Pierre angulaire de l'infiltration, Thief n'est pas une licence anodine. Mais faire son retour après de longues années d'absence n'est pas chose aisée. Après nous avoir épatés avec le reboot de Deus Ex, ou en est Eidos Montréal avec sa relance des virées chapardeuses de Garrett ?
La dernière fois que Thief a fait une apparition publique, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il a laissé une étrange impression, la faute à une session de jeu concentrée uniquement sur le HUB du jeu, la ville, espace consistant à lier entre elles les missions de la quête principale, les quelques quêtes annexes et les points de ravitaillement de Garrett. En somme, rien de follement enthousiasmant. Il était donc urgent qu'Eidos propose une autre vision du jeu, c'est chose faite avec une version PS4 qui nous a permis de tester les 4 premiers chapitres du titre, dont un prologue d'introduction, que l'on appelle également avec moins d'emphase un tutoriel. Pour tout savoir sur le HUB de Thief, vous êtes cordialement invité à lire le précédent aperçu du jeu.
Garrett, solitaire altruiste
En bon voleur un peu mercenaire sur les bords, Garrett s'emploie donc à trouver des petits boulots qui lui sont confiés en premier lieu par son camarade Basso à qui il suffit de rendre visite en ville pour se voir attribuer de nouvelles instructions et directives qui dirigent le joueur vers un niveau indépendant, correspondant à un chapitre précis de la campagne, les quêtes annexes se déroulant pour leur part en ville. Une cité rongée par un mal étrange nommé Grisaille et tenue d'une main de fer par un Baron tyrannique que Garrett, bon gré mal gré, aidera à renverser. Ces missions principales sont pour l'essentiel assez linéaires même si au fil de la progression dans l'histoire elles tendent à prendre un peu de volume et à multiplier les voies détournées et les opportunités d'exploration. Un aspect à ne pas négliger puisque c'est de cette façon que l'on mettra la main sur les objets de valeur les plus cotés et que l'on pourra ensuite claquer son blé en accessoires divers (les différents types de flèches ou rations de soins) ou en amélioration des aptitudes de Garret (démarche plus discrète, concentration accrue, perception visuelle des bruits de pas etc.). Malgré tout, sur les 4 chapitres parcourus, l'exploration reste assez limitée et même sans carte, il est bien difficile de se perdre en route et de ne pas filer droit vers l'objectif, avec quelques nuances toutefois. Par exemple, posséder une clé anglaise permet de démonter des grilles d'aération et de prendre un chemin de traverse là où un joueur moins bricoleur se contentera de grimper sur un mur et d'emprunter la porte, avec ce que cela comprend de risques de tomber sur un garde de mauvais poil.
Les gardes, justement, font preuve d'une IA plus convaincante que lors de la dernière présentation de Thief, une intelligence qui varie pas mal en fonction du niveau de difficulté. En pratique, en mode Normal, être dans l'ombre suffit à éviter les ennuis, à moins de se faire marcher dessus, mais en Maître, cet aveuglement de confort se fait oublier et un soldat pourra parfaitement vous voir dans l'ombre si vous êtes trop près et pile dans son champ de vision. Les portes ouvertes et les chandeliers éteints ont également tendance à les chatouiller et à les pousser à enquêter. Et les bougres ne sont pas sourds non plus, pas question donc d’assommer un gêneur à moins de 10 mètres de ses comparses sous peine de se faire rapidement repérer. Dans le même ordre d'idées, sachez que le crochetage de serrure, s'il est manqué, produit un son qui alerte les PNJ alentour. Idem, si vous tentez de les aveugler en éteignant chandeliers et torches à l'aide des flèches à eau, ils n’hésiteront pas à les rallumer.
Crapahutage bridé
En revanche, et toujours uniquement en se basant sur ces 4 premiers chapitres, ils ne sont guère nombreux et on trouve assez aisément un moyen de les esquiver en utilisant le décor pour se planquer quelques secondes et filer à l'anglaise. C'est que les voies disponibles sont faciles à repérer, à la limite du chemin balisé : pour athlétique qu'il soit, Garret ne peut pas vraiment grimper sur tout ce qu'il voit. Pour monter sur une caisse, cette dernière doit être complètement dégagée et pas trop haute, les flèches à cordes servant à grimper ne se plantent que dans des spots précis et on ne peut escalader que les murs présentant une grille facile à reconnaître placée à la bonne hauteur. L'inévitable comparaison avec le level design de Dishonored et son héros capable de crapahuter sur tout et n'importe quoi ne joue donc pas en la faveur de Thief qui sort plutôt la carte du dirigisme agrémenté d'une pointe d'exploration libre. On se demande d'ailleurs si le jeu ne paie pas le prix de son développement un poil chaotique quand on observe certains détails, comme des conduites et rebords qui semblent clairement destinés à servir de voies aériennes mais sur lesquels on ne peut finalement pas se déplacer. A cette heure, c'est d'ailleurs le principal reproche que l'on peut adresser au soft. Un grief que l'on nuancera en rappelant qu'au fil de la progression, le level design nous a semblé prendre de l'ampleur, offrant des voies d'entrée plus variées permettant d'aborder les lieux sous différentes approches.
Difficulté à la carte, challenge à la clef ?
Mais ce constat ne signifie pas que traverser Thief soit une promenade de santé ni une punition, pour peu que l'on se donne la peine d'aller trifouiller les options. En plus des trois modes de difficulté de base, Thief permet de configurer intégralement son interface et ses conditions de jeu. De façon classique, on peut donc complètement purger l'affichage tête haute (navigation, jauge de furtivité, indicateurs de menaces, viseur et autres) mais également supprimer des indicateurs visuels comme ceux du crochetage de serrures, ce qui contraint à se fier aux sons (ou vibrations sur console) pour réussir son coup, en rappelant qu'un échec produit un son trahissant la présence de Garret. Le fameux mode Concentration grâce auquel le joueur peut repérer les ennemis, les zones interactives ou ralentir le temps peut être désactivé, les sauvegardes limitées aux seuls chapitres sans quicksaves ou checkpoints, des options permettent de mettre la mission en échec à la moindre détection par un garde, d'augmenter le prix des objets, de brider les accessoires utilisables et il est même possible d'interdire les neutralisations ou d'activer un permadeath. Après un petit essai en mode Hardcore, la progression prend de suite quelques degrés de challenge et on reconnaît bien volontiers que malgré tout ce qui a été dit, on prend plaisir à évoluer dans le jeu d'Eidos Montréal dont les niveaux les plus avancés peuvent encore nous surprendre.
Après 4 chapitres (dont un tuto) testés librement, les impressions qui se dégagent de Thief sont encore un peu mitigées. On est fatalement un peu déconcerté par son level design laissant peu de place au vagabondage ou par les déplacements limités de Garret, mais la possibilité de booster sévèrement la difficulté et de corser les conditions de jeu offre une contrepartie intéressante. Par ailleurs, les environnements un peu plus vastes et stimulants visités à l'approche de la fin de la preview rassurent sur la courbe de progression que peut réserver Thief dans ses chapitres avancés. Prenons le parti de la confiance en attendant sa sortie, qui ne tardera plus. Fin février, nous serons fixés.