Les fans en redemandent : Daggerfall, un développement chaotique
Le bouche à oreille fonctionne et malgré une sortie désastreuse pour Arena, les fans finissent par contacter Bethesda pour demander une suite. Bonne nouvelle, l’équipe travaille sur celle-ci depuis le lancement du premier opus. Moins bonne nouvelle, l’entreprise de monsieur Weaver considère que le premier Elder Scrolls était un relatif échec et préfère se concentrer sur une licence qui rapporte bien plus d’argent, Terminator. Julian Lefay devra donc travailler sur ce nouveau jeu, mais avec une équipe encore plus réduite…
La bande va dans un premier temps situer l’intrigue de son jeu en Morrowind lui offrant ainsi le titre de The Elder Scrolls : Mournhold, en hommage à la capitale de la région. Finalement après quelques semaines de travail, l’action sera resituée au niveau de la Baie d’Illiaque transformant le sous-titre du jeu en Daggerfall. Ted Peterson, le directeur artistique, veut offrir au scénario et à l’univers une véritable identité propre. Là où Arena ressemblait à un vague mélange de Donjons & Dragons et d’Ultima Underworld, Daggerfall se verra doté d’un background plus inédit et complet, notamment raconté dans près de 90 livres disséminés à travers toute la partie nord-ouest de Tamriel. Mais cela représente un travail colossal pour la petite équipe, Julian Lefay raconte :
Nous étions en sous-effectif pour Daggerfall et beaucoup de fonctionnalités ont été abandonnées ou retirées peu avant la sortie. Il était très buggé, mais c’était surtout dû à la pression pour sortir le jeu prématurément. Il a été réalisé avec un seul programmeur principal (moi, même si j’avais un assistant de temps en temps) ce qui est absurde pour un projet de cette envergure. Surtout lorsque l’on considère que j’étais également le designer en chef (Ted était incroyable et mérite au moins autant de crédit que moi, mais il est parti avant la fin du projet) et chef de projet et ingénieur en chef de tous les autres développements de Bethesda. En conséquence, le projet en a souffert (…).
Le développement se révélera finalement assez chaotique, l’équipe devra même faire face à un changement de moteur graphique en cours de route. En effet, Chris Weaver a fondé en 1994 une entreprise nommée Media Technology Limited qui a travaillé en collaboration avec Bethesda sur un des premiers moteurs 3D de l’histoire, le XnGine. C’est donc fini à la hâte que The Elder Scrolls : Daggerfall sort sur les PC MS-DOS américains le 31 août 1996 (le 1er novembre 1996 en France).
L’histoire du jeu
L’histoire commence en l’an 405 de la troisième ère, soit cinq années après la fin des événements d’Arena. Septim VII que vous avez sauvé de l’Oblivion dans l’opus précédent est donc à nouveau à la tête du troisième Empire de Cyrodiil. Mais voilà, le roi Lysandus de Daggerfall, mort deux ans plus tôt lors de la guerre de Bretony, officiellement tué par un Rougegarde de la ville de Sentinel, n’arrive pas à trouver le repos. Il hante les rues de sa capitale, appelant à la vengeance. L’Empereur va ainsi mandater le héros, lui confiant la mission d’aller enquêter sur l’origine de ces plaintes ; y aurait-il une sombre histoire cachée derrière cette mort ?
En parallèle, ce cher Septim VII vous demandera d’accomplir une autre tâche, retrouver une missive à destination de la reine de Daggerfall qui s’est égarée. Sans vous en communiquer la teneur, votre Empereur vous demande tout simplement de la détruire… Vous imaginez bien que ces deux tâches seront la base d’une histoire incroyable mêlant politique et trahison. Sur ce point, il est clair que l’équipe a bien progressé et atteint son objectif, s’écarter de l’univers trop générique du premier opus. A noter que le jeu propose six fins différentes, option offrant une rejouabilité encore plus grande.
Le gameplay
Daggerfall est un jeu fabuleux en termes de gameplay. L’univers est immensément grand, près 45.000km² à parcourir selon Bethesda. Les développeurs ont également sublimé ce qui faisait déjà la force du premier opus, la liberté. Si Arena était un jeu de rôle avec des éléments de simulation de vie, alors son successeur est un véritable simulateur de vie heroïc-fantasy. Tout y est possible, acheter une maison, rejoindre des guildes, se balader librement sur la carte en chevauchant un fougueux destrier, voguer sur les flots à la recherche de donjons ou de villes et même marchander des œuvres d’art… Bref, les possibilités sont incroyables et on aura vite fait de s’écarter de la quête principale.
