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Sujet : La guerre civile, partie I [1989-1991]

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Niveau 10
19 juin 2020 à 12:21:04

Chapitre 1

Aujourd’hui, quand je vois tous ces jeunes qui rêvent qu’un truc fou se passe dans leur vie qu’ils trouvent morne et inintéressante, contrairement à leurs parents qui ont tout vécu, j’ai l’impression qu’ils ne saisissent pas cette chance là de vivre en paix et de ne plus vivre de guerres civiles ou mondiales en Europe.

Je suis né en Transslavie, à Brado, la capitale, en 1969. Dans un pays qui était un pays satellite de l’URSS, je dois admettre que nous étions plutôt bien lotit mes parents, mon frère et moi. On vivait dans une maison pas mal dans la banlieue et puis surtout, nous avions une voiture. Mon père était pilote de ligne et ma mère travaillait pour le Parti. C’était grâce à ça qu’on pouvait rapidement avoir une voiture et même consommer des produits de l’Ouest. Mon enfance a été vraiment heureuse, non pas parce que j’avais la chance d’avoir une famille privilégiée mais surtout parce que c’était l’insouciance et parce que lorsque nous sommes enfants, on s’en fout un peu de ce qu’on sera plus tard. On se préoccupe tout simplement de savoir avec qui on jouera demain dans la cour de récré et pour les plus sérieux, ce que la maîtresse va nous apprendre en classe et de faire évidemment ses devoirs.

Personnellement, je ne faisais pas partis des élèves les plus sérieux, j’étais moyen mais je m’intéressais à énormément de choses. J’étais curieux et les professeurs n’hésitaient pas à le dire à mes parents, lors des réunions parents-profs, pour ensuite me conseiller que je devais travailler plus en cours. En vérité, pour moi ce n’était pas important, car on va pas se mentir, l’école est chiante pour tout le monde et quand on connaît déjà pas mal de choses, c’est pas intéressant et très honnêtement, si on avait eu la chance de pouvoir se déscolariser je l’aurai fait à la fin du collège ou même pendant le lycée. Mon frère était quelqu’un de plutôt fort dans toutes les matières mais jamais il n’avait été premier de sa classe. Simplement quelqu’un de brillant qui est arrivé à faire de bonnes études.

Mais là où le pays a commencé à partir en sucette, ça été vers la fin des années 80. En 1986, le pays n’était pas arrivé à respecter le quota de production de blé car un violent orage avait ravagé pas mal de champs durant la moisson d’août. Heureusement, on a pas eu de famines mais les agriculteurs qui ont vu leur récolte détruites ont voulu se révolter et le mouvement a vite été réprimé par l’armée. Cette révolte était clairement une première alerte contre le gouvernement. Et puis tout a commencé à s’accélérer en 88 où on a eu des manifestations étudiantes réclamant plus de démocratie et qui rêvaient d’un pays à l’occidentale où l’on pouvait manger à sa faim et où le mot « propriété » avait un sens. Là aussi, il y a eu une répression et j’en faisais parti, car étant moi-même jeune je rêvais de tout cela et que cette société dans laquelle je vivais n’avait pour moi tout simplement plus aucuns sens. Nous reprochions au gouvernement de nous mentir et de nous cacher des choses qui devaient être dites.

Cette manifestation dans les rues de Brado était particulièrement violente, les policiers ont traînés par terres des jeunes et puis ils ont fait venir des blindés qui ont commencé à nous mitrailler. J’ai perdu un camarade et pour la première fois, je venais d’échapper à la mort. Le soir, lorsque ma mère me vit, elle se demandait ce qui venait de se passer pour que j’ai l’air aussi pâle. J’en ai fais des cauchemars pendant longtemps, mais c’était rien par rapport à ce qui allait se passer plus tard.

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19 juin 2020 à 12:21:21

Chapitre 2

L’incident de la veille avait fait la Une des journaux et bien évidemment, le but était de défendre le gouvernement en place. A leur façon, ils essayaient de calmer les esprits et de dire que la situation était sous contrôle, mais ils ignoraient allégrement la colère qui montait en campagne. Les agriculteurs avaient de plus en plus de mal à joindre les deux bouts et finissaient par se suicider. Personne n’était au courant de ces suicides, à part la police rurale, les voisins et les ragots du village.

Le mois d’avril arriva et il y avait toujours cette défiance qui régnait. Des camarades de mon école essayait de motiver tout le monde en dehors des cours à continuer cette lutte, mais finalement peu les suivaient, car ils n’avaient pas oublié ces étudiants de leur âge morts dans la rue et ces parents qui passaient à la télé en train de pleurer la perte de leur enfant. Je n’avais plus envie de me battre, j’avais peur qu’on subisse un jour des représailles surtout qu’un ami à moi, Anton Ivanenko, s’était fait arrêter et que du jour au lendemain, on avait plus de nouvelle de ses parents qui étaient fonctionnaire au Parti. Ma mère se faisait du soucis pour eux et nous disaient de ne pas manifester. Mon frère, Andreï, savait que je faisais parti de cette opposition et me couvrit pour éviter que j’ai des ennuis avec ma mère.

La vie continua jusqu’en 1989 où le Bloc commençait à partir en sucette. Il y avait partout de violentes manifestations. On deviendrait certainement un état indépendant mais ça finirait par passer par la case répression militaire. C’était quelque chose de vraiment révoltant, surtout qu’aucunes des manifestations ne tournaient à l’émeute dès le début. C’était toujours une fois que la police, et parfois l’armée, arrivaient que ça finissait par tourner à l’affrontement. Au début, on avait peur de mourir mais à la fin, on était dans un tel état de colère qu’on s’en foutait finalement.

Mais là où ça a vraiment été le drame, ça été au mois de novembre lorsqu’il y a eu la chute du Mur de Berlin. Déjà au mois de septembre, la Hongrie avait commencé à s’ouvrir sur le monde. La République Populaire de Hongrie venait, pour moi, de mourir à ce moment là, et novembre a marqué vraiment la fin de cette période. L’Union Soviétique commençait à se démanteler et on ne savait pas jusqu’à quand tout ça s’arrêterait. Mes parents étaient inquiets et moi aussi, je dois admettre. Nous étions tous simplement en train de perdre nos repères et la suite logique, c’était que la Transslavie finisse aussi par devenir un état libre. La démocratie nous faisait peur parce que c’était quelque chose que nous ne connaissions pas.

Le mois de janvier 1990 est arrivé assez rapidement et nous avions fêtait le Nouvel An comme il se devait. Mon frère et moi le faisions chez des amis respectifs. Pour tout le monde, cette nouvelle décennie était forcément remplie d’espoir pour tout le monde. C’était le bon moyen d’oublier les problèmes extérieurs, même si on savait pertinemment qu’une fois qu’on se serait remis de notre cuite, les problèmes reviendraient peut être plus forts que ce qu’on avait connu quelques jours plus tôt. Le 3 janvier, les manifestations ont recommencées dans les rues de Brado.

Il faisait froid à cette époque là et il avait même neigé durant la nuit. Les gens manifestaient emmitouflés et avaient quand même la force de le faire malgré le froid mordant. La manif était calme jusqu’il y ait un bruit de moteur de char et les militaires sont arrivés une fois de plus. La population était tellement à bout et énervée contre cette intervention que cette fois là, plus personnes n’avaient envie de fuir et de se laisser tirer dessus comme des lapins. Ils se sont mis à courir pour dresser des barricades et un groupe de jeunes monta sur un T-72 et fit sortir l’équipage et mirent le feu au tank. Les militaires se firent molester et il y a eu encore des morts. La télé en parla et c’est cet évènement qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

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19 juin 2020 à 12:21:38

Chapitre 3

La situation devenait tout simplement incontrôlable et les jours suivants, c’était encore plus catastrophique si bien que l’armée continuait de venir pour essayer de rétablir l’ordre. On ne sortait même plus de chez nous tellement on avait peur que notre maison se fasse piller et surtout d’avoir affaire à des soldats ou des policiers qui se comportaient comme des cow-boys.

Beaucoup de personnes décidèrent de quitter la capitale pour partir en campagne. Au mois de février, on put ressortir de chez nous et décidâmes d’aller au centre-ville pour des commissions et ça me choquait de voir ces barrages avec des soldats, qui avaient parfois mon âge, et semblaient terrifiés à l’idée de nous aborder pour contrôler nos papiers. L’ambiance était vraiment mauvaise et les quelques personnes qu’on voyait marcher dans la rue regardaient tout le monde d’un air inquiet, comme si nous allions les agresser ou les tuer. Ils marchaient rapidement puis ensuite courraient.

