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Sujet : [Fic] Une vie d'élu

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BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
26 mai 2021 à 22:38:24

Hop hop.

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
26 mai 2021 à 22:38:50

Chapitre 43: Chat perché.

“Uriel 6.

Regagnez les faubourgs nord de la ville dès réception de ce message, et rendez-vous place du chêne ensablé. L’un de nos agents en Elsweyr vous y rejoindra et vous y expliquera la suite des événements.

ps: Votre commandement a déjà été informé.”

Je relus le petit bout de papier plusieurs fois, même si je savais pertinemment bien que je n’y trouverais rien de plus que ces quelques mots, sans fioriture, sans explication. C’était Levus Mico après tout. Six longues années au sein des services de renseignements m’avaient appris à me contenter du strict minimum, et à ne pas poser trop de questions, car les réponses me seraient données d’elles même en temps voulu. Malgré tout, je ne pouvais qu’être intriguée par une sollicitation aussi soudaine de la part de mon ancien chef de service. Et pourquoi d’ailleurs ? Les renseignements avaient-ils trouvé quelque chose d’important ? Quelque chose sur les fils d’Evos, ou Nilvyn ? Car je peinais à croire qu’il s’agisse d’un élément concernant les Do’Traaji, le Thalmor, ou plus globalement, ayant un quelconque lien avec la présence officielle de la Légion Impériale en Elsweyr. Auquel cas, l’information serait venue du RAC, de Percius Ostorius, voire du CSOJ, et non pas de Levus Mico en personne…
Je regagnai les faubourgs nord de Dune en moins d’une heure, grâce à l’un des chariots de la brigade logistique qui accepta de me prendre en chemin, et dans lequel était déjà assise toute une section de combat du vingt-quatrième bataillon de cavalerie.
-Euh… Bonjour… Hésitai-je en voyant une bonne vingtaine de visages crasseux se mettre immédiatement à me toiser avec ce sempiternel mélange de crainte et d’admiration.

Personne ne répondit de vive voix, uniquement par des signes de tête respectueux, alors que la charrette reprenait immédiatement sa route. A priori, on partait tous dans la même direction, vers les faubourgs nord de Dune, où se situaient à la fois le camp de base de la cavalerie impériale, le manoir ayléide où étaient assignés les forces spéciales, et ce fameux point de rendez-vous, que je ne savais absolument pas où trouver soit dit en passant. Pour quelqu’un qui voyait Dune telle qu’elle était encore à l’époque de la troisième ère, cette hésitation aurait probablement paru ridicule, mais fallait bien comprendre que la Dune d’aujourd’hui n’avait plus rien avoir avec celle de l’époque. Aujourd’hui, on parlait d’une gigantesque mégapole de plusieurs millions d'habitants, aussi y chercher une place parmi des milliers d’autres n’avait rien d'anodin. J’aurais tout aussi bien pu y passer un mois entier…
-Euh, les gars, quelqu’un sait où ça se situe, la place du chêne ensablé ? Risquai-je en direction des autres soldats assis dans le chariot.

Je reçus plusieurs signes de dénégation de la tête en guise de réponse.
-Bon, et durant votre ratissage dans la banlieue sud, ou vos heures de repos au camp de base, vous n’avez rien vu ou entendu de particulier ? Insistai-je, bien décidée à commencer mon enquête à ma manière, à défaut de connaître la position de mon point de rendez-vous.

Nouveaux signes de dénégation, ainsi que quelques moues dubitatives, ce qui eut le don de m’agacer furieusement. Visiblement, personne ne savait parler à bord de ce putain de chariot. Mais me fixer comme des énormes teubés par contre, ça ils savaient faire...
-Bon et sinon, vous êtes là pour remplir les quotas d’handicapés de la cavalerie ou c’est comment ?! M’énervai-je. Répondez avec des mots, bande de débiles, et arrêtez de me regarder comme ça !

J’entendis le conducteur de la charrette étouffer un rire.
-Pardon capitaine. S’excusa aussitôt le plus haut gradé du chariot, un sergent chef ressemblant trait pour trait à tous les sergents chef de la cavalerie impériale. C’est juste… On a pas l’habitude de voir un opérateur du RAC d’aussi près… C’est un privilège, et un honneur.
-C’est vous Teleri, celle qui a buté une quinzaine de Do’Traaji à elle toute seule ?! Questionna dans la foulée un jeune troufion, des étoiles plein les yeux.
-Évidemment que c’est elle, tu connais beaucoup de meufs dans les forces spéciales toi ? Railla l’un de ses compères.
-Et ben les nouvelles vont vite. Grommelai-je. Mais oui, c’est moi.
-Vous faites partie de la fameuse section Uriel, pas vrai ?! Questionna un quatrième individu, un caporal particulièrement exalté lui aussi.
-Oui...
-Ouah ! Vous êtes vraiment des tueurs ! C’est vrai que vous avez choppé Luther Jarol en Bordeciel ?!
-Et que vous avez tiré sur des Ordonnateurs en Morrowind ?!

Je regrettais presque leur mutisme tout à coup. Par ailleurs, le CSOJ avait de sérieux soucis de confidentialité au sein de ses propres rangs, si nos dernières opérations ainsi que nos derniers faits d’arme étaient déjà connus de toute la Légion. Mais le fait est que la section Uriel avait belle et bien une sacrée réputation au sein de l’armée, et même si c’était faire preuve d’un flagrant manque d’humilité, j’avouais me sentir quelque peu flattée par toutes ces marques d’admiration. Surtout qu’elles n’étaient pas uniquement adressées à la section, mais également à moi, Teleri Othril. Sans même m’en rendre compte, j’étais déjà en train de me faire un nom, et ça, même si c’était paradoxalement très mauvais pour un opérateur échelon un censé rester anonyme, ça mettait un solide coup de pied au cul à mon égo.
-Ça va ça va, foutez lui la paix ! Ordonna le sergent en tentant de calmer les ardeurs de ses soldats. Vous aimeriez vous faire emmerder par des groupies après une longue journée de travail vous ?!
-De ouf ! Je m’en ferais un putain de harem ! Répondit l’un des soldats. D’ailleurs...
-Termine ta phrase et je te casse tous tes doigts. L'interrompis-je.

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
26 mai 2021 à 22:39:15

Le soldat en question prit une bonne taloche de la part de son sergent, mais l’heure était plus volontiers à la rigolade qu’au blâme pur et dur cela dit. En ce qui me concernait, je connaissais la Légion, c’était ma famille. J’aurais été bien à côté de mes pompes si j’avais pris ce genre de vacherie au sérieux, surtout qu’elles avaient été particulièrement nombreuses depuis mon enrôlement dans les classes préparatoires, à l’aube de mes seize ans. Depuis le temps, j’étais habituée, et je ne me gardais pas de rendre la pareille à tous ces mâles en rut dès que l’occasion se présentait. C’était comme ça que je m’étais taillée ma place d’ailleurs.
-... je ne connais pas la place dont vous parlez, mais si vous demandez aux autochtones… Reprit le sergent-chef.
-C’est à environ trois kilomètres plein est du camp de base. Affirma brusquement l’un des soldats. En plein sur l’artère qui traverse les faubourgs d’ouest en est. Vous pouvez pas la rater, c’est l’endroit où on trouve le plus de tavernes et d’échoppes en tous genres.

J’eus un bref sursaut, et me retournai aussitôt en direction de l’intéressé.
-Comment tu sais ça toi ? Le questionna soupçonneusement son chef de section avant même que je n’ouvre la bouche.
-Oh pitié, vous étiez avec nous la dernière fois qu’on est allé s’y bourrer la gueule. Commenta le cavalier.

Un étrange mutisme gagna le chariot, où se mêlèrent rapidement mines pincées et coups d’oeils moqueurs. Hélas, je n’eus pas le loisir d’assister à ce délicieux malaise plus longtemps, car le conducteur annonça soudain la fin du voyage:
-Camp de base en vue ! Allez, hop hop hop ! Bougez vos raies suantes de mes banquettes, tas de pouilleux !
-Parle mieux toi ! Lui répondit l’un des cavaliers en descendant de la diligence.
-Frère je suis crevé… Marmonna un autre.
-Pareil. On va bien dormir ce soir. Renchérit un troisième.
-Hey, tu coures où comme ça toi ?! Cria subitement le sergent-chef en direction de l’un de ses subordonnés.
-Toi, tu vas faire caca. Gloussa le conducteur à lui-même.
-Tu peux m’emmener vers l’est ? Questionnai-je en me penchant dans sa direction. 