Toujours concernant l’univers, l’équipe a travaillé à le rendre plus vivant, plus crédible. Les passants vous raconteront des choses assez différentes et ont une identité propre. Quand on sait que le jeu compte plusieurs centaines de villes, on ne peut qu’applaudir le résultat. Enfin, une multitude de détails sont présents, par exemple, votre personnage peut attraper des maladies telles que la fièvre jaune ou la lèpre. Mieux encore, si vous vous baladez avec des objets onéreux dans votre inventaire, des sbires de la guilde des voleurs risquent de vous tomber dessus. Tout cela contribue à rendre l’univers beaucoup plus réaliste que dans Arena. Seules ombres au tableau, le manque d’assistance qui rendra la progression parfois difficile pour les débutants et les quêtes annexes dont certains schémas reviennent trop souvent.
En ce qui concerne la création de personnages, l’équipe s’est contentée d’améliorer le système du premier opus afin d’en faire une référence du genre. Ainsi, vous pouvez toujours créer votre avatar manuellement en choisissant parmi huit races et 18 classes ou répondre à une série de questions afin d’obtenir un personnage créé intelligemment, option très appréciable pour les néophytes. Une nouveauté fort sympathique fait également son apparition, il est désormais possible de réaliser ses propres classes. Au final, la critique saluera le caractère très complet du système de création des personnages.
Pour ce qui est des combats, la méthode est quasiment la même que dans Arena. On secoue notre souris afin que notre arme fasse de même, ce qui rend les combats parfois un peu hasardeux. La petite exception vient du fait que l’on gagne désormais des points de compétences en fonctions de nos actions, si l’on utilise une épée, la compétence associée augmentera automatiquement. Les donjons, toujours aussi tortueux seront dans ce deuxième opus plus faciles à terminer puisqu’une carte est là pour nous guider. Enfin, le souci de la vitesse est ici corrigé par le biais d’un petit menu nous offrant la possibilité de choisir la rapidité des adversaires (et pas du nombre d’images par seconde).
Les graphismes
La critique se révélera moins enthousiaste en ce qui concerne les graphismes. En effet, le XnGine laissait entrevoir le meilleur… en 1994 ! Deux ans plus tard, sortent déjà Super Mario 64 ou bien Quake avec son moteur de référence abandonnant les sprites au profit des modèles 3D. Forcément, face à ces mastodontes, le chapitre deux de The Elder Scrolls fait plutôt pâle figure, surtout avec sa résolution imposée de 320 par 200 pixels et ses couleurs fades… Malgré cela, son monde ouvert immense imposera le respect et sauvera le moteur graphique plutôt moyen pour l’année 1996.
Génération 4 – numéro 93, novembre 1996.
Epilogue
Daggerfall sera finalement reçu comme Arena aux Etats-Unis. Les critiques accusèrent le jeu de comporter trop de bugs, beaucoup trop de bugs. The Elder Scrolls II fut fini à la hâte et cela s’en ressent, le jeu n’était pas réellement jouable à sa sortie. En plus de cela, de nombreuses fonctionnalités prévues ont été retirées comme l’escalade à la corde, les joutes ou même les dragons. L’univers fut à la fois plébiscité par les amateurs de jeux de rôle et critiqué pour sa trop grande taille par les autres. Vous l’aurez compris, Daggerfall a surtout beaucoup plu aux amateurs de RPG.
Mais nous parlions là du pays de l’oncle Sam, comme pour le premier opus, le jeu fut mieux reçu dans l’Hexagone. Comme quoi, avoir les jeux après les autres peut avoir du bon ! En effet, les équipes de Bethesda ont pu profiter des trois mois qui ont séparé les sorties américaine et française pour nous offrir une version comportant tous les patchs corrigeant les bugs. Forcément, sans les bugs, le jeu se révèle beaucoup plus agréable et notre presse sera enchantée par Tamriel. Joystick lui attribuera 89%, tandis que Génération 4 lui accordera 4 étoiles sur 6. Avec cet opus, Bethesda fait de sa série une référence, The Elder Scrolls inscrit son nom dans l’histoire du jeu vidéo.
Franck et Pixelpirate jouent les cambrioleurs dans Daggerfall