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Sujet : [Spoils/Trad.] Analyse de Dark Souls 2

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Frohwalt45 Frohwalt45
MP
Niveau 10
05 décembre 2019 à 22:33:52

Je vous propose une traduction d’une analyse que j’ai trouvée sur internet. L’article est en 17 parties, je traduis ci-dessous les deux premières. Je ferai le reste progressivement dès que j’aurais le temps. Le tout début n’est pas très intéressant, c’est un résumé des événements précédent Dark Souls 1. Ensuite, je trouve que ça devient vraiment intéressant et original, notamment parce que ça avance une théorie assez unique, que je n’ai jamais vue ailleurs. Un des intérêts est aussi que l’auteur cite beaucoup d’œuvres littéraires ayant un rapport avec la saga. On sait que Miyazaki (et Shibuya dans une certaine mesure) a été très inspiré par la littérature occidentale qu’il a beaucoup lu, et ce dès l’adolescence, et il est vraisemblable qu’une partie des œuvres citées ici ont eu un impact direct sur l’écriture de Dark Souls. Attention : il ne s’agit pas directement d’une étude du lore. Je mets entre [] mes notes personnelles.

Le texte original est ici : http://daveoftheundead.blogspot.com/

Première partie

Résumé
[Si vous voulez rentrer directement dans le vif du sujet, commencez par le paragraphe suivant : Dark Souls 2]

Dans Dark Souls, les âmes des dieux proviennent du feu, à la différence de l’Ame sombre. Un fragment de l’Ame sombre a créé l’humanité, et plus il y avait d’Hommes, plus il y avait de ténèbres, autant métaphoriquement que littéralement. Ce déséquilibre a pour conséquence l’affaiblissement de la Première Flamme. Leurs âmes étant liées au feu, les Dieux commencèrent à utiliser les Hommes à leur avantage en cherchant une prolongation artificielle de leur règne. Les Hommes commencèrent à sacrifier leur humanité aux Dieux, et, puisque les éclats d’humanité sont utilisés pour nourrir les feux de camp, on peut dire que les Dieux dépendent davantage des ténèbres que de la lumière. Izalith, en voulant recréer la Première Flamme qui ne peut pas s’éteindre crée un chaos assimilable à celui qui serait issu de la scission de l’atome. C’est la chute d’Izalith. Seath l’écorché commence à utiliser des humains pour ses expériences, dans le but d’accéder à l’immortalité, transformant ces derniers en mutants hideux. Ces échecs, ou peut-être ses connaissances écrasantes le rendent fou. Diverses rébellions se déclenchent, provenant de serviteurs humains ou même de Dieux, en raison de l’oppression et des mauvais traitements. Beaucoup finissent enfermés, d’autres pris au piège dans le monde peint d’Ariamis. Les Serpents primordiaux se lèvent pour guider ce nouveau mouvement. On cherche un mort-vivant élu pour prolonger le feu et maintenir les Dieux au pouvoir. Gwyn envoie ses chevaliers pour arrêter la propagation des ténèbres, mais ils échouent. [Je passe sur Oolacile, c’est vraiment HS]. La dernière carte de Gwyn est de se sacrifier lui-même à la première flamme en laissant à Gwyndolin le pouvoir. C’est cela qui engendre la malédiction. Je crois que la malédiction est ce que le déclin du feu est pour les Dieux, l’entropie oppressive naturelle ou la loi cosmique universelle qui doit permettre un changement naturel dans l’existence. Une fois qu’une civilisation atteint son apogée et n’a plus rien à offrir, n’apprend plus de ses erreurs, refuse de partager le pouvoir ou refuse simplement le changement, elle commence à s’effondrer. Le feu s’affaiblit et la malédiction de déclenche quand une race n’accepte pas un changement qui est dans l’ordre naturel des choses. Refuser le changement crée un blocage : pensez à une chaîne de montage, l’ordre des choses est de continuer la production, si l’un des articles produits refuse d’aller de l’avant, tout ce qui se trouve derrière elle commence à s’effondrer. C’est pourquoi nous voyons la malédiction apparaître dans Dark Souls. La ligne devient un cercle condamné à se répéter. Avec le refus arrogant de Gwyn de permettre le changement de se produire, nous voyons les être humains entrainés vers l’abime avec lui. La malédiction n’est brisée que lorsque le mort-vivant élu choisit la fin sombre qui inaugure l’âge des Hommes, et le choix de réanimer la première flamme enferme l’humanité dans un cercle vicié, qui doit se poursuivre jusqu’à ce que l’humanité disparaisse ou que la flamme s’éteigne en premier.

Dark Souls 2

Dark Souls 2 concerne la chute de l’Homme, les choses qui nous rendent humains, les dangers de notre ego, de la tendance destructrice de ce dernier, tout spécialement lorsqu’il refuse de lâcher prise lorsque notre temps est révolu. Il est important de comprendre qu’il y a en fait deux cycles [dans Dark Souls 1 et 2], et que dans ces cycles le temps continue d’avancer. Un premier cycle est constitué par les nombreux royaumes qui s’élèvent et s’effondrent alors que l’équilibre est maintenu en faveur de l’âge du feu. Le second cycle est celui qui a commencé dans Dark Souls [la fin cachée de Dark Souls 1]. La loi cosmique est celle selon laquelle, par le biais de l’oppression entropique, la nature permet l’apparition de choses nouvelles. Par exemple, les dragons sont arrivés en premier, puis les dieux, puis les Hommes. Dans Dark Souls 2, nous trouvons les restes d’une civilisation qui était censée prendre leur place, mais, contrairement aux humains qui étaient en mesure de mettre un terme à la stagnation créée par Gwynn dans Dark Souls 1, dans Dark Souls 2, les humains ont, cette fois, entraînés avec eux une race autrefois prometteuse. Dans Dark Souls 2, comme un roi tentant de tromper le destin et d’échapper à la malédiction, l’Homme lui vole de façon arrogante sa chance et son droit à l’existence. Dans Dark Souls 2, cette race est connue sous le nom de race des géants. Beaucoup d’erreurs et de tentatives désespérées déjà commises par les Dieux dans Dark Souls 1 pour prolonger leur existence sont faites par les Hommes dans Dark Souls 2. Les Géants furent des sujets d’expérimentation, asservis, esclavagisés, subjugués, abâtardis, car ils semblaient être la réponse à la malédiction humaine, alors que ce dont toute l’humanité avait besoin était les quelques réponses fondamentales sur l’existence et d’apprendre du passé. Toutes ces réponses se trouvent dans Dark Souls 2 et je vais essayer de le démontrer.

Partie 2.
Littérature dystopique et le genre Terre mourante

[Dying Earth ou Terre mourante est un terme utilisé aux EU et qui sert à désigner le genre des ouvrages de fiction qui décrivent le destin ultime de l’Homme ou de la Terre. Ils traitent de la Terre ou de l’Humanité d’un très lointain futur, soit à l’échelle de plusieurs millions d’années, lorsque le Soleil faiblit et va vers sa fin, voire même dans un avenir encore plus lointain correspondant à la mort thermique de l’univers. Il s’agit souvent d’une réflexion sur la fatalité, l’entropie, la mort, etc. C’est une variante de la science-fiction. On peut citer, en dehors des ouvrages dont l’auteur parle ensuite : Terre mourante, une saga de Jack Vance, Les Danseurs de la fin des temps, cycle de Michael Moorcock, L’Agonie de la lumière, de GRR Martin et, en langue française, La mort de la Terre, de JH Rosny ainé.]