Le charretier se retourna, et me toisa d’un air contrarié. Clairement, il s’attendait à ce que tout le monde ait quitté sa diligence, et avait l’air complètement saoulé de me voir toujours à bord.
-Kestu fou encore là toi ? Pensa-t-il si fort que j’eus presque l’impression de l’entendre à voix haute. 

On se dévisagea durant plusieurs secondes, sans sourciller, sans piper mot.
-Tu peux m’emmener vers l’est oui ou non ? Insistai-je, sentant déjà ma propre contrariété monter en flèche face à sa tête de con.
-Non ! Lâcha-t-il d’un ton bourru. J’ai fini journée, et… !
-C’était une question rhétorique ducon. Le coupai-je en l’empoignant par le col de son armure. Tu m’emmènes vers l’est maintenant, ou je te cogne dessus.
-Ben voyons !

Cette réponse pleine de dédain et de mépris me fit littéralement péter un boulon. Pour qui se prenait-il, ce petit fils de pute, à ne pas me prendre au sérieux ? J’étais Teleri Othril, j’étais capitaine et je faisais partie du RAC, les gens m’accordaient respect et admiration, alors c’était certainement pas un petit merdeux de la brigade logistique qui allait me tenir tête.
L’Impérial vola par-dessus la rambarde de son propre chariot avant même d’avoir eu le temps de dire “aïe”, et atterrit lourdement sur le sable en poussant un juron de douleur et de surprise. Tout autour de nous, les soldats allant et venant autour du camp de base se mirent à pousser des quolibets.
-Mais… ! Putain mais… ! Tu me voles mon chariot espèce de… ?! Vociféra le conducteur en se relevant d’un bond.
-Réquisitionné par le RAC, et par les services de renseignements. Rétorquai-je en le toisant depuis ma position surélevée. On te le rendra en temps voulu.
-Descends de là tout de suite ou je… !
-Hey mon gars, essaie seulement de reposer un pied dessus, ou même de me suivre, et je te colle un carreau en pleine tronche, t’as compris ?! Répliquai-je en le menaçant avec mon arbalète.

Le conducteur ne péta plus un mot, et se contenta de lever les bras en signe de reddition.
L’instant d’après, j’étais partie en direction de l’est, sous les acclamations de plusieurs dizaines de cavaliers ayant assisté à la scène. En d’autres circonstances, cette incartade m’aurait valu la cour martiale à tous les coups, et une exclusion pure et simple de la Légion Impériale. Mais aujourd’hui, tout était bien différent…
Je filai le long de la grande artère sablonneuse qui traversait les faubourgs d’ouest en est. Les faubourgs nord de Dune d’ailleurs, c’était quelque chose: des maisons miteuses partout, à perte de vue, torchées à la va vite et poussant un peu partout sur le sable tel des champignons du désert. On était loin de l’enceinte de Dune centre, et même de la banlieue nord, et ça se sentait, car il n’y avait absolument aucune cohérence architecturale ici. Les bâtiments étaient construits à la va comme je te pousse et c’était bon ainsi. Et quels bâtiments… Pas de portes, pas de fenêtres, pas de délimitations propres… Les gens déambulaient et vivaient littéralement les uns sur les autres, sans ordre, sans règles, dans l’anarchie la plus totale. Ils auraient tout aussi bien pu aller dormir ou chier les uns chez les autres. Probablement qu’ils le faisaient, d’ailleurs... En tous les cas, les faubourgs nord de Dune étaient un peu à l’image de ce qu’avait autrefois dû être les premiers quartiers du Dune, ou du Khaj: des sortes de bidonvilles bordéliques où l’on vivait encore comme à l’ère méréthique. Même le département de Bruma, avec ses maisons ouvrières lugubres et ses rues dégueulasses bourrées de prolos et de pochetrons, aurait fait office de chef d’oeuvre social et architectural face au foutoir que j'avais désormais sous les yeux.
Et pourtant, les gens n’avaient pas l’air malheureux ici… Au contraire même, ils semblaient épanouis. Peu importe où je promenais mon regard, j’apercevais ces mêmes visages sereins, ces mêmes démarches débonnaires, ces mêmes échanges spontanés. Les gens d'ici semblaient vivre une vie simple, tranquille, sans prise de tête, loin du stress et de la compétition permanente que représentait une existence au sein de l’Empire, ou du Domaine Aldmeri. Finalement, j’avais peut-être tort de les considérer comme des pouilleux pour la seule et unique raison que leurs maisons étaient posées n’importe comment et à moitié juchées les unes sur les autres. A bien des égards, ces gens devaient vivre bien mieux et bien plus sereinement que la plupart des Cyrodiiliens, qu’ils viennent d’un luxueux duplex de la banlieue impériale, ou d’un coupe gorge crasseux du Dun. Probablement que le temps chaud et globalement clément y était pour quelque chose également. C’était bien connu: les gens étaient bien plus sociables et bien plus relax dans les pays tropicaux où il faisait bon toute l’année…
J’arrivai bien vite sur une petite place bordée de tavernes et de pubs à l'allure sommaire, mais familiale. Vu l’heure encore précoce - on était encore relativement tôt dans la matinée - il n’y avait pas grand monde, à l’exception de quelques badauds assis sur des terrasses composées de quelques chaises vétustes. Je jetai un bref coup d’oeil autour de moi, aperçus bien un écriteau estampillé “place du chêne ensablé”, mais ne remarquai personne ressemblant à un quelconque contact des services de renseignement. Ou alors il cachait vraiment bien son jeu, ce petit salopard. Mais franchement, même en y regardant de plus près, je peinais à croire que les quelques Khajiits nonchalamment occupés à siroter leurs thés sur les différentes terrasses puissent faire partie du renseignement. Rien dans leur dégaine ne le laissait présager en tout cas.
-Capitaine ? Je vous sers quelque chose ? M’apostropha soudain un tavernier, un Khajiit d'âge moyen, en quittant l’intérieur de son établissement. La première consommation est gratuite.
-Racoleur de merde ! Cracha le concurrent de l’établissement d’à côté, un Khajiit lui aussi, bien qu’il semblait sur le point de me proposer la même chose.
-Allez, volontiers. Répondis-je en prenant place à l’une des petites tables tordues qu’il me désigna d’un geste de la main.
-Vous prenez quoi ?
-Euh… Un jus d’orange ?
-Un jus d’orange ? Répéta le Khajiit en haussant un sourcil perplexe.
-Hem…

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
26 mai 2021 à 22:39:32

Naturellement, des Légionnaires étaient probablement déjà venus ici depuis le début du déploiement. M’est avis qu’ils ne s’étaient pas contenté de boire de l’eau…
-Un jus d’orange pour le capitaine, ça marche. Obtempéra toutefois le tavernier face à ma mine pincée.
-Au moins ils ont déjà appris à reconnaître les grades, c’est bien… Me marmonnai-je à moi-même une fois le Khajiit reparti en salle.

Une douce odeur de Sucrelune vint bientôt me chatouiller le nez. Je tournai la tête vers ma droite, et aperçu les Khajiits de l’établissement d’à côté tirer nonchalamment sur leur pipe tout en discutant tranquillement entre eux. Maro Salvitto aurait été aux anges… En Elsweyr, on pouvait se défoncer la gueule au Sucrelune dans la légalité la plus totale, alors qu’en Cyrodiil, c’était carrément passible de taule. Et je parlais même pas de le raffiner en skouma…
-Votre jus d’orange. Annonça le tenancier en revenant déjà à ma table.
-Ah ? Merci.

Je bus une gorgée, et fut immédiatement interloquée par le goût incroyablement sucré de la boisson. Ça avait dû se voir sur mon visage d’ailleurs, car les Khajiits de l’établissement d’à côté se mirent à glousser.
-Ah ! Ça change des merdes industrielles coupées à la flotte qu’on vous fait boire à Cyrodiil pas vrai ? Vanna l’un d’eux, un gamin d’une vingtaine d’années à en juger son pelage vif et soyeux.
-Ça vrai ! Ici boire jus vrai de fruits pas trucs étranges de Empire ! Acquiesça un autre, nettement plus vieux au vu de sa fourrure grise, et surtout de son abominable accent de blédard.