Il n’y avait que les gamins qui continuaient à faire comme si de rien était, dans le voisinage. Ils jouaient avec un ballon et quand il y avait une patrouille, soit ils se cachaient soit ils essayaient de jouer avec les soldats. Et ils se prenaient au jeu et les impressionnaient en montrant leur AK-47 ou rigolaient quand ils leur mettaient sur la tête leur chapka. Andreï regardait toujours par la fenêtre d’un air pensif pendant que ma mère lisait le journal ou regardait la télé. Mon père faisait des rotations pour rentrer le samedi ou le dimanche et dormait ensuite avant de reprendre son boulot. Il disait que c’était très tendu de prendre l’avion à présent et que l’aéroport était devenu une forteresse. Etant donné qu’il y avait souvent des touristes qui venaient chez nous, c’était soit un moyen de les dissuader de revenir soit de les impressionner. Dans tous les cas, on ne savait pas si on pouvait quitter le pays.

Ma mère nous disait.

- On ferait mieux de quitter ce pays, j’ai pas envie de continuer à risquer ma vie dans ce pays.
- Dans ce cas, où devrions nous aller ? Demandait mon père
- En Allemagne, en Italie, aux Etats-Unis, je sais pas, peu importe mais je me sens plus en sécurité ici. Je veux partir le plus vite possible.

Elle avait peur car on disait que des membres du Parti s’était fait massacrer et elle ne pouvait plus appeler de ses amis. Alors, la première chose qui lui vint en tête, c’est que sa tête était probablement mise à prix et qu’elle voulait pas qu’on se fasse tuer. C’était un sentiment horrible pour elle car je crois que de nous quatre, c’était sans doute la plus patriote et la plus dévouée à cette idéologie. Cette guerre civile était un vrai drame, chose vraie, car elle-même savait qu’après ça elle ne servirait plus à rien et se voyait déjà en train de devenir ouvrière dans une usine ou dans le meilleur des cas comptable. En fait, son rêve aurait été de partir vivre en RDA. Selon elle, c’était l’endroit rêvé pour nous parce que c’était un pays qui est resté stable du début jusqu’à la fin et elle regrettait que la Transslavie ne connaisse pas une fin comme l’Allemagne de l’Est, même si c’était selon ses mots « humiliant ».

On se trouvait coincé parce qu’on avait aussi peur que se réfugier dans un autre pays ou même en URSS nous fasse plus de mal que de bien. Surtout au vu de ce qui s’était passé en Roumanie en décembre. En fait, le seul endroit en sécurité où nous pouvions aller était la campagne, et encore on disait que même là il y avait des combats entre des paysans et l’Armée populaire. Je savais pas quelle était la situation dans le village de mes grands-parents. On pouvait s’attendre à tout. Heureusement, le téléphone n’était pas coupé donc nous prenions des nouvelles d’eux de temps en temps. Visiblement, là bas tout baignait et c’est ce qui décida mes parents de quitter Sarny, la ville où nous habitions.

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19 juin 2020 à 12:21:54

Chapitre 4

Le village de mes grands-parents s’appelait Lebedian et il y avait à peine quatre cents habitants, pas plus. On était à 90 kilomètres au Sud-Est de Brado. Une petite rivière coulait au milieu du bourg et un peu plus loin avec mon frère nous pêchions des carpes quand on était plus jeunes.

Mes grands-parents avaient une ferme et deux champs où l’on faisait pousser du blé ou alors du maïs selon les années. Parfois pendant les vacances d’été on venait les aider à moissonner. Ils étaient heureux de nous voir et surtout rassurés de voir que nous n’avions pas eu d’accroc. Sur la route, on était tombés à pas mal de reprises sur des camions et des chars qui allaient tous dans la même direction. Cela était inquiétant parce que visiblement quelque chose était en train de se préparer et on apprit quelques jours plus tard que la capitale était assiégée.

Etant donné que nous étions dans la zone d’influence de Brado, on savait très bien que rapidement ça finirait par dégénérer chez nous parce que nous ne serions plus ravitaillés en nourritures et même en essence. Finalement, tout le monde décida de monter une petite communauté. Le maire disait que ça ne servait à rien qu’on décide de s’entretuer et qu’on devait se montrer uni dans ce genre de situation. Il avait raison, mais il ne put rien faire quand rapidement une milice commença à se former. Leur équipement était très spartiates, simplement des fusils de chasses mais ils avaient envie d’aller beaucoup plus loin que ça. Les gendarmes voulaient les calmer, car ils savaient très bien qu’ils étaient prêt à tendre des embuscades pour voler du matériel militaire et avaient peur des représailles. Mon grand-père soutenait cette milice, il voulait même en faire parti et se chargea de leur donner le peu de légumes qu’il arrivait à faire pousser. Ma grand-mère et ma mère ne voulaient pas le voir prendre des risques inutiles pour ce genre de choses.

Il venait d’avoir soixante-et-onze ans et pétait encore la forme. Je pense qu’il était en fait dans le même état d’esprit que les miliciens, c’est-à-dire un esprit revanchard. Je pense pas que c’était l’envie de voir des gens se battre qui lui donnait envie de les rejoindre, c’était parce que pour lui lorsqu’un pays traversait une crise grave, il fallait donner les moyens à tous de la surmonter coûte que coûte et ça commençait par des choses simples. L’alimentation était le meilleur moyen d’avoir des types en formes et voulait absolument que mon frère et moi en faisions partis. J’étais d’accord avec ça et c’était pareil pour Andreï.

Mon père ne savait pas comment se situer parce qu’il n’était pas Transslave, il était Hongrois et n’avait pas vraiment d’attaches à ce village ni même ce pays. Cela dit, beaucoup de monde au village l’appréciait et disait que dans une bonne milice, ça devait être un type comme lui, intelligent et cultivé qui devait en être le chef. Il réfléchissait sérieusement à le faire parce que c’était pas donné à tout le monde de faire l’unanimité auprès des autres pour devenir le chef d’un groupe armé et ils n’avaient pas envie que ça soit le chef de la gendarmerie qui le devienne parce qu’ils avaient plus confiance en lui. Le chef de la brigade avait pourtant été quelqu’un de réellement apprécié car il était vraiment sympa mais ses appels au calme rendaient les gens très méfiants. On disait que même que la milice comptait attaquer une nuit la gendarmerie afin de récupérer les armes et tous l’équipement qu’il y avait.

On savait qu’ils possédaient des Kalachnikov et c’était pour se débarrasser des fusils de chasses ou de la dernière guerre qu’on avait. Les miliciens étaient arrivé à propager pas mal de rumeurs si bien que la moindre patrouille était vue comme une menace et les gendarmes en voiture ne comprenaient pas pourquoi l’ambiance du village venait de changer radicalement. Ils ne savaient pas du tout ce qui se préparaient pour eux.

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19 juin 2020 à 12:22:29

Chapitre 5

Comme quelques jeunes de mon âge, mon frère et moi avions décidé de rejoindre la milice et nous étions prêt à en découdre, et on voulait aussi montrer qu’on était pas prêt à se laisser écraser par l’armée. Ma mère nous laissa faire, même si elle n’était pas d’accord. A vrai dire, elle était surtout inquiète pour nous parce qu’elle avait peur qu’on se fasse tuer et c’était une réaction logique pour une mère que de s’inquiéter pour la sécurité de ses enfants. Même mon père nous rejoint.

Un soir, le chef, Pavel Belograski, nous invita à venir dans sa cave pour préparer l’attaque de la gendarmerie. Celui qui nous avait fourni le plan du bâtiment était un gendarme lui-même qui voulait absolument nous aider. Pavel était fier de cette nouvelle recrue parce qu’il comptait ne pas s’arrêter là et voulait aussi inciter les autres villages et les petites villes voisines à se révolter contre les forces de l’ordre. La vérité, c’est qu’on était pas les seuls à le faire et qu’en toute logique ils devaient être encore plus sur leur garde que d’habitude. D’ailleurs, rien nous prouvait à ce moment-là, il y avait peut être une taupe et qu’on tomberait dans un piège.

Une semaine plus tard, tout le monde était prêt à mener l’assaut. L’homme qui nous conduisait était un fermier qui possédait un petit camion et nous étions à l’arrière, sur le plateau du camion et nous avions tous un fusil plaqué sur nous. J’avais froid et Andreï murmurait une prière. Le camion pila à un moment donné, tout le monde en sauta pour se ruer à dans le bâtiment. Les gendarmes à l’intérieur étaient tellement surpris qu’ils ne purent rien faire d’autres que de lever les mains en l’air ou nous suppliaient de ne pas les tuer. J’entrais et je les pointais chacun leur tour avec le canon de mon arme et je les insultais. Puis j’aidais deux hommes à les ligoter et à les faire sortir.

