Une première heure glaçante...

La page des jeux dispose de plusieurs filtres, affichant les jeux populaires, ceux ayant la meilleure note, et ceux “en vedette”, probablement “poussés” par les développeurs du jeu. Notre choix se porte sur le tout premier jeu proposé, Ninja Legends, utilisé simultanément par 46 000 utilisateurs au moment du test, et créé il y a seulement un mois et demi, soit suffisamment longtemps pour totaliser plus de 402 millions de visites. Des chiffres qui donnent le tournis. Sa page de produit, passage obligatoire afin d’y jouer, précise les mises à jour, les contrôles de base, mais aussi une possibilité d'achat de “serveur VIP”, accessible évidemment via la monnaie du jeu, les Robux. C'est en lançant le jeu pour la première fois qu'on nous propose de télécharger et d'installer, très rapidement, le client Roblox, qui s'ouvrira désormais à chaque chargement de jeu ou de l'éditeur de création.

Une fois en jeu, on retrouve un univers 3D très simpliste, bardé d'interfaces mentionnant des objectifs à atteindre ou des ressources nécessaires pour progresser. Le but du jeu nous est très simplement expliqué : il faut devenir le plus fort, aller toujours plus haut, et battre les autres joueurs. Le monde dans lequel on évolue, partagé avec d'autres joueurs, se dessine à la verticale, puisque des dizaines d'îles flottantes évoluent dans le ciel. Pour les rejoindre, et décrocher de plus grosses récompenses, il faudra faire des sauts, et comme vous pouvez vous en douter, il est impossible de rejoindre ces îles sans faire monter en compétence notre personnage, moyennant des tâches répétitives où des achats intégrés. La pauvreté du concept est flagrante, et son manque de fun l'est tout autant, surtout lorsqu'on se fait atomiser plusieurs fois d'affilé, en un seul coup, en acceptant des duels. Il nous manque de l'équipement, et quelques niveaux, mais force est de constater que le jeu ne fait pas grand chose pour nous aider et nous propulse volontairement comme chair à canon lorsqu'on est débutant. Puis, on remarque que beaucoup de joueurs font du surplace et tapent dans le vide... En essayant, on remarque qu'on accumule des ressources en donnant, étonnamment, des coups dans le vide. Nous sommes donc face à un clicker, blindé de micro-transactions, qui se cache derrière un petit côté "MMORPG de ninjas". Bref, dès le premier essai, on tombe sur tout ce qu'on déconseillerai à un jeune joueur.

Changeons donc de crèmerie pour ne pas rester sur un premier goût amer… Nous enchainons donc avec Zombie Strike, qui bien qu’étant, je cite, “inspiré de CS1.6, CS:S, Ruddev Battle Royale et Dwarf Fortress (qui est un jeu pour nerds)” n’en reste pas moins un TPS fade où l'on affronte des hordes de morts-vivants. On comprend vite que quoi qu’il advienne, c’est en lootant de meilleures armes que l’on ira plus loin, car la vitesse de déplacement nous oblige à nous prendre des dégâts, et donc à perdre. Pour éviter cela, il faudra évidemment réaliser des “quêtes” (comme tuer tant de zombies avec telle arme) dans le but d’obtenir des “cerveaux” qui permettent d’acheter de nouvelles armes bien plus puissantes que celles qu’on débloque naturellement. Et les cerveaux, on les obtient en farmant, ou en payant avec des Robux, la monnaie du jeu, évidemment. Si l’on se souvient bien du préambule, et notamment du programme visant à rémunérer les créateurs de jeux, on comprend facilement pourquoi tant de jeux sur Roblox ont un aspect pay to win aussi fort : face à une offre pléthorique, il faut se distinguer en proposant de l’action rapide, extrêmement facile à comprendre, car le public est très jeune, sans toutefois oublier de proposer une monétisation tangible, car l’argent généré sera partagé entre Roblox et le créateur du-dit jeu. Bref, un win-win dans lequel le seul perdant est finalement le jeune joueur, éduqué à grand coup de paywall et de farming insipide.

Parce que le respect des droits d'auteur c'est très surfait

Allez, avant de noyer notre chagrin, tâchons de voir ce qu’il se passe lorsque les créatifs du monde de Roblox tentent d’imiter les autres jeux. Nous lançons donc en quelques secondes le jeu "Saber Simulator", qui semblait pourtant repomper le concept de Beat Saber, mais ne lui vole finalement que sa typographie. En quelques secondes, nous nous rendons compte qu'il n'est finalement qu'un clone de notre tout premier jeu essayé, Ninja Legends. C'est tout de même cocasse que sur plus de 10 millions de jeux, nos trois premiers essais révèlent deux clones...

