Tout le monde connait Marco Polo, mais personne ne connait Odorico de Pordenone. Pourtant, lui aussi a traversé le monde pour aller en Asie. Son voyage dure 12 années de 1318 à 1330.

Il n'est pas commerçant mais moine. A l'époque, les explorateurs sont soit des marchands soit des religieux. Il est franciscain, comme Plan de Carpin et Guillaume de Rebrouke. Ceux-là sont allés jusqu'à Karakorum au milieu de la steppe, pour le compte du pape et du roi de France. D'autres sont allés jusqu'à Karakorum : André de Longjumeau (1245-1247 et 1249-1251) et Ascelin de Lombardie (1245-1247).
Lui veut aller jusqu'à Pékin, la nouvelle capitale de l'empire mongol. En 1289, le pape y avait envoyé un évêque : Giovanni de Montecorvino. Depuis, de nombreux franciscains ont fait le voyage pour l'y retrouver. Odorico, luiaussi part en mission pour convertir les paiens et sauver leur âme.

En Orient :

Il part de Venise et débarque à Trébizonde, sur la Mer Noire. C'est là que commence son récit. Il traverse l'Arménie en passant par Erzurum,. Puis il passe en Perse par Tabriz et Soltanye. Dans ces 3 villes il bénéficie des établissements des frères franciscains. En chemin, il veut escalader le mont Ararat réputé comme refuge du Déluge, mais on l'en dissuade (c'est dangereux). Accompagné d'un serviteur et d'un traducteur local et puis parfois par d'autres moines, il se joint à une caravane et visite Persépolis et ses ruines. Il passe ensuite par Chiraz et Bagdad. Il rejoint Ormuz, île du Golfe Persique, où il est étonné par la grosseur des testicules des habitants.

En Inde :

avril 1321, depuis Ormuz il embarque pour l'Inde sur une frêle embarcation faite de toiles et de cordages. il débarque au nord de Bombay, à Thana. C'est là que quelques années plus tôt 4 franciscains (Thomas de Tolentino, Jacques de Padoue, Pierre de Sienne et Démétrius de Tiflis) ont été affreusement tués par les musulmans pour avoir discuté de Mahomet. Les os de ces martyrs, recueillis par le frère dominicain Jourdain de Séverac, avaient été enterrés à Suppara à 42 km au nord de Bombay. Odoric rapporte qu'il déterre ces reliques et les garde avec lui.
Il longe la côte indienne. Il est scandalisé par le sacrifice de la femme sur le bûcher du cadavre de son mari.
Il passe par le Sri Lanka. Il visite le Là il embarque sur une énorme jonque chinoise. Il débarque à Madras. Il y visite le sanctuaire de Saint Thomas.
Son voyage dans l'océan indien dure plusieurs années.
Il continue à longer la côte et débarque sur les îles Andamman, puis Sumatra et Java, peut-être aussi Bornéo et les Philippines. Il décrit les moeurs de ces "sauvages" : l'anthropophagie, la nudité, la communauté des femmes etc.
Il débarque en Indochine où il voit les Champas.

En Chine

Toujours en suivant la côte, il remonte en Chine du Sud : Canton, Guangzhou. Il est frappé par la mode masculine de se laisser pousser les ongles et par la mode féminine de se bander les pieds (c'est lui qui rapporte cette info en occident). A Fuzhou il assiste à la pêche aux Cormorans. Il traverse les montagnes du Zhejiang à pied puis arrive à Hangzhou (au sud de Shanghai), il est hébergé par un riche marchand qui lui fait visiter un monastère bouddhiste où il discute théologie avec un moine. Hangzhou est alors la plus grande ville du monde.
Arrivé à Pékin. il retrouve les Franciscains et Montecorvino. Il assiste à la cour du Grand Khan. Il y décrit un grand vase en jade qu'on peut voir encore aujourd'hui. Il répète un mythe : le coton viendrait d'une plante coréenne qui donne naissance à un petit animal dont la laine est le ... coton.
Il est impressionné par l'efficacité de la poste impériale, par l'organisaition de l'empire, sa division en 12 régions, par le pouvoir absolu de l'empereur. La taille des villes chinoises le fait rigoler : elles sont toutes plus grandes que n'importe quelle ville italienne. Il estime que Canton est 3 fois plus grande que Venise.

Après 3 ans dans la capitale, il repart. Il était arrivé par la mer, il décide de faire le voyage retour par la terre. Il passe par le Tibet. Il serait le premier européen à être passé par Lhassa (à moins qu'il n'ait contourné le Tibet par le désert de Gobi et du Taklamakan et soit passé par Xhotan où il aurait rencontré des tibétains ?). Là il note que les tibétaines sont intéressées par les dents de sanglier et en font des objets de décoration. Il continue sa route en longeant les montagnes du nord de la Perse, puis le Caucase et l'Arménie.

De retour en Italie, il se rend à Padoue, à la maison franciscaine qui jouxte celle de saint Antoine, et c'est là qu'en mai 1330 il raconte l'histoire de ses voyages, qui sont rédigés en latin de cuisine par le frère Guillaume de Solagna. Il s'éteint en 1331. En route pour la cour du pape à Avignon, Odoric tombe malade à Pise, et, retournant à Udine, capitale de sa province d'origine, il y meurt.

Son récit aura beaucoup de succès et sera traduit en plusieurs langues. A tel point qu'un anglais, Jean de Mandeville, le plagie abondamment.
A sa mort, on lui érige une tombe magnifique et il est l'objet d'un culte. Les miracles y sont nombreux dit-on. Si bien qu'au XVIII° s. il est béatifié. On parle désormais de Saint Odorico. Sa date de décès le 14 janvier devient la Saint Odoric.

Son récit a été traduit en français en 1351 par Jean Le Long (réédité en 2010), en 1529 par Jean Saint Denis, puis en 1877 par Louis de Baker (https://archive.org/stream/lextrmeorientau00baecgoog#page/n11/mode/2up), et enfin par Henri Cordier en 1891 dont voici la traduction :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6536397f/f29.item.texteImage
La tombe d'Odorico :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Odoric_de_Pordenone

Très intéressant, je le connaissais pas du tout mais j’ai été choqué directement par un élément:

Il rejoint Ormuz, île du Golfe Persique, où il est étonné par la grosseur des testicules des habitants.

Comment il a fait pour cette analyse?

Le 27 juillet 2021 à 14:30:50 :
Très intéressant, je le connaissais pas du tout mais j’ai été choqué directement par un élément:

Il rejoint Ormuz, île du Golfe Persique, où il est étonné par la grosseur des testicules des habitants.

Comment il a fait pour cette analyse?

Dieu seul sait
C'était un Saint après tout.

Plus sérieusement, les autochtones étaient réputés pour ça. En fait, c'était une maladie appelée elephantis scrotal, autrement dit quand tu as des "couille d'éléphant".