Soudain, j’entendis plusieurs coups de feux et un homme redescendit rapidement l’escalier, grimaçant de douleur et se tenant l’épaule. Il venait de se prendre une balle. Lorsque la fusillade fut finie, je vis deux corps à terre avec des projections de sang sur le mur. L’un des miliciens s’était fait abattre d’une balle dans la tête. Je garde encore pendant certaine nuit ces images de cet assaut violent et ces images de morts par balles. Tout le monde se servit dans l’armurerie. On avait capturé quelques gendarmes qu’on décida d’enfermer dans les cellules du bas.

Toute la nuit, on resta dans la caserne pour consulter les dossiers présents mais aussi pour faire l’inventaire de ce qu’il y avait et de ce qui pouvait nous servir. Les gendarmes étaient des jeunes qui n’avaient pas tous la trentaine et restaient fixes, n’osant pas bouger ou alors pleuraient. Ils ne savaient pas du tout quel sort les attendait mais ils avaient honte d’avoir manqué à leur devoir. Mon père les surveilla toute la nuit et s’amusait parfois à pointer le canon de son arme sur la tête des flics qui craquèrent nerveusement au bout de deux jours de prises d’otages.

En même temps, aucuns de nous avait l’idée de nourrir ces pauvres hommes dont le désespoir et la peur se lisait sur leur visage. On s’en rend compte qu’après coup de toute façon que pendant une guerre tout le monde devient fou et même si on pense qu’on agit de façon saine et réfléchie, ce n’est pas le cas car ce n’est pas rationnel. Pavel décida quand même de les nourrir en leur donnant du pain et de l’eau et c’était tout.

Une semaine plus tard, ils étaient toujours enfermés dans les cellules et il y avait une forte odeur d’urines et d’excréments. Ils se laissaient simplement faire et nous hésitions à les relâcher car on savait qu’ils allaient appeler à l’aide et que sans doute un beau jour on verrait face à nous des soldats qui nous tueraient sans aucunes formes de pitiés. Finalement, le lendemain, Pavel redescendit et dit à mon père et à moi « Mettez leur des sacs sur la tête, on les embarques avec nous ». Mon père et moi ne savions pas ce qui allait se passer mais on exécuta l’ordre et puis on les fit monter dans le camion et parcourut de longs kilomètres avant d’arriver en forêt. Nous étions accompagnés de plusieurs voitures derrière.

Le chef tapa sur le plancher et nous fit signe de les faire sortir. On les poussa du camion et ils tombèrent dans la boue, ils essayaient quand même de se relever même s’ils avaient les mains attachées. Lorsqu’on leur enleva le sac de la tête et qu’on les aligna les uns à côté des autres, ils restèrent stoïques. Je pense aussi que certains étaient fiers de se dire qu’ils allaient mourir en martyr alors que d’autres n’acceptaient pas leur sort. Nous tirâmes chacun une balle et ensuite on regarda s’ils étaient morts ou pas. Seul un était blessé à la jambe, il hurlait tellement de douleur que je retint mes larmes, puis un des hommes chargea un pistolet et lui tira plusieurs balles dans la tête.

Je me cacha derrière un arbre pour vomir et je les vis décapiter les corps avant de jeter les têtes dans une rivière plus loin, certains donnaient même des coups de pieds dedans comme si c’était des ballons de foot. De retour à la maison, je resta enfermé dans ma chambre et ne voulut plus descendre même pour aller manger.

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19 juin 2020 à 12:23:44

Chapitre 6

Ma mère vint me voir pour savoir ce que j’avais vu, mais je n’osais pas lui avouer les horreurs que je venais de voir. J’avais à peine vingt-et-un ans et au lieu d’être en boîte de nuit ou en train de faire des études, j’étais là dans un village paumé en pleine guerre civile et en train de prendre des innocents en otage pour ensuite les tuer. C’était pas une vie. Je regrettais même de pas avoir eu l’idée de fuguer pour me réfugier dans un des pays frontaliers. De toute façon, c’était aussi le bordel et je ne voulais pas non plus fuir une guerre civile pour en revivre une autre.

Des autres villes, on savait qu’il y avait eu des scénarios similaires à nous qui s’étaient produits et Belograski cherchait à s’allier avec eux. Notre mouvement fut vite rejoint par d’autres qui étaient également ravis de se dire que la lutte ne se ferait pas seule. Et plus les mois passaient, plus l’on était nombreux et plus le conflit s’intensifiait. Dans l’ouest du pays, il y avait déjà eu de violents heurts avec les forces de l’ordre également et on assistait à de vraies scènes de guérillas. Le maire fut exécuté car le chef de la milice était parvenu à monter tout le village contre lui et le faire passer pour un traître alors qu’il cherchait simplement à calmer les esprits pour éviter de rajouter de l’huile sur le feu à une situation déjà chaotique.

Très rapidement, il s’est imposé comme étant le chef de ce mouvement de révolte et rejoint par les autres villes si bien qu’il y avait un semblant de cohésion entre nous. Mais cette cohésion était finalement matérielle, il ne cherchait pas à devenir stratège parce que ce serait beaucoup trop de responsabilités pour lui et qu’il ne se sentait pas l’âme d’être le chef d’un très gros groupe armé. D’ailleurs, sa plus grande crainte était qu’on essaie de le déloger de son poste et qu’on retrouve son corps ensanglanté Dieu ne sait où.

Au mois de mai, on apprit que la Croix-Rouge établissait des camps afin d’apporter des soins aux personnes qui en avaient le plus besoin et pour beaucoup, ils avaient fui les villes ou Brado et il y en avait qui étaient amochés. Je me souviendrai toujours de ce flot qui avait traversé le village, fatigués et silencieux. Ils étaient pour la plupart à pieds et portaient de jeunes enfants dans leur bras. Il y avait cette jeune fille, très belle mais qui était sur une béquille car elle avait la jambe gauche coupée . Lorsqu’on se promenait dans les alentours, c’était pas rare de voir des voitures dans les fossés complètement abandonnées.

Et puis très rapidement arriva le mois de décembre 1990 et on apprit qu’il y aurait une intervention militaire étrangère qui serait sur le territoire.

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19 juin 2020 à 12:24:18

Chapitre 7

Ce mois de décembre avait très rude pour tout le monde parce que l’on ne fêterait pas Noël, ni même le Nouvel An mais surtout parce qu’une coalition était en préparation et que les premiers soldats étrangers débarqueraient sur le sol transslave au mois de janvier ou février 1991. D’un côté, cela provoqua un immense soulagement de savoir que le conflit durerait moins longtemps mais de l’autre, c’était la colère qui régnait car des étrangers se mêlaient de quelque chose qui ne les regardaient pas.

Des journalistes de toutes les nationalités voulaient absolument entrer en contact avec nous et on accepta bien évidemment. On leur donnait des ordres afin qu’ils ne se fassent buter par des soldats et parce qu’au fond, notre groupe voulait absolument que la coalition viennent nous aider. C’était dans ce but là que chaque milices de ce pays voulait avoir sa propre équipe de journalistes, parce que tous rêvaient d’être traités en héros et comme des martyrs du régime. Enfin le monde allait s’intéresser à la Transslavie alors que jusqu’à présent, il s’en foutait complètement.

Sous notre aile, on avait une équipe de télé allemande. Il venait de Sat.1 et ils étaient vachement sympas. Quand ils débarquèrent dans notre village avec leur fourgon, c’était comme s’ils venaient d’une autre planète. Pour être honnête, cela faisait très longtemps qu’on avait plus prit le temps de se laver et nos vêtements commençaient à se déchirer et étaient sales. Eux, ils étaient bien habillés et bien coiffés. Le contraste entre nous était énorme, j’avais comme l’impression qu’ils venaient d’une autre planète.

La journaliste se prénommait Marion Schmidt. C’était vraiment une belle femme et je dois avouer que j’avais craqué pour elle dès que je l’ai vu descendre du minibus. Elle avait vingt-cinq ans, je pense, et était rousse aux yeux bleus. Je pense qu’elle avait en tête de commencer déjà à tourner parce qu’elle portait un tailleur gris et des escarpins noirs. Son cameraman s’appelait Helmut et l’ingénieur du son était un Autrichien du nom de Heinz. Tous les trois étaient jeunes mais ce qui était sûr, c’est que Marion se voulait être la leader de l’équipe et essayait de les convaincre de pas avoir peur car ils étaient entre de bonnes mains.

