Un cri rauque vous vrille les tympans depuis l’autre bout de la jungle, tandis que vous courez sans vous retourner. Les cycas vacillent déjà à mesure que la forêt tout entière vibre au rythme du cœur d’une bête furieuse. Cela ne vous rappelle rien ? Alors c’est sûrement que vous êtes passé à côté de Jurassic Park : Le Monde Perdu. Non contents d’associer à leur licence le titre de l’une des œuvres les plus célèbres de Conan Doyle, Spielberg et Crichton nous replongeaient dans un bain préhistorique en compagnie de dinosaures toujours aussi féroces. Bien entendu, l’industrie vidéoludique n’est pas restée en retrait et nous a entre autres produit The Lost World : Jurassic Park. Prêt pour l’aventure ? Une seule chose à se rappeler. C’est comme à la maison : si votre verre d’eau tremble, vous pouvez être sûr que « maman est très en colère »…
Vous voulez dire qu’il y a deux îles avec des dinosaures ?
Si vous avez vu le film, alors ce petit constat ne vous sera pas étranger. Le jeu nous renvoie au large du Costa Rica, sur une des îles voisines de celle du Jurassic Park originel. Sur cette île, les dinosaures destinés au parc ont été abandonnés par les scientifiques et ont retrouvé un style de vie proche de celui qu’ils étaient censés avoir 65 millions d’années plus tôt. Hélas, ces reptiles ancestraux attisent bien des convoitises et ce n’était qu’une question de temps avant que des humains cupides ne viennent poser leurs bottes sur Isla Sorna pour engranger quelques spécimens. Face à un écosystème sans pareil, l’homme et ses armes modernes peut se croire tout puissant. Pourtant, en arrivant sur l’île, tout résonne comme un « Bienvenue tout en bas de la chaîne alimentaire »…
Jurassic Park a toujours su voir grand. Et pas seulement quand il s’agit de brachiosaure enrhumé. Avec The Lost World, il offre au joueur une opportunité rare dans le monde vidéoludique : celle de ne pas incarner un, ni deux, ni trois, ni quatre mais cinq protagonistes lors de la campagne. Tous sont différents, tantôt humains, tantôt sauriens, et tous n’ont qu’un but : rester en vie. Il vous faudra donc composer avec l’arsenal et la ruse d’un soldat d’Ingen ou de Sarah Harding, la vitesse et la discrétion d’un compsognathus, l’agilité et la sauvagerie d’un vélociraptor ou encore la puissance du tyrannosaure rex. Le tout à travers une pléthore de niveaux, tous différents et tous en adéquation avec votre personnage. Satisfait ? Bouclez vos ceintures, il risque d’y avoir quelques cahots !
C’est dingue… on dirait qu’il a pas peur de nous…
A tout seigneur tout honneur, le jeu commence avec… le compsognathus. Vous voilà donc plongé dans la peau squameuse d’une bestiole de la taille d’un poulet fermier, véritable nain face aux titans qui hantent la jungle. Pourtant, mieux vaut ne pas chercher la petite bête avec lui… Agile, rapide et féroce, le compsognathus (compy pour les intimes et les rédacteurs fainéants) est un personnage avant tout basé sur l’esquive. Vos adversaires vous surpassant quasiment tous en taille, il s’agira de gérer au mieux vos combats, afin de ne pas vous retrouver en mauvaise posture. Fuir est en effet la meilleure chose à faire dans bien des cas, et cela donnera d’ailleurs lieu à certains niveaux entiers, où vous vous verrez traverser un troupeau de brontosaures ou poursuivi par un carnotaure affamé. L’avorton dispose cependant d’une jauge d’instinct qui augmente en tuant et en dévorant ses victimes, lui permettant quand elle est pleine de se prendre pour un T.rex et de vous accorder une puissance relative. Vous l’aurez compris, le compy est une mise en bouche originale, de par son gameplay et son point de vue… assez ras des pâquerettes.
