On est parti d'un projet personnel qu'on a adapté à une réalité de marché. C'est personnel, mais c'est loin d'être autiste. Ca essaye surtout d'apporter un autre regard sur le jeu de stratégie. L'équipe de >System_, mordante, a bien contré le sentiment qui peut se rendre maître de nos sens face à ce projet à priori rugueux, froid et complexe. En guise d'entité jouable >System_ vous propose le programme informatique. Pas même représenté sous une image anthropomorphique à la manière de Motoko dans Ghost In The Shell. Non, un vrai programme informatique, désincarné à travers le réseau, qui va devoir trouver le moyen d'échapper à sa désinstallation par des scientifiques pourtant à l'origine de sa création. Epsilon, c'est le nom de cet IA en sursis, représente un danger conséquent pour l'ensemble du réseau mondial, il ne faut pas qu'elle puisse sortir de son "enclos" : le complexe de laboratoire qui a accueilli sa naissance. La genèse de ce pitch virusé nous est narrée par l'un des game designer, Sébastien : Je cherchais un concept où le joueur s'impose comme un élément perturbateur dans un environnement, plutôt qu'un héros qui rétablit les choses. J'avais pensé alors à une communauté structurée où le joueur vient la perturber. L'idée du laboratoire souterrain était devenue nécessaire car pour une ville, il y a énormément de paramètres ! Dans un laboratoire souterrain, je me base sur une communauté scientifique et industrielle. L'idée de l'intelligence artificielle m'est venue presque naturellement : c'est une entité omnisciente, omnipotente, qui a le contrôle de tout. Bref, la candidate idéale pour représenter l'élément perturbateur du laboratoire souterrain. C'est, de l'aveu même des créateurs, la rencontre entre le Nécromancien de William Gibson et la séquence consacrée à HAL dans 2001 Odyssée De L'Espace qui aura servi de socle à ce background paranoïaque.
Sur le crédit de quelques vidéos ou images, >System_ s'assimile à un jeu de gestion timé, comparable en de multiples points à Donjon Keeper ou le récent Trapt. Le joueur y passe le plus clair de son temps à manipuler des déclencheurs, globalement afin de faciliter la fuite du programme informatique hors du réseau du laboratoire, avant que la désinstallation ne soit achevée. Pour s'extirper de ce huis clos mortel, le joueur doit acquérir d'une part des clés, qui permettront de traverser les portails informatiques, ainsi que des identités, qui autoriseront son accès, et qui se trouvent sur les laborantins. Chaque niveau est structuré en étoile autour d'un serveur central, à la fois planche de salut pour le joueur si il lui rapporte à temps les clés et identités de toutes les salles qui composent les branches de cette étoile; mais aussi bourreau puisqu'il commande la fatale désinstallation timée. Petite précision : au cours du jeu, le joueur doit faire attention à son état de " désinstallation ". Plus la désinstallation avance, plus l'interface est perturbée. On peut avoir l'écran qui se brouille ou tout simplement un écran bleu d'erreur qui s'affiche. Le serveur central, enfin, permet aussi la sauvegarde.
Ce n'est pas innocemment que l'équipe en charge du projet parle clairement d'un jeu de stratégie et non pas de gestion. Le recouvrement des clés et identités est une bataille. Comme rouages stratégiques, les moyens à disposition du joueur sont d'ordre électroniques et informatiques, naviguant entre condamnation temporaire de sas à la manipulation de toutes les caméras des secteurs pour tenter d'imprimer les identités des différents scientifiques. Les automates peuvent aussi servir, comme cette ronde de sièges tournante présentée dans la démo, qui va permettre de rendre malade le pauvre scientifique qui aura le malheur de le tester à pleine puissance, à l'insu de son plein gré bien sûr. Une résistance est cependant proposée au joueur et la nature de celle-ci peut être synthétisée en un seul mot : la paranoïa. C'est cette dernière qui commanditera l'attention des scientifiques. Plus concrètement, vous les verrez réagir avec beaucoup de nervosité à toutes les erreurs de manipulation du joueur. Ils changent alors de comportement, s'interposent aux tentatives diverses de piratage, quand ils ne cherchent tout simplement pas à cloisonner notre Epsilon une bonne fois pour toutes.
Il faut reconnaître que >System_ ne se raconte pas, ou mal. Il est difficile, en s'évertuant à le décrire, de ne pas le rendre plus compliqué qu'il ne l'est en réalité. Une fois en mouvements et disséqué pendant la soutenance, son accessibilité est pourtant évidente, et l'équipe de préciser d'ailleurs à juste titre qu'elle a ciblé son projet à 16 ans et plus, mais s'adresse principalement à un public de casual gamers. Cependant, il s'agit aussi de comprimer le joueur, que le gameplay marie harmonieusement stress et perméabilité : bien sûr, on n'exclut pas les joueurs plus expérimentés. C'est un des avantages de >System_, il possède des mécaniques simples à comprendre mais difficiles à maîtriser. Concluons sur une moralité semblable : >System est un projet aux postulats ascétiques (la paranoïa, l'apothéose du tout informatique, un avatar sous forme d'intelligence artificielle, une ambiance clinique) et qui arrive pourtant à accrocher l'observateur rapidement et efficacement.
Trois questions à l'équipe de >System_ :
jeuxvideo.com > En jouant un ordinateur, on perd l'aspect identification du joueur au "héros". Est-ce un paramètre qui vous a tracassé ? Avez-vous cherché à le contourner ?
Attention, on ne joue pas un ordinateur mais un programme informatique. Mais le problème d'identification reste le même. Nous avons donc voulu le traiter à fond, c'est d'ailleurs une de nos intentions de jeu.
jeuxvideo.com > Il s'agit d'un projet très clairement orienté PC. Mais pensez-vous tout de même qu'il puisse être facilement adapté sur consoles ?
Absolument, puisque le gameplay est basé sur la gestuelle à la souris, on peut facilement le retranscrire au stick analogique ou au stylet de la NDS, et également sur le controller de la Wii.
jeuxvideo.com > Comment arriver à rendre la complexité d'un ordinateur avec une manipulation ludique ? Y a-t-il des "trucages", des petits secrets graphiques ou ergonomiques ?
Vu de l'extérieur, un ordinateur paraît complexe. Vue de l'intérieur, par un programme informatique, tout paraît naturel. Nous avons mis en place beaucoup de dynamisme dans le jeu afin que tout soit intuitif.
Par exemple, nous simulons la puissance de calcul de l'intelligence artificielle par un "figeage" du temps et de l'environnement, mais pas du jeu.
Site officiel de >System_