Je leur répondis par un sourire polis, et repris une gorgée. Effectivement, trente-et-un ans, et c’était seulement maintenant que je réalisais - à titre de comparaison - la merde aseptisée qu’on nous faisait boire et bouffer à Cyrodiil. Bien sûr, techniquement, je le savais déjà. C’était un fait connu de tous. Mais, citadine que j’étais, je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de le vérifier de mes propres papilles gustatives. C’était désormais chose faite. Et la probabilité qu’à mon retour de déploiement, j’allais peut-être bien faire un crochet par l’une de ces épiceries de bobo dont je m’étais si souvent moquée par le passé…
Je continuai de boire lentement mon jus d’orange, et jetai un nouveau coup d’oeil en direction des Khajiits de l’établissement d’à côté. Eux s’en étaient déjà retournés à leur discussion, aussi eus-je le loisir de les observer davantage, sans éveiller leurs soupçons.
Dune était une région particulièrement cosmopolite, c’était connu. Depuis longtemps déjà, elle faisait office de région neutre, sorte de zone tampon entre l’Empire et le Domaine Aldmeri. Des gens de tous horizons - des fuyards du Domaine essentiellement - s’y étaient progressivement installés au fil des dernières décennies, et y avaient en quelque sorte formé une toute nouvelle civilisation. De cette petite ville autrefois perdue dans le désert était née une véritable mégapole, croisement culturel massif entre les nations Humaines, Elfiques et Khajiits. C’était probablement pour ça, par un tel brassage, qu’on y croisait aujourd’hui des individus aussi différents, aux moeurs et aux codes aussi éclectiques. J’en avais la preuve sous les yeux en ce moment même: plusieurs Khajiits occupés à papoter autour d’une table, et ils s'exprimaient tous très différemment les uns des autres, alors que leur lieu de vie commun aurait pourtant dû les rassembler. Chez les plus vieux par exemple, on sentait essentiellement des influences Aldmeri ou Khajiit dans le langage. Certains parlaient avec la politesse, voir l’emphase des Altmers, car c’étaient probablement sous leur joug qu’ils avaient passé la majeure partie de leur existence. D’autres au contraire, s’exprimaient en parlant d’eux à la troisième personne, avec des phrases simples, courtes, hachées, voir parsemées de ronronnements et de miaulements félins. Dans le plus pur style des blédards ayant vécu toute leur vie dans le désert, loin de toute civilisation. Chez les plus jeunes à contrario, c’était le style Impérial qui primait, car c’était ici, tous proches de Cyrodiil, qu’ils étaient nés et avaient grandi. Et ceux-là parlaient comme pratiquement n’importe quel mec du Khaj: sans accent, sans miaulement, comme un Impérial en somme, l’argot de cité, les “frère” et autres “nique ta mère” en plus.
C’était étrange à voir et à écouter finalement. J’avais face à moi des Khajiits à la fois très semblables et très différents, unis par la vie qu’ils menaient aujourd’hui au sein de Dune, mais que tout le reste séparait, car le monde dans lequel ils avaient grandi n’étaient pas du tout les mêmes, et ne leurs avaient pas inculqué les mêmes codes culturels et religieux. Et pourtant, tous s’entendaient à merveille, car leur vie était simple ici. Bien plus qu’elle ne l’aurait jamais été au sein de l’Empire, ou du Domaine Aldmeri…
-Un autre verre ? Me proposa le tenancier en revenant vers moi. Celui-ci sera payant, par contre.
-Oui, remettez-en un. Répondis-je en lui tendant quelques Septims.

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
26 mai 2021 à 22:39:49

Le tavernier s’exécuta, me resservit un verre, puis regagna l’intérieur de son établissement.
Je bus une nouvelle gorgée, et abandonnai l’étude du groupe de Khajiits pour mieux reporter mon attention sur la petite place qui s’étendait devant moi. Toujours aucun foutu agent du renseignement en vue… Mais ce n’était pas véritablement un problème ceci dit, car le simple fait d’observer les badauds aller et venir tranquillement sur cette place sablonneuse avait quelque chose de reposant. Et j’avais besoin de repos ouais. Mon esprit avait besoin de repos…
Je passai de longues minutes à observer l'activité de l’endroit, la tête vide, bercée par le vent chaud du désert. Un peu partout, des gens prenaient place sur les diverses terrasses des établissements bordant la petite place, des commerçants vendaient des babioles de toutes sortes au passants, et des habitants du quartier papotaient entre eux. Il n’y avait pas masse de monde - largement moins que dans le Dun par exemple - mais ça rendait l’endroit bien plus reposant justement. Tout y était plus calme, plus tranquille, moins pressé, et moins stressé...
Je remarquai bien vite une étrange statue au centre de la petite place, dont je n’avais pas décelé la présence jusqu’ici pour la simple et bonne raison qu’un vendeur de sacoches y avait adossé son étale. Je plissai les yeux durant plusieurs secondes, et constatai alors qu’il s’agissait d’une sculpture relativement délabrée d’un ancien centurion impérial. Probablement une sculpture qui datait de la troisième ère, ou au mieux, du tout début de la quatrième, à en juger son état de délabrement ainsi que l’armure arborée par le centurion. Des plastrons à lamelles de ce genre, on en portait plus depuis au moins deux cent ans au sein de la Légion Impériale...
-Permettez ? Couina une petite Khajiit en pointant la chaise à côté de moi.
-Euh oui je vous en prie. Répondis-je distraitement.

Je crus tout d’abord qu’elle allait l'emporter à une autre table, comme c’était de coutume lorsqu’on manquait de places à une tablée d’amis, et qu’on se servait alors aux tables voisines. Sauf que je constatai bien vite qu’il n’était nullement question de ça, car l’importune décida tout bonnement de s’asseoir juste à côté de moi.
Je tournai la tête dans la direction de la petite Khajiit, et entrepris de l’observer avec curiosité.
A première vue, elle ne ressemblait pas tout à fait aux Khajiits que j’avais l’habitude de côtoyer. Elle était plus petite, plus fluette, avait des traits moins félins, plus humains, et arborait d’étranges tatouages faciaux. A priori, j’aurais dit qu’il s’agissait de l’une des ces fameuses Ohmes que l’on ne croisait qu’en Elsweyr, mais étant donné le fait que je n’en avais jamais vu de mes propres yeux justement, je ne pouvais pas en être formellement certaine. En tous les cas, elle était soit complètement sans gêne, soit avait quelque chose à me dire, pour s’asseoir aussi spontanément à mes côtés alors qu’il y avait pourtant plein de tables libres...
-Je vous vois regarder la statue de ce noble centurion. Couina, comme de fait, la petite Ohme en pointant la sculpture du doigt. Je sais bien que les vôtres ne s'habillent plus comme ça depuis longtemps pour sûr, mais n’est-ce pas justement là la beauté de cet héritage, oui ?

Je ne répondis pas, et jetai un nouveau coup d’oeil curieux en direction de la statue.
-Vous comprenez ? Insista la petite Ohme. Il est là, tout abîmé et tout poussiéreux, mais il tient bon, glorieux ambassadeur de l’ancien Empire des Hommes. Ceux qui étaient là avant, et qui ont fait de Tamriel le monde que l’on connaît aujourd’hui pour sûr. Ils ont combattu, ont conquis, ont apporté la paix, et s’en sont allés rejoindre leur ancêtre, laissant derrière eux un immense héritage, qui dure depuis des milliers d’années, oui oui.

Je ne répondis toujours pas, même si je comprenais où voulait en venir mon interlocutrice...
-Cela m’évoque beaucoup de mélancolie. Miaula la petite Khajiit. Le temps qui passe, le monde qui change, et nous, témoins tardifs et impuissants d’un glorieux passé où tant de choses grandioses se sont produites…

Elle tourna sa petite frimousse vers moi, et me jeta un regard complice.
-Qu’est-ce que cela vous évoque ? Questionna-t-elle ensuite.
-Un alcolo tueur d’enfant dans une armure totalement dépassée. Lâchai-je bêtement. Bon par contre, ne le prenez pas mal mais, j’avais rendez-vous, et je crois qu’on m’a foutu un lapin, donc...

J’entrepris de me lever.
-Capitaine Othril, attendez. Couina soudain la petite Ohme.