Essayons donc "Mineverse", plagiat à peine avoué de Minecraft, tout de même cité dans la description. Après un nouvel étonnement satisfait face à la rapidité de lancement des jeux, téléchargements compris, tout semble fonctionner et nous parcourons en quelques clics des serveurs de 10 personnes hébergeant une version quasi-identique au Minecraft de Mojang, dans laquelle nos personnages de Roblox se baladent et interagissent entre eux. Craft, destruction du décor, tout y est, même si certaines différences se font sentir, notamment sur le framerate et la physique des fluides. On en vient donc assez vite à se demander si, sur une contrefaçon aussi visible, la monétisation abusive des précédentes expériences jouées se fait autant sentir. Sans surprise, pas vraiment. Le titre ne mentionne aucun paiement accessible directement en jeu, mais précise sur la description qu'il est intéressant d'acheter des "gamepasses" pour bénéficier d'une expérience de gameplay "ultime". Et effectivement, l'onglet "boutique" du jeu, propose pas mal de micro-transactions, de la torche permanente à l'auto-sprint en passant par les commandes d'admin.

En changeant encore de style, on retrouve par exemple "SW:Timelines", une oeuvre intégrée à l’univers Star Wars, qui propose de jouer "role play" dans n’importe quelle Timeline de la saga. De toute évidence, notre compte fraichement créé pose problème ici car il nous est impossible de rejoindre les différents “univers”. Nous décidons donc d’essayer "Star Wars : Clone Wars (RP)", expérience analogue qui propose une quantité assez impressionnante de personnages à incarner et de lieux à visiter. Certes, tous sont reproduits de manière assez sommaire, mais on imagine aisément que les amateurs de machinima dans l’univers de Star Wars y trouveront leur bonheur... En revanche, il s’agit encore une fois d’un usage détourné d’une licence et une monétisation est présente pour acheter du contenu supplémentaire, ce qui est totalement illégal. D’ailleurs, en essayant de retrouver "Mineverse", nous constatons, amusés, qu’il existe plus d’une dizaine de versions, d'éditeurs différents, toutes appelées “Mineverse” et qui proposent parfois des variantes : des serveurs à 200 joueurs et autres joyeuseté. Notez que nous avons eu l'occasion de parcourir d'autres titres, réutilisant les concepts ou assets de Pokémon, Skyrim, de Zelda, de Dragon Ball, Resident Evil, FIFA ou encore de Sonic.

Un paradis publicitaire

On remarque aussi de la publicité à deux endroits précis du site Roblox. Il s'agit systématiquement de promotion pour des jeux disponibles sur le site ou pour leurs Gamepass payants. D'ailleurs, les choses vont très vite dans le monde de Roblox : moins d'une semaine après son annonce, le Tesla Cybertruck est déjà dans des jeux, et on en fait déjà la promotion par affichage publicitaire. Mais c'est une autre pub qui attire très vite notre attention, dédiée à “Target Store” et arborant le véritable logo de l’enseigne Target, second géant de la grande distribution américaine, derrière Wal-mart. N'ayant pas accès aux serveurs du fait de la récence de notre compte, nous nous cantonnons à regarder quelques vidéos sur YouTube dans lesquelles des jeunes s'amusent à faire semblant de travailler en tant que caissier, où à payer des articles. Ces niveaux sont créés par un profil, déclinant toute responsabilité quant à l'utilisation des droits de la marque, mais ayant créé tout un tas de modules, dont certains à l'accès payant. On notera par exemple des niveaux de "recrutement" pour proposer aux joueurs des quizz automatisés, afin de déterminer s'il feraient de bons employés Target. Bref, on est pas loin des fameux recrutement sur le FPS America's Army...

Et pourtant, malgré de nombreux cas d'infractions au droits des marques, de contrefaçons et de plagiat d'oeuvres protégées, Roblox est commercialement en odeur de sainteté du fait de son poids démesuré, s'offrant par exemple des partenariats avec Star Wars dans le cadre du lancement du neuvième film... Une situation assez aberrante, surtout quand on sait que les achats intégrés des contenus violant les droits de la licence rapportent, directement ou indirectement, de l'argent à l'entreprise...