Combien de Sarah crois-tu qu’il y ait sur cette île…
La progression du jeu suivant une certaine ligne scénaristique, vous vous retrouverez à un moment ou à un autre dans la peau d’un être pas si différent de vous : un être humain. Dans le cas du mercenaire comme de Sarah Harding (qui occupe le dernier rôle du jeu), il vous faudra lutter face à des dinosaures tout en agilité et en férocité, dans des niveaux souvent axés sur l’équilibre. Cavernes, gouffres et ravins seront autant d’occasions de mettre à profit votre capacité principale : le grappin. Cet outil vous permettra en effet de vous agripper aux zones jusque-là impossibles à atteindre, et d’échapper ainsi à vos poursuivants… mais pas forcément aux chutes mortelles ! En tant que mercenaire, vous aurez accès à tout un panel d’armes destinées à vous défendre, allant du gaz neurotoxique à la mitrailleuse, mais gérez habilement votre stock : les munitions sont rares et les ennemis nombreux. Plus axé plate-forme que les autres personnages, l’humain offre à son tour un gameplay original, même si assez proche de celui d’autres jeux…
N’allez pas dans les hautes herbes…
Présenté à travers une cinématique d’introduction jouissive, le raptor est à coup sûr un personnage qui possède sa touche personnelle. Sa griffe, pour ainsi dire. Et c’est d’ailleurs avec celle-ci qu’il vous faudra composer (et décomposer), vos adversaires s’avérant tantôt humains tantôt dinosaures. Si les uns useront de leurs armes sophistiquées, les autres compteront sur leur force brute, que vous ne serez pas toujours à même de contrer. Votre agilité, en revanche, vous offrira une panoplie de mouvements (allant du double saut à la prise au sol, jubilatoire) à même de vous sortir des situations les plus inextricables. Un groupe de soldats vous barre la route ? Pourquoi ne pas grimper par ce conduit et les surprendre par derrière, ou alors vous glisser dans ce boyau souterrain en toute discrétion et les égorger un à un par surprise ? Le raptor n’étant pas invincible, loin de là, il vous faudra jouer intelligemment pour progresser sans frôler l’extinction, ce qui n’est pas toujours aussi facile que d’ouvrir une porte…
Le T.rex ne veut pas être nourri. Il veut chasser…
Enfin, il est grand temps de rendre à lézard ce qui appartient à lézard. Et quel lézard, si ce n’est le roi des lézards tyrans. Dans la peau du tout puissant T.rex, vos adversaires font pâle figure et vont subir le courroux du roi à travers un système de rage dévastateur. Que cela soit des humains et leurs véhicules blindés ou des dinosaures décidés à vous détrôner, il vous faudra progresser tout en éliminant ou dévorant systématiquement les menaces, de manière bien plus linéaire (mais voulue par la condition du protagoniste, pas très agile) qu’avec les autres personnages. S’il est capable de faire s’écrouler des tours en métal et de tordre le coup à un allosaure, il est possible de mettre le géant à terre. Et la plupart du temps, l’environnement sera tout aussi dangereux que vos adversaires : forêt en feu aux braises mortelles, camp militaire fortifié, grottes obscures… Autant de pièges, même pour un titan préhistorique. Au final, même si la partie T.rex s’avère la moins originale en termes de gameplay, elle nous offre la possibilité d’incarner par certains moments un personnage "god mode" des plus grisants.
« Les dinosaures mangent l’homme… Les femmes héritent de la terre ».
Et si cette citation reflète assez bien la condition de Sarah Harding dans le dernier passage du jeu, il souligne également l’idée générale du titre : un univers à la fois impitoyable et extraordinaire, au plus proche de celui des livres et des films de la série. A travers une galerie de personnages hétéroclites et à gameplays différents, The Lost World : Jurassic Park tient plus que ses promesses, s’affirmant comme l’un des meilleurs jeux Jurassic Park. Que cela soit en ramassant des brins d’ADN pour débloquer des bonus ou en vous faisant les griffes sur un adversaire, l’aventure est à coup sûr inoubliable, et ce malgré des passages présentant une difficulté ahurissante. Bref, Jurassic Park : The Lost World est un jeu où vous trouverez votre plaisir au même endroit que se trouve l’équipage du paquebot à la fin du film : « un peu partout »…
Points forts
- Les cinq personnages jouables, dont certains jouissifs
- Les différents types de gameplay
- Une réalisation somptueuse
- La galerie d’adversaires (plus de 30 dinosaures)
- Les introductions de personnages
- Des passages mémorables (courses-poursuites, boss…)
- La durée de vie
Points faibles
- Les pics de difficulté passagers
- Le système de mots de passe (légèrement passé de mode)
Graphiquement magnifique pour l’époque, Jurassic Park : The Lost World est un cas unique dans son approche de la campagne. Le jeu surprend à chaque instant en vous mettant tantôt dans la peau de vos adversaires, tantôt dans celle de vos proies. Apportant plus que le simple scénario du film, le titre permet au joueur de plonger dans l’univers de la série plus que jamais auparavant. A chaque personnage son gameplay, son expérience, et donc en quelque sorte son propre jeu, l’aventure s’avérant en effet plutôt longue. Si l’on oublie la question de la difficulté mal jaugée à certains passages, on aurait pu tenir le jeu Jurassic Park parfait. Mais, que voulez-vous… l’erreur est saurienne…