Je vais citer de nombreux livres pour appuyer mon propos, mais deux genres seront particulièrement représentés : les genres dystopiques et Terre mourante. Je vais comparer et citer ce type de littérature qui traite magnifiquement de l’identité, des principes collectifs, les défauts humains, le potentiel humain, que ça soit sous le biais de la grandeur ou des dangers de ces thèmes. Également pour comprendre que la malédiction et l’indifférence cosmique sont les antagonistes des expériences humaines dans Dark Souls 2. J’ai toujours pensé que les Dark Souls sont des jeux de fantasy présentant des thèmes de science-fiction et proches du genre qui combine les deux éléments, le genre Terre mourante. Une grande part de ma théorie est basée sur ce genre particulier. J’ai reconnu dans Dark Souls 1 des éléments qui correspondent au genre Terre mourante ; cependant, Dark Souls 2 correspond entièrement. Les œuvres du genre Terre mourante situent généralement leur action des millions d’années dans le futur, dans les ruines d’un royaume ou d’une ville du passé. La fin y est imminente, que ça soit à cause de l’état de dégradation extrême des terres, de l’évolution cosmique ou des nombreuses années d’évolution au dépend de l’humanité. Dans les ruines, les Hommes trouvent des vestiges du passé dans lesquelles ils tentent de trouver la cause de l’effondrement de la civilisation. Cela rend ce genre de fiction pleine de mystères et de spéculations, ce qui pousse le lecteur à investir dans le déchiffrement des nombreuses questions que ce type de fiction est connu pour poser. Dans The Night land, de William Hope Hodgson [Le pays de la nuit ou Le rêve de X en français], la nuit est éternelle et les derniers êtres humains sont rassemblés dans une gigantesque pyramide de métal, dernière redoute, assiégés par des forces inconnues et des puissances qui ont peut-être évolué dans l’obscurité. Personne ne sait comment la situation a évolué ainsi et les protagonistes sont réduits à spéculer à partir de vagues archives sur les pyramides et sur les créatures. Dans The book of the new Sun, de Gene Wolfe [Le livre du second soleil de Teur ou Le livre du nouveau soleil en français], Sévéren, le narrateur, décrit un avenir lointain dans lequel le Soleil est en train de mourir. Une société décadente habite dans les ruines de la civilisation passée et les hommes rencontrent des artefacts qui ont, pour eux, puisque la technologie leur est difficilement concevable, des pouvoirs magiques. L’histoire est racontée de façon imprécise avec peu d’explications et des indices trompeurs qui ajoutent la complexité de la spéculation à ce qui s’est passé et à ce qui se passe dans l’histoire. Ce mélange de science-fiction et de fantasy regroupe des thèmes tels que les cycles de la civilisation, la technologie, le déclin, la nature et l’origine de l’univers et le rôle de la vie dans l’évolution cosmique, le sens du bien et du mal, la nature de la mémoire humaine, la métaphysique, Dieu et même les voyages dans le temps. La spéculation fictionnelle ajoute même plus de thèmes. Dans Hothouse : The long afternoon of earth [Le Monde vert en français, c’est en fait un genre de recueil de nouvelles], de Brian Aldiss, la Terre a cessé de tourner et la planète fait face, d’un côté, à un Soleil qui est en voie de se changer en nova, et, de l’autre, à l’obscurité. L’histoire aborde les thèmes de l’évolution et de la survie de l’humanité alors qu’elle rencontre de nombreuses nouvelles formes de vie hostiles et que le jour infini et la nuit infinie ont engendré la stagnation du monde. L’ouvrage remet en question la foi de l’humanité en sa place dans le cosmos. Il y a aussi les reliques d’une civilisation passée qui pourrait expliquer son effondrement. Une partie intéressante de l’histoire est celle où un champignon s’attache à la tête du personnage principal et a, du point du vue du lecteur, le pire trait égoïste de l’humanité (celui du parasite) alors qu’il utilise le personnage principal pour se reproduire grâce à l’homme et fait progresser ainsi les deux espèces. Le champignon permet de comprendre que c’est grâce à ce procédé que les humains ont pu évoluer aux premiers stades. Dans le roman de Arthur C. Clarke, The City and the stars [La Ville et les étoiles en français], le personnage principal, Alvin, vit dans Diaspar, une ville parfaite dirigée par un ordinateur omnipotent. [Je passe une partie qui dévoile trop à mon goût l’intrigue du livre]. Le livre explore les thèmes de la volonté humaine d’explorer, de l’isolationnisme, de l’avenir de l’humanité, de la stagnation, du renoncement de l’humanité en faveur d’un paradis ainsi que des avantages et des inconvénients de la connaissance.

A venir
Partie 3. Début d’explication
Partie 4. Le problème de l’humanité et l’explication de la malédiction
Partie 5. Lucatiel, Vengarl, le joueur, les miroirs et le roi de fer
Partie 6. Les géants et Homogenous
Partie 7. La culpabilité de Vendrick et les couronnes
Partie 8. Benhart et Ishmael
Partie 9. La roue de Gavlaan
Partie 10. Le cycle de la lutte des classes dans Dark Souls et les allusions à notre monde
Partie 11. Dark Souls et 1001 l’odyssée de l’Espace
Partie 12. La charogne, collectivisme et matérialisme
Partie 13. Le passé, Ornstein, les grandes âmes et le chaos ancien
Partie 14. Les leçons tirées des couronnes
Partie 15. Théories non défendues que le lore contredit
Partie 16. Scholar of the first sin
Partie 17. Les erreurs de la vie et le chaos de l’existence

Pseudo supprimé
Niveau 10
16 décembre 2019 à 05:38:37

Super intéressant!
La suite pliz :svp:

Twiixq Twiixq
MP
Niveau 10
22 décembre 2019 à 10:39:24

Je garde le topic dans un coin, très intéressant.

Frohwalt45 Frohwalt45
MP
Niveau 10
24 décembre 2019 à 00:33:07

Merci à vous deux pour ces commentaires !

Je poursuis (oui, la publication complète va prendre du temps, mais je finirai le travail !)

Partie 3. Début d'explication

Avant la sortie du jeu, les créateurs de Dark Souls 2 ont annoncé que nous allions en apprendre davantage sur la malédiction et les amateurs de Dark Souls ont été déçus car le jeu ne donne finalement pas de réponse claire à ce sujet. Cependant, nous en apprenons tout de même plus.

Les jeux de la série des Souls n’ont jamais hésité à être critique à l’égard de ce qui faisait l’Homme. Ils donnent par exemple la possibilité à chacun de devenir mauvais et d’envahir les autres joueurs au lieu de les aider. Cette mécanique du jeu fait partie de sa dimension narrative. Les amateurs de Dark Souls se sont trop concentrés sur l’histoire des cycles sans même la comprendre entièrement, et il y a eu une grande déception de la part de nombre d’entre eux. C’est d’ailleurs peut-être la faute du jeu qui s’y attarde un peu trop et cela l’a conduit à être très mal compris. Personne n’a compris ou nommé la nouvelle civilisation qui était destinée à prendre toute sa place. Si vous comprenez le cycle actuel et la façon dont les âmes expliquent à leur manière l’existence : il y eu en premier les Dragons, un âge de ténèbres, puis les Dieux trouvent les quatre âmes de seigneur et renversent les Dragons, c’est l’âge du feu. L’apogée de cet âge est rapidement atteint, et le feu commence à décliner et les Dieux cherchent à enrayer ce déclin. Gwyn entraîne l’humanité dans sa chute à partir du moment où il se lie à la flamme, et la stagnation commence. Le Mort-vivant Élu s’enfuit de l’Asile et commence le voyage qui le conduira, ou bien vers la prolongation de l’âge du jeu ou bien vers un âge des Hommes. Je crois que [dans Dark Souls 1 ; dans sa fin canon qui est celle qui se prolonge avec Dark Souls 2] nous inaugurons l’âge des ténèbres, et cela parce que la malédiction, dans les deux jeux, semble être là pour équilibrer les choses, et le début de l’âge de l’Homme ne justifie pas la présence de la malédiction. Nous voyons qu’après la fin de Dark Souls 1, l’humanité a pu atteindre à son tour son apogée. Remarquez comme nous ne réfléchissons pas à la façon dont les royaumes se sont construits. L’ouvrage d’Ivan Tourgueniev, Pères et fils, est un bel exemple d’une vieille idéologie (en l’occurrence le libéralisme) entrant en conflit avec une nouvelle (le nihilisme). Il traite du progrès et de la stagnation.

