Le 30 octobre 2012, l'intégralité de la licence Star Wars est rachetée par la Walt Disney Company, qui en profite pour annoncer trois nouveaux films à la suite du Retour du Jedi ainsi que trois « spin-offs ». Côté jeux-vidéo, LucasArts est fermé : Disney confie alors le sort de Star Wars à Electronic Arts et trois de ses studios : BioWare, Visceral Games et... DICE, qui dans la foulée annonce Star Wars : Battlefront lors de l'E3 2013.
Depuis fin 2012, les attentes autour de Star Wars sont redevenues très fortes. L'annonce surprise de six nouveaux films a redonné un coup de fouet à la saga, un peu en perte de vitesse à la fin de la décennie précédente. Or, le changement de propriétaire et ces annonces chamboulent énormément de choses.
2014 : Reboot intégral de la saga Star Wars
Avant d'évoquer concrètement le cas du nouveau Battlefront, nous sommes obligés de parler du fonctionnement de Star Wars en général.
Le Spectre du Passé : la « mort » de l'Univers Étendu
Star Wars est une machine gigantesque qui a accouché d'un univers étendu extrêmement vaste, étoffé pendant presque 35 ans et au sein duquel les six jeux Battlefront (les deux premiers, les deux opus sur consoles portables et dans une moindre mesure les jeux mobile) trouvent toute leur place. Tout le long de ce dossier, il a été question de références à d'autres œuvres, à des romans, à d'autres jeux-vidéo ou à des comics.
Et bien tout ceci n'existe plus. Du moins, dans le « canon », c'est à dire dans l'histoire générale de Star Wars.
En effet, l'annonce de la nouvelle trilogie cinématographique coïncide également avec une décision importante prise par la nouvelle instance dirigeante de Star Wars, et qui est la suivante : depuis le mois d'avril 2014, les histoires racontées au sein de l'Univers Étendu ne sont plus valables, et ce que ces histoires se déroulent avant l’Épisode I, entre les films ou après l’Épisode VI.
Exit, donc, le Renegade Squadron, exit le journal de bord de la 501e, exit l'histoire de X1 et X2 – et dans une plus large mesure, exit aussi Kyle Katarn (saga Jedi Knight), exit Malak et Revan (KOTOR), exit Lord Vitiaite (The Old Republic – oui oui, lui aussi), exit les missions de Republic Commando, exit l'histoire de Tyber Zann (Empire at War : Forces of Corruption) ou encore exit les pérégrinations de l'Escadron Rogue (trilogie des Rogue Squadron).
Cette décision est d'abord et avant tout prise pour donner le champ libre aux scénaristes des futurs films Star Wars, qui se déroulent à peu près 30 ans après le Retour du Jedi. Pendant la pré-production du Réveil de la Force, Kathleen Kennedy, la présidente de Lucasfilm, a ainsi déclaré que les futurs films ne seraient en aucun cas des adaptations de romans ou de jeux-vidéo déjà existant, ce qui sous entend donc que ces romans et ces jeux devaient disparaître du canon – les films étant, depuis toujours, la « base » inébranlable de l'histoire de Star Wars. Pour ne pas perdre tout le monde et décider au cas par cas qu'est-ce que qui est canon ou non, le plus simple a été de rayer absolument toutes les oeuvres, sauf les séries télévisées.
Pour l'allégorie, imaginez simplement que c'est un peu comme si vous appuyiez sur le bouton « reset ». Désormais, l'histoire de Star Wars, ce sont uniquement les neuf épisodes au cinéma, les 3 films « spin-off », le film d'animation The Clone Wars (2008), ainsi que les séries télévisées Rebels et The Clone Wars, plus toutes les œuvres estampillées "Star Wars" qui sont sorties à partir d'avril 2014 (cf la suite de l'article).
Vision du Futur : un nouvel... Univers Étendu
Dire que les romans, les BD et les jeux ne valent plus rien, c'est renoncer aussi à de sacrés bénéfices. Or, évidemment, « en déclassifiant » toutes ces histoires, les responsables de la continuité scénaristique de Star Wars (le « story group », présidé par Leland Chee) n'ont pas décidé de se passer des profits générés par la vente de produits dérivés.
