Dans son essai Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Jean-Jacques Rousseau mène une démarche qui est, plus que de promouvoir une république, de fustiger les inégalités politiques ou sociales en démontrant que leur cause n'est pas celle de la nature : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire « Ceci est à moi », et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. »Rousseau, dans la lignée de Du contrat social que célébreront les futurs révolutionnaires, célèbre un état tel que ses dirigeants ne soient pas au dessus des lois : il met donc en garde contre la corruption et l'altération des libertés, comme étant fondamentalement le penchant de tout système politique : « Il serait aisé de prouver que tout gouvernement qui, sans se corrompre ni s'altérer, marcherait toujours exactement selon la fin de son institution, aurait été institué sans nécessité, et qu'un pays où personne n'éluderait les lois et n'abuserait de la magistrature, n'aurait besoin ni de magistrats ni de lois. » Nous pouvons en déduire, que selon Rousseau, la nature idyllique de la justice ne peut pas exister sans l'ecriture de textes de lois et sans la tentation humaine de les transgresser. Des citations de Baruch Spinoza nous indiquent clairement sa pensée sur l'exigence de la justice sur les rapports économiques. Il met en avant l'Etat qui agit selon sa seule volonté et gouverne par l'intermédiaire d'une manipulation de la masse : "Pour gouverner la multitude, il n'est rien de plus efficace que la superstition". Spinoza affirme qu'il y a des sociétés qui prône un idéal d'égalité, mais que dans les faits il y a une hierarchie ce qui entraine des conflits entre les individus : "Rien n'est plus insupportable aux hommes que d'être soumis à leurs égaux et dirigés par eux". Il dénonce la perversité des Hommes qui transforment les idéaux à leur gré pour que cela aillent à leur avantage : "Comment soumettre la raison, ce plus grand des dons, cette lumière divine, à des lettres mortes que la malice humaine a pu falsifier ?". Selon lui, les Hommes vivent pour accomplir leurs desseins par l'intermédiaire d'une détention du pouvoir et d'une impulsion et attirance psychiques, il n'a aucun état de nature humain sur ces propos : "Le droit naturel de chaque homme n'est pas déterminé par la saine raison, mais par le désir et la puissance”. Spinoza renforce sa pensée sur le fait que l'Homme cherche à rassembler tout les pouvoirs pour dominer les individus d'où l'absence d'une justice égalitaire : "Celui qui règne sur l'âme de ses sujets détient l'empire le plus grand.” Même si il affirme qu'un despotisme n'est pas durable : "Personne n'a conservé longtemps un pouvoir violent.” Spinoza met en garde le système judiciaire sur sa volonté de tout réglementer afin d'abattre l'anarchie car il affirme que cela provoquera l'effet inverse, d'où le fait que la justice peut “s'auto-détruire” : "Qui veut tout déterminer par des lois irritera les vices plutôt qu'il ne les corrigera.” Enfin, Spinoza sépare le Bon du Mauvais, c'est-à-dire que chaque acte est soit Bon ou Mauvais mais pas les deux ni aucun des deux : "Ce qu'on ne peut interdire, il faut nécessairement le permettre." Nous avons donc une thèse qui affirme que la justice peut, d'une manière plus ou moins involontaire, nuire à des individus en pensant agir pour leur bien. Nous avons vu que Montesquieu croyait en l'existence d'une justice idyllique-égalitaire. Pourtant, il fut l'objet de critiques. Le philosophe marxiste Louis Althusser le décrit comme un «libertin» partagé entre l'idéalisation de la problématique des contre-pouvoirs féodaux et le désir de grandeur parlementaire. Les travaux de Louis Desgraves et Pierre Gascar ont montré, que contrairement à Voltaire, il était un homme bien intégré à la société de son temps, et nullement en révolte contre son monde : aristocrate et bon catholique, héritier et bon gestionnaire de ses biens, académicien soucieux de sa réputation, habitué des «salons». Sa pensée échappe au caractère radical et dogmatique de la philosophie des Lumières. Ses incohérences et ses ambiguïtés sont les marques d'une œuvre dénuée d'esprit de système, qui tente de combiner la raison et le progrès avec les traditions et autres « irrationalités » que charrie l'histoire. Nous pouvons en déduire que son idée de la justice n'est pas en phase avec celle des philosophes des Lumières. Nous avons parlé de la considération du modèle français sur les plus démunis de nos jours. Pourtant, aux Etats-Unis (pays où 80 % de la population se dit croyante), les plus démunis sont considérés comme des personnes qui ont connu l'échec, ils sont responsables de leur situation sociale. Après toutes nos analyses, nous pouvons en déduire qu'il y a bien une justice égalitaire dans un concept idéologique mais que la réalité est différente. Il est essentiel d'étudier le fait que ce concept de justice de fait et d'idéal est un problème qui perdure et qui suscite des nombreux débats. Pour cela nous allons voir les défaillances des concepts et des théories des auteurs qui mettent en avant cette justice inégalitaire.