Pour les fans de jeu d'aventure, Jane Jensen est une sommité. Il faut reconnaître qu'en créant la série des Gabriel Knight qui s'est divisée en trois volets publiés entre 1993 et 1999, cette scénariste et productrice a su proposer des intrigues bourrées d'éléments fantastiques et servies par une réalisation d'un excellent niveau. En 2003, elle avait annoncé la préparation d'un nouveau projet baptisé alors Project Jane-J. A peine le temps de lui trouver un titre un peu moins ésotérique, Gray Matter en l'occurrence, et en 2004 on apprenait que le développement de ce jeu était mis en suspens. Ce n'est qu'avec l'intervention de l'éditeur allemand Anaconda en 2006 que ce projet est tiré des limbes et que le travail reprend. Puis Anaconda passe la main à DTP. Nous sommes alors en 2007 et Gray Matter est censé sortir début 2008. C'est aussi cette année-là que le studio de développement hongrois Tonuzaba se voit retirer le projet à l'avantage de l'équipe française WizardBox avec, au passage, un nouveau report de la date de sortie à 2009. Et pour finir, comme cela arrive pour la grande majorité des jeux en développement, un nouveau retard est annoncé qui repousse la date de sortie au quatrième trimestre 2010. Cette nouvelle s'accompagne d'une autre, plus inattendue : en plus d'une version PC, le jeu existera sur Xbox 360.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que la genèse de Gray Matter fut épique, à tel point que certains aficionados de Jane Jensen avaient sans doute perdu tout espoir de le voir exister un jour. Alors rassurez-vous, Gray Matter existe et nous l'avons vu fonctionner, dans ses deux versions qui plus est. Le scénario et le principe général s'imbriquent intimement pour nous faire suivre les aventures de deux personnages très versés dans le paranormal et l'occulte à des niveaux différents. On fera tout d'abord connaissance avec Samantha Everett, une apprentie magicienne qui, par une nuit d'orage, va se retrouver devant le manoir d'un certain Docteur Styles. Celui-ci, comme le jeu nous l'apprendra, est un chercheur qui veut démontrer que le cerveau possède la puissance nécessaire pour modifier la réalité. Et l'arrivée de Samantha tombe à pic car ce reclus qui ne quitte plus sa demeure victorienne, Dread Hill House, depuis la mort de son épouse cherche une assistante. La description du job tient en quelques lignes. Il va s'agir de recruter des cobayes dans les rangs de l'Université d'Oxford toute proche.

Pour le joueur, cela signifie que, lorsqu'il dirigera Samantha, il faudra s'attirer les bonnes grâces des étudiants en leur rendant divers services. Bien entendu, les capacités de prestidigitatrice de cette héroïne seront mises à contribution. Elle pourra escamoter certains objets et les dissimuler dans ses manches. Au sein du jeu, cela passera par la représentation graphique de son corps où, comme dans un inventaire, on déposera l'objet qu'on veut faire disparaître ou remplacer par un autre. Par exemple, nous avons pu voir la demoiselle se charger de récupérer un film puis faire semblant de le détruire en le jetant dans le feu sous les yeux de la jeune femme qui venait de lui remettre avant, en fait, de ressortir la vraie pellicule de sa manche et de la remettre à la personne qui lui avait demandée. Et hop, un volontaire de plus pour le Docteur Styles... A côté de ce petit travail qu'elle vient de se trouver, Samantha fera tout pour percer dans le monde de la magie en cherchant à se produire dans le club londonien qui, dans le jeu, fait office de référence en la matière : le Daedalus. Pour cela, il faudra accomplir quelques tours puisés dans le livre de magie que Samantha transporte partout et réussir des épreuves dans Oxford comme découvrir des objets ou résoudre des énigmes. Précisons d'ailleurs que la résolution de ce genre d'énigmes secondaires permettra de terminer le jeu à 100% et fera gagner des Succès sur Xbox360.

A côté de la partie s'articulant autour de Samantha qui nous a semblée assez terre à terre (pour du Jane Jensen, s'entend...), ce qui concernera le Docteur Styles s'annonce comme infiniment plus ésotérique. Alerté par sa gouvernante de la présence d'une silhouette de jeune femme qui rôde autour du manoir, il ne pourra pas s'empêcher de faire le rapprochement avec les visions de plus en plus fréquentes qu'il a de sa défunte épouse. Prêt à tout pour lever le voile sur ce mystère, mais aussi certainement parce que son amour pour sa femme n'a jamais faibli, il cherchera à revivre les meilleurs moments passés auprès d'elle. Pour cela, il lui suffira d'entrer en transe dans un caisson d'isolement un peu spécial. Mais, et c'est là que le joueur intervient, il lui faudra au préalable réunir les éléments propices à raviver ses souvenirs. Par exemple, il sera indispensable avant une séance portant sur un épisode spécifique, de trouver à la cave la bouteille de vin que le docteur avait partagée avec sa femme à ce moment-là. Une fois que tous les ingrédients seront rassemblés, le jeu lancera une vidéo qui dévoilera une partie du passé du Docteur Styles et donc de l'intrigue principale.

Suite à cette présentation, nous avons pu entrer en communication avec Jane Jensen. Grâce au miracle de la visioconférence, il ne nous a pas été utile de faire tourner les tables. La première question que nous lui avons posée tenait à connaître sa vision du jeu d'aventure en tant que genre en 2010. Elle nous a répondu : "Je n'ai jamais compris pourquoi ce genre avait commencé à péricliter. C'est comme si ont avait arrêté de publier des romans policiers. Aujourd'hui, il me semble que le jeu d'aventure revient sur le devant de la scène. Je pense que c'est lié à l'arrivée en masse de ce qu'on appelle les casual gamers car c'est un genre qui s'adresse à eux". Pour finir, sachez que, comme pour Gabriel Knight, elle ne rejette pas l'idée que Gray Matter soit le premier d'une série.