Pendant que Splinter Cell Double Agent se fait désirer, Sam Fisher tente une percée sur PSP. Une tentative hautement périlleuse dont l'agent ne sort pas indemne, probablement à cause du temps qu'il passe à se cogner contre les murs dans un jeu résolument obscur, au sens strict du terme.
Quelle idée a bien pu passer dans la tête des décideurs d'Ubisoft quand ils ont pris la décision d'adapter Splinter Cell sur PSP ? On se le demande. En théorie, Splinter Cell Essentials est une préquelle au prochain volet de la série. De fait, la trame ou plutôt sa narration se déroule effectivement juste avant les évènements qui seront racontés par Double Agent. Mais dans les faits, le jeu en lui-même porte bien son nom qui sonne comme un best of de la Compagnie Créole, car Essentials n'est en vérité qu'une adaptation hasardeuse d'un florilège de niveaux des anciens épisodes de la série. Ainsi, tout commence alors que Sam Fisher se rend sur la tombe de sa fille, tuée dans un accident de la route (accident à l'origine de sa supposée trahison, je le rappelle) et se fait arrêter pour avoir trahi la NSA. Chaque mission sera ensuite introduite par le discours d'agents dissertant sur l'impossible duplicité de Fisher, qui "blablabla en Colombie, je vais vous raconter ce qui s'est vraiment passé". Une astuce qui a bien du mal à ficeler une compilation bien peu cohérente. Notons cependant que sur les 12 missions (dont 3 bonus), toutes ne sont pas des repompes et sont plus orientées vers le futur Splinter Cell 4.
Contre toutes attentes, Essentials ne sacrifie rien du gameplay original. Tous les mouvements de Sam sont donc accessibles, saut écart, cochon pendu, attaques létales ou non etc. De même, l'ensemble des gadgets sont de la partie, qu'il s'agisse du câble optique, des caméras glues et autres shockers. Le système de crochetage de serrure ou la possibilité d'empoigner un ennemi pour s'en faire un bouclier humain sont également au rendez-vous. Une panoplie dont je ne ferai pas la liste exhaustive mais qui colle tout à fait à ce qu'on a pu pratiquer dans Splinter Cell 3. Quant aux missions, elles ont subi de légers ajustements, suffisant pour qu'un joueur n'ayant pas touché à Splinter Cell depuis un moment puisse ne pas s'y retrouver trop vite.
Le problème, c'est qu'en dépit du fait que Sam ait conservé tout ce qui fait son charme irrésistible, Essentials est à la limite de l'injouable. En premier lieu, l'I.A. est tout ce qu'il y a de plus déconcertante avec des gardes qui sont tout à fait capables de ne pas vous voir lorsque vous marchez sous leur nez, mais qui vous canarderont parfois dans le noir total à 50 mètres. Difficile d'anticiper leurs réactions dans ces conditions. Situations rendues encore plus complexes dans la mesure où l'on peine terriblement pour les voir, ce pour deux raisons. La première est la gestion aberrante de la caméra. En l'absence d'un second stick analogique, pour diriger la caméra il faut maintenir la touche Rond enfoncée et orienter la focale avec le stick, il devient alors impossible de se déplacer ou d'effectuer quelque action que ce soit en même temps. Un problème particulièrement handicapant dans un jeu comme Splinter Cell puisque se mouvoir sans pouvoir jeter un coup d'oeil, c'est risquer de tomber nez à nez avec un garde sans avoir rien vu venir. Et même en évinçant ce problème, la simple gestion de la caméra est en elle-même crispante.
La seconde raison qui rend la détection des ennemis difficile est la visibilité réduite. Même en ayant recours à la vision nocturne, Splinter Cell Essentials est sombre comme un four. Or, certaines missions vous verront être privé de cet ustensile. Si donc vous voyez un joueur les yeux plissés sur sa PSP, vous saurez qu'il est en train d'essayer de distinguer une fougère d'un garde, ou une texture d'une échelle pour savoir s'il peut monter ou s'il s'est perdu. Là encore, cet écueil est non seulement préjudiciable au gameplay, mais également hautement pénible. L'écran de la PSP ayant de plus tendance à renvoyer pas mal de reflets, c'est souvent votre propre tronche que vous verrez dans le jeu si vous ne trouvez pas un coin sombre pour jouer. Ceux qui ont connu le premier volet de la série Thief sur PC comprendront bien de quoi on parle.
Il s'agissait là de problèmes majeurs, mais d'autres se posent, auxquels on parvient à s'habituer. Des actions comme le crochetage de serrure ou le déminage sont ainsi devenues peu ergonomiques, de même que la gestion de votre vitesse de déplacement, en raison du manque d'amplitude et de sensibilité offert par le stick de la PSP. Faire tourner délicatement ce dernier pour ouvrir une porte ou désactiver une mine demande un doigté parfois décourageant. On s'y fait, mais pas sans mal. Enfin, en marge du jeu, il faudra composer avec des temps de chargements longs et fréquents, y compris pendant les missions qui se voient découpées en plusieurs sous-niveaux.
En définitive, que penser de tout ceci ? On ne condamnera pas le titre de façon ferme, Sam conserve tous ses mouvements et gadgets, ce qui n'est pas rien, de même les niveaux restent relativement bien construits même s'ils sont extrêmement linéaires, malheureusement, il faut souffrir pour en profiter, subir un paquet de choses pesantes et fatigantes, suffisamment pour que même en tant que fan de la série, on y réfléchisse à deux fois.
- Graphismes13/20
On y voit tellement peu qu'on a presque du mal à savoir si le jeu est beau ou pas. Le modèle de Sam est réussi, de même que son animation, pour le reste, le design se perd complètement dans l'obscurité et la vision nocturne transforme toutes les textures en bouillie de pixels.
- Jouabilité10/20
La prise en main est irritante au possible avec une caméra stupide qui rend les déplacements et les actions hasardeux. Dommage, car Fisher dispose d'une panoplie conséquente en la matière.
- Durée de vie12/20
12 missions solos qui n'opposent guère de résistance en raison de l'I.A embryonnaire, on n'en dira pas autant de la maniabilité qui sera responsable d'échecs stupides. Le multi est tout ce qu'il y a de plus anecdotique.
- Bande son14/20
Quelques notes de musique se font entendre lors de certaines scènes de jeu, mais on est loin de la B.O. signée Amon Tobin de Splinter Cell 3. Le doublage en V.F. est très correct cela dit.
- Scénario13/20
Plus un prétexte au flashback introduisant les anciennes missions, le scénario déçoit dans son rôle d'introduction à Double Agent.
En ayant su conserver quelques atouts, Sam Fisher évite la catastrophe totale mais Splinter Cell Essentials n'en reste pas moins un soft frustrant et usant à bien des égards. La contorsion des rétines nécessaire à la progression dans le noir, la caméra ahurissante ou le manque de précision du stick analogique seront des obstacles majeurs que tout un chacun n'aura pas envie de surmonter. On ne les en blâmera pas.