moi. Je sentis le souffle chaud sur mon visage qui ruisselait de sueur. L’énorme créature rouge se laissa retomber. Je repris mon travail de sape. Des lambeaux de chair tombaient sur le sol dans une mare de sang. A force de frapper, mes bras devinrent aussi lourds que du plomb. Le dragon fit un bond qui l’emmena une dizaine de mètres plus loin. Je le suivis, résolu à en finir. Mais quand je vis qu’il ouvrait la gueule, je me jetai dans l’escalier qui menait au sous-sol. Le feu passa au-dessus de moi. Je remontai après m’être assuré que nul foyer ne subsistait. Et une fois de plus je matraquai l’ennemi avec ma hache. Il tenta de me dévorer mais je m’éloignai vivement des gigantesques dents. L’haleine fétide du dragon me déconcentra, ce qui me valut un coup de patte qui me broya quelques os. L’Estus dissipa le mal. De toute façon, j’étais déterminé à occire la bête. Je frappais sans relâche, le dragon hurlait de douleur. Pourtant à bout de force, je donnai un coup d’une violence inouïe. Je lâchai mon arme qui resta fichée dans le membre découpé du monstre. Mes bras tremblaient, toute énergie m’avait quitté. Le dragon poussa heureusement son dernier cri. Il s’écroula de tout son long sur le pont et ne bougea plus. Son règne sur le village venait de prendre fin.

Je m’affalai aussi sur le sol, haletant. Il me fallut quelques minutes pour reprendre mon souffle. J’arrachai ensuite la hache du corps de la créature. Je l’avais enfin vaincue. J’entrepris de fouiller les corps gisant sur le pont, le dragon ne les ayant pas épargnés avec son souffle mortel. L’un d’eux était armé d’une claymore, arme que j’affectionnais tout particulièrement. Même si ma hache s’était révélée une alliée fidèle, je m’équipai aussitôt de la longue épée, ravi d’avoir trouvé une arme plus adaptée à ma manière de combattre. Je levai la herse tout près. Il se trouvait également dans les parages quelques carcasses. Mais elles étaient amorphes et le désir de se battre ne les animait pas. La voie était désormais libre. Il ne me restait plus qu’à déverrouiller l’accès au sous-sol du village. Je décidai néanmoins de m’offrir un peu de repos. Le combat contre le dragon m’avait vidé de mes forces. J’étais malgré tout content d’en être venu à bout, en espérant ne pas en avoir d’autre à affronter à l’avenir…