Les dernières semaines ont été plutôt mouvementées, en ce qui concerne l'actualité Xbox. Nous ne reviendrons pas dessus dans cet édito, puisque le sujet a déjà été traité abondamment, notamment ici et là. Mais, en quelques mots, rappelons que Microsoft, et plus précisément sa division Xbox, ont laissé entendre que prochainement PC et Xbox ne seraient pas si différents. Même communauté de joueurs, mêmes titres. Cross-buy, cross-play, et plein d'autres mots en « cross » ont rempli la bouche et les déclarations de Phil Spencer, capitaine d'un navire pris dans la tempête... La solution serait-elle de transformer la Xbox One en PC d'entrée de gamme, une machine vendue à bas prix, aux fonctionnalités limitées, mais permettant de se concentrer sur le gaming ? C'est possible, oui. La stratégie est pertinente, les arguments, imparables. Mais d'une certaine manière, on peut comprendre ces joueurs qui râlent parce qu'ils voient leur console favorite vidée de son fluide vital. La ludothèque, c'est ce qui fait la personnalité d'une console, qui la caractérise. A fortiori les exclusivités, même si elles fédèrent moins que par le passé, excepté côté Nintendo.

Les exclusivités Xbox One sont-elles condamnées à toutes se diriger vers le PC ?

Cette génération de consoles a été largement critiquée et surtout par le public « core gamer » qui, pour la première fois peut-être, se rend compte que les consoles accusent un certain retard, vis à vis du PC. Sans doute parce que, pour la première fois là encore, le gap graphique n'est pas aussi impressionnant que lors des derniers changements de génération. Lorsque la Xbox 360 a débarqué, beaucoup de joueurs en ont perdu leurs mâchoires. Même chose 5 ans plus tôt, avec la PlayStation 2. En passant à la fameuse « next-gen », les joueurs faisaient un vrai bond en avant et se mettaient à portée de jeux toujours plus complexes. Sauf que voilà, cette fois-ci, nous en sommes arrivés à un point où les différences sont moins perceptibles pour tout un chacun. Autrefois, qui discutait du nombre de polygones affichés par un jeu ? Personne, à part dans les plus hautes sphères. Aujourd'hui les différences sont si minimes que l'on utilise des outils et des benchmarks pour comparer les différences entre deux versions d'un même jeu. On compare les résolutions, le framerate est disséqué à la seconde près ; parce que nos yeux ne nous suffisent plus, ou simplement parce que l'on a changé d'échelle.

Et les joueurs grondent. Si cela n'empêche pas les consoles, et notamment la PlayStation 4, de trouver auprès du grand public un véritable succès commercial, il semblerait que nous soyons à un croisement. Un virage qui pourrait être amorcé par les récentes décisions de Microsoft, et plus que jamais, il paraît important de défendre la Xbox One, pas en tant que produit Microsoft (car finalement, cela importe peu), mais en tant que console de salon. Car c'est une vision du jeu vidéo qui est mise à mal, et vous êtes nombreux à la défendre. Alors, défendons-la.

Plus qu'un sous-PC

En privant la Xbox One de ses exclusivités, Microsoft a donné un statut de sous-PC à sa console, statut que bon nombre de joueurs donnaient déjà depuis longtemps aux deux poids lourds de cette génération. Avec son interface Windows 10, la One s'est un peu plus rapprochée du PC, c'est indéniable. Pour autant, son utilisation et ses fonctionnalités ne sont pas bien différentes de ce que l'on trouvait sur les consoles de génération précédente. Jouer reste la fonction principale, et si les applications type YouTube ou Twitch sont bien pratiques, elles ont finalement un lien étroit avec le gaming.

Non, même aujourd'hui, les consoles que sont la PS4 et la Xbox One, malgré leurs fonctionnalités modernes, restent avant tout des machines de jeu. Des machines toujours plus agréables à utiliser, qui nous mettent facilement en contact avec nos amis. Le Xbox Live et les différentes interfaces des Xbox 360 et One ont toujours plus mis en avant les fonctionnalités type chat de groupes, messagerie directe, l'accès aux succès des amis... Ce sont des bécanes sur lesquelles le joueur se sent bien car, au-delà de l'identité du Live, qui existe depuis plus de 10 ans maintenant, il crée un lien privilégié entre lui et ses amis, dès que la console est allumée. Tout le monde est réuni autour de la même passio, le jeu vidéo, et partage. On est loin de Steam, froid et impersonnel.

Le domaine du concret

On ne saurait critiquer la plate-forme de Valve qui est en soi à l'origine d'une véritable révolution, dans l'industrie du jeu vidéo. Les développeurs peuvent donner accès à leurs jeux très facilement et de nos jours, vous pouvez très facilement mettre la main sur des petites démos ou des concept-games absolument passionnants ; ce que permet notamment Steam Greenlight ou encore le système d'early access. Bref Steam, c'est la porte ouverte à tous les esprits créatifs du monde, et malgré quelques dérives, on ne s'en plaindra pas. Les développeurs indépendants sont extrêmement importants pour le paysage vidéoludique et sans eux, le jeu vidéo ne serait pas le même actuellement.