Ils nous serrèrent tous la main et logèrent dans un petit gîte. Le lendemain, Marion vint nous voir et nous posa quelques infos à propos de nos armes et nos revendications. Elle semblait vraiment intéressée parce que l’on faisait. Je m’occupa de lui expliquer à quoi allait nous servir la mitrailleuse que vous venions de dérober à un groupe de soldats qui bivouaquaient. J’essayais de lui expliquer le fonctionnement et disait qu’avec ça, on pourrait en zigouiller plus d’un. Dans la réalité, on savait tous les deux que c’était des conneries et que la chaîne de balles que je venais de mettre était la seule qu’on avait.

On cherchait tous à les impressionner en essayant de se montrer comme des hommes sans peurs et qui n’étaient pas effrayés à l’idée d’aller tuer d’autres mecs. Certains hommes n’hésitaient pas à prendre la pose avec une paire de Ray-Ban et leur arme, ils en mettaient même dans les mains de jeunes gosses pour montrer que dans cette lutte, tout le monde s’y mettait. On faisait de la propagande de bas étage et le but était de montrer au monde entier que nous étions tous déterminés. C’était quelque chose ce passage de journalistes.

Ce qui m’inquiétait par contre, c’est qu’elle voulait absolument venir avec nous mais n’avait pas de gilets pare-balle ni même de casque, tout comme le reste de son équipe. Même pour venir en forêt, elle était sur son 31 en portant un trench coat, une paire de bottes en cuir camel à haut talon et des gants noirs. De temps en temps, elle se remettait son écharpe sur son épaule et se retournait pour me sourire. C’était une fille vraiment sympa. Un jour, on s’installa par terre pour manger et elle me tira par le bras pour nous éloigner du groupe. De sa main gantée, elle activa un dictaphone et me posa des questions. C’était sur mon engagement dans la milice, ce que l’on faisait concrètement, si j’avais peur de mourir, ce que je faisais avant et ce que je comptais faire après la guerre.

Pour être franc, j’avais rejoint la milice pour en découdre avec le gouvernement parce que je trouvais ça injuste de tuer de simples citoyens qui cherchaient à montrer leur mécontentement et voulaient se faire entendre. On cherchait surtout à faire peur à cette armée en montrant que nous allions défendre notre territoire et qu’on avait pas peur d’eux. On en avait absolument rien à foutre. Bon par contre, je dois admettre que cela me faisait peur cette idée que je pourrais peut être me faire buter, ça m’arrivait de temps en temps de me remettre en question à ce niveau là. D’un côté, cet engagement me tenait vraiment à coeur mais de l’autre, je ne tenais pas à savoir que ma famille souffrirait de ma perte et se reprocherait toute leur vie le jour où ils m’ont vu quitter le domicile pour finalement jamais me revoir. Oui, c’était une idée noire que j’avais mais dans une guerre, c’est difficile d’arriver à réfléchir de façon rationnel.

On cherche simplement à se battre pour soi et pour ses idées, parfois en se voyant martyr, parfois en se voyant leader, parfois en se voyant dressé en héros. En fait, on cherche tous à se satisfaire et à avoir une certaine postérité. J’avais des projets pour l’après et très souvent, je pensais à ce que j’aurai pu faire s’il n’y avait pas ce conflit. Chaque jour, c’était la question que je me posais, car normalement j’aurais dû finir ma formation pour devenir pilote et peut être que j’aurai commencé à faire mes premières heures de vol, car je faisais une école pour devenir pilote de ligne, en faisant des rotations sur Moscou, Berlin, Prague, Belgrade et même Paris. Je me voyais déjà comme étant copilote sur Ilioushine Il-18 ou sur un Tupolev TU-154. Maintenant, je ne savais pas trop ce que je voulais faire après la guerre, quand la situation permettrait de voir les choses de façons beaucoup plus positive. C’est ce que je lui expliquais, même si au fond j’avais déjà une petite idée de ce que je voulais faire.

C’était pas très original pour des habitants de l’Est, mais une chose était sûre, c’est que je voulais voir comme était la vie dans les pays de l’Ouest. J’avais entendu pas mal de choses assez intéressantes sur ce qui se passait là bas. Ca me faisait rêver, pour être honnête. Même si la situation que nous connaissions jusqu’à une date récente était pas mal car on manquait de rien, chose qui était quand même assez formidable dans cette partie là de l’Europe, je pouvais pas m’empêcher de me dire qu’il y avait une situation qui était sans doute meilleure que chez nous.

L’entretien terminé, la journaliste parti en me faisant sourire. Quelques minutes après son départ, je me mis à pleurer.

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19 juin 2020 à 12:24:35

Chapitre 8

Cela m’avait fait beaucoup de bien de parler avec une autre personne, car j’avais enfin l’impression d’être écouté et de penser à autre chose qu’à cette putain de guerre. Je me sentais juste mieux après tout ça. Elle ne m’avait pas filmé, c’était sans doute un moyen d’introduire dans son reportage un résumé de mon témoignage.

Au printemps, les premières troupes de la coalition débarquèrent, à commencer par les Américains qui faisaient très souvent des vols de reconnaissance au-dessus du village. On surveillait le mouvement de ces appareils car on ne connaissait pas leurs intentions. Plus les mois passaient, plus on voyait des soldats de beaucoup de nationalités européennes sur notre sol. Notre village se situait dans une zone sécurisée par les Britanniques et les Français. Une délégation de ces deux pays vint nous voir pour nous rassurer et dire qu’ils allaient nous protéger. Les autres habitants étaient rassurés mais nous, on se méfiait car nous ne savions pas s’ils venaient vraiment pour nous défendre ou s’ils essayaient de nous affaiblir.

Pavel décida d’organiser un conseil dans une salle de la mairie et voulait connaître notre avis. Il nous disait à plusieurs reprises que leur but était de nous désarmer, qu’on se retrouverait « à poil ». Personne ne voulait de ça. Quelques jours plus tard, une patrouille Française arriva pour traverser le village, on commença par sortir en courant des maisons pour balancer des tomates sur les véhicules et les soldats ainsi que divers objets. Mon père cracha sur un militaire qui tenta de le frapper, trois hommes sautèrent sur lui pour le désarmer. Les autres essayaient de nous mettre en joue pour nous inciter à rentrer chez nous.

Pavel n’avait peur de rien et essaya de les défier avant de se faire arrêter et d’être libéré le lendemain. Lorsqu’il revint au village, il disait se sentir humilier de la veille et avait honte de lui. Non pas parce qu’il avait adopté un mauvais comportement, mais parce qu’il s’était fait jeter arrêter et menotter comme un vulgaire voleur. Chaque fois que des soldats passaient, il n’osait ne plus rien faire parce que certains de ces hommes commençaient à devenir des visages connus et se moquaient de lui. Moi, je n’avais pas envie de m’y mêler parce que je cherchais à défendre mon lopin de terre mais pas m’attirer des emmerdes avec les autres.

L’équipe de télé allemande quitta le village et nous étions de nouveau livrés à nous-mêmes, en train de chercher un sens à ce que nous allions faire. Des soldats de l’Armée Populaire lancèrent fin mars une attaque contre les villages au sud de Brado et on eu droit à notre bataille. On s’était dispersé et j’occupais la place de mitrailleur au clocher de l’église. J’essayai de tirer sur un grand nombre de ces hommes et parfois un tir de mortier explosait par terre.

Je n’arrivai pas à tenir la cadence, mon compagnon d’arme me hurlait de continuer à tirer mais je ne me sentais capable de rien faire. Depuis l’église, c’était horrible de voir des civils se faire tuer par des hommes armés et je mitraillais de partout. Certains furent touchés mais je savais pas si je les avais blessé ou tuer. Soudain, j’entendis un gros « boum » quasiment au dessous de mes pieds et un deuxième obus explosa la façade d’une maison puis de nouveau l’église. La structure de l’édifice commença à vibrer et puis d’un coup, tout s’effondra.

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19 juin 2020 à 12:25:03

Chapitre 9

Lorsque je me réveillais, c’était la nuit noire. J’étais ensevelis sous plusieurs couches de gravats. J’entendais des hommes crier dans une langue que je ne comprenais pas et qui ne ressemblait pas à de l’Ukrainien. Mon corps était endoloris et je pense que j’avais quelque chose de cassé car je n’arrivais pas à soulever ma jambe, à moins que c’était ce morceau de charpente.

Je me mit à hurler de toute mes forces, puis je vis soudain le visage de plusieurs hommes qui soulevaient un pan de mur et qui faisaient signe à d’autres gars qui portaient des casques avec des lampes. Quelques minutes plus tard, je fus allongé dans la civière d’une ambulance. On me soigna dans un de ces hôpitaux de campagne géré par la Croix-Rouge, je resta allongé plusieurs semaines dans un lit, avec une jambe et un bras cassé. Selon les médecins, je pouvais m’estimer heureux d’être encore en vie alors qu’après la destruction de l’église, ils continuaient encore et encore de pilonner le village. Je voulais savoir comment allait mes parents, ils me répondirent qu’ils allaient bien et qu’ils étaient en vie. Je me mis à pleurer de joie car ça relevait du miracle d’arriver à fuir un village qui se fait bombarder et canarder en continu. Lorsque je les vis, je n’en croyais pas mes yeux tellement ça me semblait irréel.