[Petit synopsis perso de Pères et fils : Nicolas Pétrovitch, riche propriétaire terrien habitant à la campagne, ouvert d’esprit et proches des idées progressistes de l’époque (cad le libéralisme en gros) attend le retour de son fils, Arcade, dont il est très proche, avec impatience. Celui-ci est sur le point de terminer ses études. Lors que leurs retrouvailles, il va se rendre compte que son fils est tombé sous la coupe d’un camarade qui l’accompagne, Bazarof, un nihiliste dans le sens où celui-ci ne croit pas dans l’art, la philosophie, la religion, ni à aucun principe, quelque soit le crédit dont jouisse ce principe.]

«Ces vieux idéologues [les romantiques] donnent à leur système nerveux un tel développement, que l’équilibre se trouve rompu.» (Bazarof, Pères et fils)
[J’utilise une traduction de Tourgueniev lui-même, qu’on peut trouver sur internet.]

Je ne crois pas qu’une fois commencé, l’âge des ténèbres est voué à transformer les humains en créations mutantes telles qu’on les trouve à Oolacile durant la propagation des Abysses. Je pense que les Hommes ont été corrompus parce que les ténèbres ont été trompées, que nous devenons corrompus lorsque l’équilibre est rompu. Le fait d’alterner entre les âges du feu et des ténèbres permet de maintenir le statu quo à travers l’apparition et la disparition de nombreux royaumes. C’est ainsi que l’humanité dépend de l’équilibre entre le feu et les ténèbres pour conjurer la malédiction et continuer à survivre à travers le temps. Mais à ce statu quo correspond une augmentation continue de la population, et, avec elle, la dévastation démographique. A ce stade, un effet d’entrainement se produit, qui conduit à l’effondrement de Drangleic, qui du sommet connait alors une longue chute.

« Nous verrons comment vous ferez pour exister dans le néant, dans le vide, comme sous une machine pneumatique. »
(Paul Pétrovitch, Pères et fils, [même traduction])

Au début du jeu, nous sommes aspirés dans le vide et nous tombons dans Drangleic [littéralement] à la recherche d’un remède à la malédiction. Nous découvrons que ce royaume était confronté à de nombreux problèmes, de même que les terres limitrophes : troubles civils, conspirations, conflits religieux violents, luttes pour le pouvoir, guerres ; et, dans une certaine mesure, à une sorte de changement climatique : Heide est submergée, la zone de l’Aiguille de terre est exploitée jusqu’à l’épuisement et intoxiquée, Eleum Loyce est gelée, il y a des volcans déchaînés et des feux de forêts dans le royaume de la forteresse de fer, des brouillards massifs et aveuglants dans les bois, des sables mouvants dans la Carrière de Vivepierre. En outre, la malédiction s’est réveillée et les humains ont été parqués dans la Citadelle perdue. En raison de la surpopulation des prisons, le Roi de fer s’enrichit en pourchassant les nombreux morts-vivants dans le Bosquet du chasseur, qui se met à ressembler à nos complexes militaires. La Forteresse de fer devient trop lourde et commence à s’effondrer sur elle-même. Cela commencerait-il à ressembler à notre monde ? Pendant que tout cela se produisait, une autre civilisation était discrètement en train de prospérer, celle des géants, de la même façon que les pygmées prospéraient discrètement aux temps des Dieux.

[Pour ma part, je pense que la malédiction se manifeste vraiment après que Vendrick a volé le « prix » aux géants, mais cela ne change rien au fait que les royaumes humains connaissaient de violentes crises avant cela. Cf. Tseldora, l’Aiguille de Terre, etc. Le crime de Vendrick était d’ailleurs probablement censé être une réponse (soufflée par la reine) à ces problèmes.]

Tout agent des ténèbres à l’intérêt de l’humanité à cœur, car les Hommes sont nés de l’Âme sombre. C’est pourquoi Nashandra voit les géants comme une menace, tout comme les Dieux voyaient les Hommes comme une menace. Les Géants sont les héritiers du monde. Il y eu d’abord les Dragons, puis les Dieux, puis les Hommes. Les Géants étaient les suivants. C’est ce que Vendrick leur a volé. Nashandra était au courant de la menace imminente d’outre-mer. Les Géants n’étaient pas affectés par la malédiction, ce qui a provoqué chez elle une violente paranoïa. Elle transmet cette angoisse au roi Vendrick, cette peur d’une race émergente qui allait tôt ou tard devenir une menace pour l’humanité. Les Géants allaient porter un coup mortel à l’humanité alors qu’elle connaissait cette stagnation et devenir les héritiers de la Terre. L’extinction des espèces s’explique souvent par le fait qu’elles atteignent une impasse évolutive tandis que celles qui s’adaptent au changement continuent d’exister. Beaucoup d’espèces ont disparues en raison de l’expansion humaine, de la selection naturelle, des changements climatiques, des maladies, ou mêmes de catastrophes cosmiques comme la chute d’un astéroïde. La malédiction n’est pas censée tuer comme la peste ou toute autre maladie mortelle, la malédiction est là pour être un fardeau qui écrase, pourrit, dissout la société jusqu’à ce qu’elle disparaisse. La malédiction, c’est le cul de sac de l’évolution humaine.

Voilà, Joyeux Noël à tous !

A venir
Partie 4. Le problème de l’humanité et l’explication de la malédiction
Partie 5. Lucatiel, Vengarl, le joueur, les miroirs et le roi de fer
Partie 6. Les géants et Homogenous
Partie 7. La culpabilité de Vendrick et les couronnes
Partie 8. Benhart et Ishmael
Partie 9. La roue de Gavlaan
Partie 10. Le cycle de la lutte des classes dans Dark Souls et les allusions à notre monde
Partie 11. Dark Souls et 1001 l’odyssée de l’Espace
Partie 12. La charogne, collectivisme et matérialisme
Partie 13. Le passé, Ornstein, les grandes âmes et le chaos ancien
Partie 14. Les leçons tirées des couronnes
Partie 15. Théories non défendues que le lore contredit
Partie 16. Scholar of the first sin
Partie 17. Les erreurs de la vie et le chaos de l’existence

Message édité le 24 décembre 2019 à 00:36:41 par Frohwalt45
Twiixq Twiixq
MP
Niveau 10
25 décembre 2019 à 19:35:13

Dans mon premier commentaire j'ai juste dis "je garde dans un coin" car j'avais lue que les premières lignes (car je n'avais pas le temps), alors que j'avais compris que ca allais surement être très intéressant, et bien je regrette pas !
Superbe travaille de trad', j'ai clairement pas un anglais suffisamment affuté pour se genre de texte. Et le coup des références littéraire est superbe aussi.

Vivement la suite ;)

_Guiboul_ _Guiboul_
MP
Niveau 5
25 décembre 2019 à 21:22:12

Salut, j'apprécie énormément aussi, donc si tu poursuit c'est super
:hap:

Beau travail, vraiment

Frohwalt45 Frohwalt45
MP
Niveau 10
30 décembre 2019 à 00:44:49

Merci encore !

Je suis assez frustré par le fait qu’on ne puisse apparemment pas corriger ses posts ici. Il y avait deux-trois imprécisions dans ma correction que j’aurais bien aimé retoucher (sans parler des fautes de frappe et d’orthographe). C’était de toutes façons des détails mais du coup, je publierai peut-être la totalité du texte corrigé sur un blog à part quand ce sera fini, avec des illustrations etc.

Sans plus tarder, la quatrième partie, qui est un gros morceau. J’ai d’ailleurs légèrement allégé le texte, comme vous le verrez.

Partie 4. Le problème de l’humanité et l’explication de la malédiction

« Regardez dans les profondeurs de votre âme et apprenez d’abord à vous connaitre, ainsi vous comprendrez pourquoi vous étiez destiné à tomber malade, et comment éviter de retomber malade à l’avenir. »
[S. Freud, traduction personnelle. J’avais oublié ce texte qui était placé en exergue du texte original. Je trouve ça bien de le replacer ici vu que c’est lié à ce qui suit.]