C'est pourquoi, après avoir annoncé que les œuvres datant d'avant 2014 appartenaient à un univers parallèle (l'univers Légendes), Lucasfilm annonce dans la foulée... la création d'un nouvel univers étendu "officiel" !
Le problème des œuvres appartenant maintenant à l'univers « Légendes », c'est qu'à l'époque où Star Wars était encore la propriété de George Lucas, celles-ci ne bénéficiaient d'aucune vraie garantie. En clair, même si elles passaient d'abord par l'aval de Lucasfilm, les histoires racontées dans ces créations pouvaient tout à fait être rendues caduques par d'autres, plus récentes. Ce fut notamment le cas à la fin de la décennie 2000, avec l'arrivée de la série télévisée The Clone Wars.
Désormais, les œuvres qui sortent au sein de ce nouvel univers étendu ont la garantie de ne pas se marcher les unes sur les autres, qu'il s'agisse de roman, de BD, et bien sur... de jeux-vidéo.
En clair, à partir d'avril 2014, toutes les œuvres estampillées « Star Wars » publiées sont là pour re-raconter l'intégralité de l'histoire de la saga. Évidemment, cette réécriture débute par l'obligation de combler les 30 ans qui séparent la fin du Retour du Jedi et le début du Réveil de la Force.
Ces œuvres, qu'elles se déroulent n ans avant la mort de Qui-Gon Jinn ou n ans après la mort de Vador, sont considérées comme ayant autant de valeur que les films. .
Pour illustrer, voici quelques exemples (non exhaustifs) de changements entre l'univers Légendes et le canon officiel :
- Korriban (le monde d'origine des Sith) s'appelle désormais Moraband (donc toutes les histoires où la planète s'appelle "Korriban" (Knights of the Old Republic, par exemple) ne sont plus à la page) ;
- Kessel n'est plus un astéroïde gouverné par une administration militaire mais une vraie planète dirigée par une famille royale (donc tous le jeux où Kessel a une apparence d'astéroïde (comme Renegade Squadron) ne valent plus rien) ;
- Galen Marek, l'apprenti secret de Dark Vador (Le Pouvoir de la Force) n'a finalement jamais existé, pas plus que Rahm Kota. Par association, l'histoire de Battlefront : Elite Squadron ne vaut plus rien.
Qu'on l'accepte ou non, ce reboot de l'univers est une notion capitale à assimiler, car il influence désormais toutes les productions liées à Star Wars. C'est notamment le cas pour l'un des premiers jeux-vidéo appartenant à ce nouvel univers étendu : Star Wars : Battlefront, de DICE.
Une histoire de Reboots
Ce qui est pratique quand on remet à plat une saga aussi gargantuesque que Star Wars, c'est que ça permet aussi d'en rebooter les licences phares. C'est donc pour cette raison que le futur titre de DICE s'appelle simplement « Battlefront », et non pas « Battlefront III » – et que par conséquent, les mécanismes de gameplay ainsi que le contenu du jeu peuvent se différencier radicalement des prédécesseurs. On peut carrément dire que ce nouveau Battlefront appartient à une toute nouvelle licence.
Oui, ça s'appelle « Battlefront ». Oui, comme ses prédécesseurs, le jeu est un TPS/FPS qui plonge le joueur dans l'univers Star Wars et aura très probablement des modes jeux assez semblables. Ceci étant, la comparaison s'arrête là : il n'est pas ici question de proposer une suite des Battlefront appartenant à l'univers Légendes, mais bien de repartir à zéro, à l'instar du nouvel Univers Étendu de Star Wars.
Le titre de DICE a d'ailleurs décidé de marquer directement sa différence avec ses cousins : pas de campagne solo, pas de Guerre des Clones. Le jeu est entièrement axé multijoueur, avec des modes de jeux très variés qui vont du Walker Assault à la course de motospeeders.
En somme, un gigantesque terrain de jeu qui prend comme contexte Star Wars.
Et le nouveau canon, dans tout ça ?
