C'est d'ailleurs avec plusieurs mois d'avance sur le public américain que nous avons la chance de découvrir ce Tales of the Abyss sur nos 3DS européennes. Précisons quand même qu'en dehors de l'effet 3D stéréoscopique qui reste assez anecdotique sur ce titre, la version portable a davantage des airs de simple portage que de véritable remake. Ceux qui avaient eu l'opportunité de terminer le soft original sur PS2 en import n'auront donc que peu de raisons de s'y remettre sur 3DS, les textes n'étant pas traduits en français au grand dam de la grande majorité des joueurs.

Le doublage japonais est également passé à la trappe et, bien que les voix anglaises accompagnent la plupart des dialogues du soft, les « skits » (petits commentaires que les personnages échangent entre eux) sont en revanche désespérément muettes. Si Tales of the Abyss compte parmi les volets les plus appréciés des fans de la série, cela est sans doute dû autant au caractère novateur de son gameplay, qui s'appuie sur une plus grande liberté de déplacement en combat, qu'à l'aspect déroutant et imprévisible de son scénario. Car bien que l'histoire mette plusieurs heures à véritablement se mettre en route, elle adopte une direction extrêmement audacieuse dès lors que l'on prend conscience des enjeux qui régissent le monde d'Auldrant. Le plus étonnant reste d'ailleurs la façon dont les scénaristes s'escriment à maltraiter Luke, le personnage central de cet opus, faisant tout pour nous le rendre détestable dès le début du jeu, alors que l'on devine déjà que quelque chose de grave menace d'ébranler en un instant toute notre perception des événements. Mais revenons un petit peu en arrière et voyons comment tout a commencé.

Le monde d'Auldrant est menacé par un conflit sur le point d'éclater entre l'armée de Malkuth et le royaume de Kimlasca qui se disputent tous deux le septième fonon censé dévoiler l'avenir. Une prophétie révèle en effet que la venue de Luke fon Fabre, l'héritier du trône de Kimlasca-Lanvaldear, permettra d'exploiter le réel pouvoir du septième fonon. Luke serait ainsi le seul être au monde à pouvoir entrer en hyper-résonance avec un septième foniste. Kidnappé par l'empire de Malkuth alors qu'il était encore enfant, cela fait maintenant sept ans que l'héritier de Kimlasca est cloîtré derrière les murs du château de son père pour sa propre protection. Devenu amnésique suite à son enlèvement, le jeune homme ne connaît strictement rien du monde qui l'entoure, et cela l'a rendu arrogant, égoïste et téméraire. Un antihéros comme on en voit peu dans la série, d'autant qu'on se demande bien quelles cruelles épreuves va devoir subir le pauvre Luke pour mériter toute l'attention du joueur avant le dénouement du jeu.

Son destin le mènera d'abord à croiser celui de Tear Grants, une septième foniste appartenant à l'Ordre de Lorelei, élevée pour le combat après avoir perdu ses parents. Sa dignité naturelle l'incite à rester calme et impassible en toutes circonstances, et à ne surtout pas montrer qu'elle craque complètement pour tout ce qui est kawaii, et notamment les petites créatures à fourrure telles que Mieu, la mascotte de cet opus. Autre allié de taille pour Luke, Jade Curtiss, dit "le nécromancien", est un foniste élevé au rang de colonel par l'empire de Malkuth. Son air hautain inspire la méfiance, mais ses pouvoirs dépassent l'entendement. Malgré sa phobie des filles qui donne lieu à des scènes cocasses, Guy Cecil est un épéiste charmant, entièrement dévoué à la famille de Luke qu'il sert depuis des années. Il considère un peu ce dernier comme son petit frère et aura maintes occasions de lui témoigner sa confiance. Du haut de ses 13 ans, Anise Tatlin est une jeune fille pétillante chargée de la protection du maître foniste Ion, le chef de l'ordre de Lorelei. Elle se bat avec une marionnette géante nommée Tokunaga qui lui sert de monture et ne plaisante pas avec les filles plus âgées qui s'intéressent d'un peu trop près à Luke. Appartenant à la noblesse, Natalia Luzu Kimlasca Lanvaldear est la promise de l'héritier de Kimlasca. Elle est fière et maîtrise l'archerie, mais son caractère pragmatique semble peu compatible avec celui de son futur époux.