« Je vous assure, Messieurs ; avoir une conscience trop développée, c’est une maladie, une maladie dans le sens plein du terme. »
F. Dostoïevski, Les carnets du sous-sol

[J’utilise la traduction la plus courante, celle d’André Markovietz, qu’on trouve facilement sur internet. En un mot, Les carnets du sous-sol est une fiction qui a la forme d’un journal intime. Dans ce journal, un authentique maniaco-dépressif raconte sa déchéance (en partie volontaire) d’homme reclus et malade, dont la haine et la colère à l’égard du monde extérieur ne va cesser de croitre. Le propos du livre est que la conscience humaine est un fléau : plus l’homme est conscient, plus il devient fou, puisqu’il constate d’autant plus la présence du Mal autour de lui, et son caractère irrationnel. Le protagoniste du livre me fait penser à un personnage récurrent de la série des souls, le guerrier découragé (Saulden dans Dark Souls 2)].

Dark Souls 2 soulève des questions sur l’égo, qui, selon la théorie de Freud, est composé du ça, du moi et du surmoi (je ne vais pas expliquer tout cela car je ne veux pas trop m’éloigner du propos). Les décisions conscientes et inconscientes sont basées sur des pulsions, des désirs et des forces variées. Ce sont en réalité la plupart du temps les désirs inconscients qui motivent les gens à agir dans un sens déterminé, et façonnent ainsi l’individu et sa personnalité. L’Homme a pu développer également une conscience et une conscience de lui-même. Nos souvenirs nous construisent : la mémoire de nos expériences fait de nous ce que nous sommes. Voilà comment nous avons une identité. Tout cela est ce que la malédiction et Dark Souls 2 condamne et considère comme problématique.

[Suit une citation quasi-intégrale des célèbres répliques d’O’Brien dans 1984, classique de l’anticipation que je ne présente pas. J’utilise la traduction d’Amélie Audiberti (Gallimard, 1950). Je vais couper dans le texte pour que ça ne soit pas trop long à lire. Je pense qu’on peut tout de même noter la ressemblance entre ce qui suit et les répliques de Strowen au début du jeu, il y a même une petite phrase que l’on retrouve textuellement dans le jeu : « You will go hollow. ».]

« Ce qui va vous arriver ici vous marquera pour toujours. Comprenez-le d’avance (…). Vous ne guérirez jamais de ce qui vous arrivera, dussiez-vous vivre un millier d’années. Jamais plus vous ne serez capables de sentiments ordinaires. Tout sera mort en vous. Vous ne serez plus jamais capable d’amour, d’amitié, de joie de vivre, de rire, de curiosité, de courage, d’intégrité. Vous deviendrez creux [« you will go hollow »]. Nous allons vous presser jusqu’à ce que vous soyez vide (…). Il n’y aura ni curiosité ni joie de vivre. Tous les plaisirs de l’émulation seront détruits. Mais il y aura toujours, n’oubliez pas cela, Winston, il y aura l’ivresse toujours plus croissante du pouvoir (…). Il y aura toujours, à chaque instant, le frisson de la victoire, la sensation de piétiner un ennemi impuissant.
Si vous êtes un homme, Winston, vous êtes le dernier. Votre espèce est détruite. Nous sommes les héritiers. Comprenez-vous que vous êtes seuls ? Vous êtes hors de l’histoire. Vous n’existez pas. (…). »

On peut constater que l’oppression de 1984 et la malédiction de Dark Souls 2 s’en prennent aux mêmes aspects de nos personnalités. Les deux piétinent le visage de l’humanité : ils mettent leurs bottes sur l’identité et le libre arbitre jusqu’à ce que ceux qu’ils oppriment deviennent des carcasses. [Dans 1984, j’avais été frappé par la description d’un personnage « travaillé » par Big Brother et par le fait que ça semblait être la juste description d’une carcasse.] 1984 parle d’un gouvernement qui crée autant de carcasses que Drangleic et le Poursuivant, qui chassent et oppriment les morts-vivants jusqu’à ce qu’ils deviennent des carcasses. Il est intéressant de noter que dans 1984, le Parti a réécrit tellement de fois le passé que personne ne se souvient ou connait réellement les faits. Cela s’applique à la façon dont il s’attaque à la mémoire et à l’Histoire, de la même façon qu’a la malédiction de s’attaquer à la mémoire. En rapprochant les deux œuvres, on peut dire que [du point de vue de Big Brother et de la malédiction] l’individu/l’égo est le problème de l’humanité. La malédiction vise cela pour simplifier, éradiquer et réparer les erreurs. Et les géants sont liés à tout cela.

Simplification

Dans la nature, lorsqu’une civilisation devient trop intelligente pour elle-même, elle s’effondre et commence sa régression. Dans Galapagos, de Kurt Vonnegut, on trouve un bon exemple de cela. L’ouvrage tourne autour du thème des sciences humaines rendues de plus en plus compliquées en raison du cerveau humain, ce qui les empêche d’avancer réellement. A tel point que dans le futur, des années après l’effondrement, les cerveaux humains deviennent plus petits ; les hommes perdent leur conscience et la conscience de soi et sont enfin capables de vivre et de coexister.

[La quatrième de couv de la traduction française de chez Grasset résume encore mieux le problème : le vrai problème de l'humanité, c'est la taille de nos cerveaux. L'homme pense trop. Pour se sauver, l'espèce doit régresser. Vonnegut écrivit : « Le seul vrai méchant de mon histoire : le cerveau humain surdimensionné. »]

[Je passe ensuite de très longues citations du roman. L’auteur s’est permis bien légitimement de les faire parce qu’il écrit sur son blog personnel, mais ici je ne me sens pas trop de recopier 15 pages de Galapagos. Je pense que vous avez de toutes façons bien compris l’idée du livre. Pour résumer un peu l’intrigue, à ce que j’en ai compris en lisant les extraits en question, les uniques survivants d’une catastrophe qui a anéanti l’humanité se réfugient sur une île où ils vont régresser (devenir des quasi-animaux, mais pas dans le sens péjoratif) au cours des milliers (voire davantage ?) d’années où ils y résideront. Ils auront en définitive été sauvés par leurs aptitudes physiques supérieures à la moyenne, qui impliquaient des capacités cérébrales inférieures à la moyenne. C’est ce que j’ai compris, l’ouvrage étant depuis plus de 20 ans épuisé en France, je ne peux pas vérifier. Si vous en savez plus, ça m’intéresse.]

Dans Dark Souls, la malédiction peut être résumée ainsi : elle simplifie les humains, en faisant d’eux des versions creuses, évidées de ce qu’elles étaient [dans le texte original l’auteur dit « make them hollowed out version of what they used to be », hollow étant le terme du jeu qui a été traduit par carcasse]. Devenus carcasses, ils ne se battent pas entre eux, ils sont dans un état de stase, de non-être, sans envie, sans aucun désir. Ils sont comme les dragons éternels du temps où existaient les arbres dont la tête avoisinait la voute céleste. Ils existent sans différence, paisiblement, mais sans but, jusqu’à ce que certains vous voient, vous, le joueur qui attaque tout ce qu’il voit [Pour ma part, je pense que les carcasses nous attaquent parce qu’elles sentent en nous la présence de ce qu’elles ont perdu]. A ce stade, il est important de noter que les géants ont un creux à la place du visage, une représentation de l’absence que ce qui nous donne une personnalité. Peut-être que devenir comme les galapagos de Vonnegut serait une solution pour l’humanité.

Dans l’art, nous pouvons remarquer un cycle de simplicité et de complexité. L’art graphique a commencé avec la simplicité de la peinture rupestre et des sculptures simples, puis, l’art est devenu progressivement plus complexe, avec ses détails, les compétences de l’artiste, le symbolisme. Plus tard, la technicité est devenue plus centrale que le sens, comme à la renaissance. Après cet apogée, nous commençons à voir l’art régresser vers le minimalisme, l’abstraction, le sens direct, comme dans l’art moderne. A tel point que certains peuvent demander : « Est-ce encore de l’art ? ».
Nous voyons la même chose dans les jeux vidéo. Là où les jeux étaient jadis de conception simple mais avec beaucoup de potentiel, comme Pong, ils sont ensuite devenus beaucoup plus détaillés, atteignant des sommets en matière de narration, de cinématiques. Le tour de force technique laisse de côté les mécaniques de jeu et devient une chose à part entière. Mais nous assistons aujourd’hui [l’article a été écrit en 2015] à cette régression dont nous parlions pour l’art : où nous nous concentrons à nouveau sur le gameplay et laissons de côté les aspects techniques et visuels [l’auteur évoque les jeux indés notamment]. Certains jeux atteignent aujourd’hui un tel degré de minimalisme que certains peuvent se demander : « Qu’est ce qui constitue un jeu vidéo ? », « Est-ce que c’est un jeu vidéo ? ». Les Souls sont une excellente illustration de ces cycles qui montrent la malédiction comme un moyen de faire régresser une tentative complexe d’atteindre constamment des hauteurs impossibles et de faire s’effondrer la civilisation sous le poids de sa propre ambition. Dans les sommets, nous oublions de vivre, tout simplement.