On m’apprit que quasiment toute la milice fut tuée et que j’étais l’un des rares survivants de l’attaque. Tous me félicitèrent de mon courage, mais étaient les premiers à dire qu’un jeune de mon âge n’était pas sensé se battre avec des armes à feux. Sur le coup, ça m’avait vraiment énervé parce que je voulais leur dire d’aller se faire foutre et que je n’avais pas besoin d’entendre ça alors que j’avais failli mourir mais en prenant du recul, quand je vois les guerres actuelles avec tous ces enfants qui ne comprennent pas ce qu’il se passe, je me dis qu’ils ont dans le fond pas totalement torts. Je me souviens qu’il y avait des enfants qui jouaient avec des soldats étrangers ou encore qui s’amusaient gaiement avec des AK-47 qui étaient beaucoup plus grandes qu’eux. C’est typiquement dans ce genre de situation qu’on se rend compte que les enfants ne le restent jamais longtemps et finissent par être adulte, car ils cherchent absolument à survivre.

Je marchais en béquille pour rejoindre ma famille qui avait à présent tout perdu. Nous avions plus rien. Aucune de nos affaires n’avait résisté à cet assaut et nous craignions que dans notre maison près de Brado ça soit la même chose. Si notre maison n’avait pas subie les pluies de bombes et de mortiers, alors ce serait peut être les pillards qui auraient raison d’elle. A présent, nous devions nous faire à l’idée qu’on devrait tout recommencer à zéro. C’était un sentiment horrible que nous partagions tous en ce moment. Ma mère pleurait tous les soirs et refusait de manger, mon père était silencieux comme mes grands parents et mon frère restait allongé dans un lit de camp en regardant la toile de la tente fixement, sans cligner des yeux. Moi aussi j’étais choqué, j’étais même traumatisé et je ne savais pas du tout comment il fallait réagir devant cette situation.

Un mec de la Croix-Rouge vint un jour nous voir avec un bloc-note pour savoir si nous étions intéressé pour partir en Europe pour demander asile. Mon père se leva de son lit pour sortir de la tente pour discuter avec lui. Ils parlementèrent pendant plusieurs minutes et puis lorsque mon père se retourna, il nous demanda simplement « Vous voulez partir d’ici ? ». Ce n’était pas rien comme décision de quitter son pays natal qui est en plus en guerre, mon père n’avait pas d’attaches car comme je l’avais dit, il était Hongrois. Ma mère et le reste de ma famille, oui. On se mit à réfléchir là dessus pendant plusieurs nuits car on avait pas mal de dilemme : d’un côté, on aurait la chance de vivre dans un pays en paix mais de l’autre, on en quittait un autre et nous recommencerions tout à zéro. Si on partait se réfugier ailleurs, ce serait comme reprendre une autre vie comme si celle que nous avions vécus jusque là n’avait jamais eu lieu.

Au fond de nous, nous avions tous fait notre choix mais on n’osait pas le partager entre nous, car on ne voulait pas se taper dessus. Ma mère s’était faite à cette idée que le pays pour lequel elle travaillait depuis pas mal d’années touchait à sa fin et qu’il n’y avait donc plus d’espoir pour elle d’être plutôt haut placée. Mon père savait qu’il pourrait retrouver du travail ailleurs, mais ce serait plus compliqué car dans les pays de l’Ouest, aucunes compagnies aériennes n’utilisaient de Tupolev ou d’Ilioushine. C’était que des Boeing, des McDonell, des Airbus ou encore des Lockheed. Il me disait que les avions occidentaux le fascinait, car ils étaient beaucoup plus moderne et avaient l’air beaucoup plus confortable que ceux qu’il avait l’habitude de piloter.

La fierté que j’avais au début du conflit venait de partir parce que je venais de frôler la mort. Je n’avais pas eu cette impression d’avoir fait un mauvais choix en me faisant enrôler dans cette milice, même si j’avais vu des choses assez horribles. Et clairement, je ne savais pas si pour moi ce serait une bonne chose de retourner sur le front ou de partir. Ma mère voulait que je reste, mais mon grand-père lui disait que si mon choix était de continuer alors elle devait le respecter et il savait très bien de quoi il parlait. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il était lui-même soldat et blessés par des soldats nazis, puis par des soviétiques pourtant jamais cela ne l’avait découragé de continuer de porter fièrement son uniforme sur les champs de batailles.

Une chose était sûre, c’est que ma famille voulait se réfugier ailleurs. Le pays qui les attirés le plus étaient l’Allemagne pour une raison qui m’est encore assez mystérieuse. On allait devoir rester longtemps parce qu’il y avait pas mal de demandes d’asiles qui devaient être traitées. Alors pour patienter, je quittais tous les jours le camp pour aller me balader en pleine campagne et observer les manœuvres de ces militaires étrangers et voir ces hélicoptères venant d’armées de l’air différentes. On avait un terrain d’aviation que partageait des soldats Allemands avec des soldats Américains et ça m’arrivait parfois de parler avec eux. C’était vraiment deux mondes différents, ils étaient vraiment impressionnants avec leurs armes mais ils étaient vraiment sympa et je me fis rapidement amis avec eux. C’était un bon groupe dirigé par un certain William Pratt, un type qui avait l’air sévère mais plutôt cool dans le fond. Ce mec m’avait fait découvrir Nirvana et Faith No More. On avait toujours des discussions intéressantes entre la vie ici en Transslavie et aux Etats-Unis. Je sais pas pourquoi mais la vie en Amérique ne m’attirait pas vraiment.

J’avais l’impression que là bas, tout était en surabondance et qu’on ne savait plus du tout où donner de la tête ni même faire un choix précis. Ici, c’était différent, on avait pas beaucoup de choix pour tout mais nous parvenions quand même à vivre heureux et ça m’étonnait pas qu’en Occident on trouvait toujours d’éternels insatisfait de leur choix. C’était pas mieux ici parce que beaucoup reprochaient de ne pas en avoir suffisamment et surtout ils en avaient marre de consommer toujours des produits venant des autres états socialistes ou même d’Union Soviétique. Les quelques objets venant de l’Ouest étaient des produits de contrebande et si jamais les douaniers nous chopaient avec, on pouvait avoir de gros problèmes avec eux. Mais ça passait crème, parce qu’ils étaient très souvent corrompus ce qui faisait que de nombreux jeunes rêvaient de le devenir, car ils savaient très bien qu’ils n’auraient pas besoin de se payer des appareils étrangers étant donnés qu’on pourrait leur en faire cadeau. Je dois admettre que moi aussi je rêvais de faire ce métier à l’époque mais la passion de l’aviation m’avait vite rattrapé.

Leur équipement n’avait absolument rien à voir avec le nôtre. Les hélicoptères, les avions, les véhicules blindés, les chars, les uniformes, les armes…tout avait l’air moderne, alors que celui de l’Armée Populaire n’était pas aussi moderne que le leur. En fait, j’avais l’impression que les Américains préféraient plutôt privilégier le design que vraiment la qualité et la solidité comme en URSS. Je ne sais pas comment c’était possible, mais ils me laissaient entrer dans leur base et j’avais le droit de faire un petit tour avec eux en Hmvee et m’avaient fait monter dans le cockpit d’un Black Hawk. Je ne sais pas trop s’ils avaient vraiment le droit de le faire. Ce qui est sûr, c’est que c’était des bons moments que je pouvais passer avec eux et qui me permettaient de fuir la dure réalité de la guerre.

Ce que j’appréciais vraiment par dessus tout, c’était de pouvoir parler avec d’autres personnes que celles que je connaissais déjà du genre mes parents, les différentes familles de réfugiés ou encore le personnel de la Croix-Rouge. D’ailleurs, certains bénévoles de l’ONG me saoulaient vraiment avec leur questions. Tous voulaient savoir si j’étais choqué par ce que j’avais vu, comment je me sentais, mon état d’esprit et pleins d’autres questions que je trouvais complètement connes et c’était des bilans que je jugeais vraiment pas nécessaires. C’est vrai, quoi, merde, ils s’attendent vraiment à ce qu’on prennent bien le fait de vivre une guerre civile, de se dire qu’on a perdu des amis et de la famille dans ce conflit ? J’avais un peu cette impression personnellement et très honnêtement, j’avais pas envie d’en parler même si au fond je savais que c’était une grosse connerie.

