Les voitures surgissent dans la pénombre, armées de leurs phares éclairant le bitume détrempé. Des yeux de lumière puissants qui se reflèrent dans la pluie. Les passants à leurs côtés déambulent, n'ayant cure de l'homme qui les observe, assis sur le trottoir. Dans son carnet de notes, il les transforme en héros d'un récit imaginaire. Il puise dans leurs démarches, le ton de leurs conversations, l'éclat de leurs rires, des éléments pour nourrir son mensonge.
Enfin, se dit-il, je parviens à écrire. Cela fait des mois que l'impuissance me tient. Déjà, j'aperçois des fantômes. Les Dieux se moquent-ils de moi ? Et cette demoiselle à la mini-jupe rouge qui passe au moment où les idées émanent des grottes de ma cervelle. Pourquoi ? Va-t-en ! Tes courbes appellent le vide. Retourne tromper les béotiens avec tes charmes !
Mais la voilà qui s'éloigne déjà, et je crains qu'elle m'ait lancé un regard, peut-être un sourire.
L'air du crépuscule se perd dans mes narines. Les odeurs de la ville sont enfermées dans ces petites molécules qui voyagent... De quoi est faite celle-ci ? Serait-ce le parfum de cette femme qui m'obsède ? Je veux y croire, j'en ai besoin. L'oeil désespéré, je l'aperçois qui monte dans une voiture. J'essaie de me lever, mais mon ventre me fait un mal atroce. Et puis, elle n'avait qu'à me parler cette fille... J'ai un visage tout à fait normal et des cigarettes en poche. En y repensant, j'ai l'impression de me fourvoyer encore. Je me suis toujours trompé au sujet des femmes...