Frohwalt45 Frohwalt45
MP
Niveau 10
30 décembre 2019 à 00:45:05

Eradication

Comme je l’ai dit, je crois aussi que la malédiction est le moyen qu’a trouvé la nature dans Dark Souls 2 pour éliminer la stagnation. Elle utilise l’entropie comme un outil pour laisser de nouvelles espèces progresser quand une autre atteint une impasse évolutive et n’apprend plus de ses erreurs. Shalquoir nous dit : « Cet endroit est le domaine de la mort. Toute chose est vouée à disparaitre, pour qu’autre chose puisse naitre » [traduction officielle]. Cela est arrivé aux Dragons, aux Dieux et, dans Dark Souls 2, cela arrive aux Hommes. La tragédie, dans Dark Souls 2, repose sur l’obstination furieuse de cette race qui cherche à tromper la nature pour continuer à exister. C’est précisément ce que vise la malédiction en l’Homme : son égo et sa vanité. Les Hommes finissent par détruire les héritiers du monde, les Géants. L’état de Majula, lever ou coucher de Soleil permanent, est la représentation de la stagnation de Drangleic. Dans Dark Souls 1, l’humanité est un potentiel ; dans Dark Souls 2, elle est un danger. Il est même douteux que ce que nous avons fait soit justifiable ou dans notre intérêt.

Voilà pourquoi, dans Dark Souls 2, la malédiction est plus agressive que dans le premier jeu. Elle cherche à entraver votre progression (à chaque échec, votre vie raccourcit). Elle veut que vous abandonniez. Votre apparence se désintègre. Elle se moque de vous, comme le fait la douce Shalquoir : « Oh, que j’aime votre odeur ! » etc. [traduction officielle], alors qu’il est évident que votre corps pourrit.

Dans Nausicaä de la Vallée du vent, de Hayao Miyasaki [rien à voir avec Hidetaka Miyasaki, le créateur des Souls], les humains vivent dans des terres dévastées par l’industrialisation. La société industrielle avait atteint son apogée, mais l’exploitation intensive des ressources naturelles, une crise violente était inévitable. Elle s’est manifestée par des incendies et l’empoisonnement de l’atmosphère. Dans ce monde dévasté, il y a des guerres, des croisades etc. Le daikaisho se produit et il est comparable à la malédiction. Il empoisonne la nature pour que le monde puisse renaitre. Et pour guérir de ses blessures, il doit se débarrasser des humains, qui ont corrompu la terre.

Dans Dark Souls 2, les humains ne sont plus dépendants des feux pour dépenser leurs humanités. A la place, il y a les effigies humaines. Le terme effigie semble être un rappel de la malédiction qui se moque et insulte notre existence. Bruler une effigie, dans notre monde, sert à protester ou à se moquer d’une figure détestée. Les effigies ont aussi un rapport avec les morts, elles représentent la mémoire du défunt. Peut-être que dans Dark Souls 2, les effigies humaines sont le souvenir de ce que nous sommes et que cela nous empêche de nous transformer en carcasse. Nous nous souvenons pour un temps de notre identité (et comme nous l’avons dit, cela est un aspect négatif de l’humanité dans Dark Souls). Au début du jeu, une des gardiennes du feu utilise une effigie humaine pour que nous nous remémorions qui nous sommes. Ainsi, les effigies représentent la mémoire. La malédiction nous oblige à utiliser des effigies comme un rappel moqueur à nous, qui trouvons de l’espoir dans cette futilité. Rappelez vous que la malédiction nous rend égoïste, la grande blague est que nous allons devenir des carcasses parce que nous sommes ambitieux et égoïstes. Nous devenons des carcasses parce que nous sommes égoïstes ; et nous sommes égoïstes parce que nous sommes en train de devenir des carcasses.

« La nature ne vous demande pas votre avis ; ça lui est bien égal, ce que vous voulez et que vous soyez en accord ou non avec ses lois. Vous êtes forcé de la prendre comme elle est – elle, par conséquent, et tous ses résultats. »
F. Dostoïevski, Les carnets du sous-sol [traduction citée plus haut]

« La stabilité ne suffit pas. Elle conduit trop facilement à la stagnation et, de là, à la décadence. »
Arthur C. Clarke, La Cité et les étoiles [traduction perso]

« Ceux qui ne veulent aucun changement peuvent rester coincés pour toujours ».
Gene Wolfe, Claw of the Conciliator [La griffe du demi-dieu en français, vol. 2 du Livre du second Soleil de Teur]

Corrigeons une contresens. Dans les Souls, la vie est perçue comme un fardeau. Dans Demon’s Souls, le roi Allant réveille l’Ancien pour mettre un terme à l’humanité et aux souffrances de la vie. Il y a une réplique intéressante d’Allant : « Espèce d’imbécile, personne ne souhaite continuer » [trad. perso] Le roi Allant est l’inverse de Gwyn et de Vendrick. Dans Dark Souls, la marchande dit : « Jamais rien de bon ne m’est arrivé dans la vie. Je n’ai jamais été aussi heureuse que depuis que je suis mort-vivante ! » [trad perso]. Quand nous tuons le guerrier découragé, il nous dit que nous lui avons ainsi fait une faveur. Il est aussi irrité lorsque la vie semble renaitre au Sanctuaire de Lige-feu. La Sorcière d’Izalith, en essayant de créer une source de vie alternative pour les Dieux, donne naissance à des abominations chaotiques. Le gameplay lui-même exprime cette idée car jouer pour la première fois peut être une souffrance complète. Dans Dark Souls 2, Saulden nous dit : « Être en vie, arpenter ce monde : elle est là, la vraie malédiction ». [traduction officielle] L’Emissaire d’Emeraude, créée artificiellement, semble toujours accablée de la vie qu’elle n’a pas demandée. Voyant de nombreux mort-vivants qu’elle envoie à la mort, elle récite ses répliques comme si elle les avait en mémoire depuis très longtemps. Elle insiste toujours pour que nous achevions notre aventure, ce qui la libèrera. Elle nous dit plus tard qu’elle est une erreur et qu’elle n’est pas semblable à ce qui était prévu. La pécheresse oubliée, peut-être autrefois une naïve optimiste, essaya de rallumer la première flamme ; mais cela signifie aussi prolonger la vie, et constater que c’est une erreur en voyant combien la vie est un fardeau. C’est pour cela qu’elle se punit. Pour avoir fait preuve d’un tel égoïsme. Personne ne devrait être obligé de vivre. Reconnaissant son péché et manipulée par un insecte qui prospère dans le chaos de la vie, elle s’enferme et se sacrifie. Le non-être est un soulagement. La vie est un fardeau.

Les Dark Souls n’ont pas hésité à blâmer l’humanité. Dans une certaine mesure, les Souls sont les jeux les plus désespérés, nihilistes et misanthropes jamais créés. Dans Dark Souls 1, les Dieux nous considèrent avec mépris. Quand nous nous en prenons à eux, ils révèlent ce qu’ils pensent vraiment de nous. Dans Dark Souls 2, après des années d’évolution, les rats se sont organisés en société, et l’un, en particulier, nous parle, d’une manière très Shakespearienne. Ils méprisent l’humanité, nous voyant comme de simples serviteurs.

