Tout comme Rygar, God Of War nous plonge dans la Grèce antique, où le temps était suspendu au bon vouloir des dieux. Pourtant, le titre de Sony met tout de suite les points sur les i. Nous allons bien côtoyer les dieux, mais l'univers dépeint dans le jeu sera très loin d'être aussi reluisant que celui de l'Iliade. Ainsi, la mise en scène joue clairement avec les éclairages pour faire naître en nous une certaine suspicion à chaque apparition d'un dieu, qu'il s'agisse d'Athena, de Zeus, d'Artemis ou d'Ares. D'ailleurs le titre du jeu est directement lié au dernier dieu susnommé. Sans tout vous dévoiler, God Of War nous conte les aventures épiques de Kratos, l'anti-héros par excellence, qui va devoir entreprendre un long voyage afin de terrasser le dieu de la guerre lui-même. Pourquoi donc ?... Vous le découvrirez bien assez tôt.
Kratos est clairement défini comme un être abject qui n'a jamais vécu que pour lui-même sans rien attendre des autres. Il est donc très intéressant de diriger un tel anti-héros, d'autant qu'au fur et à mesure de l'aventure on se plaît à le huer pour son absence de moralité, sa perversité, sa soif de sang et son désintéressement total pour la misère humaine. Une scène illustre d'ailleurs très bien la mentalité de Kratos qui devra à un moment dénicher une clé pour poursuivre son périple. Après bien des batailles il la trouvera accrochée au cou d'un ancien compagnon bien mal en point qui le remerciera d'être venu à son secours. La scène pourrait être banale sauf que l'issue de cette dernière est d'une grande froideur, Kratos s'emparant de ladite clé mais laissant pourrir son vieux compagnon d'armes dans les entrailles d'un monstre. Aucun remord, aucun regard en arrière, le ton est donné d'autant que ce passage se situe au tout début du jeu, bien qu'il trouve un écho à la fin de l'aventure d'une façon tout aussi perverse et jouissive. Par la suite, de multiples flashbacks nous en apprendront un peu plus sur le passé de Kratos, sur son statut ou sur ses relations avec Ares.
La mise en scène joue un rôle très important dans God Of War. Ainsi, la première cinématique nous montre Kratos, deux semaines avant les événements que nous allons vivre, sur le sommet d'une montagne. Complètement désoeuvré, nous voyons l'homme avancer dans le vide et se jeter dans des abîmes glaciaux où seule la Mort semble l'attendre. Fondu au noir, retour en arrière, le jeu débute. Cette première scène est très intéressante dans le sens où elle semble nous faire comprendre que quoi que nous fassions, une seule issue est envisageable. Sony réussit donc avec cette séquence à appâter le chaland, à lui donner une petite tape dans le dos tout en lui faisant prendre la manette pour lui faire connaître les conséquences d'une telle destinée.
Il sera également de bon ton de féliciter les artistes de SCEA qui ont truffé le jeu de cinématiques en CG aussi esthétisantes que celles d'une production Oddworld Inhabitants, Square Enix ou Pixar. L'outil est maîtrisé et la beauté de ces séquences atteindra son paroxysme dans un flashback guerrier qui nous montre une bataille digne des plus impressionnantes joutes du Seigneur des Anneaux. Hormis le côté imposant de la scène, c'est bien sa réalisation qui s'avère bluffante. Mélangeant l'esthétique d'un tableau de maître et la technique du morphing, le tout oscille entre la peinture rupestre et les enluminures tapissant les murs des temples grecs. Magnifiée par la couleur rouge sang et de superbes jeux d'ombre, cette scène synthétise parfaitement tout ce qui constitue God Of War : le savoir-faire, la beauté et la barbarie.
Gof Of War réussit donc à sacraliser la violence et le sexe en les rendant presque légitimes dans ce contexte mythologique. La réalisation léchée nous abreuve tout au long de l'aventure d'innombrables cinématiques toutes plus belles les unes et surtout indispensables à la bonne compréhension du scénario. Au final, on ne peut que se réjouir de voir des développeurs ayant su modeler les mythes et légendes grecs pour en sortir quelque chose de cohérent cachant un synopsis passionnant, sous des débordements de cruauté sans nom. Si on retrouve des influences provenant de Rygar, PoP 2 ou le récent Shadow Of Rome, God Of War réussit à s'émanciper vis-à-vis de ses pairs en misant avant tout sur une ambiance qui laisse peu de place à la rédemption et au pardon. Si le sang doit couler, il coulera, si la Mort doit intervenir, elle interviendra…