La semaine dernière sonnait le glas du MMO EverQuest Next, tué dans l’oeuf par son studio après de longs mois de silence quant à son évolution. Dans le même temps, Carbine Studios, le créateur de Wildstar rendait public le licenciement de plus de 70 employés suite à l’annulation pure et simple de la version chinoise du jeu. Vendredi noir pour le MMO dont les fondations sont régulièrement ébranlées depuis bien des années maintenant. Simple évolution logique des choses ou mort programmée d’un genre ?
Quand les grosses machines sont à la peine
Le problème de Wildstar, c’est qu’il a essayé de se positionner en tant qu’alternative à World of Warcraft dans un monde où WoW existe toujours. Car malgré sa chute constante d’abonnés, le MMO de Blizzard dispose encore de quelques 5,5 millions de joueurs selon les dernières statistiques de la fin d’année 2015. Nous sommes bien loin du pic de 2010 où il plafonnait à plus de 12 millions de joueurs en pleine période Wrath of the Lich King, mais ce chiffre reste encore plus que confortable à l’heure où le modèle à abonnement mensuel n’a clairement plus le vent en poupe.
À y regarder de plus près, Wildstar sera très probablement l'un des tous derniers MMO Theme park à gros budget à voir le jour dans une industrie désormais frileuse en matière d’investissements de ce genre. Le jeu de Carbine aura en effet coûté plus de 100 millions de dollars à NCSoft avec une rallonge probable de cash lors de son passage en mode free-to-play en 2015. Malgré ce changement de modèle économique et de nombreux efforts de simplifications de mécaniques de jeu, sa chute en matière de joueurs reste progressive depuis sa sortie en juin 2014, une lente hémorragie qui se répercute aujourd’hui sur les effectifs de son développeur. Pour Chad Moore le directeur du jeu, Wildstar est en pleine période transition et ne compte pas baisser le rideaux dans les mois à venir. Si Carbine souhaite maintenir la tête de son bébé hors de l’eau, en sera-t-il de même pour NCSoft, lui qui voit ses résultats trimestriels régulièrement plombés par les mauvaises performances du jeu ?
EverQuest Next : Du gameplay
EverQuest Next était de son côté un projet alléchant sur le papier, mélange d’influences, du passif de la série et d’évolutions technologiques aptes à convaincre une partie des joueurs (voxels, destruction des décors, moteur de création de scénario etc). L’arrêt complet de son développement semble pourtant symptomatique de l’état général du secteur du MMO triple A. EQ Next n’est pas le premier projet de MMO de cette envergure à être annulé avant même sa sortie, les exemples sont même assez nombreux : Ultima Worlds Online, World of Darkness, jusqu’au plus récent Projet Titan de Blizzard. Confiants en leur capacité à créer un jeu à succès dans la veine de leur mastodonte World of Warcraft, Blizzard justifiait l'annulation de leur Titan aux pieds d'argile par “un manque de fun et de passion” autour du titre ressenti par les équipes au fil des années. Les mêmes raisons sont évoquées par Daybreak pour expliquer l’annulation d’EQ Next : le jeu n’était pas assez amusant. Si ces différentes raisons sont probablement fondées, elles reflètent aussi les évolutions logiques d'un secteur.
WoW a tué le MMO
Car la terrible prophétie de la mort du MMO est loin d’être une nouveauté, on l’évoquait déjà pendant la période de vache maigre en cours quelques années avant la sortie du rouleau compresseur WoW. Car je le dis haut et fort, WoW a tué le MMO ! Non pas que le jeu de Blizzard soit responsable du déclin du genre, mais son impact sur le marché a été si fort, qu’il en a modifié la vision des joueurs et des developpeurs. Ce n’est pas anodin si Mark Kern fondateur de Red 5 Studios (Firefall) et ancien chef d’équipe du projet WoW déclarait en 2013 à propos de l’impact du MMO de Blizzard sur les joueurs
Les joueurs sont venus en masse, des millions. Mais à quel prix ? Parfois je regarde WoW et je me demande "mais qu'est-ce que j'ai fait ?" Je crois savoir. Je pense que nous avons tué un genre.
Le succès colossal du jeu a donc influencé toute une partie de l’industrie qui s’est alors mise en tête de partir en quête du fameux “WoW Killer”, ce fameux Graal totalement inatteignable qui alimente encore certaines des conversations enflammées entre joueurs à la sortie de chaque nouveaux jeux massivement multijoueur. C’est ainsi que les années 2010/2014 nous ont littéralement noyées sous les sorties de MMO misant la plupart du temps leur réussite sur une ou deux nouveautés en matière de gameplay ou de contexte afin d’essayer de s’octroyer une part du gros gâteau que Blizzard en grande partie. Que les choses soient bien claires, le tueur de WoW n’existe pas et n’existera probablement jamais ! Le genre s’est tellement plagié, copié, inspiré de lui-même qu’il en a fini par lasser une bonne partie des joueurs dont l’activité au cours des années précédentes a plus ou moins consisté à papillonner entre la profusion d’offres disponibles sur le marché sans pour autant s'attacher à un jeu en particulier.
Chaque MMO qui suit la formule de World of Warcraft est un exercice trivial dominé par les mécaniques et les conventions, échangeant la joie d'un voyage pour une série de tâches sans intérêt. Et quand vous faites la course vers la fin, on attend une sorte de miracle à la fin du jeu, une chose qui nous ferait continuer à jouer. Elle n'arrive jamais.
Un renouveau nommé indé
Inutile cependant de sortir les mouchoirs pour pleurer sur le triste sort du MMORPG car ce dernier n’est en réalité pas mort, il a simplement évolué au cours des dernières années vers un nouveau modèle dont on distingue aujourd’hui un peu mieux les angles. À côté des grosses productions toujours en activité aujourd’hui comme WoW, Final Fantasy XIV : A Realm Reborn, SWTOR ou encore The Elder Scrolls Online, perdurent encore et toujours des jeux que l’on pourrait qualifier de niche, mais dont la population est largement suffisante pour permettre à leur studio d’en dégager du profit. EVE Online est le parfait représentant de cette catégorie de jeux passant souvent en dessous des radars, pourtant toujours très actifs en matière de communauté.
Les communautés sont d’ailleurs au coeur du développement de plus en plus de projets de petits studios souhaitant renouer avec les racines du genre ou bien proposer des concepts plus réfléchis que celui du simple parc d’attraction dédié au bashing et aux quêtes fedex. Crowfall, Albion Online, Camelot Unchained, The Black Death sont autant de titre en développement dont l’ambition première est de répondre aux attentes spécifique d’une communauté de joueurs. Nous ne verrons probablement plus de projets à si grande échelle qu’un TESO ou qu’un SWTOR arriver dans les années à venir, mais de plus en plus de concept provenant de studios indépendants évoluant à côté de jeux dotés d’une petite étiquette "MMO" destinés à être parcourus en comité plus restreint (un paradoxe j'en conviens) comme peuvent l’être ARK : Survival Evolved, Destiny ou bien encore le récent Tom Clancy's The Division. Le genre a évolué, tout comme les attentes et les envies du joueur.
Trailer de lancement de The Division