Je m'interrompis dans mon geste, le visage crispé.
-C’est moi l’agent du renseignement que vous êtes censée rencontrer. Poursuivit la petite Khajiit.
-Je… Que… Pardon ? Bégayai-je, toujours à moitié levée. C’est une blague ou… ?
-Parce que je ne suis pas une Impériale pardi ?! Se vexa aussitôt la petite Ohme.
-Parce que vous avez douze ans à tout casser, petite fille !
-J’en ai vingt-six !
-Ah…

Je me rassis lentement, un peu bête, et jetai un nouveau regard en direction de ma compagne de circonstances.
-En voilà d'ignobles préjugés ! Persista la petite Khajiit, vexée comme un poux. Donc parce qu’on est pas un grand et fort Impérial, on ne peut pas faire partie du renseignement, oui ?!
-Oh pitié, vous m’avez bien regardé avant de faire votre petit scandale ? Répliquai-je. Je suis une Dunmer de cité, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué… 

Je faillis éclater de rire en voyant la petite frimousse renfrognée de mon interlocutrice. Sur un petit faciès velu et mignon, ce genre d’expression paraissait tout sauf crédible.
-Pourquoi vous rigolez ?! S’énerva de plus belle la petite Ohme.
-Ouuuh mais c’est qu’on a un méchant petit caractère dis donc ! Commentai-je. Pour rien va, détendez-vous…

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
26 mai 2021 à 22:40:04

La petite Khajiit se dandina sur sa chaise, et me toisa d’un regard courroucé. Je sentais d’ici son envie de me prouver qui elle était, bien que son mètre quarante et sa bouille de chaton tout mignon ne l’aidait pas beaucoup dans cette entreprise.
-Et vous vous appelez comment ? Repris-je après quelques secondes d’un silence contrarié.
-Ahnia !
-Pas de préfixe ?
-On est plus à l’ère méréthique pardi !
-Bon par contre vous allez vous calmer tout de suite, ou on va vraiment avoir un problème toutes les deux. La prévins-je.
-Grrrmmmblblblbl…

La petite Ohme marmonna des paroles incompréhensibles dans sa moustache. De mon côté, je terminai lentement mon jus d’orange, et remerciai silencieusement le renseignement Impérial de m’avoir refilé un contact pareil pour une mission dont je ne connaissais encore rien, au demeurant. Je préférais encore me taper les blagues de cul de Salmo ou les bouffées de Sucrelune de Maro, pour le coup…
-Bon, je ne veux pas vous brusquer mais… Repris-je une fois mon verre terminé. J’imagine que le renseignement ne m’a pas fait venir ici pour rien. De quoi s’agit-il ?
-Suivez-moi pardi ! Couina brusquement la petite Ohme en bondissant de sa chaise et en filant en direction des ruelles jouxtant la place du vieux chêne.
-Euh…

Je restai immobile durant plusieurs secondes, suivant du regard cette minuscule chose s’en aller en courant sur ses toutes petites jambes. Et visiblement je n’étais pas la seule, à en juger le regard interloqué que lui lança l’un des Khajiits de l’établissement d’à côté.
Ne pouvait-on pas me donner des coéquipiers normaux, pour une fois ? Juste une fois…
-Bonne chance ! Gloussa le tenancier, qui avait assisté à la scène lui aussi, en me voyant me lever doucement de ma chaise, et partir encore plus doucement à la suite de ma “coéquipière”.
-Ouais c’est ça… Marmonnai-je.

Levus Mico, mon cher et charmant ex-supérieur hiérarchique... Dans quelle connerie m’aviez-vous encore embarqué ? Pas de contexte, pas d’explication, ni même la moindre foutue ébauche d’indice. Et j’étais censée suivre ce gnome poilus à travers les faubourgs sans poser la moindre question ?
C’était presque drôle finalement, cette étonnante et persistante impression que j’allais encore en voir des vertes et des pas mûres. Mais bon, foutu pour foutu, autant me prêter au jeu.
Je n’avais plus vraiment le choix de toute façon…

Seyda-Nihyn Seyda-Nihyn
MP
Niveau 5
27 mai 2021 à 22:32:39

J'ai tout lu, j'adore Teleri et la place qu'elle occupe dans cette histoire après la fic précédente, c'est vraiment spécial de la voir dans un tout nouveau rôle de personnage principal et du coup on la voit autrement. Par contre pour la légion tu t'es inspiré de l'armée américaine non ? La cavalerie ça me fait totalement penser aux marines américains.

J'attends la suite avec grande impatience.

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
30 mai 2021 à 12:18:34

Un petit mon khey, un petit peu. :hap:

La suite est en construction.

Seyriel Seyriel
MP
Niveau 14
31 mai 2021 à 22:55:29

C'est bourré de fautes dès le premier gros pavé. On ne s'improvise pas écrivain, tu en es là preuve.

Je ne parle pas des problèmes de syntaxe et autres soucis...

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
01 juin 2021 à 00:00:13

Merci de ton avis mon bon khey.

Quelques exemples ?

Newradion44 Newradion44
MP
Niveau 10
01 juin 2021 à 17:16:46

Il n'a jamais dit qu'il s'improvisait écrivain.

Il partage juste une fic pour nous faire plaisir et aussi pour son plaisir.

:(

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
02 juin 2021 à 10:05:32

Il n'y a pas de soucis kheyou, c'est vrai que je suis pas écrivain (je suis chauffagiste :hap: ) et que je fais probablement plein de fautes et d'erreurs. C'était précisé d'entrée de jeu d'ailleurs. Malgré tout je trouve toujours intéressant d'avoir des avis qui me permettent de m'améliorer.

Et naturellement ça n'entache pas mon plaisir d'écrire une histoire et de la partager avec qui voudra bien la lire.

Ps: j'ai bien avancé dans le chapitre. J'espère une sortie demain.

Newradion44 Newradion44
MP
Niveau 10
04 juin 2021 à 23:09:51

Sweeeeeeet :hap:

Ça me manque l'époque où J'etait en télétravail et je réalisait toute tes fics. :noel:

C'était interminable et ça m'evadait de mes soucis :hap:

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
05 juin 2021 à 11:47:23

J'avoue crayon désolé, ma vie est ultra chargée des dernières semaines du coup le rythme d'écriture en prend un coup dans la tronche. :hap:

Mais la suite aujourd'hui, promis.

Message édité le 05 juin 2021 à 11:47:35 par BlackDeViL24
Newradion44 Newradion44
MP
Niveau 10
05 juin 2021 à 14:05:46

:-)

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
05 juin 2021 à 17:22:48

Chapitre 44: L’émissaire venu d’ailleurs.

-On va se tutoyer hein. Commençais-je.
-Bien sûr ! Couina Ahnia.
-Et donc, comment es- tu arrivée au renseignement ?
-Oh c’est une longue histoire pour sûr !

Alors qu’elle m’entraînait à travers les ruelles sablonneuses et anarchiques des faubourgs de Dune - car oui, on ne pouvait pas vraiment parler de rues à proprement parler pour le coup - la petite Ohme se mit soudain à babiller comme une petite poule surexcitée. Elle semblait presque heureuse de me parler tout à coup, alors qu’il y avait quelques secondes encore, elle me tirait une tronche pas possible. Certes, je n’étais pas censée comparer les Ohmes à des enfants sur base de leurs seuls traits physiques - c'eût été faire preuve d’à priori bien bas du plafond - mais tout de même, si leur tempérament lunatique s’accordait à leur physique, on avait véritablement affaire à de petits enfants poilus. D’un autre côté, deux ans de taule parmi les criminels les plus violents de tout Tamriel m’avaient appris à laisser un peu de côté les pensées politiquement correctes, et à parfois envisager la réalité telle qu’elle était: crue, brutale et injuste. En l'occurrence, les Khajiits d’Elsweyr étaient souvent considérés comme des attardés par ceux de Cyrodiil, et par tout le reste de Tamriel aussi d’ailleurs, et il y avait probablement des explications à cela. Vie beaucoup plus rustique, éducation nettement plus fragmentaire… Des Khajiits comme Denel Attius, Maro Salvitto ou Hastrel Velarius, qui étaient nés et avaient vécu toute leur vie sous les lois et les coutumes Impériales, étaient les premiers témoins de cette comparaison avec leurs cousins du pays. A fortiori, ils étaient les premiers à tacler les “blédards”, qu’ils voyaient véritablement comme des débiles et des sous-éduqués, alors que eux étaient de véritables Impériaux modernes…
Ahnia n’était pas stupide, et n’était pas une enfant, je le savais bien. Je soupçonnais même une solide intelligence chez elle. Mais il était clair que sa vie en Elsweyr, partagée entre la culture Almeri et les coutumes Khajiits, l’avait façonnée différemment de ses cousins de Cyrodiil. En fait, son tempérament était bien plus authentique, bien plus spontané que tous ceux que j’avais connus jusqu’ici. Elle passait de la colère au rire avec une facilité désarmante, et disait ce qu’elle pensait sans la moindre forme de pudeur. Ça, quand on avait vécu toute sa vie au sein d’un Empire bourré de conventions sociales en tous genres, ça déstabilisait, voire ça mettait carrément mal à l’aise. Finalement, les Khajiits d’Elsweyr n’étaient ni des enfants, ni des débiles. Ils étaient beaucoup plus authentiques, et beaucoup plus sincères que nous, tout simplement…
-... après avoir fini l’école royale de Torval, je suis rentrée à l'université Aldmeri, à Torval aussi. M’expliqua la petite Ohme tout en m’entraînant à travers les faubourgs. J’y ai fait une licence en psychologie, avec une spécialisation en criminologie, pendant trois ans. En parallèle, j’ai également suivi une formation d'interprète. Et puis donc, euh…

