Une des raisons de la vitalité de cette industrie réside dans la qualité des jeux, mais également et peut-être autant, dans celle du maillage des GéSen omniprésents. La fréquentation des salles d'arcade au Japon est très importante. Partout présents, propres, éclairés, spacieux et ultramodernes, ils attirent une population qui ne se limite pas aux 15-25 ans. On y croise des couples avec leurs enfants qui viennent y jouer en famille le week-end. On trouve généralement près de l'entrée les machines s'adressant aux Light Users, à savoir les Kokosei (lycéennes) et les O.L. (jeunes femmes qui travaillent dans un bureau). On est loin de l'image traditionnelle de la petite salle d'arcade lugubre, repaire d'Otakus autistes, passant leurs journées sur des jeux vidéo violents. Au contraire, tout est grand, éclairé, lumineux...

Près de l'entrée, on trouve généralement les machines qui permettent de remporter un prix en manipulant une pince (Prize Machine) pour gagner un gadget, une figurine ou une peluche. Les bibelots à gagner sont "kawaï" (mignons) et à la mode. Ils servent à attirer cette clientèle féminine pour lui faire mettre le pied dans un lieu dans lequel elle n'aurait pas pensé pénétrer. Une fois dans le GéSen, les femmes remarquent que la musique est joyeuse, que les lieux sont non seulement brillamment éclairés, mais surtout impeccables. Elles constatent qu'une armée de personnel en uniforme aide, renseigne, vide les cendriers et nettoie les bornes, toujours rutilantes.

Un peu plus loin de l'entrée, mais toujours au RdC (l'étage réservé à ce que les GéSen appellent "Light Users", c'est-à-dire souvent les joueuses), on trouve le coin des PuliKula (voire la description dans la partie concernant les jeux d'arcade de ce dossier). Ces studios de photos sont assez vastes pour accueillir jusqu'à 4 personnes. Très prisés des Kokoseis car ils offrent intimité et une certaine créativité dans la personnalisation des photos prises, ils sont étroitement surveillés par le personnel du GéSen pour éviter que la gent masculine en profite pour venir conter fleurette à des jeunes japonaises ayant toujours besoin d'argent de poche pour s'acheter le dernier sac à main Vuitton… Les nouvelles bornes d'arcade sont souvent au RdC quand elles ne sont pas trop imposantes, et servent aussi de produits d'appel. C'est souvent également là que l'on trouve les bornes pour les très jeunes, adaptées aux goûts et à la taille des 4-8 ans.

Les autres étages, car les GéSen récents occupent une taille importante, nécessaire pour les nouvelles machines d'arcade imposantes, sont réservés aux joueurs plus passionnés (Hardcore Gamers). Ils sont divisés par styles de jeux. L'éclairage est moins vif et la musique un peu plus sobre qu'au RdC. On trouve ainsi dans une zone les jeux faisant gagner des jetons : jeux d'adresse où il faut manipuler des commandes pour faire tomber des jetons, simulations de jeux de Casino (Poker, Black Jack, bandit manchot…), paris sur des courses de chevaux virtuelles, jeux de MahJong…

Une autre zone comprend les jeux traditionnels d'arcade : série de bornes offrant les derniers jeux de baston et les bornes auxquelles on joue debout tels les jeux basés sur la musique/rythme/instrument. C'est là également qu'on trouvera les nouvelles bornes dédiées, tels les simulateurs de courses de voiture ou les cockpits d'avions. Ces bornes prennent beaucoup de place, et coûtent assez cher, ce qui les réserve aux gros GéSen. A l'étage suivant, on trouve dans un coin plus calme, les bornes offrant de "vieux" jeux d'arcade, que des passionnés continuent de chérir.

Gérer un GéSen, ce n'est pas seulement acheter ou louer des jeux vidéo pour les mettre à la disposition des clients, c'est surtout animer et donner une âme à la salle. Tous les GéSen organisent des tournois où les champions locaux se défient et s'affrontent aux derniers jeux. Il existe différents tournois, certains locaux à l'échelon du GéSen, de la ville ou de la préfecture, et d'autres couvrant tout l'archipel. Ils sont organisés et sponsorisés le plus souvent par des éditeurs de jeux, dans les salles de leur réseau de GéSen. Dans les tournois locaux, on gagne la réputation d'être le meilleur joueur du quartier à tel ou tel jeu, avec un panneau sur les murs du GéSen, affichant noms et scores. Lors de compétitions plus importantes, on peut y gagner un prix et un diplôme officiel de la part de l'éditeur du jeu, avec parfois les déplacements et frais d'hôtel pris en charge pour les finales. Les magazines spécialisés couvrent tous ces tournois avec tous les mois, des centaines de tournois répertoriés, avec adresses et coordonnées des salles. De même, ils sont indiqués sur les sites web des éditeurs.

Les GéSen qui s'ouvrent depuis une dizaine d'années appartiennent à des sociétés qui ont des moyens financiers considérables. Le plus coûteux, mais aussi souvent le gage du succès, réside principalement dans l'endroit où va se trouver le GéSen. Il est impératif qu'il soit dans une zone de fort trafic, et qui dit "trafic" au Japon, dit avant tout noeud ferroviaire ; une gare ou une station de métro connectée à plusieurs lignes. N'oublions pas que la population nippone est à plus de 66 % urbaine. Pratiquement la moitié de la population nippone habite dans des villes de plus d'un million d'habitants. Les Japonais font souvent plusieurs heures de trajet en commun pour aller à l'école, à l'université ou au travail, car les voitures sont peu employées dans les grandes conurbations. Les raisons sont nombreuses : routes embouteillées, réseaux de transports urbains propres, sûrs et très développés, nécessité d'avoir un parking pour acheter une voiture, car il faut présenter au vendeur l'attestation du commissariat de quartier qu'on en a effectivement un de libre, mais les bâtiments nippons n'ayant que rarement de parkings, à moins de dépenser des fortunes, il est difficile d'avoir une voiture quand on habite en ville… Ces gares et stations importantes sont donc le lieu de prédilection pour l'établissement de GéSen, de même que pour tous les commerces qui se concentrent à proximité de ces "aimants à clients potentiels". C'est en effet autour des gares/stations majeures que l'on se donne rendez-vous, qu'on fait ses courses ou que l'on dîne entre collègues de bureau avant de prendre le dernier train qui vous ramène dans votre lointaine banlieue dortoir. Après les noeuds ferroviaires, les centres commerciaux sont les autres emplacements privilégiés dans les villes plus petites ou à la campagne.