Mais si le principe restait toujours le même (mon personnage meurt, c’est un échec, et lorsqu’il tue, c’est souvent un succès), sa manière de « raconter la mort » au joueur s’est considérablement développée. Ainsi, cette information à propos de la mort d’un personnage devient particulièrement poussée dans sa narration dès les années 80. Pac-Man disparait sous une musique dramatique, le chevalier de Ghost’n Goblin devient un squelette se transformant, dans la foulée, en un amas d’os cassés, et le parachutiste des jeux Nintendo Game & Watch se fait dévorer par un requin.
Dans le même temps faire mourir des ennemis n’est pas mis en scène avec la même puissance dramatique. L’explication est, au final, assez simple. La plupart des jeux vidéo de l’époque surfent sur les tendances du jeu d’arcade : l’idée n’est pas vraiment de tuer l’ennemi... C’est surtout avoir le meilleur score possible qui est important. Certes l’ennemi meurt, mais on n’a pas le temps de s’attarder sur lui. il est vite remplacé par d’autres ennemis dont la destruction, on la mort, ne représentent aucun enjeu dramatique, mais juste un enjeu quantitatif.
Certes, il y a des exceptions. La mise en scène de la mort peut être importante en termes de récompense pour le joueur, dans le cas de figure où c’est lui qui donne la mort. Ainsi, dans le jeu Golden Axe, il est important que les circonstances de la mort du boss final soient spectaculaires, et dramatiques, parce que cette mort est non seulement un achèvement du jeu, mais aussi une récompense pour le joueur.
Et puis, Mortal Kombat est arrivé. C’est comme une petite révolution qui a bousculé les habitudes du jeu d’arcade, dans le sens où ce jeu de combat assumait complètement son côté sadique. L’idée était de faire mal, mais surtout, de faire encore plus mal lorsque l’on achevait son adversaire. La punition et la satisfaction du joueur devenaient les deux côtés d’une même pièce, car si d’un côté le joueur pouvait être récompensé lorsqu’il voyait son fatal finish movment se terminer dans les jaillissements artériels de son adversaire, il pouvait se retrouver tout autant puni graphiquement lorsque c’était lui qui perdait. Au final, il restait de toute façon une satisfaction jubilatoire de ce petit jeu de massacre.
Il est important de rappeler que le premier Mortal Kombat mettait en scène des personnages pixellisés, tirés d’images réelles digitalisées et retravaillées, alors qu’à cette même époque du jeu vidéo, les personnages étaient dessinés. La violence avait un rapport plus « directe » avec le joueur, tant celle qu’il subissait que celle qu’il engendrait. L’effet de catharsis fonctionnait à pleins poumons ! Le joueur, témoin de la violence subie et / ou infligée s’en retrouvait totalement libéré de toute contrainte morale à travers le malin plaisir d’observation sadique. Le truc, c’est qu’à la fin de la partie, le joueur était défoulé, loin de toute envie d’arracher une tête à main nue. De fait, l’arrivée de Mortal Kombat dans le jeu vidéo aura joué un très grand rôle tant dans l’appréciation de la violence dans ce média pas tout à fait naissant. La recherche de la violence « à tout prix » n’était plus tabou, au même titre que n’importe quel autre média, qu’il soit narratif, du livre au cinéma, où qu’il soit informatif, à travers les chaînes d’informations continues (qui sont plus violentes qu’elles en ont l’air).