Elle s’arrêta au coin d’une rue encaissée entre plusieurs maisons modestes, se gratta l’oreille d’un air pensif, puis enchaîna:
-Ah oui ! C’est par là !

https://image.noelshack.com/fichiers/2021/22/6/1622904337-acorigins-2021-05-19-21-48-55-58.jpg

Elle reprit sa route comme si de rien n’était. Je la suivis sans piper mot.
-... et donc, après ma licence, j’ai voulu rentrer au bureau du Thalmor à Torval. Poursuivit Ahnia. Parce que j’ai vu une offre d’emploi, et qu’ils avaient justement besoin de personnel pour servir de lien entre les Altmers et les Khajiits. Parce que, bigre, le dialogue n’est pas toujours facile pour sûr ! Tu peux me croire !
-Je te crois… Répondis-je.
-... Donc je pensais avoir toutes les qualifications pour cet emploi, oui ! Mais ils ont rejeté ma candidature, parce que je ne correspondais pas au profil. Ils ont dit que je n’avais pas tout à fait la fibre Thalmor...

Je soufflai du nez.
-Pourquoi tu ris ? Se vexa aussitôt la petite Ohme en me jetant un regard courroucé.
-Pas la fibre Thalmor ? Répétais-je. T’étais surtout beaucoup trop diplômée oui ! Parce que tu crois que ces putains d’Altmers cherchent vraiment des gens qualifiés parmi les populations Khajiit ? Bien sûr que non va, ils font exprès de maintenir un niveau d’éducation bas dans votre province, parce que vous êtes plus faciles à tenir et à manipuler ainsi. Le dernier truc dont ils ont besoin, c’est de Khajiits diplômés, dotés d’une vraie éducation et d’un vrai esprit critique...

Ahnia fronça les sourcils et afficha une moue bourrée d’amertume.
-Ça je l’ai bien compris pardi… Marmonna-t-elle. C’est pour ça que je n’ai pas traîné à Torval après ça. Je suis venue ici, à Dune, suivre une deuxième spécialisation d’interprète à l'université libre de Dune-centre.
-Quand tu dis interprète… Relevai-je, curieuse.

La petite Ohme se mit aussitôt à me parler avec un accent et une syntaxe abominable:
-Ahnia aime poisson ! Ahnia pense goûte bon, oui ! Ahnia va manger  poisson et cuisson avec plein épices sentent fort !
-Ouf putain...
-Ah ben oui pardi ! Conclut la petite Khajiit. C’est ainsi qu’on vous apprend à parler dans les coins reculés d’Elsweyr, et à réfléchir aussi d’ailleurs. Les Khajiits de Dune ont eu la chance de vivre tous proches de l’Empire, mais ils sont privilégiés pour sûr. Moi, j’ai grandi dans la jungle humide et sale de Torval, donc j’ai dû me débrouiller et étudier le vrai langage par moi-même.

Elle s’interrompit brièvement dans sa marche au carrefour suivant, se gratta de nouveau l’oreille d’un air pensif, puis commenta une nouvelle fois:
-Ah oui ! C’est par là !

https://image.noelshack.com/fichiers/2021/22/6/1622904451-acorigins-2021-05-19-21-48-13-49.jpg

Nous fîmes quelques pas de plus, avant qu’elle ne reprenne son histoire:
-... et donc voilà, je voulais changer de vie, laisser ce Thalmor malhonnête derrière moi, et rejoindre l’Empire. Mais c’est l’Empire qui m’a trouvé avant, si je puis dire.
-Le renseignement est venu te recruter à la fin de ton cursus universitaire, c'est ça ? Questionnai-je.
-Et bien… Oui. Admit Ahnia. Ils ont dit que mon profil les intéressait, et ils m’ont proposé de signer une promesse d’embauche. Ils m'engageaient dès que j’obtenais mon diplôme. Euh… J’ai un petit peu hésité au début, et puis je me suis dit “Zut ! C’est ma chance pardi !”. Et donc j’ai été engagée, et j’ai commencé à travailler pour les services de renseignement de l’Empire. C’était un peu soudain, mais je ne regrette pas. Ils m’ont accordé la nationalité impériale, le statut citoyen…
-Le renseignement fait toujours ça. Expliquai-je. C’est leur spécialité, aller chercher eux-même les jeunes étudiants en fin de cursus. Ça leur permet de trouver des profils vides de toute expérience professionnelle, qu’ils peuvent construire et former de A à Z. Un jeune sans expérience sera bien plus malléable et réceptif aux méthodes de travail très particulière du renseignement qu’une personne déjà initiée au monde du travail et à ses règles.
-Mais tu étais à la Légion Impériale avant d’aller au renseignement toi, non ? S’enquit la petite Ohme. J’ai lu ton dossier, ce n’est pas le chemin habituel...
-C’est plus compliqué que ça. En fait, faut vraiment diviser le renseignement en deux catégories bien distinctes pour comprendre comment il fonctionne. D’un côté, il y a ceux qui pensent, et de l’autre, ceux qui se mouillent. Les premiers sont presque toujours des profils universitaires qui vont être amenés à penser et à gérer la sécurité de l’Empire par tous les moyens possibles, quitte à ce que ça dépasse la morale et l’éthique. Ceux-là seront les têtes pensantes, ils seront au courant de tout, mais n’exécuteront pas la sale besogne eux-même. Du moins pas directement. Les seconds par contre… Ben disons que ce sont ceux qui vont faire le travail sur le terrain, avec des informations limitées, voire fragmentaires. Là, le renseignement a besoin de profils très différents, parce que les besoins sont très différents également. Et ça va recruter de tout: des citoyens lambda, des délinquants, des criminels, pas mal d’anciens soldats de la Légion également… A la base, j’étais censée appartenir à cette catégorie là, mais étant donné le fait que j’avais un cursus d’officier à la Légion, et que j’ai absolument voulu passer le test d’aptitude, et bien je me suis quand même retrouvée avec un pied dans la première catégorie…

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
05 juin 2021 à 17:23:13

C’était le but d’ailleurs, car je n’avais certainement pas quitté la Légion pour accomplir le travail des larbins du renseignement. Passer ma vie à attendre des ordres d’assassinat, et les exécuter sans poser de question comme l’avait fait Linus durant des années, non merci. Fallait vraiment être au fond du trou pour accepter un échappatoire pareil, alors que ce n’était clairement pas mon cas à l’époque. Non moi, j’avais naïvement espéré un cadre de travail plus enrichissant que les parties de cartes et les beuveries à la caserne du onzième de cavalerie, et j’avais pensé que le renseignement m’offrirait cela. Résultat, on m’avait collé le démantèlement de la Confrérie Dunmer...
Nous marchâmes en silence durant plusieurs secondes, à arpenter des faubourgs aux allures de bidonville dans le but de nous rendre… je ne savais même pas où, dans le but d’y faire je ne savais même pas quoi.
-Et donc ? C’est quoi ton travail au renseignement, du coup ? Questionnai-je après quelques secondes d’un mutisme pensif.
-Ah justement, c’est le but de notre rencontre ! Couina Ahnia. Vite, par ici !
-Han, c’est qu’elle veut me faire languir dis donc… Ironisai-je.

