Je suis encore sur mon mémoire, mais je prends peu à peu connaissance des œuvres au programme.
Bonne surprise pour La Mort du Roi Arthur, dont la langue ne m'est pas si absconse contre toute attente. Je suis en Lettres Classiques, et la maîtrise de la grammaire ne m'est pas demandée. La traduction en regard m'aide bien à saisir la lettre du texte.
Les quelques difficultés de lecture, assez ponctuelles heureusement, m'ont été soumises par Du Bellay.
Par exemple, dans Les Antiquités de Rome, j'ai ça :
Si l'aveugle fureur, qui cause les batailles,
Des pareils animaux n'a les coeurs allumés,
Soit ceux qui vont courant ou soit les emplumés,
Ceux-là qui vont rampant ou les armés d'écailles :
Quelle ardente Erinnys de ses rouges tenailles
Vous pincetait les coeurs de rage envenimés,
Quand si cruellement l'un sur l'autre animés
Vous détrempiez le fer en vos propres entrailles ?
Etait-ce point, Romains, votre cruel destin,
Ou quelque vieux péché qui d'un discord mutin
Exerçait contre vous sa vengeance éternelle ?
Ne permettant des dieux le juste jugement,
Vos murs ensanglantés par la main fraternelle
Se pouvoir assurer d'un ferme fondement.
Je ne comprends pas le dernier tercet, et en particulier le dernier vers. Je crois saisir que "vos murs ensanglantés" est sujet de "permettre" au participe présent, mais on attendrait un verbe conjugué juste après. L'infinitif est bizarre.
Et même si je réécrivais "se pouvaient assurer d'un ferme fondement", l'assertion serait contradictoire, puisque l'oeuvre semble peindre globalement le suicide intestin de Rome. Le sang fratricide sur les remparts feraient au contraire signe vers la disparition de la cité.
Impossible de voir ce qu'il veut dire.
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Merci d'avance pour vos lanternes. Et si vous-mêmes avez été confrontés à des problèmes de syntaxe dans les textes du Moyen-Age et de la Renaissance, ça m'intéresse bien fort.
Je n'ai aucune expérience en la matière mais je lis les deux tercets ensemble. J'ai l'impression que le point d'interrogation entre les deux strophes pourrait ne pas se lire et alors le dernier vers se rapporterait à la strophe précédente, par exemple la vengeance éternelle ?
L'utilisation d'un infinitif comme substitut à un temps du passé ne me choque pas, tu sais forcément étant classique que c'est relativement courant en latin, cet usage existe encore en français et disparaît si ma mémoire est bonne vers le 17e / 18e, et ne reste plus que dans des expressions introduites par "de" du style "Et le professeur de rappeler que la grammaire, c'est quand même bien de la merde".
Je dis pas que c'est le cas ici, mais dans les trucs relou à garder en tête, jusqu'à assez récemment un groupe participial, même en apposition, n'avait pas forcément à être interprété par rapport au sujet grammatical. Tu pouvais parfaitement écrire "Mâchouillant un os, je joue avec mon chien".
Je me mouille pas sur l'interprétation, je ne suis pas sûr ici.
Dans les trucs casse-couilles pour le XVIe, je me souviens outre la graphie foireuse qui permet parfois des jeux de mot improbables que le "si" peut vouloir dire "aussi", un peu comme le jà / déjà. C'est con mais parfois ça bloque pour rien et c'est loin d'être signalé dans toutes les éditions. En tout cas tu ne vas pas être à la fête, j'ai eu l'occasion d'expérimenter la grammaire XVIe sur mes années agreg avec Rabelais mais surtout ensuite avec Marot, en poésie aussi donc, et c'était pas de la tarte. Globalement c'est une période assez chiante parce qu'entre l'absence de fixité qui reste encore caractéristique et les premiers efforts de fixation prescriptive de la langue, il y a un espace de flou un peu bordélique.
Mais bon, en classique vous avez pas l'épreuve de grammaire, vous avez vos disciplines spécifiques, donc au pire tu t'en branles un peu, là c'est embêtant parce que ça implique la compréhension mais à défaut de l'avoir ici tu trouveras bien une réponse et tu n'auras pas à rentrer dans les détails précisément.
La syntaxe en médiéval c'est pas si gênant au fond, et d'ailleurs en général les latinistes ça les fait pas trop bader parce qu'il y a encore des traces. Ce qu'il y a de chiant surtout c'est que c'est une langue très elliptique par rapport à la nôtre, avec notamment ses pronoms qui peuvent prédiquer tout seul et des conneries comme ça, mais ça a son charme pour ça justement, ça a un côté très coupé, très enlevé, qui nourrit l'implication du lecteur. La grosse barrière ça reste le lexique globalement.