On l'a vu : l'histoire de Star Wars repart de zéro et les oeuvres qui composent le nouvel univers étendu sont actées comme existant vraiment dans le canon officiel. Donc, en toute logique, tout ce qui est dans ce nouveau Battlefront a vraiment eu lieu.
Ce serait toutefois aller un peu vite en besogne, car le cas de la licence Battlefront est toujours un peu particulier. La question la plus légitime à son sujet est la suivante : puisqu'il n'y a pas de campagne solo dans le titre de DICE, comment peut-on définir ce qui est "canon" de ce qui ne l'est pas ? Remporter la bataille de Hoth avec l'Alliance Rebelle, c'est canon ? Luke Skywalker avec un sabre vert, c'est canon ? Même si ça va à l'encontre des films ?
Bien évidemment, non. A l'instar des Battlefront précédents, ce n'est pas le déroulé de la bataille qui est canon, mais tout simplement son existence en tant qu'événement. Peu importe qui remportera les parties in-game, puisqu'il n'existe pas de trame scénarisée définie : seuls comptent la planète et l'affrontement.
L'exemple le plus parlant à ce sujet, c'est le premier DLC gratuit Bataille de Jakku, destiné à raconter les événements qui précèdent le Réveil de la Force. Jakku est une planète inventée par les scénaristes du Réveil de la Force, visible dans les deux trailers du film (la planète désertique que-tout-le-monde-pense-que-c'est-Tatooine-alors-qu'en-fait-non). C'est là l'occasion rêvée pour DICE de préparer le public à la venue de ce septième film Star Wars, en introduisant l'importance de cette planète dans le nouveau canon de la saga. Ainsi, vous saurez qu'après la bataille d'Endor, l'Empire et l'Alliance Rebelle, devenue entre temps la Nouvelle République, se sont affrontés sur Jakku. Pour autant, ce que vous y ferez en tant que joueur n'aura pas vraiment d'influence sur la vraie histoire de la saga, puisqu'encore une fois, Battlefront est un jeu ne possédant pas de campagne solo officielle.
De la même manière, la planète Sullust, telle qu'elle apparaît dans le jeu, a donc exactement cette apparence dans l'univers Star Wars. C'est ce jeu qui l'a définie (sans vraiment apporter beaucoup de changements à la version "Légendes" qui apparaît dans Renegade Squadron, ceci dit.)
Dans cette optique d'entrecroisement des œuvres, on note la parution en novembre prochain d'un roman Star Wars officiel intitulé Battlefront: Twilight Company, écrit par Alexander Freed (le scénariste en chef du MMO The Old Republic).
L'histoire se passe un an et demi après l’Épisode IV, et suit les aventures de la « Twilight Company », un groupe d'infanterie de l'Alliance Rebelle qui combat férocement les forces de l'Empire Galactique.
Si les romans inspirés par des jeux-vidéo étaient déjà légion à l'époque de l'univers Légendes (Republic Commando et The Old Republic, pour ne citer qu'eux), un roman issu de la licence Battlefront, c'est quand même assez inattendu.
Toutefois, quand on sait aussi qu'il n'y aura pas de campagne solo dans le prochain jeu de DICE, on peut légitimement se demander si cette campagne ne se serait pas miraculeusement téléportée au rayon librairie...
Incertain, est l'avenir
Évidemment, il s'agit là de considérations internes à Star Wars : le problème est assez mineur pour ceux qui ne s'y intéressent pas et qui ne voient en ce jeu qu'une belle occasion de plonger au cœur de la saga.
Reste donc à voir si le jeu en lui-même saura convaincre, en sachant qu'il souffre et souffrira d'une comparaison évidente avec ses prédécesseurs.
Comparaison inévitable qui n'a, tout bien réfléchi, pas vraiment lieu d'être.
Trailer de Battlefront à l'E3 2015
- Bandeau "Légendes" – Lucasfilm Ltd., 2014.
- "A New Dawn" – Del Rey, 2014
- Logo Star Wars Battlefront – Pandemic Studios, 2004
- Logo Star Wars : Battlefront – DICE, 2013
- Star Wars Battlefront : Twilight Company, d'Alexander Freed – Del Rey, 2015