Et pourtant. Pourtant, aux yeux de beaucoup, le jeu PC s'est tourné avec le temps vers le tout-dématérialisé et nous perdons peu à peu notre rapport au physique et à ce qu'il représente. Oui, entasser chez soi des boîtiers, cela peut poser des problèmes de logistique, mais cela participe à donner au jeu vidéo un visage, que seules les consoles permettent encore. Le PC, ce gigantesque boîtier aussi disgracieux que multifonctionnel, n'a finalement pas de visage, pas d'étendard. C'est un apatride sans culture propre, qui n'obéit qu'aux sombres lois des systèmes d'exploitation et du bon vouloir des faiseurs de mises à jour. Sur consoles, c'est une autre histoire. Chaque époque a eu sa ou ses machines, et toutes sont liées à des jeux dont on connaît les jaquettes par cœur. Ou même à des gens, qu'ils soient chargés de penser les consoles, ou de les vendre. Ce côté physique, tactile même, est capital et a construit l'histoire du jeu vidéo. Et si l'on ne peut plus compter sur le PC pour y participer, les consoles, elles, sont toujours là. Certes, le jeu dématérialisé grimpe toujours un peu plus, mais l'on annonçait il y a presque 10 ans que les boutiques d'occasion fermeraient très prochainement. Le fait qu'elles existent toujours aujourd'hui prouvent que les gamers sont toujours attachés au physique, et c'est grâce aux consoles. Et rien que pour cela, merci à la PlayStation 4, à la Xbox One, à la Wii U et à toutes les consoles du moment d'exister.

Le jeu vidéo pour tous

Voilà un argument qu'il est parfois difficile à défendre puisque sur le long terme, et en fonction des utilisations, l'achat d'un PC « gamer » peut être un investissement plus profitable. Plus rentable. Cela étant, c'est un investissement qu'il faut pouvoir faire. Et il se trouve qu'à 14, 15 ans, on ne peut investir 700 ou 800 euros dans un PC. Et l'on ne saura pas toujours régler les différents problèmes qui peuvent affecter une machine aussi complexe. Bon gré mal gré, la console de salon reste une plate-forme de jeu accessible et simple d'utilisation, qui peut être utilisée par tout un chacun. Elle est au jeu vidéo ce que le livre de poche est à la littérature : un accès facile et abordable à des trésors de création, et il serait dommage que seuls les plus fortunés puissent en profiter, pour des raisons techniques finalement dérisoires. Oui, sur PC, vos jeux seront plus beaux. Plus fluides. Ils pourront être moddés. Et peut-être même qu'ils régleront vos problèmes de perte de cheveux, retrouver l'amour perdu qui sait. Mais, et pour poursuivre la comparaison avec le monde du livre, Les Misérables, que ce soit en Poche ou édition La Pléïade, ça reste Les Misérables : c'est un jeu chef d’œuvre, qu'importe le format et le type de papier utilisé.

L'héritage Xbox

Et puisque nous sommes dans un article Xbox, il ne faudrait pas non plus oublier la pierre qu'a apporté Xbox a l'édifice de l'histoire du jeu vidéo. Longtemps, la première Xbox fut vue comme la tentative grotesque de Microsoft de se faire de l'argent facile, dans un monde où il n'avait rien à faire. Et forcément, lorsque l'on est une grosse boite américaine, cela n'aide pas. Mais avec la sortie de la Xbox 360, les choses ont largement changé. Il faut dire qu'avec son Xbox Live et ses graphismes HD, la 360 avait de nombreux arguments à faire valoir. Microsoft et sa division Xbox avaient rapidement compris l'intérêt de mettre les gens en relation et leur permettre d'interagir, et ce dès la première version du Live. Aujourd'hui, Sony a son PSN, permet de débloquer des trophées et offre tout un tas de fonctionnalités inspirées de celle du Live, qui sont devenues un standard.

Ajoutons à cela bon nombre de licences marquantes du XXIème siècle, allant de Halo à Forza en passant par Gears of War, ou les programmes permettant à de nombreux développeurs indépendants de proposer leurs jeux sur le Xbox Live Arcade (Braid, Limbo, Castle Crashers, Super Meat Boy...) et de se faire connaître du plus grand monde. Aujourd'hui, c'est avec ID@Xbox que Xbox fait découvrir des titres comme Ori and the Blind Forest, ou Cuphead.

Plus globalement, l'industrie elle-même, et les joueurs, ont besoin de la concurrence qui existe entre PlayStation, Nintendo et Xbox car le monopole n'est jamais une bonne chose. Par le passé, c'est ce qui a amené Nintendo à des dérives que beaucoup de développeurs ont condamnée ; en 2006/2007, c'est parce que PlayStation était trop confiant, après le succès de sa PlayStation 2, que la PlayStation 3 a connu des débuts si difficiles. Les joueurs ont besoin que les marques s'affrontent pour proposer des idées toujours plus innovantes, des jeux toujours plus intéressants. Et si effectivement, depuis quelques années, le conflit semble s'être assoupi et que certains pointent du doigt le manque d'intérêt de cette génération de console, il est encore trop tôt pour les condamner définitivement.