La petite Ohme pressa le pas à travers les ruelles ensablées et encaissées des faubourgs. Au loin, un vent persistant, plus lourd que d’habitude, commença à se lever. Je ne savais pas bien dire si c’était la fatigue, ou des résidus de paranoïa de ma nuit de couverture, mais j’eus un drôle de pressentiment tout à coup. La partie des faubourgs dans laquelle nous nous trouvions semblait anormalement calme, bien plus que le reste de la région à vrai dire. Je ne voyais pratiquement plus aucun badaud traîner dans les rues, et les quelques rares silhouettes aperçues au loin semblaient systématiquement se précipiter, visiblement pressées de quitter les allées sablonneuses. A plusieurs reprises, je jetai des regards attentifs autour de moi, en quête de cet élément qui continuait de m’échapper. A vrai dire, je reconnaissais bien cette aura étrange qui rôdait dans les environs. Je l’avais déjà aperçue en Cyrodiil... Ahnia n’avait pas l’air de s’en rendre compte, mais pour moi, c’était une évidence désormais: quelque chose d’anormal se tramait ici…

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-Ahnia… C’est quoi ton travail ? Repris-je prudemment. J’ai besoin de savoir.
-Bon, d’accord ! Répondit la petite Ohme d’un air enjoué, comme si elle s’apprêtait à me faire l’immense privilège d’une incroyable révélation. J’enquête sur des sectes terroristes à la frontière de Cyrodiil.
-Des sectes terroristes ? Répétais-je, incrédule.
-Oui oui, et je crois avoir trouvé quelque chose ! Mais on m’interdit d’aller enquêter toute seule, parce que soit disant je suis trop petite. Et donc ils ont proposé que tu viennes avec moi, et du coup...
-Si tu parles des Do’Traaji, ce n’est pas vraiment inédit... Fis-je remarquer. Tu auras peut-être remarqué l’arrivée massive de la cavalerie impériale dans le coin.
-Non non ! Pas les Do’Traaji ! Se défendit aussitôt la petite Khajiit. La Confrérie Noire !

J’eus l’impression que mon esprit venait de rater une marche.
-La Confrérie… Noire ?
-Voilà ! On y est ! Conclut brusquement Ahnia en me présentant une petite maison d’allure tout à fait lambda. Vois-tu, j’ai des raisons de penser que la Confrérie Noire profite du chaos engendré par ces mauvaises graines de Do’Traaji pour assassiner des gens, et donc justement, un des habitants prétend avoir vu des activités suspectes ces dernières semaines ! On se rend justement chez lui pour… !

La porte de la maison émit un long grincement sinistre. J'empoignai aussitôt la petite Ohme, la cachai derrière moi, et dégainai mon arbalète.
-Mais… ! Bigre ! Qu’est-ce que… ?! Couina la petite Khajiit d’un air surpris.

Je lui intimai immédiatement le silence d’un geste de la main, et reportai mon attention sur l’entrée de la maison. Évidemment, mon intuition avait vu juste, et j’en avais désormais la preuve.
-Teleri, qu’est-ce qu’il y a pardi ?! Chuchota Ahnia derrière moi.
-La porte… Indiquai-je. Elle est ouverte, et le verrou est brisé. Quelqu’un est venu.

Je sentis la petite Ohme se raidir dans mon dos. Entre-temps, un étrange silence semblait avoir enveloppé les faubourgs tout entiers. Plus de bruit, plus d'activités, plus de gens dans les rues… Rien que cette porte qui nous faisait face, et derrière elle, une obscurité anormalement opaque.
-Le gars qu’on devrait rencontrer… Commençai-je sans lâcher l'entrebâillement des yeux. Il était comment ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ?
-Je… Je ne l’ai pas rencontré directement… Balbutia Ahnia, qui semblait peu à peu assaillie par l’inquiétude. Il a laissé un message par pupitre, et il n’a pas dit grand chose de…

Elle s’interrompit dans sa phrase, l’air de chercher ses mots.
-... Il n’a pas dit grand chose de plus que ce que je t’ai dis. Reprit-elle. Mais par contre, son écriture était pleine de ratures, il avait l’air très nerveux pour sûr…

Je humai l’air durant plusieurs secondes, soudain alertée par une étrange odeur.
-Merde, tu sens ça ? Relevai-je.
-Cette odeur d’ozone ? Questionna la petite Ohme. Et bien oui pardi, depuis plusieurs minutes déjà.
-Depuis plusieurs minutes ?! M’étranglais-je. Tu te fous de ma gueule ?! Pourquoi tu n’as rien dit ?!
-Mais… Mais… Bégaya la Khajiit.

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
05 juin 2021 à 17:23:45

Évidemment, elle ne savait pas… Elle ne pouvait pas savoir… Elle ne m’aurait jamais entraîné ici sinon...
Celà étant dit, à force de humer l’air ambiant, je réalisai peu à peu que cette odeur ne semblait pas venir de la maison uniquement - comme j’aurais hélas pu m’y attendre - mais des faubourgs tout entier. Comme si… Comme si elle arrivait tout droit du désert, portée par ce vent étrange qui se faisait de plus en plus insistant. Et j’eus alors une terrible intuition, au moment même où un violent tressaillement d’inquiétude me parcourait l’échine: Les Fils d’Evos… Ils étaient ici… Loin de l’Empire, dans l’indifférence générale, profitant du chaos social ambiant, ils étaient venus, et avaient commencé leur funeste dessein à une échelle beaucoup plus grande que tout ce que j’avais vu et imaginé jusqu’alors. C’était terriblement évident désormais, alors que cette odeur d’ozone semblait s’élever et envahir les faubourgs tout entiers. Ici, loin des frontières de l’Empire, ils étaient passés à la vitesse supérieure. Ils ne s’étaient pas contentés de graver quelques runes daedriques, ou de s’essayer à l’ouverture de quelques portes d’Oblivion. Loin de l’Empire, dans le désert d’Elsweyr, ils avaient vu plus grand, beaucoup plus grand…
Mais qu’est-ce qu’ils avaient fait ? Jusqu’où étaient-ils allés par les dieux ? Plus j’y réfléchissais, plus je sentais monter cette épouvantable odeur d’ozone, et plus j’avais l’impression d’être passée à côté de quelque chose d’important, de quelque chose de grave. J’avais le sentiment, que dis-je, la certitude que des choses atroces avaient été commises ici, et que nous arrivions trop tard. Beaucoup trop tard...
-Teleri ? Insista Ahnia, qui ne parvenait plus à masquer sa frayeur désormais.

Une bourrasque, plus violente que les autres encore, chargée de sable et de cette épouvantable odeur d’ozone, traversa les faubourgs de part en part. Une tempête approchait à grands pas.
-Qu’est-ce qu’on fait ? Questionna la petite Ohme d’une voix inquiète. Je n’aime pas ça. Cette tempête a quelque chose de bizarre, elle n’est pas comme toutes les autres.

Je continuai d’observer la porte entrouverte durant plusieurs secondes. J’avais beau plisser les yeux à m’en faire mal, je ne voyais hélas rien d’autre que l’obscurité. Je ne savais pas exactement qui l’on était censé rencontrer, ni ce qu’il aurait eu à nous dire en d’autres circonstances. Peut-être quelques bribes d’informations sur ce qu’il s’était passé ici, loin de l’Empire et de ses frontières rassurantes. Hélas, quelqu’un était venu avant nous, et j’avais comme l’intuition que ce quelqu’un avait fait le ménage derrière lui. Exactement comme en Cyrodiil, ou en Morrowind…
Pour autant, nous étions venues nous aussi, et maintenant que nous étions là, devant cette porte entrouverte à la serrure cassée, je devais en avoir le coeur net. Je ne pouvais plus reculer…
-Reste près de moi. Ordonnai-je à Ahnia.

Je pénétrai finalement dans la maison, d’un geste vif et fluide, l’oeil rivé dans la mire de mon arbalète. Pour être tout à fait honnête, je ne m’attendais pas réellement à rencontrer quelqu’un ici au vu des circonstances. Probablement arrivions-nous trop tard... Malgré tout, l’expérience m’avait appris à ne pas me fier aux apparences. Une réalité pouvait tout à fait en cacher une autre, et en l'occurrence, une maison vide et silencieuse ne signifiait pas forcément qu’il n’y avait plus personne à l’intérieur...
Je débarquai dans ce qui ressemblait à une petite cuisine lambda, bien que la pénombre ambiante m’empêchait d’en cerner correctement les contours. Les fenêtres avaient été obturées par d’épais rideaux, même si je savais déjà que ce n’était pas la seule raison de cette obscurité presque palpable. Je jetai un coup d’oeil prudent dans les différents recoins de la pièce, sans toutefois trop m’y avancer, ne sachant pas sur quoi j’étais susceptible de tomber, ou même plus simplement, de trébucher. A première vue, il y avait pas mal de bordel là dedans, mais ce n’était clairement pas ça qui m’inquiétait. Contrairement à ce que j’aurais cru, l’odeur d’ozone s’était brusquement atténuée une fois que nous fûmes rentrés dans la maison. Elle venait donc bel et bien de l’extérieur, même si ce constat n’avait rien de très rassurant eu égard des circonstances. Par contre, une autre odeur, nettement plus agressive, vint rapidement m’assaillir les narines. Une odeur de souffre, et de brûlé…
J’entendis Ahnia renifler derrière moi.
-Mais… Il y a eu le feu ici ? Couina la petite Ohme. C’est pour ça toutes ces volutes de fumée noire ?
-Ce ne sont pas des volutes de fumée… Répondis-je sur le ton le plus détaché possible.

