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Le tout connecté
En ébullition permanente, le jeu vidéo est d’une richesse vraiment surprenante. Tout se complaisant dans une facilité parfois agaçante, le média n’en finit plus de s’ouvrir au plus grand nombre et il paraît difficile, en 2019, de ne pas y trouver son compte. À condition de ne pas être un amoureux de l’objet. Car il ne faut pas se faire d’illusions, le dématérialisé – en dépit des incontournables versions collector – est en train de dévorer les parts restantes du modèle physique et ce ne sont pas les consoles rétro – qui fonctionnent avec des roms – ou l’arrivée de nouveaux services d’abonnements (Apple Arcade, Google Stadia…) qui vont changer la donne. Surtout quand on voit la direction entreprise par Microsoft et Sony avec le Xbox Game Pass ou le PlayStation Now. Le futur, qu’il s’agisse de téléchargements ou de cloud-gaming, sera au tout connecté. S’il y aura toujours des nostalgiques de l’objet, dont votre serviteur, les mentalités sont en train d’évoluer et les acteurs majeurs l’ont bien compris. En ce sens, 2019 apparaît comme une année de transition, d’abord parce que la nouvelle génération de machines frappe à la porte et, ensuite, parce qu’elle est sans doute une étape charnière de la prochaine décennie qui s’annonce.
Ce qui est amusant, c’est que l’on pourrait presque transposer cela à la rédaction de Jeuxvideo.com. En effet, autour de la rédaction « physique » (que vous connaissez désormais très bien) gravitent de petites mains indépendantes « dématérialisées » qui participent au contenu du site. Et cet ensemble forme un tout… que vous découvrez jour après jour. Avouez que l’image est intéressante, non ? Cette richesse est l’une des grandes forces de Jeuxvideo.com et j’en profite, d’un point de vue plus personnel, pour remercier la rédaction de l’infinie liberté qu’elle nous accorde. Sans cette ouverture d’esprit, je n’aurais jamais pu réaliser les dossiers « making of » ou certains portraits. Et notre présence dans les tops et flops de 2019 témoigne, une nouvelle fois, de cette confiance. Tout en gérant des projets parallèles (pour ma part, l’écriture du double-ouvrage l’Histoire de Rare), ce sentiment d’appartenance à Jeuxvideo.com – par le biais des tests, dossiers, soluces… – permet de garder notre passion totalement intacte. Et pour cela, je n’ai qu’une chose à dire : merci.
Mon top 5 de 2019 :
- == A Plague Tale : Innocence ==
- == Shenmue III ==
- == Death Stranding ==
- == Luigi's Mansion 3 ==
- == Life is Strange 2 ==
Video-test de A Plague Tale : Innocence
Mon coup de coeur : Shenmue III, un cas d’école
Clivant, différent, en marge de notre époque, Shenmue III est l’œuvre d’un auteur, en l’occurrence Yu Suzuki, qui n’est pas un joueur. Cette simple réalité explique, en grande partie, l’archaïsme apparent du jeu dans sa technique, son rythme et ses mécaniques. Mais lorsqu’on le gratte la couche, on comprend bien vite que ce titre est, pour les fans, une véritable bénédiction. Pour quelqu’un de perfectionniste comme Yu Suzuki, ce troisième épisode tient du miracle. Il aura fallu dix-huit ans pour que Ryo et Shenhua sortent de cette foutue grotte… dix-huit années d’attente, d’espoir, de déception ou encore de résignation (à l’époque, j’étais étudiant, aujourd’hui je suis marié avec deux enfants). Si le Japonais, pour des questions d’équipes et de budget, a obligatoirement fait des concessions, on retrouve tout ce qui fait le charme de la licence : l’ambiance, l’humour, le sentiment de dépaysement, une direction artistique soignée, un doublage japonais de qualité, des musiques de toute beauté… Shenmue III respire la caducité mais il demeure, pour une niche de joueuses et de joueurs, un cadeau du ciel.
Mon coup de gueule : Cette soupe que l’on nous réchauffe
À l’image du cinéma hollywoodien, le jeu vidéo est devenu un tel théâtre financier que nos marionnettes numériques risquent d’être tirées par les mêmes ficelles pendant encore longtemps. Si les joueurs, grimés en Guignol, n’hésitent plus à mettre de bons gros coups de bâton (Anthem ou Ghost Recon Breakpoint peuvent en témoigner), cela ne suffira sans doute pas à faire changer les choses. Les créateurs de jeux, au même titre que les scénaristes dans le milieu du cinéma, sont généralement contraints, sauf à de rares exceptions, à revoir leurs ambitions à la baisse. Si l’univers indépendant permet l’émergence de petites pépites de temps à autre, le jeu vidéo souffre du manque de ces jeux d’auteurs à même de marquer toute une génération. Oui, il y a d’excellents remakes, aventures et mondes ouverts mais il suffit de faire le point sur une année de sorties – comme en 2019 – pour s’apercevoir que les mécaniques d’un jeu peuvent être transposées dans un nombre incalculable de ses confrères. Et c’est regrettable car le jeu vidéo est d’une telle richesse qu’il pourrait, si on suivait les envies des créateurs et non pas les multiples entrées des tableaux Excel, apporter encore plus de magie qu’il ne procure actuellement.