Dans le milieu du jeu vidéo, il n'y a sans doute pas plus indépendant que Jason Rohrer. Œuvrant depuis 2005 et à raison d'un jeu par an, le bougre a su marquer son monde grâce à de véritables OVNIS vidéoludiques. Avec le but affirmé de démontrer que le jeu vidéo peut accéder au rang de 10ème art, la production du programmeur entend réfléchir sur les mécanismes de gameplay inhérents au support, le tout à travers des productions à la limite du conceptuel. Passage, son jeu le plus célèbre à ce jour en est sans doute l'illustration la plus parlante. Malgré un succès critique certain, l'impact commercial reste de son coté plutôt mitigé tant les jeux de Rohrer s'aventurent hors des limites de la production actuelle. C'est dans ce contexte que Jason nous offre Inside a Star-filled Sky, un jeu se voulant comme sa production la plus accessible à ce jour.

Une fois encore c'est le pixel qui est ici à l'honneur à travers la multitude de niveaux que propose ce jeu de shoot en deux dimensions. Vous contrôlez ainsi une étrange bestiole aux faux airs de Space Invaders qui sera amenée à évoluer de manière aléatoire. Le but du jeu est simple, il vous suffit de survivre aux attaques des ennemis pour attendre le checkpoint vous permettant de passer au niveau supérieur. Rien de bien difficile a priori d'autant que pour vous aider, divers power-up sont disséminés dans les recoins, vous permettant d'améliorer la résistance et les armes en prévision du prochain level. Au fur et à mesure de la progression, les stages se veulent de plus en plus labyrinthiques et bien entendu, de plus en plus ardus. Sachant que la difficulté est rapidement de mise, on renoue ainsi avec les classiques de l'époque 8bits. Pourtant on est ici bien loin d'un simple trip de nostalgique et ce pour plusieurs raisons. On remarquera très vite que le scoring est ici inexistant. Le seul indicateur chiffré en haut à droite indique tout simplement à quel niveau notre cher alter ego de pixels se trouve. Il faut savoir ainsi qu'à chaque mort prématurée (passage quasi obligatoire du jeu) vous serez amené à redescendre au niveau précédant afin de reprendre votre ascension. La mort définitive n'existe pas et le pire qui puisse vous arriver réside finalement dans le fait de vous retrouver de retour au début de l'aventure. Il est si facile de dégringoler et si ardu de monter de niveau que le jeu semble d'ores et déjà offrir une bien belle durée de vie. Mais aurions-nous oublié de mentionner que le jeu comporte un nombre de niveaux infini ?

Car si le game over n'existe pas, il n'y a pas non plus de fin de jeu à proprement parler. Ce dernier génère donc à chaque début de partie un nombre illimité de stages. Chaque transition s'opérant par un zoom avant ou arrière selon que vous montiez ou descendiez de niveau, laissant transparaître l'idée que chaque level est imbriqué dans le suivant par un jeu de poupées russes aux dimensions cosmiques. La seule limite étant celle que vous vous serez imposée ou que le jeu vous imposera de par sa difficulté. Le but finalement avoué est donc d'atteindre un niveau toujours plus élevé. On se retrouve pour la peine face à un challenge qui lui aussi reflète cette idée d'infini plutôt déstabilisante. Ce manque de conclusion à proprement parler nous laisse seul face au gameplay qui se répète et se modifie de manière inlassable. Le fait de « perdre » un niveau faisant partie intégrante du concept de jeu, vous serez ainsi amené à le faire et le refaire, délivré de toute frustration tant le but, qui n'est généralement fixé que par vous-même, n'est jamais bien loin. A savoir également que le jeu propose une petite bribe de multijoueur. Chaque joueur dispose de son propre drapeau, qu'il est possible de laisser derrière soi, de manière permanente ou non, à des endroits précis de chaque niveau. Une manière comme une autre de laisser une trace dans ce cruel monde de pixels.