Si l’une de ces théories vous semble trop pessimiste, je vous répondrais que c’est le jeu qui est ainsi fait. Pour moi, ça fonctionne comme un moyen de dépasser le désespoir avec la belle liberté narrative qu’offre les Souls.

A venir
Partie 5. Lucatiel, Vengarl, le joueur, les miroirs et le roi de fer

ecorcebourse ecorcebourse
MP
Niveau 8
06 avril 2020 à 11:17:32

Je viens de tomber sur ces supers trad et j'avoue que j'aurai bien continué. L'auteur a tu abandonné ton travail de trad?

Frohwalt45 Frohwalt45
MP
Niveau 10
27 novembre 2020 à 16:08:23

Voici la suite de la traduction. Je me permets d’ajouter quelques illustrations qui ne figurent pas dans le texte d’origine. Elles sont issues de l’ouvrage paru en France sous le nom de Dark Souls I & II, Design works (éditions Mana Book’s, avril 2018). Pour rappel, mes notes personnelles sont [entre crochets]. Les parenthèses sont dans texte original.

Partie 5. Lucatiel, Vengarl, le joueur, les miroirs et le roi de fer

C’est notre égo, notre identité qui nous fait avancer. C’est ce pourquoi nous continuons d’avancer, de lutter : pour que nos noms ne soient pas effacés de l’histoire. Cet élan est alimenté par notre peur de la mort, cette catastrophe pourtant inéluctable. C’est le fardeau de notre égo, tout au long de notre vie. Dans Dark Souls, le fardeau de l’identité et celui de la mort sont habilement entremêlés. Les Hommes craignent de perdre de la vie et les morts-vivants le but qui constitue en définitive leur identité.

Le personnage de Lucatiel est souvent considéré comme pauvre et la fin de son histoire peu satisfaisante. Cependant, elle est selon nous le personnage le plus important du jeu : elle représente les défauts de l’humanité. C’est à travers eux que nous en apprenons davantage sur la malédiction. Lucatiel ne veut pas mourir ; elle veut qu’on se souvienne de sa volonté de se tailler une part du monde pour elle-même. Si tout venait à disparaître, que resterait-il d’elle ? Elle a une identité, un égo, et c’est pour cela qu’elle craint de perdre la mémoire (de perdre son moi). Son égo la pousse à faire des choses égoïstes, et si elle apprenait qu’en vous tuant, elle vaincrait la malédiction, elle n’hésiterait pas une seconde à vous transpercer avec son épée (chose que nous faisons d’ailleurs avec les géants). Elle veut continuer à exister, en étant prête à tout. Cette vérité qui la couvre de honte, seul un Homme la cacherait avec ce masque, comme on cacherait une difformité : l’égo qui agit à travers nous.

Dans Dark Souls 2, l’égo est présenté à nouveau de façon négative à travers le personnage de Vengarl.
Il me rappelle cette citation de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre. »
[Pensées, 139. Pascal est un célèbre mathématicien, philosophe et théologien français. Ses Pensées sont une œuvre posthume dans laquelle l’auteur fait essentiellement l’apologie de la religion chrétienne : c’est la relation brisée entre l’Homme et son Créateur qui produit chez le premier l’insatisfaction constante de la vie qu’il mène et le désir d’oublier, par le divertissement, qu’il est mortel et a besoin de la Grâce.]

Lorsque nous trouvons la tête décapitée de Vengarl, elle nous dit : « Laissez-moi tranquille, j’aime le calme, laissez-moi donc. » [trad. officielle]. On imagine qu’il n’a pas parlé à quiconque depuis une éternité, coincé, dans la brume des bois sombres. Il nous raconte qu’il n’a connu que la guerre, né dans un pays qui était déjà en guerre avec ses voisins, puis son royaume tomba et son peuple, dispersé et sans but, ne trouva pas d’autre façon de vivre. Il fut engagé pour la défense de Drangleic. Il avait l’habitude de tailler sur son bouclier le nombre de têtes qu’il prenait, jusqu’à ce que la sienne tombe. C’était un tueur sans pitié, et la tête nous avertit même que son corps est quelque part, enragée, et toujours en train de tuer « sans lui » (il identifie sa tête comme étant lui-même, à la différence de son corps). Vengarl, simple tête, parvient à trouver la paix et nous explique que son état n’est pas si mauvais. Privé du corps qui lui permettait de répondre aux besoins de son égo, Vengarl est enfin capable de méditer sur la vie et d’apprendre de nouvelles choses chaque jour. L'égo est anéanti à partir du moment où on enlève les moyens de le satisfaire, de le nourrir. Alors, on est capables d’apprécier l’ici et maintenant. Vengarl se demande même si un nom lui est nécessaire dans l’état où il est [« Vous pouvez m’appeler Vengarl, si mon triste état m’autorise encore à porter un nom », trad. officielle]. Cette étiquette identificatrice qui nous définit en tant qu’individus, c’est ce nom que Lucatiel nous supplie de ne pas oublier [« Mon nom est Lucatiel, souvenez-vous-en, je vous en supplie. Car je n’y parviens plus moi-même. » dernière rencontre, dans la Forteresse d’Aldia, trad. perso].

Vengarl nous remercie d’avoir vaincu son corps, il voit cela comme une bonne chose de faite. Freud utilise une image pour parler de la relation qu’ont le moi et le ça : ils sont comme un cheval et son cavalier, le cavalier représente le moi, qui contrôle et guide le cheval, le ça animal. Dans le cas de Vengarl, je crois que le corps représente le ça, le cou le moi, et la tête le sur-moi. Je crois que Vengarl vit la mort de son moi. La mort du moi est l’abandon de l’égo : une transition où nous quittons l’identité qui nous retient et sommes capables de voir les choses différemment. Cela est très employé dans les études psychédéliques, où l’abandon de soi nous permet d’expérimenter la transcendance et de réfléchir à des choses que nous ne verrions pas autrement.

« La complète transcendance, au-delà des mots, au-delà de l’espace-temps, au-delà de l’égo. Il n’y a pas de vision, pas de conscience de soi, pas de pensée. Il n’y a qu’une conscience pure, une liberté extatique détachée de toute implication ludique (et biologique). » [trad. perso]

(Thimoty Leary. Chez l’auteur, la notion de « jeu » correspond aux séquences comportementales définies par les rôles, les règles, les rites, les buts, les stratégies, les valeurs, la langue, le comportement dû à un espace-temps donné et les habitudes de mouvements. Les séquences comportementales qui ne sont pas définies par une de ces neuf causes sont « non-ludiques », ce qui inclut les réflexes psychologiques, la spontanéité, et l’éveil transcendantal.)

[T. Leary est un psychologue américain partisan de l’usage des drogues psychédéliques, et notamment des champignons hallucinogènes et du LSD, dans un cadre expérimental et scientifique. Il prétendait possible l’extension de la conscience grâce aux psychotropes. Dans The Psychedilic Experience (L’Expérience psychédélique), il écrit : « La drogue agit comme une clé chimique – elle ouvre l’esprit et libère le système nerveux de ses modèles et structures ordinaires. » (trad. Wikipédia)]

« La mort de l’égo est l’arrêt, dans un état altéré de mysticisme intense, des sens et de la sensation d’être un agent actif se déplaçant à travers le temps et l’espace. La sensation d’exercer le contrôle est remplacée par le sentiment d’être impuissant et intégré dans l’espace-temps comme un pur produit de celui-ci, et d’avoir des pensées de contrôle [control-thoughts] insérée ou placées de manière perceptible dans le champ de la pensée par une source cachée et incontrôlable. » (MW Johnson, WA Richards, RR Griffiths) [trad. perso]

[L’auteur croit ici par erreur citer l’article d’une revue scientifique « Human Hallucinogen Research : guidelines for safety » (Revue de Psychopharmacologie, 30 mai 2008, volume 22, chapitre 6, page 603-620, MW. Johnson, WA Richards, RR Griffiths). Après recherche, il s’avère que la citation exacte et originale provient en fait de Michael Hoffman, un psychologue américain, dans un ouvrage intitulé The Entheogen theory of religion and Ego Death (La théorie enthéogène de la religion et la mort de l’égo), qui date de 2007, et qui est en accès libre sur internet (en langue anglaise). La mort de l’égo est un sujet de recherche en psychologie (et aux frontières de la spiritualité) qui a connu un grand développement dans les années 1970, et qui a tendance à susciter à nouveau l’intérêt depuis quelques années.]

