
Malheureusement, les meilleures choses ont une fin, et les progrès sur la finesse de gravure sont de plus en plus difficiles à obtenir, tout en apportant de moins en moins de bénéfices sur la consommation, qui part même parfois à la hausse lors du passage à une plus grande finesse.
Car les fondeurs commencent en effet à s’approcher de certaines limites physiques. Par exemple, les plus petits éléments des circuits atteignent désormais une taille de quelques atomes seulement (notamment l’épaisseur de la couche d’oxyde de silicium dont nous parlions précédemment, qui est aujourd’hui de seulement deux atomes de silicium dans les cas les plus extrêmes), ce qui a de multiples effets indésirables. En particulier, les problèmes de fuites de courant (des courants électriques circulant entre deux points censés être indépendants) se multiplient, et induisent une hausse de consommation parfois supérieure à la baisse théoriquement obtenue grâce à la plus grande finesse.
En outre, même lorsque les fuites sont suffisamment maitrisées pour maintenir la baisse de consommation des puces d’une génération à l’autre, par exemple grâce à l’emploi de la technologie FinFET/Tri-gate, qui augmente les surfaces d’interface pour faciliter la circulation des électrons, la dissipation thermique peut rester problématique. En effet, la baisse de consommation peut être moins importante que la diminution de la surface de la puce. La quantité d’énergie à dissiper sur une surface donnée à donc tendance à augmenter, ce qui complique le refroidissement. C’est pour cette raison qu’une nouvelle génération de puces peut atteindre des températures plus élevées que la précédente, malgré une consommation moindre (ce n’est toutefois pas la seule raison… la « surchauffe » des Ivy Bridge en 22nm par rapport aux Sandy Bridge en 32nm provenait par exemple en grande partie d’une interface thermique de moindre qualité entre le die et le heatspreader).
À gauche, un transistor conventionnel, à droite un transistor FinFET

Les effets de ces limites physiques commencent également à nettement se ressentir au niveau du consommateur, avec un ralentissement de l’évolution des puces. Ainsi, Intel a pris énormément de retard sur le passage au 14nm, au point que la première génération de Core i 14nm (Broadwell) n’est arrivée sur le marché que quelques mois avant l’arrivée de la seconde, qui avait été développée en parallèle (Skylake).
Le 14nm a été maitrisé bien plus lentement que le 22nm chez Intel

La situation est encore plus problématique du côté des GPU, du fait de leur complexité. Alors que les premiers GPU gravés en 28nm sont arrivés en février 2012 chez AMD et avril 2012 chez NVIDIA, les puces disponibles à la vente en ce début d’année 2016 sont toujours gravées en 28nm, les gravures plus fines étant sans cesse reportées. Elles devraient enfin arriver cette année, en passant directement de 28nm à 14nm chez AMD (Polaris, gravé par GlobalFoundries) et de 28 à 16nm chez NVIDIA (Pascal, gravé par TSMC). Après des années durant lesquelles les hausses de performances des GPU ont été assez modérées, ce saut de finesse devrait apporter cette année des gains plus importants, et il sera intéressant de savoir comment chacun des deux fabricants de GPU saura exploiter l’avantage donné par le process de gravure choisi : le 14nm LPP de GlobalFoundries (en partenariat avec Samsung), pensé pour les économies d’énergie, devrait donner l’avantage à AMD sur les puces pour portables, tandis que le 16nm FinFET+ de TSMC pourrait offrir de meilleurs résultats sur les puces haut de gamme, mais au prix d’une consommation supérieure.
Transitor utilisant un nanotube de graphène pour le canal

Face à ces limites physiques, continuer à faire progresser les performances de nos CPU nécessitera à l'évidence une petite révolution, et passera probablement par l’abandon du silicium pur au profit d’autres solutions, comme le très prometteur graphène. Sa structure de carbone fait ainsi des miracles expérimentaux dans de nombreux secteurs même si les applications sur ce matériaux peinent encore à sortir des laboratoires de recherche. En attendant, il faudra se contenter des gravures en 10nm, 7nm et 5nm déjà prévues par les roadmaps, mais dont la réalisation reste incertaine. Intel reste par exemple relativement optimiste pour le 10nm, qu’il envisage de lancer en 2017, mais évoque le besoin de nouveaux matériaux pour passer à 7nm.