Ce n'est pas la première fois que la licence Tales of s'essaye aux quadrillages des tactical RPG. En effet, Namco narrait déjà en 2003 la suite de Tales of Phantasia avec un Tales of the World Summoner's Lineage dont on ne parle plus depuis bien longtemps. Tentant maladroitement de surfer sur la vague lancée un peu plus tôt par Final Fantasy Tactics Advance, l'opus souffrait d'une présentation peu claire et d'une réalisation clairement dépassée. Presque dix ans plus tard, l'éditeur japonais tente à nouveau sa chance et opte cette fois pour un cross-over réunissant comme d'habitude de nombreux héros piochés dans chaque opus de la série. Développé pour smartphones, Tales of the World Tactics Union est désormais accessible sur tous les smartphones depuis les plateformes de téléchargement App Store et Google Play pour la somme de 800 yens, soit environ 6 euros. Finie l’exclusivité au service « au Smart Pass » qui permettait à la licence d’amorcer un démarrage en douceur dans le monde Android. Cette fois, l’opus rentre dans la cour des grands et devient ainsi accessible pour la grande majorité du public nippon très friand des appareils Apple. Namco Bandai réussit donc son pari d’implanter la série sur supports mobiles, ce pour quoi il n’avait pas lésiné sur les moyens : entièrement développé en interne, Tales of the World Tactics Union est un véritable jeu de rôle présenté en bonne et due forme et doté de nombreuses qualités !

Un rêve à la croisée des contes dans lequel s'unissent les plus grands héros

L'histoire nous présente la terre imaginaire de Rêvaria, carrefour qui réunit les rêves issus des différentes dimensions de l'univers. Un monde de joie et de couleurs sur lequel veille la lignée des Lufres, peuple de petites fées à l'apparence carrément craquante. Seulement voilà, la morosité humaine fait pencher la balance rêve-cauchemar du mauvais côté et donne naissance à une entité démoniaque, les Voules... Rêvaria est en danger ! Totalement dépassés, les Lufres n'ont d'autre moyen que de recourir aux « Rêveurs éveillés », ces héros endormis dans leur propre dimension et qui se matérialisent dans le monde des rêves pour combattre et repousser la menace ; c'est là qu'interviennent nos personnages préférés, à commencer par Lloyd et Asbel. Guidé par un jeune Lufres nommé Telun, leur chemin croisera celui de nombreuses autres figures emblématiques de la série, étoffant ainsi la résistance contre les mauvais songes... Bien que relativement simple, cet effort scénaristique demeure un atout que tous les cross-over Tales of n'ont pas le luxe de posséder : ici, les différents personnages ne se croisent pas avec l'illogisme et l'anachronisme auxquels d'autres opus ont pu nous habituer, puisque ce monde onirique ne les extirpe pas de leur univers d'origine depuis lequel ils sont tout simplement en train de rêver. On prend d'ailleurs plaisir à imaginer à quel moment des scénarios de chaque épisode les protagonistes peuvent vivre une telle aventure durant une nuit anodine de sommeil.

Comme la plupart des jeux de rôle tactique, l'aventure a pour base une carte du monde depuis laquelle on accède à différentes étapes de l'histoire d'un simple toucher du doigt. De nombreux chapitres principaux sont ainsi disponibles au fur et à mesure de leur complétion, accompagnés par quelques missions annexes permettant de varier les plaisirs et d'accéder à du contenu secondaire. La cité des Lufres sert quant à elle de havre pour notre groupe de combattants souhaitant s'entraîner au Colisée ou faire des emplettes dans des boutiques en tous genres. C'est d'ailleurs ici qu'on accède au catalogue de contenu téléchargeable payant – véritable inhérence à un jeu smartphone – qui sait indéniablement prendre les joueurs par les sentiments. Si l'aventure permet de recruter un total de seize personnages, quinze supplémentaires (le double !) sont à acheter au prix de 300 yens l'unité (2,30 euros). L'addition devient alors rapidement salée, mais on cède volontiers à cette politique de DLC quand on comprend que chaque héros bonus est totalement intégré à l'histoire, et par conséquent indispensable, notamment lorsqu'il s'agit de véritable emblèmes tels que Cless, Lion ou encore Milla. Il est d'ailleurs intéressant de voir que le casting ne se limite pas aux traditionnels « héros et héroïnes principaux de chaque opus », puisqu'on retrouve souvent des figures inattendues aux dépens d'autres plus célèbres ; Meredy, Harold et Norma représentent à elles seules les univers de Tales of Eternia, Destiny 2 et Legendia.

Quand la fureur des affrontements laisse place au calme des échiquiers

Une fois tout ce beau monde réuni, il est temps de passer aux choses sérieuses et de se pencher sur le système de combat particulier de Tales of the World Tactics Union. L'action se déroule sur une aire quadrillée vue en plongée, joliment décorée mais sans être très détaillée. Modélisée en 3D, elle autorise le joueur à zoomer sans que l'aspect graphique n'en souffre, ainsi qu'à la faire pivoter de façon à observer le champ de bataille sous quatre angles différents. Chaque affrontement oppose une armée ennemie dispersée ça et là au groupe des héros à placer sur une petite zone de départ. A tour de rôle, chaque combattant a la possibilité de se mouvoir parmi les cases qui sont à sa portée, puis d'effectuer une attaque sur les ennemis avoisinants en choisissant entre coups physiques ou techniques spéciales, plus puissantes mais coûteuses en points de magie. Pour chaque offensive, l'interface de combat indique le taux de pourcentage de réussite ainsi qu'une estimation des dégâts infligés, ce qui permet d'établir posément une stratégie basée sur tout un système de statistiques. Bien entendu, les éléments qui font la richesse d'un jeu de rôle n'ont pas été oubliés, puisqu'il est possible de gaspiller un tour pour invoquer une magie à distance, de soigner ses coéquipiers ou bien d'annuler une altération d'état. C'est donc toute une dimension tactique qui se développe sur ces véritables échiquiers, qui n'en reste pas moins simple d'accès, notamment grâce à l'intelligence artificielle ennemie qui manque parfois de jugeote.

Le système d'évolution est quant à lui identique à ce qui se fait dans les grands opus de la série, c'est-à-dire riche et complexe. De nouvelles techniques sont à recouvrer dans les souvenirs des héros endormis grâce aux « fragments de mémoire », tandis que chacun dispose d'une fiche détaillée dont les différentes catégories augmentent au fil de l'expérience acquise. L'équipement et les capacités de soutien permettent toujours l'optimisation de chaque personnage, dont on retrouve avec plaisir les hiougi (technique ultime secrète) à déclencher grâce au passage en état d'overlimit. Par ailleurs, la bande-son oscille entre nouveautés liées au monde de Rêvaria et thèmes propres aux autres Tales of repris sans arrangement. La prise en mains entièrement tactile est quant à elle tout à fait confortable, bien que certaines erreurs liées au toucher d'une mauvaise case sur les damiers soient irréversibles et donc un peu agaçantes. Les tablettes sont par conséquent à privilégier pour jouir de conditions de jeu plus aisées. D'autres petits défauts sont également à déplorer, comme le manque de relief des zones de combat, le mutisme vocal des protagonistes durant les saynètes ou encore l'absence d'un mode multijoueurs qui aurait fait le plaisir de bien des possesseurs de smartphones. Au final, l'expérience Tales of the World Tactics Union est très agréable, d'autant plus qu'elle permet aux inconditionnels de la série de Namco Bandai de redécouvrir leurs héros préférés sous un angle plus stratégique que jamais !