Merci pour vos réponses. J'ai reconfiguré ma lecture sous vos lumières, et j'avoue que c'est bien plus clair.
LeSiracide, je n'avais pas penser à lire un tour latin ici. Plutôt que de lire un infinitif historique, ne pourrait-on pas lire un infinitif subordonné au participe "permettant" ?
Ça donnerait, et si on remet le tercet dans un ordre prosaïque : "Le juste jugement des dieux ne permettant pas que vos murs ensanglantés par la main fraternelle puissent s'assurer d'un ferme fondement."
On aurait une proposition subordonnée infinitive très latine, qui s'éloigne des emplois français courants. Je ne sais pas à quel point c'est fréquent, à quel point c'est précieux, dans les textes de l'époque, mais effectivement... de belles perspectives
Franchement je ne sais pas pour le coup ça dépasse ce que j'ai retenu de la grammaire latine après ces quelques années à la pratiquer erratiquement puis plus du tout.
Mais pourquoi pas. Au niveau du sens voir "se pouvoir etc" être complément du participe ça fonctionne mais syntaxiquement je ne sais pas si ça se tient ici.
En tout cas pour le 16e - et parfois pour le médiéval mais moins - si t'as un doute tu peux rapidement regarder si un tour classique ne viendrait pas expliquer. Il y a un certain nombre d'auteurs, surtout à la Renaissance après la phase de relatinisation, qui se permettent des tours savants assez velus, assez cuisinés.
Je reconnais que ma "traduction" est un peu tirée par les cheveux, mais elle a le mérite de faire dire à la phrase ce que j'en attends.
J'y vois des dieux iliadiques, finalement assez subordonnés à un "destin" qui les soumet eux-mêmes. Les dieux jugent en fonction de ce destin, et agissent de telle ou telle manière "parce que le destin". Le "juste" jugement des dieux ici, ce serait le jugement qui s'ajuste à ce destin. En regard de l'hypotexte ancien, y a pas plus classique comme idée... mais faut vraiment tordre la syntaxe, et c'est ça le problème.
Pour le coup ce problème touche sensiblement à l'interprétation du sonnet, voire, d'une certaine manière, de l'oeuvre.
J'ai regardé dans l'Académie française, mais y a rien qui me semble trancher définitivement. J'imagine que j'aurai l'occasion d'en rediscuter durant l'année... Merci bien en tout cas.
L'AF niveau source grammaticale c'est vraiment pas terrible. C'est daté et lacunaire, et il y a beaucoup de leur contenu qui n'est pas produit par des linguistes.
Je te conseille d'investir tout de même dans une vraie grammaire méthodique au cas où. Genre le grévisse de l'étudiant de Narjoux.
Je parlais en l’occurrence du vieux dictionnaire du XVIIIe, qui m'est parfois bien utile pour chercher des vieux usages (je pensais que c'est à cela que tu faisais référence par "tour classique".)
Sinon oui, j'utilise Le Bon Usage. Je trouve son index ultra intuitif une fois qu'on maîtrise bien les différentes catégories grammaticales. On trouve tout dedans en quelques secondes, c'est presque magique par moment...
Ah oui, je pensais que tu parlais de leurs ressources grammaticales.
J'entendais "classique" au sens disciplinaire ici, pour pas dire "latinisme" et répéter encore le mot "latin", mais je pensais à ça.
Tant qu'on y est, je suppose que tu connais déjà mais j'ai pas mal utilisé les dico type Godefroy, DMF, Furetière pour vérifier l'existence d'un sens en synchronie, et les ressources de Lexilogos en général.
Le 16 avril 2021 à 15:02:46 :
Ah oui, je pensais que tu parlais de leurs ressources grammaticales.J'entendais "classique" au sens disciplinaire ici, pour pas dire "latinisme" et répéter encore le mot "latin", mais je pensais à ça.
Tant qu'on y est, je suppose que tu connais déjà mais j'ai pas mal utilisé les dico type Godefroy, DMF, Furetière pour vérifier l'existence d'un sens en synchronie, et les ressources de Lexilogos en général.
Oui l'université nous donne accès aux bases de données "Classiques Garnier", notamment à son "corpus des dictionnaires". Ça aussi, c'est incroyable. Je suis bien content d'apprendre que les dicos existent aussi en libre accès sur Lexilogos... mais pour le reste, ça va me manquer quand je vais quitter la fac en vrai.