Je pense que Lucatiel et Vengarl nous en disent plus à propos de la malédiction. La volonté de Lucatiel de vivre aux dépens des autres, et le fait que le détachement des parties du corps de Vengarl a pu modifier sa vision du monde, nous disent quelque chose à propos de la malédiction.

Les joueurs sont un exemple excellent de l’égo et de l’identité. Nous sommes abandonnés dans ce monde [le monde du jeu] plein d’adversité et nous tuons égoïstement pour ressentir une gratification, et c’est cela qui nous permet de continuer, peu importe la difficulté du jeu. Nous cherchons la victoire dans l’écrasement des autres (les joueurs, les ennemis, les boss). Cela nourrit notre égoïsme humain et ce sentiment se retrouve dans le fait que notre personnage reçoit des âmes, la monnaie du jeu. Nous devenons ce que le jeu tourne en satire. Et nous pouvons comprendre la malédiction grâce à ces mécaniques de jeu.

« Ceux qui cherchent le sang sont poussés par la soif. Vous l’avez, vous aussi ! Je ne demande rien de plus. Beaucoup de morts-vivants sont obsédés par le sang, mais vous êtes au-delà de ça. Vous êtes absolument ignoble ! Ah ah ah ah ! » (Grenn demi-portion) [trad. perso]

Cependant, le jeu s’adresse aussi aux désintéressés, à ceux qui veulent simplement connaitre les personnages et sympathiser avec eux. Nous n’obtenons rien en échange de l’effort que nous faisons pour interpréter le jeu (avec ses descriptions très vagues, ses dialogues obscurs et les symboles qu’on peut trouver dans son environnement). Nous trouvons là une autre valeur que celle de tuer et de se rendre plus fort. Sans y réfléchir, nous intégrons le sens du jeu à travers notre empathie pour ses personnages.

Une autre caractéristique de Dark Souls 2 est le choix que nous avons lors de la création de personnage (en comparaison avec les précédents Souls). Avec les fonctionnalités qui ont été ajoutés, j’ai pu créer un personnage qui se rapprochait de mon apparence réelle, ce qui nous permet de mieux nous y associer. Cette association nous impressionne lorsque nous voyons ce personnage devenir de plus en plus hideux à mesure que l’on échoue, car celui-ci est détérioré par la malédiction au point de devenir méconnaissable. Je me suis retrouvé à dépenser des effigies uniquement parce que je ne voulais pas que le personnage auquel je m’identifie soit aussi horrible. Je crois que c’était intentionnel de nous faire ressentir exactement ce que la malédiction cherche à atteindre, notre moi, notre identité. Notre vanité et notre superficialité nous empêche de voir certaines réelles beautés. Nous ne sommes pas invincibles comme nous le pensons et nous nous décomposons à chaque seconde qui passe ; peut-être que la vraie beauté réside dans notre dignité [notre nature humaine]. Nous sommes peut-être plus que ce que nous paraissons être, peut-être venons-nous d’une lignée qui, par à-coups et en faisant des erreurs, a évolué, sans se soucier des apparences qui paralysent notre capacité à tirer pleinement parti de nous-mêmes sans superficialité et regrets mesquins, dans les quelques instants que nous passons sur la terre.

Les miroirs sont un aspect important de Dark Souls 2, qui va jusqu’à leur consacrer un boss. Dans la littérature, le miroir est la plupart du temps une représentation de l’identité et de la conscience de soi. Dans les premiers stades de l’enfance, les miroirs nous aident à nous faire une représentation de nous-mêmes, contribuant à établir notre égo. Plus tard, à mesure que notre égo se développe, nous mettons dans le miroir ce que nous aimerions être, ce moi idéal que nous façonnons pour le présenter à la société. Nous y mettons ce que Carl Jung a appelé le masque social, une image que nous nous créons pour contrôler ce que le monde perçoit de nous, tout en dissimulant notre vérité et notre nature profonde à chacun. Le chevalier miroir est ici pour briser cette illusion et opposer crument le moi social créé par l’égo et notre identité profonde et réelle. De façon intelligente, From Software utilise les autres joueurs pour contrôler ce qui sort du miroir, car ces derniers se battront avec autant de ténacité que le ferait votre moi idéal créé par votre égo. Pas d’artifice ici, si l’image égocentrique du miroir venait à se matérialiser, elle ferait tout pour dominer votre existence. Ainsi, nous voyons le moi comme une entité meurtrière. La tempête qui se déchaine en arrière-plan du combat symbolise la tourmente intérieure de notre dualité. Comme notre identité réelle et notre moi idéal sont les reflets l’un de l’autre, ils provoquent constamment une confusion psychique. Le tonnerre représente la dissipation brutale de l’illusion. [L’éclair élucidant est un symbole courant dans le domaine du rêve et dans celui des mythes, cf. Paul Diel, Le symbolisme dans la mythologie grecque, Payot, 1952]

« Pourquoi les gens cherchent-ils tant à être beaux ? Les chats naissent beaux, de toute évidence. Hé hé hé… » Shalquoir la douce [Après l’ouverture du Sanctuaire de l’hiver, trad. perso]

Le roman de Jules Verne, Les cinq cents millions de la Begum, décrit une ville dont l’apparence s’approche de celle du roi de fer. Dans le roman, deux hommes [un Français et un Allemand], héritent d’une fortune colossale, qu’ils utilisent pour bâtir deux cités, sur des principes complètement différents. L’un [le Français] bâtit France-Ville, une ville utopique. L’autre [l’Allemand] bâtit Stahlstadt, une ville dystopique. C’est cette dernière qui ressemble tant à la ville du roi de fer. Elles ont toutes deux des tours en forme de taureaux, d’immenses châteaux industriels et fabriquent des armes dans le but de les vendre. Le créateur de Stahlstadt et le roi de fer deviennent l’un et l’autre fous, et meurent en essayant de créer une arme terriblement dangereuse. Stahlstadt signifie « ville de l’acier » et cette immense ville représente le moi du dictateur et sa certitude de sa supériorité.

« L’égo humain, combien d’horribles châteaux de fer a-t-il érigé ? Et ils ne se rendent même pas compte de leur folie. Mais c’est ce qui rend leur observation si agréable. » Shalquoir la douce [Après l’ouverture du Sanctuaire de l’hiver, trad. perso].

https://www.noelshack.com/2020-48-5-1606488886-lucatiel-128-129.jpg

https://www.noelshack.com/2020-48-5-1606488881-vengarl-142-143.jpg

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A venir
Partie 6. Les géants et Homogenous

HujeLeVrai HujeLeVrai
MP
Niveau 8
06 décembre 2020 à 17:00:16

Nickel merci pour ton boulot l'auteur, c'est vraiment super

Frohwalt45 Frohwalt45
MP
Niveau 10
06 décembre 2020 à 22:11:47

Le 06 décembre 2020 à 17:00:16 HujeLeVrai a écrit :
Nickel merci pour ton boulot l'auteur, c'est vraiment super

Je te remercie :ok:

Petite parenthèse hors traduction sur Lucatiel

Avant de mettre la suite, je voulais revenir vite fait sur ce que dit l'auteur du personnage de Lucatiel. Il passe finalement assez vite dessus alors que c'est peut-être celui qui va le plus dans le sens de ses théories.

Lucatiel est présentée dans la quasi-totalité de la littérature sur Dark Souls II comme un brave compagnon, "honorable et loyale". On ressent de l'empathie pour cette guerrière partie à la recherche de son frère, et qui succombera à la malédiction. Un personnage simple et bon donc. Un adjuvant dans notre quête pour... pour quoi d'ailleurs ? (parmi tout ceux qui se sont penchés sur le lore, peu ont essayé de répondre à cette question. Mais on y reviendra par la suite.)