Je jetai un oeil prudent aux ombres qui nous entouraient, et remarquai assez vite qu’elles se mouvaient lentement, comme mues par leur propre volonté. C’était peut-être le fruit de mon imagination, mais j’avais également l’impression que des voix murmuraient dans le noir, répétaient leurs étranges incantations dans une langue inconnue. Et puis, il y avait cette épouvantable impression de présence, que je reconnaissais bien elle aussi...
-Oh… Bigre… Souffla la petite Khajiit d’un air effaré.
-De la magie daedrique… Conclus-je. On a pratiqué de la magie daedrique ici.
-DAEDRIQUE ?! Glapit ma compagne. MAIS… !
-Chut !
-... mais il faut faire quelque chose ! Insista-t-elle en baissant aussitôt la voix. Prévenir les magiciens de l’Empire !

Je ne répondis pas, et continuai d’observer pensivement la pièce plongée dans le noir. Derrière nous, à l’extérieur, les bourrasques se faisaient de plus en plus pressantes, bien que leur son était désormais étouffé par les murs de la maison.
Je ne comprenais pas… Dans la cave de Bruma, ça m’avait semblé évident, mais ici, quelque chose m’échappait. Je savais qu’une magie daedrique avait été pratiquée, je reconnaissais ses caractéristiques. Après tout, ce type de magie était extrêmement néfaste, il déchirait littéralement la réalité de Nirn pour forcer un passage vers une autre dimension. C’était un processus contre-nature, d’une incroyable violence, aussi ses conséquences étaient immédiatement visibles. Les ombres devenaient anormalement opaques, et bougeaient au mépris des règles de la physique la plus élémentaire. Des voix étranges, venues d’ailleurs, racontaient une histoire insondable, et même cette impression de présence inexplicable, qui vous glaçait le sang et vous vrillait l’échine, témoignait des relents ignobles que cette magie laissait derrière elle. En principe, je n’aurais pas dû être alertée outre mesure par ce que je voyais et sentais en ce moment même. Ce n’était pas la première fois que je passais derrière les Fils d’Evos. Je pouvais même dire que je commençais presque à m’y habituer…
Mais tout de même, quelque chose n’allait pas, quelque chose m’interpellait...
L’odeur… Elle n’était pas la même que d’habitude… Ça ne m’avait pas frappé à l’extérieur, justement parce que les relents d’ozone étaient bien plus intenses, mais ici, à l’intérieur de la maison, c’était différent. J’avais déjà senti cette odeur de souffre et de brûlé, mais jusqu’à présent, elle avait presque systématiquement été camouflée par celle de l’ozone. Ici c’était l’inverse : elle prenait le pas sur tout le reste.
Ahnia n’avait pas tort avec sa réflexion, on aurait presque pu croire à un incendie. Sauf qu’aucun feu n’avait été bouté ici, il ne s’agissait donc pas de ça...
-Brrrr, ça pue. Couina la petite Ohme, comme en réponse à mes pensées. Je vais ouvrir les tentures et les fenêtres pour que l’air puisse un peu rentrer.

BlackDeViL24 BlackDeViL24
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Niveau 31
05 juin 2021 à 17:24:13

J’étais sur le point de la laisser faire lorsque mon bras en décida soudain autrement. Ma main bougea d'elle-même, par réflexe, sans même que je ne lui en ai donné l’ordre, et attrapa la petite Khajiit par le col de sa tunique pour mieux la retenir dans son entreprise.
Probablement était-ce parce que mes yeux s’étaient habitués à la pénombre, toujours est-il que je perçus bien vite les contours d’une autre pièce derrière l’ouverture située dans le fond de la cuisine à laquelle nous faisions face. Je ne savais pas exactement ce qu’il y avait là derrière - probablement un salon - mais par contre, je pouvais très nettement décrire ce que j’apercevais désormais dans l’embrasure de cette porte: Un bras étalé au sol, probablement celui d’un homme, et dont le reste du corps se situait hors de mon champ de vision, masqué par le pan de mur de la cuisine. Pire encore, il y avait une source de lumière dans cette pièce, faible, diffuse, mais bien réelle. Et elle semblait fluctuer, danser doucement, tel un feu obscure obéissant à ses propres règles. Une bougie ? Non... Non c'était autre chose...
Ce fut précisément là que je l’aperçus, rendue visible par cette lumière étrange et vacillante:
Une ombre… Une putain d’ombre immobile qui semblait surplomber le corps de notre contact...
Je sentis la panique me gagner brusquement. Il y avait quelqu’un d’autre dans cette maison, et il était là, dans cette pièce, immobile et silencieux, surplombant le cadavre de l’Impérial que nous étions censés rencontrer. Je ne le voyais pas d’ici, mais son ombre, elle, était bien réelle. Il était juste là, à quelques mètres de nous, et il attendait dans le noir...
-Te… Teleri ? Risqua Ahnia, qui n’avait pas encore compris la raison de mon empoignade.

