Parce que le financement participatif ce ne sont pas que des projets réussis, nous reviendrons tous les mois dans cette rubrique sur les casseroles, les projets ratés et autres bizarreries des principales plateformes de crowdfunding. Entre mise en avant de phénomènes insolites et coups de gueule contre certaines pratiques, découvrez ce qui parfois se cache derrière la facade du système.

Indiegogo ou comment (espérer) se faire payer son PC Gamer

Envie de vous offrir une machine de guerre, un PC gonflé aux composants haut de gamme ? Oh mince, vous n’avez pas assez d’argent pour ça ! Ce n'est pas grave, avec Indiegogo, lancez en quelques minutes seulement votre campagne de financement participatif pour vous faire payer votre PC Gamer de luxe par de gentils inconnus avec le coeur sur la main. Une idée folle pensez-vous ? Ce n’est pourtant pas l’avis de la pelletée de joueurs tentant leur chance sur la plateforme !

Les campagnes rencontrent un un succès timide dirons-nous...

Il suffit de naviguer quelques instants dans la catégorie jeux du site pour se rendre compte de l'ampleur du phénomène. Pas une seule page ne contient de ces fameuses campagnes de financement de PC personnel. 2500 $ demandés par ici pour un PC de streaming, 10 000 $ réclamés par là pour se construire le PC de ses rêves, Indiegogo est envahi par ce genres de demandes au point de nuire à sa lisibilité et à son image par la même occasion.

Certes, l’idée du financement participatif repose sur sa libre ouverture à la plupart des projets, mais nous avons affaire dans le cas présent à de simples demandes personnelles sans volonté réelle d’offrir quelque chose en retour. C’est égoïste, c’est un abus du système et d’ailleurs personne ne semble s’y tromper puisque l’écrasante majorité de ces campagnes stagnent à 0 €. Ah, si la vie était aussi simple…

Utiliser Kickstarter pour blanchir de l’argent

Une vidéo de gameplay dégueulasse fabriquée en 20 minutes, quatre misérables screenshots, le strict minimum de description, serait-ce là la recette de la réussite sur Kickstarter ?

À en croire le fulgurant succès de la campagne de Fear of Threat de Younique Games, oui ! Et pourtant, il n’est pas nécessaire d’avoir terminé The Witness les yeux fermés pour constater que quelque chose de louche entoure ce projet. Avec 9207 euros récoltés en quelques jours à peine sur les 5000 demandés, la campagne soulève de grandes interrogations. Des jeux moches sur Kickstarter, il y en a des palettes entières puisque la plupart du temps les projets présentés sont encore au stade de la conception. Le “studio” affirme que l’extrait de gameplay montré dans le trailer de la campagne de Fear of Threat est tiré de l’ancienne version du jeu ; vous sentez venir l'arnaque ? Pour Younique Games, ces 5000 dollars serviraient à s’offrir un studio de mocap afin de capturer les animations de ce jeux d'horreur à la troisième personne développé par une copieuse équipe de 9 personnes… On a bien du mal à gober ça !

Là ou les choses deviennent bien plus suspectes, c’est que les 9200 € récoltés proviennent (sauf un don de 30 euros d’un utilisateur paumé dans les limbes du site) de 12 contributeurs ayant chacun investis 750 euros dans le projet. Soit les jeux de survie en environnements urbain ratés manquent cruellement à l'heure actuelle, soit Fear of Threat cache en réalité une magouille financière. Ce cas est loin d'être isolé sur les différentes plateformes de crowdfunding où les fraudes et arnaques, si elles sont loin d'être majoritaire, existent bel et bien. En juillet 2015, le projet UbuTab, tablette numérique abordable aux caractéristiques techniques impressionnantes s’évaporait dans la nature après avoir empoché plus de 36 000 dollars auprès de plus de 150 internautes crédules.

Avec un site internet effacé depuis, la tablette cachait en réalité une arnaque évidente. On prend l’argent et on disparait dans la nature, un vol dans les règles de l’art pour ainsi dire. On pensera aussi aux multiples projets douteux financés bien trop rapidement lors de la campagne "Free the Game" lancée par Ouya en juillet 2013. Destiné aux développeurs de tous poils, l’opération visait à attirer les exclusivités sur la console grâce à un système d’aide au financement. Sa méthode de fonctionnement était la suivante : un développeur propose son projet sur le site de financement participatif, si le budget atteint ou dépasse la somme de 50 000 $, alors la somme obtenue se verra doublée par la marque. Doutez-vous bien que des petits malins auront profité de l'opportunité pour empôcher le pactole en montant de fausses campagnes de toutes pièces.

SI Kickstarter affirme contrôler activement les activités douteuses sur son site, la cas Younique Games pourtant en ligne depuis le 17 décembre 2015, permet de constater qu’en tant que simple intermédiaire, la plateforme n’est pas en mesure d’intervenir pour tous les cas de fraude. À l’utilisateur de se montrer méfiant et de signaler les campagnes les plus douteuses au site pour que son service “intégrité” puisse prendre les mesures nécessaires.

Ils dépensent tout l'argent de Kickstarter en alcool et en strip-teaseuses

Simulation de la vie d'une fourmis, le projet Ant Simulator surfait sur la vague un peu potache des simulateurs de tous types en plein essort sur PC. Goat Simulator, I Am Bread, Rock Simulator et même Grass Simulator, titre où le joueur incarne de le pelouse.

Or, en début de de février 2016, Eric Tereshinski l’un des développeurs d'Ant Simulator prend la parole en vidéo et annonce l’annulation du jeu. Manque de moyen financier, départ d’un membre de l’équipe, envie de passer à autre chose ? La raison évoquée est bien plus terre à terre. Les deux autres membres de l’équipe ont tout simplement dépensés la majorité des 4459 $ récoltés lors de la campagne du jeu pour se payer des restaurants, de l’alcool et même des strip-teaseuses.

Si le financement d’Ant Simulator provenait en grande partie de sources privées, l’argent de Kickstarter devait tout de même servir au développement du titre et non à payer du bon temps à deux développeurs fanfarons. Fâché, trahi par ses collègues, Eric Tereshinski a donc quitté le studio et annoncé l’annulation du jeu. Il indique faire tout son possible pour tenter de rembourser les donateurs et déclare même que ses deux anciens associés le menacent de poursuites judiciaires s’il tentait de sortir le jeu par ses propres moyens.

Du côté des donateurs, il est peu probable que ces derniers récupèrent leur argent et les sommes investies sont trop petites pour motiver Kickstarter à entamer des démarches administratives contre le studio. Si cette affaire ne doit pas vous décourager à soutenir les projets en lesquels vous croyez, ils vous rappelle que la prudence est de mise sur les sites de financement participatif qui restent, et les joueurs semblent trop souvent l’oublier, des paris sur le futur et non un bête moyen d’acheter un jeu en avance avec un rabais sur son tarif.