Enfin bref, ce qu’ils ne comprenaient pas c’est qu’au fil des jours, je voulais rester ici parce que je me disais que c’était mon devoir de continuer à me battre et j’étais vraiment prêt à tout. Les soldats américains semblaient vraiment admirer mon courage et cette détermination à continuer encore et à encore à me battre, même si j’avais été blessé et frôlé la mort. Pratt me disait «C’est rare de voir des gens comme toi aussi déterminé ». Mes parents tentaient de me dissuader de le faire et m’avaient annoncé que leur dossier avait été très rapidement pris en charge et que la semaine suivante nous serions en route pour Francfort, en Allemagne.

Par conséquent, j’avais le choix entre continuer à me battre ici, sur la terre de mes ancêtres, ou suivre ma famille et ne plus jamais revenir dans ce pays.

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19 juin 2020 à 12:25:22

Chapitre 10

Finalement, mon choix fut de rester en Transslavie pour continuer à me battre. Je me mit à pleurer en serrant dans mes bras ma mère parce que je commençais à avoir de plus cette impression d’avoir fait cette connerie. C’était trop tard pour moi de regretter ce choix et de toute façon, on garderait sans doute contact et on s’enverrait des courriers. J’avais vingt-deux ans et j’étais en quelque sorte un mercenaire pour le compte des Etats-Unis.

Être citoyen d’un état socialiste et se battre pour un pays dont on nous parlait très souvent en mal était considéré dans ce cas de figure comme étant une trahison. Et si jamais je me faisais capturer, je serais sans doute considéré comme un traître par mes concitoyens. Fort heureusement, cela n’arriva pas parce que c’était rare quand j’étais envoyé sur le front. J’étais intégré dans un groupe de mercenaire tenu par un Italien, Giovanni. Tous étaient Italiens, sauf moi, et se débrouillaient pour essayer de parler russe avec moi ou alors en anglais.

En terme d’arme, j’étais passé de la Kalachnikov à la HK G3, qui était un fusil d’assaut allemand, mais aussi d’un G17. C’était vraiment de bonnes armes et c’est comme ça qu’on se mit à parcourir de façon un peu aléatoire les villes et les villages de Transslavie dans des 4x4. Les petites routes étaient dans un sale état et j’étais obligé de me tenir à une poignet pour éviter de sauter de partout malgré le fait qu’on avait tous notre ceinture de sécurité.

Pour dormir, on faisait un bivouaque. Chacun notre tour on devait monter la garde. Tous les soirs on parlait quasiment des mêmes sujets, ça devenait lassant mais ils avaient tous un point commun, c’est qu’ils n’avaient ni famille ni attache alors ils se renseignaient sur les différents conflits pour se battre. Selon eux, c’était les Américains qui étaient les plus généreux en terme de salaire. Mais chacun d’eux se battaient sans de vraies motivations, en dehors du fait qu’ils étaient grassement payé et pouvaient se permettre de se payer des voitures de luxes ou alors de nouvelles armes.

On était un groupe de dix. Nous étions en route pour Brado. On devait soutenir un groupe de rebelles. L’autoroute était complètement vide. Nous roulions largement au-dessus de la limitation de vitesse et on commençait à voir la ville se dessiner au loin avec un panache de fumée. L’aéroport s’était sans doute fait bombarder, car il y avait des carcasses d’avions et le terminal principal était complètement effondré. On arriva à un point de passage tenu par des Casques Bleus Norvégiens et ils fouillèrent les véhicules. Au bout de dix minutes, ils nous laissèrent pénétrer dans la ville.

Le lieu de rendez-vous était un hôtel de luxe dans le centre-ville et qui s’appelait le « Paris ». C’était un immeuble moderne et géant. La vue était juste impressionnante depuis les chambres complètement ravagées et puis c’était un véritable nid à sniper. Quelques uns de ces rebelles savaient parler anglais, le reste je servais d’interprète pour les Italiens qui aimaient bien examiner et manipuler les armes. Un des mercenaires du nom de Michele avait ramené une mitrailleuse, une M60 et tout le monde le surnommait Rambo à cause de ça. D’ailleurs, il faisait tout pour se donner le même genre que lui en ayant les cheveux mi-longs, en portant un bandana rouge sur la tête et portant un débardeur noir qui révélait de gros muscles.

On avait fait un rapide état des lieux avec les snipers qui étaient pour la plupart des jeunes de mon âge. Le bâtiment avait tellement morflé que je craignais que la moindre attaque militaire pouvait encore plus le fragiliser et que par conséquent, un effondrement n’était pas à exclure. L’Armée Populaire avait des Mil-24, comme hélicos, et vu comme ils tournaient autour de la ville on se doutait qu’ils cherchaient à faire du repérage. Avec les jumelles, on regardait les déplacements de troupes et on savait que trois pâtés de maisons plus loin, il y avait un immeuble de logements qui était bourré de mitrailleuses. On voyait très bien les canons dépasser des fenêtres et dans les alentours il y avait aussi d’autres snipers. En fait, nous étions tout simplement encerclés dans cet immeuble. La moindre erreur d’appréhension pouvait nous être fatale à tous.
Certains miliciens s’étaient déjà fait capturer mais jamais ils n’avaient eu l’idée de lancer un genre d’opérations de sauvetages pour le faire. D’ailleurs, personnes ne savait si ces prisonniers s’étaient fait abattre ou étaient encore vivants. Les civils marchaient tranquillement dans la ville mais les quelques automobilistes présent ne s’attardaient pas dans les boulevards et nous les voyions à toute allure rouler sur les boulevards.

Et ce qui rendait l’atmosphère encore plus étrange, c’était de continuer à entendre les bruits de circulations sur la voie rapide et de voir encore les transports en communs fonctionner et d’entendre en même temps des crépitements d’armes automatiques. Dans l’immeuble, on pouvait continuer de regarder la télé par Dieu sait quel miracle. Les vitres avaient toutes volées en éclat et les rideaux étaient aspirés vers l’extérieur. Le vent dehors était frais et la nuit c’était encore pire.

Nous étions au mois de juillet. Juillet 1991. De temps en temps, il y avait de forts orages mais aussi des averses de pluies qui faisaient déborder les rigoles. La journée, il faisait parfois très chaud ce qui faisait que nous nous mettions en t-shirt. Je transpirais tellement que je n’arrivais parfois plus à tenir mon arme tellement j’avais les mains moites et un milicien me fila une paire de mitaine en cuir.

Par contre, ce qui me faisait un peu de la peine, c’est que par rapport à nous, leur équipement faisait très rudimentaire. C’était comme si deux mondes différents se battaient côte à côté. Ils étaient tous épuisés et ça se voyait qu’aucuns d’eux n’étaient d’anciens militaire, moi le premier je galérais à avoir le même rythme et la même condition physique. Je ne serais jamais aussi endurant qu’eux et si jamais nos 4x4 tombaient en panne, ça serait très compliqué pour moi de continuer à marcher en portant des bardas lourds sur de longues distances.

Bref, je commençais tout doucement à regretter mon choix.

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19 juin 2020 à 12:25:41

Chapitre 11

Mes parents commençaient à me manquer et à chaque fois, je ne pouvais pas m’empêcher de penser à eux. Je me sentais mal à l’aise parce que j’étais né à Brado, que j’y avais passé une bonne partie de ma vie, que j’avais été étudiant aussi et à présent j’étais dans cette ville que j’avais toujours connus prospère et qui devenait jour après jour un tas de ruines. C’était vraiment douloureux.

Nous étions toujours aux fenêtres en train d’observer les zones qu’on savait tenues par d’autres groupes de combattants. L’immeuble était une position stratégique car c’était le plus grand de la ville et on pouvait tout voir de là haut. Rien ne pouvait vraiment nous échapper, nous finissions par voir toutes les zones sensibles. Il y avait un des snipers qui avait un genre de barricades avec une table de nuit et qui balayait sa zone avec le viseur du fusil. Il retenait son souffle et puis « bang », il tirait et cela résonnait dans la pièce. C’était juste incroyable. Pendant ce temps, j’observais avec mes jumelles pour tracer une croix sur les positions des ennemis sur une carte de la ville.

Je sais pas si c’était prévu qu’on fasse un assaut pour essayer de recontrôler la ville mais il y avait eu des troupes américaines qui voulaient qu’on indique où ils devaient faire les frappes aériennes. Parfois, on entendait le grésillement des radios qui nous permettaient de suivre en temps réels leurs mouvements et ainsi on pouvait fournir à nos alliés encore plus de renseignements. En quelques sortes, nous étions devenus pour eux des espions, mais nous savions pas précisément ce qui était prévu. Honnêtement, je pense que le but de tout ça c’était qu’effectivement il y ait une opération de grande envergure et que la ville finirait complètement dévastée. C’était assiéger une ville qui l’était déjà et nous allions empêcher l’Armée de battre en retraite. On allait tous les buter jusqu’au dernier et ce serait un vrai bain de sang.