Cependant, il n'y a pas de Chevalier Oignon dans Dark Souls II. Pas de Solarius. Pas de sympathique PNJ sans arrière-pensée. Ici, les hommes ont pris la place des Dieux et cherchent maintenant à prolonger artificiellement leur âge. Lucatiel est donc un personnage ambigu. (Aslatiel existe-t-il seulement ? N'est-il pas plutôt la projection de l'égo de Lucatiel. Un moi fantasmé, échappé des miroirs d'Aldia, qui se trouvent juste derrière ?)

Pour clore la parenthèse, je traduits les répliques intégrales de la quatrième rencontre entre le joueur et Lucatiel (encore une traduction personnelle. En passant, désolé de ne pas vous donner les traductions officielles des répliques, mais je ne les trouve pas. Il faudrait refaire tout le jeu en notant tout.]

Qu'est-ce que la malédiction ? Cette question tourne en rond dans ma tête. Je ne parviens pas à me concentrer suffisamment pour y répondre.

L'oubli me terrifie. L'effacement de mes souvenirs, l'oubli de moi-même.

Si on me disait qu'en vous passant une épée à travers le corps, je serai libérée de cette malédiction, je n'hésiterais pas un instant.

Je ne veux pas disparaître. Je veux continuer à exister.

Je pourrais tout sacrifier pour cela. J'en ai honte, mais c'est ainsi.

Parfois, je me sens obsédée par cette chose... l'égo. C'est quelque chose d'insignifiant, et pourtant, je me sens obligée de le défendre.

Ai-je tort ? Non, vous faites sans doute la même chose.

Peut-être sommes-nous tous maudits... depuis l'heure où nous sommes nés.

Je pense poster la suite sur les Géants demain.

Frohwalt45 Frohwalt45
MP
Niveau 10
07 décembre 2020 à 17:42:14

Pour fêter le premier anniversaire du topic, voici la suite !
J'attends de pouvoir mettre la main sur un livre pour pouvoir écrire la totalité de cette partie, du coup, voici seulement le début.

Partie 6. Les Géants et Homogenous (1/2)

Les genres dystopique et utopique ont mis l’individualisme et le collectivisme à l’épreuve et ont montré leurs dangers et leur importance pour la société.

[«La dystopie est une société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou une société néfaste, telle que la conçoit un auteur donné», Dictionnaire Larousse]

Le genre dystopique montre l’écrasement de l’individu et de son égoïsme comme un moyen pour détruire ce qui pose problème dans l’homme. La littérature utopique, de son côté, soutient que le monde ne sera jamais meilleur si nous ne renonçons pas à notre personnalité. Homogenous nous montre cela.

[Homogenous est une courte BD satirique de Bryan Talbot et Neil Gaiman parue dans AARGH!, une revue publiée par Alan Moore (Watchmen, V for Vendetta, Batman : The killing joke etc.) en 1988 pour combattre une prétendue dérive homophobe du gouvernement britannique. Je publie ci-dessous les trois dernières lignes de la BD.]

https://www.noelshack.com/2020-50-1-1607358827-homogenous-1-de-3.png
https://www.noelshack.com/2020-50-1-1607358892-homogenous-2-de-3.png
https://www.noelshack.com/2020-50-1-1607358928-homogenous-3-de-3.png

- Après ça, il fallait un grand coup de balai.
- Nous avons dû faire une liste de toutes ces choses mièvres et douteuses de l’Histoire.
- Nous les avons tous effacés. Plus de Mona Lisa. Plus de David. No more carry on camping Dalgreen books of blood and guts in high school [Je n’ai pas saisi la référence alors je préfère ne pas traduire plutôt que de passer à côté. Si vous avez, n’hésitez pas !]
- Pouvons-nous passer à la diapositive suivante, s’il vous plait ?
- Le monde d’aujourd’hui est un endroit plus simple. Nous avons retiré tous les problèmes,
- …les pieds carrés, la douleur, l’anormalité.
- Dans notre utopie, où il n’existe pas de tendance à la perversité, chacun est content de ce qu’il a.
- Tout le monde est exactement pareil.
- N’est-ce pas harmonieux ?

Dans la littérature dystopique, l’absence de visage est la représentation de l’absence d’identité et de personnalité. L’absence d’identité est généralement nécessaire pour créer une utopie : un monde meilleur où sont bannis les élans égoïstes comme l’ambition, l’envie, ou toute forme de débauche. Dans l’utopie, l’absence de visage est requise et cela représente l’abolition du ça et de l’égo humains.

[J’ai une légère divergence avec l’auteur sur sa définition de l’utopie. La cité utopique, surtout dans son acception traditionnelle, n’implique pas de renoncer à soi, elle est simplement « l’Etat idéal où tous les maux et les torts de la société présente ont été guéris » (R. Messac, Les Premières utopies). On peut citer parmi beaucoup d’autres : Utopolis (Werner Illing, 1930), Atlas Shrugged (en français, La Grève) de Ayn Rand (1957), qui inspira le jeu vidéo Bioshock (Irrational Games, 2007). L’auteur semble ici plutôt décrire la fausse utopie, l’utopie qui déraille, ou bien une utopie particulière où l’individu est dépassé par le groupe.]

Les Géants sont très différents des Hommes : ils sont sans visage et ne sont pas les adeptes de la violence [les violences qu'ils font éprouver à Drangleic, visibles dans la forêt des géants défunts n'est que le résultat de la colère qu'ils éprouvent après avoir vu leurs semblables enlevés par l'armée du roi]. Ils vivent à la manière d'une conscience collective. Nous le voyons à la façon dont réagissent les golems lorsque nous utilisons la Fraternité des Géants. [Dans la VA, la Fraternité des Géants est nommée Giant’s kinship. Fraternité se dit plutôt fraternity, brotherhood ou fellowship. Kinship (la parenté selon le dictionnaire bilingue Robert&Collins) implique un lien sans doute plus profond (la conscience collective ?), qui unirait tous les Géants entre eux et dont l’essence serait ce butin du Seigneur Géant.] Les golems sont des répliques de géants créés à partir des âmes de ces derniers [Aldia a créé les golems pour qu'ils servent son frère. Ils réagissent en effet lorsqu'ils sont confrontés à la conscience du roi des géants]. Les Géants existent en dehors de la malédiction, car ils n'ont pas d'individualité ou d’intelligence [en effet, le Seigneur des Géants lui-même n'a pas de nom, et ils n'ont pas de réplique, pas de véritables traits de caractère ou de signes distinctifs].

On peut envisager le fait que la race des géants soit la meilleure partie des races qui nous ont précédés. Ils ont l'usage du feu et du poison qu'avaient les dragons et Aldia a été capable de créer l'Ancien Dragon à partir d’âmes de Géants [en effet, l’âme du Dragon Ancien est en réalité une âme de Géant]. Ils ont la force [et la taille] des Dieux. Enfin, la peau et la pérennité des arbres des premiers âges.

Ce ne sont pas des créatures guerrières. Ils n'utilisent pas d'arme comme les épées. C'étaient des êtres pacifiques avant d'être poussés au désespoir. Nous leur avons volé leur droit à la vie pour prolonger la nôtre.

Même dans la mort, les géants restent capables de faire naître la vie. Leurs corps morts donnent naissance à d'énormes racines qui détruisent peu à peu la place forte ennemie où eut lieu leur dernière bataille. Il y a plus de verdure dans cet endroit que partout ailleurs dans le jeu. Voici la description de la graine d’arbre des Géants : « Quand les Géants périrent, ils donnèrent naissance à de grands arbres. La mort n’est pas une fin à proprement parler, dans la mesure où tout ce qui a vécu est destiné à être recyclé et à revivre sous une autre forme. Mais qu’en est-il de ceux qui échappent aux lois immuables de ce cycle ? » [traduction officielle]

Ceux qui échappent aux lois du cycle, c'est nous. Nous n’y contribuons plus, nous n’avons plus rien à donner, et nous sommes destinés à décrépir et à devenir des carcasses. Nous mourrons sans rien produire. Nous utilisons les graines d’arbres des Géants pour nous aider contre les envahisseurs, signe supplémentaire de l’altruisme et du désintéressement des Géants.

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A suivre
Partie 6. Les Géants et Homogenous (2/2)

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