La petite Ohme me fixa avec des yeux inquiets, puis, voyant mon mutisme, décida de suivre mon regard. Elle se plaqua alors la main devant la bouche, et je sentis clairement son petit corps défaillir sous ma main.
Les secondes parurent se transformer en heures. Je devais être honnête avec moi-même: j’étais tétanisée. Mes yeux étaient rivés sur cette ombre mystérieuse, et refusaient désormais de s’en détacher, de peur qu’un bref coup d’oeil dans une autre direction ne jette subitement sur nous l’individu qui rodait dans la pièce d’à côté. A qui avions-nous affaire ? L’un des Fils d’Evos ? Mais qu’attendait-il au juste ? Si nous ne l’avions ni vu ni entendu depuis notre arrivée dans cette pièce - et cela faisait déjà plusieurs minutes - cela voulait donc dire qu’il s’était tenu là durant tout ce temps, dans l’obscurité, à nous écouter.
Un relent d’épouvante m'assaillit de plus belle. Rien que l’idée de savoir que quelqu’un s’était trouvé juste là, dans la pièce d’à côté durant tout ce temps, et que nous ne nous en étions même pas aperçue, me glaçait le sang.
Je pris plusieurs profondes inspirations, tentai de chasser la peur de mon esprit, et de recouvrer mes moyens petit à petit. J’entrepris même d’analyser cette ombre d’un oeil plus attentif. Après tout, je ne savais pas exactement ce qu’il attendait à rester ainsi immobile dans le noir, mais si il n’avait pas daigné bouger jusqu’à présent, il ne le ferait probablement pas plus durant les prochaines minutes. Le problème, était que cette ombre n’était probablement pas humaine. Plus je la regardais, et plus j’avais cette épouvantable certitude. Sa forme globale était humanoïde, mais sa stature était trop trapue, ses bras étaient trop longs, et sa tête était trop allongée pour correspondre aux caractéristiques d’un être humain. Et ça ne pouvait pas non plus être un animal, car aucun animal à ma connaissance n’aurait été capable de rester aussi longtemps immobile et silencieux lorsqu’il était confronté à une autre présence. Non, à l'évidence, ce n'était ni humain, ni animal...
Qui qu'il soit, et d’où qu'il vienne, il savait forcément que nous étions là. Il nous avait entendu, il nous avait senti… Pourquoi ne bougeait-il pas ? Pourquoi ne proférait-il aucun son ? Qu’attendait-il au juste, et que cherchait-il ?
Je serrai furtivement la mâchoire, et raffermis progressivement ma prise sur mon arbalète. Qui que ce soit, je ne comptais pas le laisser nous clouer sur place plus longtemps. Sa présence m’avait pris de cours, certes, mais maintenant que j’avais repris le contrôle de mes émotions, j’étais en mesure de faire face, de me défendre, d'appréhender la situation quelle qu’elle soit, et quel que soit la nature de l’individu auquel j’avais désormais affaire.
J’intimai le silence à Ahnia en appliquant mon index sur mes lèvres, et lui ordonnai de reculer de quelques pas, en direction de la porte d’entrée. Je fit ensuite un pas silencieux en avant, en direction de la table de la cuisine, et y attrapai délicatement l’une des tasses qui y traînait. Balancer un objet par la porte, tester sa réaction… Ce n’était peut-être pas très subtile, mais compte tenu de la situation, ce n’était pas forcément une mauvaise stratégie non plus. J’avais dans mes mains une arbalète à répétition capable de dégommer toute une section de soldats en armures lourdes, et par ailleurs, en cas de problème, nous étions toujours en mesure de fuir par la porte d’entrée. Me concernant, je ne pouvais pas rester sans rien faire. J’en avais plein le cul de cette situation, plein le cul de cette enquête aux profondeurs insondables, et plein le cul de ces mystères à n’en plus finir. Je devais savoir, je devais comprendre à quoi j’étais confrontée.
J’épaulai mon arbalète de la main droite, et levai lentement le bras gauche, prête à balancer ma tasse à travers la porte du salon plongé dans les ténèbres.
La chose effectua soudain un mouvement, pas forcément brusque, pas forcément hostile, mais suffisant pour que je le remarque. Je m’interrompis aussitôt dans mon geste, le coeur battant la chamade. Je l’entendis lors renifler, humer l’air avec une curiosité morbide. A un moment, j’eus l’impression qu’elle sentait le cadavre de l’Impérial qui traînait à ses pieds, tel un prédateur appréciant sa proie fraîchement abattue. Hélas, la position de son ombre indiquait clairement qu’elle avait la tête tournée dans ma direction, et que c’était bel et bien vers moi qu’elle reniflait.
Je sentis un nouveau regain de panique me tiraillait les intestins, mais repris aussitôt mon souffle, et brandis de nouveau ma tasse. La chose émit cette fois-ci un grognement lugubre, et je compris alors: Elle sentait mes émotions, et elle y réagissait… Elle n’avait pas fait preuve de la moindre hostilité jusqu’à présent, pour la simple et bonne raison que je ne l’avais même pas remarqué. Mais maintenant que j’avais reconnu sa présence, et pire, que je m'apprêtais à y faire face, son comportement avait changé.
Je sentis soudain une étrange chaleur au niveau de ma cuisse. J’hésitai à quitter la silhouette des yeux, mais la sensation devint peu à peu une gêne, et la gêne, une douleur. Je ne pus réprimer un grognement, et me mis finalement à fouiller dans la poche de mon pantalon militaire, en quête de cette source de chaleur devenue insupportable. Je crus tout d’abord à un parchemin explosif qui aurait commencé à s'auto-consumer, mais me rappelai ensuite que je ne les rangeais pas dans mes poches pour des raisons évidentes de sécurité. Lorsque, après plusieurs secondes à fouiller ma poche de cuisse, je tombai finalement sur la source du problème, je ne pus réprimer un hoquet de surprise. L’anneau de Méphala... C’était lui le responsable… Sans raison apparente, il était devenu brûlant, à tel point que j'avais du mal à le tenir même avec mes épais gants de combat. Plus étonnant encore, son apparence avait changé. En lieu et place d’un simple morceau de ferraille noirci, j’avais désormais entre les doigts un bijou gravé d’étranges runes daedriques. Et elles brillaient d’une lueur inquiétante…
Un nouveau reniflement s’éleva furtivement devant moi. Je reportai aussitôt mon attention sur l’entrebâillement ténébreux, et constatai avec épouvante que la créature avait changé de posture. Elle se tenait désormais voûtée, tel un prédateur s’apprêtant à bondir sur sa proie.
Je raffermis ma prise sur mon arbalète. De son côté, l’anneau se mit à pulser étrangement, de manière régulière, à l’image d’un coeur de métal devenu soudain vivant. La créature poussa un grondement inquiétant. Dans mon dos, je perçus clairement Ahnia haleter de panique.
La scène dura de très longues secondes, durant lesquelles je compris que la créature et l’anneau se parlaient, se communiquaient des choses que je ne pouvais pas comprendre. Que se disaient-ils ? Se reconnaissaient-ils ? Étaient-ils en train de s’encourager, ou au contraire, de se menacer mutuellement ? Mais si l’anneau de Méphala, qui était tout de même un artefact daedrique, réagissait à cette présence, et que cette même présence y réagissait, cela voulait-il donc dire que… ?
Sans crier gare, l’anneau lâcha brusquement une pulsation bien plus violente que toutes les autres. Une mini détonation retentit. Dans le salon, un sifflement hostile s’éleva, suivi d’une plainte qui me glaça le sang et me vrilla littéralement les tympans. Ahnia poussa un cri de terreur, et de mon côté, je sentis carrément ma conscience défaillir. Dans le salon, hors de notre champ de vision, quelque chose pleurait… Je croyais bien n’avoir jamais entendu un son aussi horrible de toute ma vie. C’était lugubre, lancinant, plaintif, traînant. Ça mélangeait à la fois les aigus et les graves…
Quelle abominable créature pouvait bien produire un son pareil ? Quelque chose qui n’était ni humain, ni animal en tous les cas. Quelque chose qui ne venait certainement pas de notre monde...

L’anneau continua de pulser durant plusieurs secondes, plus calmement. Dans le salon obscure, des bruits de pas traînants se firent entendre.
-Te...Teleri ?! Glapit Ahnia, terrifiée.

BlackDeViL24 BlackDeViL24
MP
Niveau 31
05 juin 2021 à 17:24:31

Je levai mon arbalète, prête à recevoir quiconque nous ferait face d’un instant à l’autre.
Il y eut un bruit étrange, semblable à une déflagration fortement étouffée. Je continuai de fixer l'entrebâillement à m’en faire mal aux yeux, mais n’aperçus absolument rien durant les secondes qui suivirent. En fait, j’eus bientôt beaucoup plus de mal à y discerner quoi que ce soit, et pour cause: la lueur vacillante qui semblait rôder dans la pièce depuis notre arrivée s’était dissipée, et avec elle, l’odeur de souffre et de brûlé. Ne restait plus que le silence...
-Ahnia, dehors, vite ! Ordonnai-je soudain.

Je fis volte face, et pris aussitôt la direction de la sortie en poussant la petite Ohme devant moi. Nous nous retrouvâmes rapidement dehors, dans des faubourgs redevenus étrangement silencieux entre temps. Plus de vent, plus d’odeur d’ozone, rien que des rues vides de toute présence.
Pour autant, nous n’étions pas tirées d'affaires, je le sentais. Ce silence était profondément anormal, il n'augurait rien de bon, et par ailleurs, nous avions désormais un tout nouveau problème à gérer.
-Teleri, il s’est passé quoi là dedans ? Couina Ahnia, ses poils complètement ébouriffés par la peur.

Je ne répondis pas, et jetai un nouveau regard à l’intérieur de la maison plongée dans les ténèbres. Je crois que je comprenais un peu mieux désormais, d’où était venue cette étrange lueur, et pourquoi l’odeur d’ozone s’y était faite moins agressive, remplacée par celle du soufre et du feu. Je n’étais pas une experte, mais les faits avaient clairement donné raison à mes hypothèses. En vérité, en matière de magie daedrique, l’odeur d’ozone était une conséquence, un reliquat d’un processus terminé, ou avorté. C’était ce que l’on sentait généralement après qu’une telle magie ait été utilisée. Les odeurs de soufre et de feu, par contre… Elles ne survenaient pas après, mais pendant...
J’en étais persuadée désormais, et c’était justement pour cette raison précise que je ne prendrais jamais le risquer d’aller inspecter le salon de mes propres yeux: Une porte d’Oblivion avait été ouverte dans cette maison, et elle était encore clairement active lorsque nous y avions pénétré…

Le voile était déchiré, plusieurs tunnels vers l’Oblivion avaient été créés, et des créatures cauchemardesques étaient d’ors et déjà parvenues à emprunter le passage. Les Fils d’Evos n’étaient pas seulement une secte d'illuminés, ou de reconvertis. C’étaient des meurtriers, des assassins, des émissaires du chaos, et là, clairement, leur dessein avait pris un tout autre virage. On ne parlait plus de quelques meurtres, ou de quelques disparitions isolées et sans conséquences. On parlait d’une menace bien réelle désormais, bien tangible, bien plus importante que ne l’avaient jamais été le Domaine Aldmeri, ou la nouvelle Union Dunmeri de Morrowind. On parlait aujourd'hui d’une menace qui avait un jour abouti à la crise d’Oblivion, au saccage de tout Tamriel, et à la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes.
Le déploiement en Elsweyr venait de changer du tout au tout, c'était un fait. Peut-être pas officiellement, certes, mais eu égard de ce que je venais de voir, les Do’Traaji n’étaient clairement plus notre priorité à partir de maintenant.
Derrière eux, dans leur ombre, se cachait un ennemi bien plus important que tous ceux auxquels l’Empire avait été confronté depuis des siècles…

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