Nous étions plusieurs groupes a être au courant de ce plan. On avait reçu un genre de plaquette pour nous faire repérer des noms de codes pour nous dire quand ça va arriver. La phrase « récolte des cerises » signifiait que c’était imminent et mot « arrosoir » voulait dire qu’il fallait encore patienter. Le tout passé sur les émissions de radios et nous avions le poste de radio constamment allumé si bien que ça allait finir par nous rendre fous.

Pleins de chansons de l’Ouest étaient diffusées, c’est comme ça qu’on a commencé à connaître tout un éventail de ces artistes anglophones ou bien francophones. J’aimais bien Dire Straits et aussi les Rolling Stones, il y avait dans leurs chansons pas cette envie de faire danser les gens mais parfois de les rendre un peu mélancoliques et surtout de dénoncer la guerre. Je me souviens d’avoir été devant une fenêtre quand pour la première fois j’eus entendus Paint it Black. C’était une très belle chanson et quand je la vois dans les films ou dans certains jeux vidéos, je me dis que c’est moins intense de les écouter comme ça dans le cadre d’un divertissement que quand on est sur le front.

Le matin du quinze septembre, une station de radio venait de nous parler de la « récolte des cerises ».

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19 juin 2020 à 12:26:14

Chapitre 12

Entendre le message à la radio était pour moi comme une sorte de réjouissance car c’était clair que la libération de Brado serait le moment clé de cette confrontation entre milices, Armée Populaire et la coalition de l’OTAN. Cela signifiait que la guerre civile serait peut être bientôt terminée, mais qu’ensuite on devrait passer encore pas mal d’années avant de reconstruire totalement le pays.

Tous le monde était redevenu motivé et les civils furent encouragés à aller dans leurs caves ou dans les stations de métro afin de s’y abriter. Lorsque la ville fut complètement vidée de ses habitants, seul le tir d’armes automatiques se faisaient entendre.

On devait approcher des vingt-deux heures et le soleil était déjà couché lorsque nous entendîmes un bruit de moteur assez lointain et puis des flammes en l’air sortaient d’un canon. D’un coup, des explosions se firent entendre. On se mit à sauter de joies car nous savions ce que c’était et l’avion, un C-130, fit plusieurs tours avant de partir. Et puis un peu plus tard on entendit le bruit caractéristiques des mitrailleuses des A-10 Thunderbolt. Le raid dura toute la nuit et au petit matin, on découvrit que des pans entiers d’immeubles s’étaient effondrés et que même un immeuble d’habitation entier se retrouvait par terre.

Nous décidâmes de porter secours à d’éventuelles victimes et beaucoup s’étaient retrouvées ensevelis sous des tonnes de gravats. Une unité de pompiers arriva et demanda à ce qu’on les aides. Je les aidaient pendant que les autres nous servaient de couverture. Les pompiers avaient un chien de recherche qui creusaient dans le sol. J’entendais un pleur de petite fille et quand on arriva à déblayer une bonne partie des gravats, je la vis en train de tenir la tête de sa mère. La mère était morte car une partie de son visage était en sang et les yeux avaient le regard vide.

C’était vraiment horrible pour moi de voir ce genre de scène surtout qu’on avait pas pu tout enlever et que personne ne savaient combien il y avait de personnes exactement dans cet immeuble. Très facilement, il devait y avoir plus d’une centaine de morts durant cette nuit, dont certainement des civils qui furent des dommages collatéraux et d’ailleurs ce bombardement devrait être considéré comme étant illégal, par conséquent puni même étant donné que la Convention de Genève condamne fermement la mort de civils non armés.

On continua même pendant la nuit les opérations de sauvetage et des soldats américains vinrent nous prêter mains fortes. Giovanni les vit débarquer de leur Hmvee et leur dit de dégager. Le commandant parla avec lui mais il continua de l’engueuler de le repousser violemment. Les hommes du commandant tentèrent de les séparer et puis Giovanni les laissa passer. Il nous regarda tous d’un air furieux et nous dit « Ces salauds viennent nous aider alors que c’est eux qui ont buté ces mômes ! ».

Les projecteurs étaient allumés de partout. L’éclairage était tellement fort qu’on avait l’impression de voir en plein jour et nous n’eurent même pas le temps de voir le jour commençait à se lever. Nous étions tous fatigué par cette nuit car cela faisait plus de vingt-quatre heures que nous étions debouts et à tour de rôles on baillait. Chacun tentait de résister au sommeil du mieux qu’il pouvait mais ce n’est pas quelque chose d’évident. On avait rien pour rester éveillé encore quelques heures.

Lorsque l’opération de sauvetage fut terminée, je m’effondra sur un lit et je dormis pendant longtemps.

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19 juin 2020 à 12:26:34

Chapitre 13

Le mois d’octobre approchait tout doucement. Les températures s’étaient pas mal rafraîchies ces derniers temps et les journées devenaient de plus en plus courtes. Nous venions de quitter Brado, car la ville était à présent sous contrôle Américain, on nous envoya ainsi à l’autre bout du pays. La traversée était vraiment rude surtout que la ville où nous allions était à une dizaine de kilomètres, seulement, de la frontière polonaise.

C’était en pleine campagne et il y avait des champs à perte de vue. La petite ville s’appelait Ortiv. Si je me souviens bien, sa principale économie venait de la fabrication de chars d’assaut, notamment de T-72. On en parlait souvent dans nos manuels scolaires car c’était considéré comme une chose extraordinaire de pouvoir fabriquer des chars d’assaut dans cette ville, tout comme ça l’était aussi que dans le sud du pays il y avait de la sous-traitance pour Antonov et Tupolev.

La ville semblait épargnée par la guerre, mais c’était un point très sensible étant donné que les ouvriers hésitaient à continuer le blocage de la production de chars mais aussi d’obus. Les usines tournaient au ralenti et les soldats menaçaient de faire un blocus afin de les forcer à reprendre la cadence normale. La situation s’aggravait à Moscou et en République Tchécoslovaque, on voyait très bien aussi l’explosion de ce pays. Par conséquent, il fallait compter sur l’industrie militaire nationale pour continuer de se défendre ou faire appel à d’autres pays mais c’était tendu. Le monde soviétique était en train de s’effondrer et en ce début de décennie, deux pays étaient en pleine guerres civiles.

Ortiv n’avait pas de milice de défense. Les habitants pensaient que personnes ne viendraient les emmerder et que de toute façon, ils avaient la police avec eux pour les défendre. On alla à la rencontre de ces hauts fonctionnaires de police qui disaient eux-mêmes qu’ils avaient peur de se faire lyncher par la foule car ils n’avaient pas suffisamment d’armes pour que nous puissions être en renfort. En fait, un groupe de militaire étaient venu chez eux en civils, de nuit, pour récupérer toutes leurs armes. Sauf que nous étions à peine dix soldats et contre une unité d’une centaine de personnes, on ne peut rien faire si ce n’est prendre nos jambes à nos cous et nous enfuir lâchement.

Très clairement, c’était le foutoir cette histoire et des Casques Bleus accompagnés de soldats Allemands vinrent afin de nous prêter main-forte. Les habitants se doutaient bien de quelques choses et un jour le commissariat fut pris d’assaut et brûlé. Tous les policiers se firent sortir du bâtiment et lorsque les Casques Bleus les surprirent en train de les emmener dans un champs où une énorme fosse venait d’être creusée, ils arrêtèrent la foule en colère. Cela ne fit que rajouter davantage d’huile sur le feu car il y avait une partie de la ville qui voulait le retour de la raison en nous laissant agir et faire ce que nous devions faire, à savoir les défendre et de l’autre, il y avait un groupe qui estimait que nous n’avions rien à faire ici et que c’était leur guerre, pas la nôtre.

On ne savait pas quoi faire à vrai dire pour les empêcher de faire une grosse connerie, et même si mes camarades s’en foutaient un peu car les conflits étaient leur gagne-pain, moi ça me gênait vraiment de rester comme ça impuissant même s’il y avait une volonté de notre part de vouloir les dominer. J’étais pas dans cette optique et j’étais même déçu par le mercenariat. Giovanni semblait absolument pas perturbé à cette idée et me disait qu’il fallait accepter de ne pas avoir la mainmise sur certains évènements. Pour lui, ça lui était égal que des civils se fasse massacrer par leur propre armée et même s’il comprenait mon positionnement et mon parti pris à ce sujet là, tout ce qu’il voulait c’était de la prise de recul de ma part.