Servis par le magnifique character design de Kôsuke Fujishima, qui a également oeuvré sur Tales of Symphonia et Tales of Vesperia, ces protagonistes font certainement partie des plus réussis de la série et sont opposés à des adversaires tout aussi charismatiques. C'est le cas, notamment, du maître de Luke, Van Grants, qui est aussi le frère de Tear et le commandant en chef des Chevaliers de l'Oracle de l'église de Lorelei. Il est à la tête des six dieux-généraux qui vont se mettre en travers de la route de nos amis, et parmi eux se trouve un certain Asch dont la ressemblance physique frappante avec Luke ne manquera pas d'intriguer le joueur autant que nos héros. Pour la petite histoire, et bien que le jeu original ne soit jamais sorti en Europe, le scénario et les personnages de Tales of the Abyss ne devraient pas être complètement étrangers au public français puisque l'adaptation du soft en manga est en cours de publication depuis quelques mois dans notre pays.

Niveau background, Tales of the Abyss assure donc davantage que la plupart des autres volets de la saga, mais les bonnes surprises ne manquent pas non plus sur le plan du gameplay. Faisant intervenir le « Flex Range - Linear Motion Battle System », les combats comportent un mode de déplacement libre (Free Run) qui permet de se déplacer n'importe où dans la zone d'action. On peut donc véritablement contourner ses adversaires pour les prendre à revers ou esquiver leurs attaques. La montée en puissance des personnages jouables réside comme toujours dans l'évolution des Artes, à mettre ici en relation avec les Fields of Fonons (FoF). Ces cercles d'éléments (feu, eau, terre, vent) qui apparaissent sur le terrain durant les joutes permettent d'exploiter le potentiel caché des Artes, pour peu que l'on s'assure de la compatibilité entre les éléments du cercle et ceux de l'Arte que l'on utilise dessus. La technique de base est alors remplacée par une autre beaucoup plus impressionnante qui incite à multiplier les occasions de combiner les deux pour décupler les dégâts infligés à l'ennemi.

L'écran inférieur de la console permet d'ailleurs de recourir aux Artes très facilement en paramétrant des raccourcis tactiles qui ajoutent un petit plus à cette version 3DS. On se félicite également de l'absence des temps de chargement puisque ces derniers sont quasiment instantanés sur la portable de Nintendo. Le « field », où l'on évolue librement d'un lieu à un autre de la carte du monde, abrite dans cet épisode des zones de recherche qui font partie des nombreux éléments à découvrir en dehors de la trame principale. Celle-ci n'en est pas moins longue et réserve plusieurs dizaines d'heures de jeu auxquelles viendront s'ajouter les quêtes annexes et les bonus de fin de partie. En montant de niveau, les personnages acquièrent des compétences passives appelées AD Skills que l'on peut activer et désactiver à volonté. S'il n'est pas possible de participer aux combats à plusieurs joueurs, on peut toujours changer de héros à tout moment et définir de manière précise le comportement des alliés via le menu des stratégies.

Des pierres, baptisées Capacity Core, permettent de booster les aptitudes physiques des personnages en privilégiant certains critères. Quant aux FCS (Fon Slot Chambers), il s'agit de fragments que l'on peut associer aux Artes pour leur conférer différents bonus. A partir du niveau 15, tous les personnages deviennent capables de passer en Overlimit pour une durée limitée, mais il faut attendre le niveau 30 pour pouvoir recourir aux Mystic Artes. On retrouve sinon tous les éléments indissociables de l'univers de la série, à l'instar des pouvoirs de l'anneau du sorcier, des titres ou des innombrables recettes de cuisine. Voilà qui fait de Tales of the Abyss l'un des RPG les plus attachants de ces dernières années, et même si l'on aurait bien aimé le voir bénéficier d'une traduction dans notre langue, reconnaissons que le caractère unique de l'expérience qu'il nous offre compense en grande partie ce désagrément.