En 1997, Fumito Ueda, qui n'a pas la trentaine et qui n'a qu'une seule expérience dans le jeu vidéo, se lance pourtant dans le développement d'un projet surréaliste. Avec l'aide de son équipe baptisée la Team Ico, il se fixe l'objectif de réaliser son fantasme. Il prendrait la forme d'un jeu dans lequel le joueur tiendrait le rôle d'un petit garçon frêle, n'ayant qu'un bâton pour se défendre. Son but serait d'aider constamment une jeune fille l'accompagnant, encore plus fragile que lui. Dans ce titre, l'expérience devrait tourner autour de la relation entre les deux personnages et leur interaction avec les décors naturels qui les entourent.
C'est évident, un principe pareil est des plus risqués dans le jeu vidéo, et l'originalité, aussi honorable soit-elle, y est trop souvent synonyme de flop commercial. De plus, le développement du soft ne fut pas salvateur pour un sou. Plus long que prévu (quatre ans au total), il dut subir le changement générationnel de la console initialement prévue. C'est donc sur Playstation 2 qu'Ico allait voir le jour, en fin de compte. Bonne nouvelle du côté des limitations techniques qui s'en trouvaient repoussées, mais maîtriser une nouvelle technologie ne se fait hélas pas en une journée... Au-delà de ces difficultés techniques et commerciales se trouvait la barrière même du réalisable. Peut-on réellement donner vie à son fantasme artistique par le biais du jeu vidéo ? Pour ce faire, il est indispensable d'effectuer des choix cruciaux de game design, qui impliquent non seulement une crédibilité visuelle, mais également un certain équilibre, afin de ne pas rendre le jeu injouable ou dénué d'intérêt. De ce fait, il fallait également trouver où l'interactivité aurait sa place. Comment faire interagir quelqu'un sur un univers uniquement basé sur une émotion et une histoire ? Qu'à cela ne tienne, le concept imaginé par Ueda était en fait bien plus complexe et on ne peut plus profond. Même s'il engendrait des difficultés à première vue insurmontables, il ouvrait surtout la voie à de nouveaux gameplays, un nouvel art et une poésie encore inexplorée.
Image : "Mystère et mélancolie d'une rue" de Giorgio de Chirico, œuvre qui rappelle à n'en point douter la jaquette d'Ico !