Seulement, je me sentais directement concerné par la vie de mes concitoyens et ils voyaient très bien que j’étais un de leurs. Ils me voyaient limite comme un sauveur et un espoir de forcer la coalition à les protéger. Dans le rôle d’intermédiaire entre soldats et mercenaires, je faisais tout pour les convaincre de l’importance de les protéger. Les Casques Bleus voulait m’envoyer négocier avec la foule qui était en colère pour calmer les esprits et les inciter à s’unir plutôt qu’à continuer la division. J’avais improvisé un discours, debout sur un M113 des Casques Bleus Danois et avec un mégaphone. Certains me jeter des projectiles mais je ne cillais pas.

Je leur disais qu’en temps de guerre, on doit être uni et si on a tous un ennemi en commun, alors ça ne sert à rien d’en chercher ailleurs. On doit dans ce cas prendre les armes et se battre tous ensemble et pas se taper l’un sur l’autre. C’était un discours bref, mais qui ne convainquit pas tout le monde. Pourtant les Danois vinrent me serrer la main et me dire que j’avais fait du bon travail mais que ça les surprenait vachement de voir un mercenaire de vingt-deux ans sans expérience militaire. Ils s’occupaient le reste du temps de jouer à la police et les unités de reconnaissances allemandes nous disaient que l’ennemi était une vingtaine de kilomètres à l’est de la ville.

Lorsqu’on apprit cette nouvelle, nous ne savions plus comment essayer de gérer la situation.

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19 juin 2020 à 12:26:49

Chapitre 14

Giovanni négocia avec le commandant Allemand et nous fit signe de venir. Il nous prêta un lance-roquette et des munitions et nous partîmes très rapidement à leur rencontre. On se positionna de chaque côté d’une colline qui surplombait la route et nous avions une vue dégagée sur toutes la vallée. Nous avions placés des mines pour les retarder au maximum et plus tard des soldats arrivèrent pour nous aider.

On voulait tendre un vrai guet-apens. Tout était bien organisé et on était prêt à les attaquer par surprise. Lorsque les chars arrivèrent, les mines explosèrent et un équipage sortit en flamme d’un des tanks en hurlant de douleurs. Des blindés sortirent des troupes qui se mirent à tirer dans tous les sens et se fut un carnage. Plusieurs balles claquèrent sur le blindage ce qui me fit peur. Un soldat arriva et tenta de me planter un couteau dans la gorge. Je lui donna un coup de poing dans le nez et il s’écroula, je le frappa à plusieurs reprises. Lorsque la fusillade fut terminée, Maurizio traqua les blessés qui agonisèrent et leur tira à chacun une balle dans la tête.

Un des blessés que je récupéra était un type qui devait avoir dans les dix-huit ans. Son regard était terrifié. Il cherchait à s’enfuir de mois mais je le rassura en lui disant que je ne lui voulait aucun mal et je le fis adosser à un pneu d’un BMP. Il semblait content de revoir un compatriote et on échangea un peu sur nos vie d’avant la guerre mais Giovanni arriva et le tua de sang-froid sans même qu’il eut le temps de m’expliquer qu’il voulait aussi retrouver ses parents le plus vite possible.

J’avais le visage recouvert de sang du jeune homme et l’Italien me fit lever et me dit « Faut pas parler comme ça à ton ennemi. T’es pas là pour fraterniser avec lui ». Je me sentais sale et j’avais envie de pleurer. Maurizio vint me voir pour essayer de me consoler. C’était lui qui me soutenait le plus donc très souvent je venais me confier à lui. Il comprenait parfaitement mon mal être et ne savait pas quoi faire pour moi. Selon lui, déserter n’était pas une bonne idée et il ne valait mieux pas tenter de le faire. J’étais tout simplement obligé de rester avec eux pendant encore quelques temps.

Le mois de décembre était particulièrement rude cette année là. Il neigeait abondamment sur les plaines transslaves et Dieu merci, nous avions droit à un attirail d’hiver pour éviter d’attraper froid. Nous pouvions rester allonger de longues heures dans la neige fraîche, parfois avec un vent glacial. Surveiller Ortiv était compliqué, surtout que la ville était toujours dans la peur d’une représailles et avec la neige qui était en train de tomber, c’était encore plus le bon moment pour attaquer car la population était affaiblie par le froid et des habitants en étaient morts à cause du manque de chauffage et un approvisionnement en nourriture qui tardait à venir.

Les convois de l’ONU venaient de Pologne mais les routes étaient en très mauvais état et faire une vingtaine de kilomètres sur une route défoncée n’est absolument pas la même chose que les faire sur une route en meilleure état comme en Europe de l’Ouest. Quand ils arrivèrent, c’était vraiment des scènes de liesse que l’on pouvait voir, comme si le Messie arrivait. Il fallait contenir une foule qui s’agglutinaient au porte des camions pour enfin avoir droit à de la bouffe. Même nous on hésitait pas à bousculer des gosses pour avoir un sac plastique avec des bouteilles d’eau, du pain, des biscuits et des boîtes de conserves.

Le soir du 25 décembre fut une soirée très particulière pour nous. Nous ne savions pas comment nous devions prendre cette nouvelle, car on ne savait pas si c’était vrai ou non et surtout c’était une annonce surréaliste. On regardait dans une maison les infos à la télé et il y avait un discours de Mikhaïl Gorbatchev, l’air grave il annonçait tout simplement sa démission et par conséquent, la chute de l’URSS. Cette guerre civile prendrait un nouveau tournant quelques semaines plus tard.

A SUIVRE

DickFigures DickFigures
MP
Niveau 10
03 juillet 2020 à 21:13:04

Franchement, j'aime bien ce genre de récits. Anna Frank, Nina Lougovskaia, c'est ma came. Du coup, je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle et je pense que le récit gagnerait en impact en prenant plutôt la forme d'un journal rédigé au jour le jour.

Je trouve toujours intéressant de m'immerger dans cette angoisse du présent, sans savoir de quoi sera fait demain. Ça gagne en impact. Cela permet également de se focaliser sur des détails qui peuvent paraître futiles, mais qui forment des petites victoires du quotidien.

Vallerand2 Vallerand2
MP
Niveau 10
04 juillet 2020 à 11:12:57

Le 03 juillet 2020 à 21:13:04 DickFigures a écrit :
Franchement, j'aime bien ce genre de récits. Anna Frank, Nina Lougovskaia, c'est ma came. Du coup, je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle et je pense que le récit gagnerait en impact en prenant plutôt la forme d'un journal rédigé au jour le jour.

Je trouve toujours intéressant de m'immerger dans cette angoisse du présent, sans savoir de quoi sera fait demain. Ça gagne en impact. Cela permet également de se focaliser sur des détails qui peuvent paraître futiles, mais qui forment des petites victoires du quotidien.

Encore une fois, vraiment merci pour ce commentaire. Je suis vraiment touché :hap:

Je prends note des auteurs que tu cites et j'y jetterais certainement un oeil :oui:

Alors, j'ai voulu faire un truc plutôt romance plutôt qu'un journal parce que je trouvais que ça pouvait être pas mal. Et je sais pas trop si ça respecte vraiment ce code là, mais en fait je l'ai écrit de façon à écrire un faux témoignages, une fausse biographie pour que ça soit justement plus intenses et plus intéressants à lire. J'ai essayé plusieurs fois de tenter le journal et franchement c'est un peu dur à écrire et même moi j'accroche moyennement à ce genre de format alors que je le trouve dans le fond pas si mal que ça

DickFigures DickFigures
MP
Niveau 10
04 juillet 2020 à 11:44:13

Ouais, ça marche. World War Z (le bouquin, pas le film) marche aussi sur ce principe. :oui:

Et je voulais dire Anne Frank, pas Anna. Le correcteur m'a niqué. :hap:

Vallerand2 Vallerand2
MP
Niveau 10
04 juillet 2020 à 12:13:31

Le 04 juillet 2020 à 11:44:13 DickFigures a écrit :
Ouais, ça marche. World War Z (le bouquin, pas le film) marche aussi sur ce principe. :oui:

Et je voulais dire Anne Frank, pas Anna. Le correcteur m'a niqué. :hap:

Yep, c'est justement World War Z qui m'inspire le plus parce que c'est vraiment un très bon bouquin et c'est dommage que le film n'a pas respecté le livre (du moins pas dans son intégralité) car il y aurait moyen de faire un film sans doute beaucoup plus marquant et intense que 28 jours plus tard.

Ah et le journal d'Anne Frank, je l'avais un peu lu aussi et faudra que je le relise un jour quand même

DickFigures DickFigures
MP
Niveau 10
04 juillet 2020 à 12:37:42

Fais attention de prendre la version non-censurée pour Frank :oui:

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