Si l'on ne devait retenir qu'un unique épisode de cette formidable trilogie qu'est Mother, ce serait sans conteste le deuxième volet, fruit de la collaboration entre Nintendo, Ape Inc. et HAL Laboratory. La première raison à cela tient au fait que c'est via ce jeu que le public occidental a découvert la série, comprenez par là les Etats-Unis, dès juin 1995, soit près d'un an après la sortie initiale au Japon. Toujours est-il que la traduction anglaise a permis à un nombre important de joueurs de découvrir Mother 2, renommé pour l'occasion EarthBound. On lui accole parfois le sous-titre « Giygas strikes back ! » que l'on peut traduire par « Giygas contre-attaque ».

L'histoire prend place dans un monde fictif appelé Eagleland, en l'an 199X. Tout commence dans la ville d'Onett. Profondément endormi, un jeune garçon répondant au nom de Ness est brutalement réveillé par la chute d'une météorite non loin de chez lui. Il se rend donc en pleine nuit sur les lieux de l'incident mais se trouve bloqué par un barrage de police. Un peu plus tard, Pockey rend visite à son ami Ness pour l'inviter à chercher son petit frère, Picky, qui a malencontreusement disparu. Les flics étant partis, les deux compères parviennent à s'enfoncer dans la forêt et à retrouver l'enfant. Ils tombent également sur la fameuse météorite de laquelle émerge soudainement une abeille répondant au doux nom de Buzz Buzz. Cette dernière avertit le trio de garçons qu'elle vient du futur. Elle a en effet réalisé un bond de dix ans en arrière pour expliquer aux garçons qu'à l'époque où elle vit, le monde a été réduit à néant par le vilain Giygas. Avant d'ajouter qu'il existe malgré tout une légende qui dit qu'un garçon parviendra à sauver la planète de son funeste destin. Buzz Buzz pense que l'élu n'est autre que Ness. Avant de mourir à cause d'une violente mandale assénée par la mère de Pockey, l'abeille a tout de même le temps de leur confier une pierre permettant de recueillir huit mélodies dans huit lieux différents. Voilà Ness et ses amis lancés dans une aventure des plus passionnantes.

Pour ce qui est du gameplay, EarthBound s'avère être un RPG relativement original pour l'époque. Comme avec le premier épisode, pas besoin ici de passer par une carte générale pour naviguer dans le monde. Tous les endroits - les villes, les donjons et le monde extérieur - sont reliés.Mais contrairement à ce qu'il se passait dans Mother, les ennemis apparaissent ici devant vous. Ils peuvent fuir ou au contraire attaquer en fonction de leur niveau. Il en va de même pour vous. Vous pouvez dorénavant éviter un combat, vous confronter à l'ennemi si cela vous chante ou même essayer de commencer la baston avec un avantage en surprenant votre proie par derrière. Proposant des arrière-plans souvent totalement psychédéliques, les affrontements se déroulent toujours au tour par tour. Des attaques psychiques ou physiques peuvent être utilisées. La nouveauté vient du compteur qui voit les points de vie des personnages s’égrener progressivement lorsqu'ils sont touchés. Entre le moment où ces derniers encaissent le choc et celui où ils « meurent », on peut ainsi soigner les blessés ou remporter la bataille. Voilà qui ajoute de la profondeur aux combats. Le système de sauvegarde se fait via les communications téléphoniques avec le père de Ness.

Même s'il se montre tout à fait satisfaisant, ce n'est pas vraiment le système de jeu qui a fait le succès d'EarthBound. Les raisons pour lesquelles ce titre a réalisé un carton au Japon et séduit des milliers de joueurs dans le monde sont multiples. On peut tout d'abord saluer le travail incroyable réalisé au niveau du scénario. Ce dernier se révèle à la fois léger et profond, lumineux et sombre. Plus que jamais, le jeu bénéficie à ce niveau de l'immense talent de Shigesato Itoi. EarthBound a été écrit avec un soin quasi maniaque. On se délecte de tous les échanges avec les personnages. Quiconque a un jour mis la main sur EarthBound se souvient aussi forcément des lieux visités. Tous proposent une atmosphère différente et envoûtante. D'une qualité rare, la bande-son de Keichii Suzuki participe également beaucoup à l'ambiance du jeu. Comme son prédécesseur, et contrairement à beaucoup de RPG de l'époque, cette production japonaise a également su proposer un monde différent car moderne. Eagleland est une évidente caricature des Etats-Unis. Les multiples références à la pop culture - notamment les Blues Brothers - confèrent aussi une saveur toute particulière au jeu. Certains craignaient d'ailleurs que des problèmes de droit empêchent Nintendo de commercialiser à nouveau le jeu. Son apparition récente sur la Console Virtuelle de la Wii U a finalement mis un terme à ces supputations. Au final, de la première minute aux crédits de fin (voire après...), EarthBound ne se perd jamais en route. Un titre culte que certains considèrent d'ailleurs comme le meilleur RPG de la Super Nintendo. Le débat est lancé.

Pour conclure sur ce chef-d'oeuvre, impossible de ne pas dire un mot sur l'étrange campagne marketing américaine censée aider le jeu à se vendre. Le slogan humoristique « This game stinks » (littéralement, « Ce jeu pue ») semble avoir été assez mal perçu à l'époque. Avec le recul, il faut dire que cela est d'un goût douteux. Au final, vendu à un peu plus de 100.000 exemplaires, le jeu n'a pas été le succès commercial escompté aux Etats-Unis.